La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2019 | FRANCE | N°18/10507

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 05 juillet 2019, 18/10507


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2019



N° 2019/576













Rôle N° RG 18/10507 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCU3F





[L] [J]





C/



SAS SPT MARITIME ET INDUSTRIEL































Copie exécutoire délivrée

le : 05 Juillet 2019

à :

Me Julie ANDREU

Me Christine BERNARDOT










Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section I - en date du 23 Mai 2018, enregistré au répertoire général sous le n° 17/00064.







APPELANT



Monsieur [L] [J], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Julie ANDREU de la ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2019

N° 2019/576

Rôle N° RG 18/10507 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCU3F

[L] [J]

C/

SAS SPT MARITIME ET INDUSTRIEL

Copie exécutoire délivrée

le : 05 Juillet 2019

à :

Me Julie ANDREU

Me Christine BERNARDOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section I - en date du 23 Mai 2018, enregistré au répertoire général sous le n° 17/00064.

APPELANT

Monsieur [L] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE-ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Amélie BOUTIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS SPT MARITIME ET INDUSTRIEL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Christine BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Charlotte TASSY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Marina ALBERTI, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2019..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2019.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

la Société Phocéenne de Travaux (SPT) ayant comme dénomination HOLDING PHOCEENNE IMMOBILIERE (HPI), sise à [Localité 1], exerçait son activité dans le secteur de la marine, du bâtiment et de l'industrie et intervenait entre autres sur les chantiers navals, en réalisant des travaux concernant la métallerie, la chaudronnerie et la menuiserie.

Cette société a été dissoute et son activité reprise par la société SPTMI (SPT Maritime et Industriel) dans le cadre d'un plan de cession judiciaire à compter du 17 novembre 1993, date d'immatriculation de cette entreprise.

L'activité de cette dernière société s'exerce également dans ces trois secteurs, à savoir le bâtiment, l'industrie et la marine offshore, avec notamment la rénovation de navires et le désamiantage.

Ces deux sociétés ont été inscrites sur l'arrêté du 7 juillet 2000 fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA (allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante).

Monsieur [L] [J] a été employé par la société SPTMI du 3 août 1998 au 30 septembre 2008 en qualité de calorifugeur.

Le 10 janvier 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 1] à l'encontre de la SPT et de la SPTMI, aux fins d'indemnisation de son préjudice d'anxiété relativement à son exposition aux poussières d'amiante.

Par jugement de départage en date du 23 mai 2018, cette juridiction, par décision réputée contradictoire, a :

- rejeté l'exception de prescription,

- mis hors de cause la société SPT,

sur le fond,

- débouté Monsieur [L] [J] de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [L] [J] aux dépens.

Monsieur [L] [J] a interjeté appel de cette décision le 22 juin 2018.

Vu les conclusions écrites de Monsieur [L] [J] en date du 20 septembre 2018,

Vu les conclusions écrites de la SAS SPTMI en date du 18 décembre 2018,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 mai 2019.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures Monsieur [L] [J] conclut à l'infirmation du jugement déféré, à une exposition aux poussières d'amiante dans des conditions constitutives d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de son employeur, à un préjudice d'anxiété caractérisé, réclamant à ce titre la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, outre 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions la société SPTMI sollicite la confirmation de la décision critiquée en toutes ses dispositions, faisant valoir qu'elle n'a pas failli à son obligation de sécurité de résultat en l'absence de tout risque de contamination possible, compte tenu des procédures et protections mises en place. Elle conclut au rejet de toutes les demandes et subsidiairement à une réparation qui ne saurait être supérieure à 100 euros , le risque de contamination étant hypothétique voire inexistant.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer au jugement critiqué et aux écritures sus visées.

MOTIFS

Sur la demande au titre du préjudice d'anxiété

Le salarié qui a travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel et qui, pendant la période visée par l'arrêté, a occupé un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ou ACAATA) peut être indemnisé par son employeur de son préjudice d'anxiété. Il peut être indemnisé même s'il n'a pas adhéré au dispositif ou s'il ne remplit pas les autres conditions d'ouverture du droit à la préretraite. Il se trouve en effet, du fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers propres à réactiver cette angoisse. Le salarié n'a pas à prouver son sentiment d'anxiété, le préjudice résultant de sa seule exposition au risque.

Par arrêté ministériel du 7 juillet 2000, la SPT ainsi que la SPTMI ont été inscrites sur la liste des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA pour une période allant de 1947 à 1950, puis par arrêté modificatif du 2 juin 2006, pour une période commençant en 1947 sans date limite.

Pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail l'ayant lié à la société SPTMI (entreprise listée), y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient à Monsieur [L] [J] d'établir (conditions cumulatives) qu'il a travaillé dans l'un des établissements ou sites de l'entreprise mentionnés ou visés par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 (établissement listé), pendant la période visée par cet article (période listée) et en y exerçant l'un des métiers mentionnés (métier listé), en tout cas au juge d'en faire le constat.

