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04/07/2019 | FRANCE | N°18/02531

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 04 juillet 2019, 18/02531


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2019

bm

N° 2019/ 453













N° RG 18/02531 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6EW







[H] [Q]

[T] [Q]





C/



Syndicat des copropriétaires LE RIVIERA RIVIERA



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOC

IES



l'AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 27 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01258.





APPELANTS



Madame [H] [Q]

demeurant [Adresse 1]



représentée par l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2019

bm

N° 2019/ 453

N° RG 18/02531 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6EW

[H] [Q]

[T] [Q]

C/

Syndicat des copropriétaires LE RIVIERA RIVIERA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES

l'AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 27 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01258.

APPELANTS

Madame [H] [Q]

demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Eric GOIRAND de la SELARL MAUDUIT-LOPASSO-GOIRAND & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Patrick LOPASSO, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [T] [Q]

demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Eric GOIRAND de la SELARL MAUDUIT-LOPASSO-GOIRAND & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Patrick LOPASSO, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE RIVIERA, sis [Adresse 2], pris en la personne de son syndic en exercice, la société AGENCE CAPITAL IMMOBILIER CAPIMMO, exerçant sous le nom commercial CAPIMMO, Société à responsabilité limitée à associé unique ayant son siège social sis, [Adresse 3], prise elle-même en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Grégory PILLIARD de l'AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

Monsieur Luc BRIAND, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2019

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. [T] [Q] et Mme [H] [S], épouse [Q] sont respectivement nu-propriétaire et usufruitière d'une parcelle bâtie située [Adresse 4] cadastrée BV n° [Cadastre 1] qui confronte l'ensemble immobilier dénommé le Riviera situé [Adresse 2]. Invoquant des désordres causés par un pin parasol implanté sur le fonds [Q], le syndicat des copropriétaires a obtenu en référé le 17 février 2012 la désignation de l'expert [E] [R] qui a déposé son rapport le 15 mars 2014.

En lecture de ses conclusions, le syndicat des copropriétaires a fait assigner les consorts [Q] en abattage de l'arbre et paiement de dommages-intérêts sur le fondement du trouble anormal de voisinage devant le tribunal de grande instance de Toulon qui par jugement contradictoire du 27 novembre 2017 a :

' déclaré recevable l'action du syndicat représenté par son syndic en exercice la SARL Cap Immo;

' condamné in solidum [H] et [T] [Q] à abattre le pin parasol situé sur la parcelle cadastrée BV n° [Cadastre 1] sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de trois mois suivant la signification du jugement ;

' condamné in solidum les mêmes à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Riviera les sommes de :

*19'701 € TTC au titre de la coupe des racines sur le terrain de la copropriété, de la réparation des boursouflures et dégradations de l'enrobé de la cour intérieure, indexés sur la variation de l'indice BT 01 entre le 5 février 2015, date de l'assignation et la date du jugement, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement,

*1000 € TTC au titre de la réparation du mur indexés dans les mêmes termes avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement,

*2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné in solidum [H] et [T] [Q] aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Ces derniers ont régulièrement relevé appel de cette décision le 13 février 2018 et demandent à la cour selon conclusions signifiées par voie électronique le 9 octobre 2018 de:

' réformer le jugement déféré sauf en ce qu'il déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande indemnitaire pour trouble de jouissance ;

' débouter le syndicat de l'ensemble de ses demandes ;

' ordonner la mise en cause de la commune de [Localité 1] ;

' condamner le syndicat à payer aux consorts [Q] la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

' condamner le syndicat aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, [H] et [T] [Q] font valoir principalement que le mandat conféré au syndic ne portant que sur la réparation des dommages, la copropriété est sans qualité pour solliciter l'abattage de l'arbre litigieux ; au fond, ils soutiennent que le trouble anormal de voisinage fondant l'action n'est pas démontré pas plus qu'un péril actuel, qu'au regard du caractère historique de leurs bâtisse et jardin, le pin parasol dont s'agit bénéficie d'une protection particulière.

Le syndicat des copropriétaires sollicite en réplique selon conclusions signifiées par voie électronique le 10 juillet 2018 de :

' déclarer sa demande recevable ;

' dire que les consorts [Q] sont responsables des dommages causés par le pin dont ils sont propriétaires au visa de l'article 1242 nouveau du Code civil et de la théorie du trouble anormal de voisinage ;

' en conséquence les condamner in solidum dans les termes du jugement sauf à porter l' astreinte à 500 € par jour de retard ;

' condamner in solidum [H] et [T] [Q] à payer au syndicat la somme de 5000 € pour trouble de jouissance ;

' confirmer le jugement dans ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

' condamner in solidum les consorts [Q] aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' faire application de l'article 699 du même code.

L'intimé explique principalement que le mandat conféré au syndic par l'assemblée générale des copropriétaires l'autorise à solliciter l'abattage de l'arbre aux fins de mettre un terme aux désordres subis par la copropriété, que le trouble anormal de voisinage est établi par les constatations de l'expert sur la dégradation des enrobés du parking, d'un escalier et du mur mitoyen et que l'abattage de l'arbre est de nature à y mettre un terme, que les travaux de réfection à venir vont compromettre l'utilisation du parking et qu'enfin le pin litigieux ne fait l'objet d'aucune protection particulière.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 30 avril 2019.

