COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2019
lauB
N°2019/ 521
Rôle N° RG 18/14672 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDBB5
[N] [D]
C/
[Q] [S]
[D] [L]
[V] [A]
[I] [S] épouse [K]
[X] [S]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me ALLIGIER
Me PEDINIELLI
Me BADIE
Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 511 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 31 mai 2018, enregistré sous le numéro de pourvoi Z 17-16.673, qui a cassé et annulé l'arrêt n°644 rendu le 28 octobre 2015 par la chambre civile A de la Cour d'Appel de BASTIA, enregistré au répertoire général sous le n° 13/00843 R, sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d' AJACCIO du 5 septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/01201.
DEMANDEUR SUR SAISINE APRES RENVOI CASSATION
Monsieur [N] [D]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI- CLADA - MAROSELLI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant
DEFENDEURS SUR SAISINE APRES RENVOI CASSATION
Monsieur [Q] [S]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-François PEDINIELLI de la SELARL SELARL BOSCO, avocat au barreau de MARSEILLE
assisté par Me Antoine GIOVANNANGELI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant
Monsieur [D] [L]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-François PEDINIELLI de la SELARL SELARL BOSCO, avocat au barreau de MARSEILLE
assisté par Me Antoine GIOVANNANGELI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant
Madame [V] [A] veuve [S]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/012972 du 06/12/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Laetitia MARICOURT BALISONI, avocat au barreau d'AJACCIO
Madame [I] [S] épouse [K]
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Laetitia MARICOURT BALISONI, avocat au barreau d'AJACCIO
Madame [X] [S]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/012943 du 23/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Laetitia MARICOURT BALISONI, avocat au barreau d'AJACCIO
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Président, et Monsieur Luc BRIAND, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Laure BOURREL, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Priscilla BOSIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2019.
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [N] [D] est propriétaire sur la commune de [Localité 1], de la parcelle de terre cadastrée A [Cadastre 1]sur laquelle est édifiée une maison d'habitation.
Estimant que ce fonds est enclavé dans la mesure où il n'aurait pas d'accès à la voie publique, par exploits 15,16 et 17 novembre 2010, il a assigné les propriétaires des fonds susceptibles de désenclaver sa propriété, soit Madame [E] [B], Madame [R] [O], Madame [W] [B] épouse [Y], Monsieur[Q] [F], Monsieur [Q] [D], Monsieur [D] [L], Monsieur [S] [S] et Madame [M] [E].
Par jugement du 14 avril 2011, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a désigné Monsieur [T] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 30 décembre 2012.
Monsieur [N] [D] a sollicité au vu de ce rapport que sa parcelle A[Cadastre 1] soit désenclavée par la parcelle A [Cadastre 2], et subsidiairement, par les parcelles A [Cadastre 2] et A [Cadastre 2], qui appartiennent en indivision aux consorts [L] [S].
Ensuite du décès de [S] [S], Monsieur [N] [D] a appelé en la cause certains de ses ayants droit, Madame [V] [A] veuve [S], Madame [I] [S] épouse [K], Madame [X] [S].
Monsieur [Q] [S] est intervenu volontairement à la procédure.