Selon le certificat de travail et le bulletin de salaire produits, Monsieur [L] [J] a été employé par la société SPTMI (site de La [Localité 2]) du 3 août 1998 au 30 septembre 2008 en qualité de calorifugeur.

Il est également communiqué aux débats une attestation de Monsieur [J] [O] décrivant que Monsieur [L] [J] a travaillé avec lui sur des chantiers extérieurs et à l'arsenal de [Localité 3] sans protection adéquate relative aux poussières d'amiante.

Enfin, Monsieur [J] a bénéficié du dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er octobre 2008.

Des éléments d'appréciation dont la cour dispose, il résulte que Monsieur [L] [J] dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SPTMI (entreprise listée), a effectivement travaillé, de août 1998 à septembre 2008, soit pendant la période listée (à compter de 1947), dans un établissement listé de l'entreprise (site de La [Localité 2]), en qualité de calorifugeur (métier listé).

L'inscription porte à la connaissance du salarié l'existence du risque et emporte ainsi une présomption de préjudice d'anxiété au titre des dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ainsi qu'une présomption de manquement de l'employeur que le salarié n'a pas à démontrer.

La SPTMI verse aux débats différents documents (certificats QUALIBAT, certificats de qualification probatoire AFNOR pour le confinement et retrait de l'amiante, notes de service , fiches de visites médicales d'aptitude, factures portant sur l'achat de matériel de protection, attestation de mise à disposition des matériels de sécurité...)qui ont été retenus par le premier juge pour considérer que l'obligation de sécurité de résultat a été respectée par l'employeur à compter de 1998 et rejeter les demandes de l'appelant.

Cependant, nonobstant ces certifications, il est constant que la société SPTMI est toujours actuellement inscrite au nombre des entreprises listées pour une période 'à compter de 1947", période au cours de laquelle Monsieur [L] [J] a été son salarié, en particulier dans l'établissement de la [Localité 2].

Les documents susvisés tendent à démontrer notamment que l'activité de l'entreprise était certifiée; que la réglementation y était appliquée sur les chantiers; que le personnel était formé, en matière de prévention et de sécurité, au risque lié à l'inhalation de poussières d'amiante; que les protections étaient à la disposition des salariés. Mais il demeure que ces documents, comme les suivis médicaux et les fiches de visite médicale d'aptitude, témoignent aussi de la réalité de l'existence du risque contre lequel l'employeur a mis en place, dès 1997, ces différentes mesures de protection, lesquelles sont insuffisantes à démontrer que tout risque lié aux poussières d'amiante a été évacué et ne peuvent exonérer l'employeur de sa responsabilité.

En dépit des mesures de précaution prises, il est insuffisamment établi par la société SPTMI, au vu des documents qu'elle produit, que dans le cadre de l'exercice d'un métier listé alors qu'il était affecté à un établissement listé d'une entreprise listée pendant la période listée, Monsieur [L] [J] n'aurait pas été exposé à l'amiante pendant l'exécution du contrat de travail, ou aurait été totalement protégé des conséquences de la présence d'amiante en matière de santé, et ne saurait donc souffrir d'un préjudice d'anxiété né de la connaissance des dispositions de l'arrêté du 2 juin 2006 en vigueur.

Enfin, le fait que certains jugements de première instance, concernant d'autres parties, aient retenu, au vu de ces mêmes documents, le respect par la société SPTMI de son obligation de sécurité de résultat pour une période allant au-delà de 1998, sans que ceux-ci aient donné lieu à contestation, est indifférent à l'espèce.

En conséquence, alors qu'aucune cause d'exonération de responsabilité de la société SPTMI n'est établie, Monsieur [L] [J] se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré, et dire que la société SPTMI est responsable du préjudice d'anxiété subi par Monsieur [L] [J].

L'anxiété née de la connaissance de son éligibilité, dans les conditions susvisées, à l'allocation de cessation anticipée d'activité n'est pas nécessairement proportionnée à la durée d'exposition ou à l'exercice d'une fonction listée plutôt qu'une autre.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, au regard des éléments d'appréciation dont la cour dispose, il convient d'infirmer le jugement déféré, et dire que le préjudice d'anxiété de Monsieur [L] [J] sera réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles et les dépens

Il est équitable de condamner la société SPTMI à verser à Monsieur [L] [J] la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Il convient de condamner également la société SPTMI partie succombante aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société SPTMI est responsable du préjudice d'anxiété de Monsieur [L] [J],

Condamne la société SPTMI à payer à Monsieur [L] [J] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété, outre 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société SPTMI aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 18/10507
Date de la décision : 05/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-05;18.10507 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award