MOTIFS de la DECISION

Sur la procédure :

Le syndic a été mandaté pour agir en justice selon résolution n° 11 de l'assemblée générale du 8 décembre 2014 adoptée à l'unanimité et libellée en ces termes : « l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier le Riviera donne mandat à son syndic en exercice, en application des dispositions de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, à l'effet d'agir en justice afin de voir réparer les dommages précités subis par la copropriété ainsi que leurs conséquences, notamment les dégradations du mur mitoyen avec le fonds [Q], celles affectant l'enrobé de sa cour intérieure et ceux stigmatisés par le rapport d'expertise judiciaire du 15 mars 2014, à l'encontre de Mme [H] [Q], de M. [T] [Q] et/ou de tous autres responsables desdits dommages et de leurs conséquences ».

Cette résolution doit nécessairement s'analyser au regard de la résolution précédente n°10 également adoptée à l'unanimité comportant le compte rendu exhaustif des conclusions de l'expert judiciaire préconisant notamment « l'abattage de ce pin parasol car la coupe des racines compromettrait la stabilité et la bonne tenue au vent du pin parasol et constituerait donc un danger ».

L'autorisation d'agir répond ainsi aux critères développés par la jurisprudence en ce qu'elle comporte un objet déterminé, la réparation de désordres précisément énumérés et vise des personnes nommément désignées, les intimés ; au regard de ce qui vient d'être dit, la réparation intègre nécessairement les mesures de nature à mettre un terme aux désordres et c'est avec pertinence que le premier juge a considéré que le mandat ne présentait aucune équivoque quant à son objet et son étendue.

Très curieusement, les consorts [Q] font grief au syndicat d'avoir adopté une seconde délibération lors de son assemblée générale du 1er décembre 2015 mentionnant expressément l'abattage du pin parasol alors que d'une part une régularisation ou une ratification sont toujours recevables avant que le juge saisi ne statue et que d'autre part il ne s'agit en l'espèce que de la réitération d'une volonté déjà exprimée par l'assemblée générale(cf délibération n° 12 du 1er décembre 2015).

La demande est dès lors recevable en la forme.

Au fond :

Si l'article 544 du code civil confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire, leur usage ne peut s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut. S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, aujourd'hui 1240, lui sont inapplicables.

Les conclusions de l'expert judiciaire fondées sur des constatations circonstanciées incluant plusieurs sondages établissent que les racines du pin parasol situé sur le fonds [Q] en limite divisoire se sont développées sur le fonds de la copropriété le Riviera et ont dégradé les enrobés du parking, ont fissuré la dalle du garage n°2, les marches de l'escalier et le trottoir extérieurs ainsi que le mur mitoyen ; l'expert explique qu'en vieillissant le système racinaire du pin parasol devient très traçant et que des racines puissantes s'étendent dans tous les sens occasionnant des dégâts sur les ouvrages situés en proximité.

C'est donc par un abus de langage que les consorts [Q] concluent à un défaut d'entretien des parties communes alors que l'enrobé est soulevé d'environ 5 centimètres au droit du seuil des garages, que le mur mitoyen est fissuré en largeur et sur toute sa hauteur et que les dégradations se sont même étendues jusqu'à la chaussée de la rue Garaud, voie publique.

L'expert conclut que seul l'abattage de l'arbre peut mettre fin à ces désordres car une intervention limitée à la coupe de ses racines aurait pour conséquence immédiate de fragiliser sa stabilité et sa bonne tenue au vent qui n'est pas une hypothèse d'école dans une région où le mistral souffle régulièrement en fortes rafales. C'est donc par une analyse exacte de ces éléments que le premier juge a considéré que les désordres mis en exergue compromettant l'habitation et l'utilisation des parkings excédaient les inconvénients normaux du voisinage et a ordonné l'abattage du pin parasol sous astreinte. Son montant doit être majoré pour prévenir les atermoiements des intimés qui n'opposent aucun document technique pouvant contredire les conclusions de l'expert ; ils ne justifient pas plus d'une protection environnementale particulière de l'arbre, ce qui rend sans objet leur demande de mise en cause de la commune de [Localité 1], étant observé qu'ils pouvaient eux-mêmes y procéder en temps utile, la cour n'ayant pas à parfaire le dossier probatoire d'une partie qui a seule le choix de ses initiatives procédurales.

Les demandes indemnitaires qui sont la réplique exacte de l'évaluation du coût des travaux de réfection préconisés par l'expert ne font l'objet d'aucune critique ni dans leur principe ni dans leur montant ; les condamnations prononcées à ce titre par le tribunal méritent dès lors confirmation.

Doit y être ajoutée l'indemnisation du trouble de jouissance, écarté à tort, car il est certain que des travaux de 15 jours sur le parking de la copropriété vont nécessairement en compromettre sinon en interdire l'utilisation et l'accès aux garages. Les consorts [Q] sont ainsi condamnés au paiement d'une somme complémentaire de 4000 € à ce titre.

***

Le rejet de leur recours rend sans objet leur demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il justifie par ailleurs l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la copropriété contrainte d'exposer de nouveaux frais de conseil et de représentation pour faire valoir ses demandes.

Les consorts [Q] sont condamnés en fin aux dépens en application de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement déféré en ce qu'il déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Riviera de sa demande indemnitaire pour trouble de jouissance et réformant de ce seul chef :

Condamne in solidum Mme [H] [Q] et M. [T] [Q] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Riviera la somme complémentaire de 4000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance ;

Ajoutant au jugement :

Fixe l'astreinte assortissant l'abattage du pin parasol à la somme de 300 € par jour de retard et y condamne en tant que de besoin in solidum Mme [H] [Q] et M. [T] [Q] ;

Condamne in solidum les mêmes à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Riviera la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel;

Les condamne aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du même code.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 18/02531
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°18/02531 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;18.02531 ?
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