Par jugement du 5 septembre 2013, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
-déclaré recevable l'intervention volontaire de Monsieur [Q] [S],
-déclaré recevable l'action en établissement d'une servitude de passage introduite par Monsieur [N] [D],
-dit que la parcelle cadastrée section A numéro [Cadastre 1] sur la commune [Localité 2] bénéficie d'un accès à la RN 69 par la parcelle [Cadastre 1], droit de passage établi conventionnellement par acte authentique en date du 22 août 1968,
-dit en conséquence que la parcelle cadastrée section A numéro [Cadastre 1] sur la commune [Localité 2] ne se trouve pas en état d'enclave,
-débouté par conséquent Monsieur [N] [D] de sa demande visant à établir une servitude de passage sur les parcelles cadastrées section A numéro [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2],
-condamné Monsieur [N] [D] à payer à Monsieur [D] [L] et à Monsieur [Q] [S] la somme globale de 1500 € au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer pour se défendre en justice,
-condamné Monsieur [N] [D] à supporter les dépens de l'instance dont les frais d'expertise judiciaire,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par arrêt du 28 octobre 2015, la cour d'appel de Bastia a :
vu les articles [Cadastre 1], [Cadastre 3]et [Cadastre 2] du Code civil,
-confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reçu Monsieur [S] en son intervention volontaire et dit que le rapport d'expertise était opposable aux parties en présence,
-réformé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action en établissement d'une servitude de passage introduite par Monsieur [D], en ce qu'il a dit que la parcelle [Cadastre 1] bénéficie d'un droit de passage conventionnel par acte authentique en date du 22 août 1968, en ce qu'il a dit que la parcelle A[Cadastre 1] ne se trouve pas enclavée,
-confirmé par substitution de motifs le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande principale visant à établir une servitude de passage sur les parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2],
-confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] et à Monsieur [S] la somme globale de 1500 € au titre des frais irréductibles exposés en première instance ainsi que les dépens de première instance,
y ajoutant,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné Monsieur [D] à enlever tout objet installé de son chef sur les parcelles [Cadastre 2] à [Cadastre 2] sous astreinte de 10 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision,
-condamné Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] et Monsieur [S] la somme globale de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irréductibles exposés en appel,
-condamné Monsieur [D] aux dépens d'appel.
La cour d'appel a estimé qu'il n'y avait pas de servitude conventionnelle créée par l'acte du 29 août 1968 puisque le passage devait s'effectuer sur la parcelle [Cadastre 1] appartenant au père de l'acquéreur, lequel n'était pas partie à l'acte, et qu'aucun autre acte de constitution de servitude n'a été formalisé, que la parcelle [Cadastre 1] avait été séparée du fonds qui appartenait au couple [E], lequel fonds constitué des parcelles A [Cadastre 4] à A[Cadastre 5]n'était pas enclavé, et que par application des dispositions de l'article [Cadastre 2] du Code civil, Monsieur [D] devait diriger d'abord sa demande vers les propriétaires de ces parcelles.
Par arrêt du 31 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a cassé l'arrêt du 28 octobre 2015, mais seulement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande tendant à établir une servitude de passage sur les parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 2], [Cadastre 2] et l'a condamné à enlever tout objet installé de son chef sur ces parcelles, a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a condamné Monsieur [L] et les consorts [S] aux dépens, et a condamné Monsieur [L] à payer à Monsieur [D] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du CPC.
La cour de céans a été saisie après cassation par déclaration du 10 septembre 2018.
Par conclusions du 12 avril 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur [N] [D] demande à la cour de :
« Vu les articles 682 et 683 du Code civil,
Vu le jugement avant-dire droit du tribunal de Grande instance d'Ajaccio en date du 14 avril 2011,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [T] déposé le 30 décembre 2011,
Vu le jugement dont appel du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 5 septembre 2013,
Vu l'arrêt de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia en date du 28 octobre 2015,
Vu l'arrêt de cassation et d'annulation partielle en date du 31 mai 2018,
Déclarer l'appel de Monsieur [N] [D] recevable et bien fondé en conséquence:
Constater le caractère définitif de la disposition du jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevable l'action en établissement d'une servitude de passage et déclaré le rapport d'expertise de Monsieur [T] opposable à l'ensemble des parties au procès.
Constater le caractère définitif de la disposition de l'arrêt du 20 octobre 2015 en ce qu'il a dit que la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 1] sise sur la commune [Localité 2] (propriété de l'appelant) se trouvaient en état d'enclave.
Réformant pour le surplus :
Homologuer ledit rapport.
Entendre la cour prendre la proposition 2 du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [T] et entendre dire que celui-ci sera homologué en ses termes et teneur.
Entendre dire et juger en conséquence que la parcelle A [Cadastre 2], fonds servant, supportera au bénéfice de la parcelle A [Cadastre 1], fonds dominant, une servitude de passage qui s'exercera selon les préconisations de l'expert.
Infiniment subsidiairement,
Entendre la cour prendre la proposition 1 du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [T], et entendre dire que celui-ci sera homologué en ses termes et teneur.
Entendre dire et juger en conséquence que les parcelles A [Cadastre 2] et A [Cadastre 2], fonds servant, supporteront au bénéfice de la parcelle A [Cadastre 1], fonds dominant, une servitude de passage qui s'exercera selon les préconisations de l'expert.
En tout état de cause,
Entendre fixer l'indemnité de passage au chiffrage de l'expert judiciaire.
Entendre dire que l'arrêt à intervenir sera publié à la conservation des hypothèques de Corse-du-Sud pour valoir titre de servitude, fonds servant la parcelle [Cadastre 2] des intimés (ou à défaut les parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2]), fonds dominant la parcelle cadastrée section A [Cadastre 1] de la commune [Localité 2].
Débouter Messieurs [Q] [S] et [D] [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en défense et/ou reconventionnelles, irrecevables et infondées.
Condamner in solidum Messieurs [Q] [S] et [D] [L] au paiement d'une somme de 50 000 € au bénéfice de Monsieur [N] [D] en application des articles 1240 et suivants du Code civil.
Les condamner in solidum au paiement d'une somme de 15 000 € en application de l'article 700 du CPC.
Les condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel. »
Par conclusions du 4 janvier 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] demandent à la cour de :
« Concernant les demandes de Monsieur [D]
Concernant l'objet du renvoi de cassation, constater que l'état d'enclave de la parcelle A n° [Cadastre 1] n'est pas la conséquence directe de la division de la parcelle A [Cadastre 1].
Dire n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article [Cadastre 2] alinéa 1 du Code civil, que de ce fait la servitude peut être fixée sur l'ensemble des parcelles voisines.
Dire et juger qu'il convient de fixer la servitude de passage en application des dispositions de l'article 682 et 683 du Code civil.
Constater que Monsieur [D] n'a pas mis en cause les propriétaires de l'ensemble des parcelles concernées et ne sollicite qu'un passage uniquement sur les parcelles de l'hoirie [L], à titre principal sur la parcelle A [Cadastre 2], et à titre subsidiaire sur les parcelles A [Cadastre 2] et [Cadastre 2].
Dire et juger que les passages de désenclavement sollicités par Monsieur [D] ne sont pas conformes aux dispositions des articles 682 et 683.
En conséquence, en l'absence de mise en cause par Monsieur [D] des propriétaires des autres parcelles susceptibles de recevoir le passage légal et de demandes formées à leur encontre, débouter Monsieur [D] purement et simplement de ses demandes de désenclavement à l'encontre de Monsieur [L] et de Monsieur [S].
À titre plus qu'infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où une servitude de passage serait consentie sur les parcelles des concluants :
Dire et juger que l'assiette de la servitude devra se situer à l'endroit le moins dommageable pour les concluants, soit au nord de la parcelle A [Cadastre 2], à la limite avec la parcelle A [Cadastre 1] appartenant à Monsieur [D].
Dire et juger que Monsieur [D] devra procéder à ses frais aux travaux de mise en 'uvre de la servitude, de clôture de ladite servitude et à son entretien.
Débouter Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Concernant les demandes reconventionnelles des concluants
Condamner Monsieur [D] à payer à Monsieur [S][Q] et Monsieur [D] [L] la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour la violation de leur propriété privée.
Condamner Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] et Monsieur [S] la somme de 50 000 € chacun en réparation du préjudice moral subi.
Condamner Monsieur [D] à payer à Monsieur [S][Q] et Monsieur [D] [L] la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Morelli Maurel & Associés. »
Par conclusions du 24 décembre 2018, qui sont tenues pour entièrement reprises, Madame [X] [S], Madame [I] [S] épouse [K] et Madame [V] [A] veuve [S] demandent à la cour de :
« Constater que l'ensemble des propriétaires indivis des parcelles section A n° [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 6] à [Localité 2] (Corse-du-Sud) n'ont pas été mis en cause.
Constater que Monsieur [D] n'a pas mis en cause les propriétaires de l'ensemble des parcelles concernées et ne sollicite qu'un passage uniquement sur les parcelles de l'hoirie [L], à titre principal sur la parcelle A [Cadastre 2] et à titre subsidiaire sur les parcelles A [Cadastre 2] et [Cadastre 2].
Déclarer irrecevable l'action de Monsieur [D].
Constater la mise hors de cause des concluantes par l'ensemble des parties.
Constater que Madame [V] [A] veuve [S], Madame [I] [S] épouse [K], Madame [X] [S] entendent renoncer à la succession de [Z] [L] leur arrière-grand-père.
Ordonner la mise hors de cause de Madame [V] [A] veuve [S], Madame [I] [S] [K], Madame [X] [S].
Condamner Monsieur [D] à payer au concluantes la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Badie Simon-Thibaud & Juston. »
L'instruction de l'affaire a été close le 21 mai 2019.
MOTIFS
Sur la mise hors de cause deMadame [X] [S], Madame [I] [S] épouse [K] et Madame [V] [A] veuve [S]
Madame [X] [S], Madame [I] [S] épouse [K] et Madame [V] [A] veuve [S] demandent être mise hors de cause pour avoir renoncé à la succession de [Z] [L], l'arrière-grand-père de [X] [S] et de [I] [S], et le grand-père de [S] [S] dont est veuve [V] [A].
Cependant, elles ne produisent pas l'acte de renonciation, mais seulement l'accusé de réception du dossier au service civil du Parquet d'Ajaccio. Ce document est insuffisant pour pouvoir retenir qu'elles ont renoncé à la succession de [Z] [L]. Il ne pourra donc être fait droit leur demande.
Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi
La Cour de renvoi après cassation partielle n'est saisie que des dispositions cassées au regard uniquement des dispositifs du jugement de première instance et de l'arrêt partiellement cassé.
En ce qui concerne la recevabilité, dans le dispositif du jugement du 5 septembre 2013, les premiers juges ont déclaré recevable l'action en établissement d'une servitude de passage introduite par Monsieur [N] [D].
Cependant, dans le dispositif de l'arrêt 20 octobre 2015 de la cour d'appel de Bastia, il est mentionné notamment :
« Réforme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action en établissement d'une servitude de passage introduite par Monsieur [D], en ce qu'il a dit que la parcelle [Cadastre 1] bénéficie d'un droit de passage conventionnel par acte authentique en date du 22 août 1968, en ce qu'il a dit que la parcelle A [Cadastre 1] ne se trouve pas enclavée. »
La cour d'appel de Bastia a donc infirmé le jugement qui lui était déféré sur la recevabilité, mais à défaut d'autre mention sur la recevabilité dans le dispositif, a omis de statuer.
En effet, la formule de style « Déboute les parties du surplus de leurs demande » n'est pas de nature à avoir pallié l'absence de réponse de la Cour sur la recevabilité ou l'irrecevabilité de l'action de Monsieur [V].
Dès lors, dans son arrêt du 31 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation en limitant la cassation de l'arrêt du 20 octobre 2015 de la cour d'appel de Bastia seulement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande tendant à établir une servitude de passage sur les parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 2], [Cadastre 2], a juste validé la réformation prononcée par la cour d'appel de Bastia en ce qui concernait la recevabilité.
En raison de ses trois dispositifs, il n'a pas été définitivement statué sur la recevabilité de l'action en désenclavement de Monsieur [N] [D], et la cour de renvoi est tenue de statuer sur la recevabilité de l'action de Monsieur [N] [D].
Sur l'absence à la procédure de certains indivisaires
Une action intentée contre un seul des indivisaires est recevable, mais la décision qui sera rendue sera inopposable aux indivisaires qui n'auront pas été appelés à l'instance.
Les consorts [S] font valoir que les parcelles cadastrées section A [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2] à [Localité 2], était la propriété de [Z] [L] qui a laissé pour lui succéder six enfants:
-[O] qui a laissé pour lui succéder [D] [L] qui est dans la cause,
-[B] épouse [S] qui a laissé pour lui succéder six enfants,
*[F]
*[L] [Z],
*[O],
*[K],
*[Q] qui est dans la cause,
*[S] qui a laissé pour lui succéder son épouse [V] [A] veuve [S], et ses deux filles [X] [S] et [I] [S] épouse [K], qui sont toutes trois dans la cause,
-[W] épouse [Z] qui a laissé pour lui succéder [G], [U] et [J],
-[A],
-[T],
-[Q].
Tous les indivisaires n'ayant pas été appelés à l'instance, la décision à intervenir sera inopposable aux indivisaires absents. Néanmoins, l'action de Monsieur [N] [D] n'est pas irrecevable du fait de l'absence de certains indivisaires.
Sur l'absence de mise en cause de tous les propriétaires des fonds voisins
L'action en désenclavement n'est recevable que si l'ensemble des propriétaires des fonds voisins sont attraits à la cause.
La parcelle cadastrée section A [Cadastre 1] qui appartient à Monsieur [N] [D] provient de la division de la parcelle anciennement A [Cadastre 1] partagée entre la parcelle A [Cadastre 1] et [Cadastre 1], la parcelle A [Cadastre 1] étant conservée par le vendeur, soit les consorts [E], d'après l'acte authentique du 22 août 1968.
La parcelle A [Cadastre 1] est contiguë au nord, à l'est et à l'ouest de la parcelle A [Cadastre 1].
L'acte du 22 août 1968 mentionne que l'accès à cette parcelle A [Cadastre 1] s'effectuera par la parcelle A[Cadastre 1]qui appartient au père de l'acquéreur, soit [Q] [D]. Cette parcelle qui se trouve plus au nord est contiguë à la parcelle A [Cadastre 1], mais pas à la parcelle A [Cadastre 1]. Pour accéder de la parcelle A [Cadastre 1]à la parcelle A [Cadastre 1], il faut donc traverser la parcelle A [Cadastre 1].
Il n'est pas discuté que du fait de cette vente, une servitude de passage a été consentie par les époux [E] sur leur parcelle A [Cadastre 1] pour accéder à la parcelle A [Cadastre 1].
Cependant,[Q] [D] n'est pas intervenu à l'acte du 22 août 1968, et aucune servitude conventionnelle n'a été postérieurement établie avec lui.
Ensuite du décès d'[Q] [D], Monsieur [N] [D] est devenu propriétaire indivis avec ses frères et sa mère de la parcelle cadastrée section A [Cadastre 1].
En ce qui concerne la parcelle cadastrée section A [Cadastre 1], d'après le service de la publicité foncière, cette parcelle appartient aux consorts [E] et entre autres à Madame [M] [E].
Mais Monsieur [N] [D] a fait édifier des gîtes sur cette parcelle A [Cadastre 1], et devant le premier juge ayant ordonné l'expertise et au cours des opérations expertales, il a déclaré être propriétaire de la dite parcelle. Néanmoins, Monsieur [N] [E] a assigné en première instance Madame [M] [E], et dans ses écritures, il ne demande le désenclavement que de la parcelle A [Cadastre 1].
Monsieur [N] [D] explique qu'en 1984, il a échangé une maisonnette avec les consorts [E] contre une petite parcelle de terrain de la parcelle A [Cadastre 1] sur laquelle il a fait édifier les gîtes, sans que cet accord ne soit officialisé au service de la publicité foncière ou au cadastre.
Devant la cour d'appel de céans, Monsieur [N] [D] ne justifie pas de cet échange, et la cour comme les autres parties, ne connaissent donc pas la nature des droits de Monsieur [N] [D] sur la parcelle A [Cadastre 1], les consorts [L] [S] concluant comme si Monsieur [N] [D] était propriétaire de l'entière parcelle A [Cadastre 1].
Le sud de la parcelle A [Cadastre 1] est contigu à la parcelle cadastrée aujourd'hui A [Cadastre 7], anciennement A [Cadastre 8], qui appartient aux consorts [L], héritiers de [P] [L] qu'il y a lieu de différencier des héritiers de [Z] [L], les consorts [L] [S]. La parcelle A [Cadastre 8] a été divisée en A [Cadastre 7] et A [Cadastre 9], qui sont toutes deux la propriété des ayants droits de [P] [L].
Monsieur [N] [D] a édifié sa maison sur la parcelle A [Cadastre 1], puis ensuite des gîtes sur la parcelle A [Cadastre 1], en utilisant un chemin partant de la route et traversant la parcelle anciennement A [Cadastre 8].
À l'occasion de la construction des gîtes, un long litige a opposé Monsieur [N] [D] et les ayants droits de [P] [L].
Par ordonnance de référé du 23 avril 1985, Monsieur [N] [D] a été autorisé à titre provisoire à passer sur la parcelle A [Cadastre 8] appartenant aux consorts [U] [L] afin de permettre la construction des gîtes sur la parcelle A [Cadastre 1], par le même chemin qui dessert son habilitation sur la parcelle A [Cadastre 1]à partir de la RN [Cadastre 10].
Mais par arrêt du 6 juin 2007, aux motifs que Monsieur [N] [D] était dépourvu de titre de servitude et qu'il n'était pas démontré l'état d'enclave de la parcelle A [Cadastre 1], la cour d'appel de Bastia a jugé que Monsieur [N] [D] ne pourrait plus à partir de la RN [Cadastre 10] se rendre sur la parcelle A [Cadastre 1] en passant par la parcelle A [Cadastre 8] passé un mois à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte de 50 € par jour.
La lecture de cet arrêt confirme qu'il ne s'agissait pas d'une action en désenclavement, mais que pour s'opposer à la demande des ayants droit de [P] [L] tendant à ce qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser ce chemin, en défense Monsieur [N] [D] avait revendiqué être titulaire d'une servitude de passage sur la parcelle A [Cadastre 8] par prescription acquisitive.
Dès lors que Monsieur [N] [D] a introduit une action en désenclavement, soit une demande de servitude légale, différente de l'instance l'ayant opposée aux ayants droits de [P] [L] où il avait invoqué une servitude conventionnelle par prescription acquisitive, il convenait que ceux-ci soient appelés en la cause comme propriétaire d'un des fonds voisins.
Or, dès l'introduction de la demande en novembre 2010, soit avant les conclusions contestées de Monsieur [T], expert, ceux-ci n'ont pas été attraits à la cause.
Monsieur [N] [D] ne fournit aucune explication sur les raisons de leur absence à la procédure.
De plus, Monsieur[Q] [S] et Monsieur [D] [L], propriétaires indivis des parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2], ajoutent que sur la parcelle cadastrée section A [Cadastre 11], qui est contiguë de la parcelle A [Cadastre 1] au nord-est de celle-ci, il existe une route privée qui part de la route et qui dessert la dite parcelle A [Cadastre 1].
L'existence de cette desserte de la parcelle A [Cadastre 1] à partir de la parcelle A [Cadastre 11] est confirmée par les photographies issues du site geoportail.gouv.fr qui sont produites par Monsieur [N] [D] lui-même.
Alors que les deux parcelles A [Cadastre 1] et [Cadastre 1] proviennent de la division du même fonds A [Cadastre 1], aucune explication n'est fournie sur cette desserte, et le propriétaire de la parcelle A [Cadastre 11], dont le nom n'est pas connu en l'absence d'investigation de l'expert sur cette parcelle A [Cadastre 11], n'a pas été non plus attrait à la cause.
Monsieur [N] [D] ne fait aucun commentaire dans ses écritures sur cette parcelle A [Cadastre 11] et sur l'existence de cette desserte, a priori privée, de la parcelle A [Cadastre 1].
En conséquence, à défaut d'avoir appelé à l'instance l'ensemble des propriétaires des fonds voisins, l'action de Monsieur [N] [D] sera déclarée irrecevable.
Sur les demandes de dommages et intérêts
1. Monsieur [Q] [D] dont l'action est déclarée irrecevable, ne peut prétendre que Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] auraient commis une faute qui lui aurait causé un préjudice. Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.
2. Monsieur [Q] [S] et [D] [L] sollicitent la somme de 10 000 € au motif que pendant des années Monsieur [N] [D] avait installé sur leur terrain sans autorisation les enseignes commerciales de son gîte. Ces panneaux ont été depuis enlevés.
Cette violation de leur propriété, établie par les photographies jointes au rapport d'expertise de Monsieur [T], expert, et par les différents procès-verbaux produits par les parties, sera indemnisée par l'allocation de la somme de 1000 €.
Ils demandent aussi la somme de 50 000 € chacun au titre de leur préjudice moral subi ensuite de l'instance pénale introduite à tort, de la campagne médiatique qui a été initiée à leur encontre, et des menaces d'action au pénal afin de faire pression sur eux en vue d'une vente à vil prix.
En effet, alors que n'avait été introduit ni une action en révision à l'encontre de l'arrêt du 28 octobre 2015, ni un pourvoi en cassation, par acte du 21 novembre 2016, Monsieur [N] [D] a fait assigner devant le tribunal correctionnel Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] pour faux et escroquerie commis le 9 décembre 2014 dans l'instance civile conduite devant la cour d'appel de Bastia, pour « fraude au jugement ». Renvoyés des fins de la poursuite par jugement correctionnel du 2 juin 2017, cette décision a été confirmée sur intérêts civils par arrêt correctionnel du 23 mai 2018.
Divers articles de journaux ont été publiés dans Corse-Matin et sur son site Internet du 20 novembre 2013, France 3 Corse ViaStella le 14 mai 2017, le premier article citant Maître Camille Romani, l'avocat de Monsieur [N] [D]. Les [S] sont présentés comme étant à l'origine de cet enclavement, et comme ayant rejeté les demandes amiables de rachat du terrain. Il est fait état du retentissement que cette situation a sur la communauté villageoise, le maire ayant été entendu par les journalistes, mais aussi de la procédure pénale engagée et de l'annonce qu'une plainte pour mise en danger de la vie d'autrui a été déposée.
Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] produisent aussi le courrier avec AR qu'ils ont envoyé au cabinet Romani daté du 15 février 2016 aux termes duquel le conseil de Monsieur [N] [D] les aurait menacés par un courrier envoyé à leur conseil d'une plainte au pénal contre la vente de la parcelle ou leur consentement à un droit de passage, et dans lequel, ils proposent néanmoins une servitude de passage en limite Nord de la parcelle A [Cadastre 2] de 2 m, les autres 2 m nécessaires étant pris sur la parcelle A [Cadastre 1] dont la famille [D] est propriétaire. Ce courrier n'a pas eu de suite.
Cette ambiance délétère, qui a mis à mal l'honnêteté de Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] à l'égard de leurs proches et connaissances, ont nécessairement eu un retentissement sur leur vie et leur a causé un préjudice moral bien plus important que celui habituellement subi à l'occasion d'une instance judiciaire, préjudice qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 7 000 €, soit 3500 € chacun.
Sur les autres demandes
L'équité commande de faire bénéficier Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] d'une part, Madame [X] [S], Madame [I] [S] épouse [K] et Madame [V] [A] veuve [S] d'autre part, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [N] [D] qui succombe, sera condamné aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'expertises et les dépens de l'arrêt cassé, et sera débouté de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Vu le jugement du 5 septembre 2013 du tribunal de grande instance d'Ajaccio,
Vu l'arrêt du 28 octobre 2015 de la cour d'appel de Bastia,
Vu l'arrêt du 31 mai 2018 de cassation partielle de la troisième chambre civile de la Cour de cassation,
Déboute Madame [X] [S], Madame [I] [S] épouse [K] et Madame [V] [A] veuve [S] de leur demande à être mises hors de cause,
Déclare irrecevable l'action en désenclavement de Monsieur [N] [D] pour absence à la procédure de l'ensemble des propriétaires des fonds voisins de la parcelle cadastrée section A [Cadastre 1] à [Localité 2] (Corse-du-Sud),
Condamne Monsieur [N] [D] à payer à Monsieur[Q] [S] et Monsieur [D] [L] la somme totale de 8 000 € à titre de dommages et intérêts, soit 1000 € au titre de l'atteinte à leur propriété, et la somme de 7000 €, soit (3500 € x 2) au titre de leur préjudice moral,
Condamne Monsieur [N] [D] à payer à Monsieur [Q] [S] et Monsieur [D] [L] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée de ce chef par le jugement du 5 septembre 2013 du tribunal de grande instance d'Ajaccio,
Condamne Monsieur [N] [D] à payer à Madame [X] [S], Madame [I] [S] épouse [K] et Madame [V] [A] veuve [S] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [N] [D] aux entiers dépens, y compris les frais de l'expertise judiciaire et les dépens de l'arrêt cassé, ceux d'appel pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT