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04/07/2019 | FRANCE | N°17/20180

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 04 juillet 2019, 17/20180


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2019



N° 2019/307







N° RG 17/20180 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBOMN







SA G.M.F





C/



Etablissement Public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATION





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI



Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05749.





APPELANTE



SA G.M.F, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SC...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2019

N° 2019/307

N° RG 17/20180 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBOMN

SA G.M.F

C/

Etablissement Public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI

Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05749.

APPELANTE

SA G.M.F, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Audrey OLLIVRY LECA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Etablissement Public CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATION gestionnaire et représentant légal de la caisse nationale de retraite des agents et collectivités locales (CNRACL)., demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE de la SCP CICCOLINI PORTEU DE LA MORANDIERE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Marie-Brigitte FREMONT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente rapporteur

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2019,

Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [I] [M] est décédé le [Date décès 1] 1998 dans un accident de la circulation à l'âge de 52 ans.

La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a versé une rente d'invalidité à sa veuve au titre du préjudice de carrière de M. [M], employé auprès de la commune de [Localité 1].

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 novembre 2000, la Caisse des Dépôts et Consignations a notifié sa créance à la GMF, assureur du responsable de l'accident, qui, par courrier en date du 5 mai 2009, lui a proposé de lui verser la somme de 107.735,57 euros.

Par courrier en date du 18 mai 2009, la Caisse des Dépôts et Consignations a répondu à la GMF que le montant de son indemnisation au titre de la rente d'invalidité est de 273.047,54 euros.

Par courrier en date du 21 mai 2012, la GMF a demandé à la Caisse des Dépôts et Consignations de lui adresser un décompte actualisé et la Caisse des Dépôts et Consignations a répondu à cette demande par courrier en date du 17 juillet 2012.

Après divers échanges de courriers, la GMF a indiqué le 22 juillet 2014 à la Caisse des Dépôts et Consignations que sa demande d'indemnisation était prescrite.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 décembre 2014, la Caisse des Dépôts et Consignations a mis en demeure la GMF de lui régler la somme de 107.735,57 euros

mais la GMF est restée sur sa position.

Par acte d'huissier en date du 23 septembre 2015, la Caisse des Dépôts et Consignations a fait citer devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la GMF aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 107.735,57 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2014, qu'elle a ensuite actualisée à la somme de 542 787,70 euros.

Par jugement du 14 septembre 2017, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

CONSTATÉ que la GMF n'a pas rempli ses obligations légales vis-à-vis de la Caisse des Dépôts

et Consignations ;

DIT qu'aucune prescription ne peut être opposée à la Caisse des Dépôts et Consignations ;

CONDAMNÉ la GMF à verser à la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 542.787,70 euros ;

CONDAMNÉ la GMF à verser à la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile ;

ORDONNÉ l'exécution provisoire du présent jugement ;

CONDAMNÉ la GMF aux dépens distraits au profit de la SCP Ciccolini et Porteu de La Morandière, Avocats.

La GMF a relevé appel de cette décision le 8 novembre 2017.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 mai 2018 elle demande à la cour de :

Vu l'article 2277 et subsidiairement 2270-1 du code civil

Vu les articles 2240 et suivants du code civil,

Réformer le jugement dont appel,

Constater que la société GMF s'est toujours prévalue de la prescription et non de la déchéance des droits du tiers payeur.

Dire et juger que la société GMF n'a commis aucune faute vis-à-vis du tiers payeur.

Vu la prescription quinquennale, et subsidiairement décennale de l'action de la CDC

Dire et juger prescrites les demandes de la CDC.

Dire et juger que la Société GMF n'a pas procédé à une reconnaissance de la créance de la CDC et n'a pas non plus renoncé à invoquer la prescription.

Débouter la CDC de ses demandes fins et conclusions

Subsidiairement,

Dire et juger prescrites les demandes de la CDC pour la période antérieure au 20 mai 2007 du chef des sommes versées.

Surseoir à statuer,

La renvoyer à présenter un recours conforme,

En tout état de cause, déduire la créance de la Société DEXIA à hauteur de 21.369,62 € représentant le capital décès

Condamner la CDC au paiement d'une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC

La condamner aux dépens.

La GMF, qui déclare avoir indemnisé le préjudice d'affection des ayants-droits de M. [M], suite à un jugement rendu le 20 juillet 1998, soutient que le tribunal a confondu la prescription qu'elle avait soulevée et la déchéance et que l'action subrogatoire de la CDC a commencé à se prescrire à compter du paiement subrogatoire qui a débuté le 29 novembre 2000, de sorte que la prescription quinquennale ou même décennale est acquise.

Subsidiairement elle invoque la prescription de la demande pour les rentes antérieures au 20 mai 2007.

Dans ses dernières conclusions en date du 16 avril 2018 la Caisse des dépôts et Consignation demande à la cour de :

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

A titre principal :

Constater que la GMF n'a rempli aucune de ses obligations légales vis-à-vis des tiers payeurs,

Constater en conséquence qu'aucune prescription n'est applicable,

Condamner la GMF à payer à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS les sommes suivantes :

- 56.703,91 euros au titre de la pension anticipée de réversion de Mme [M],

- 5.634,69 euros au titre de la majoration pour enfants,

- 480.449,10 euros au titre de la rente d'invalidité.

Condamner la GMF à payer à la CDC la somme de 10.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la GMF aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP CICCOLINI -PORTEU DE LA MORANDIERE.

Ordonner l'exécution provisoire du jugement (sic) à intervenir, nonobstant appel et sans caution.

Atitre subsidiaire :

Constater que la GMF n'a pas rempli ses obligations légales,

Constater que la GMF a volontairement, par ses man'uvres, tenté de ne pas respecter ses obligations,

Constater que la GMF a manifestement fraudé aux droits des tiers payeurs,

En conséquence, dire et juger que la GMF a commis plusieurs fautes et ainsi engagé sa responsabilité vis-à-vis de la CDC,

Dire et juger que ces fautes ont causé un préjudice à la CDC,

Condamner la GMF à indemniser la CDC de l'ensemble de ses préjudices en lui versant la somme de 542.787,70 euros,

Condamner la GMF à payer à la CDC la somme de 10.000 C, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condanmer la GMF aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP CICCOLINI &PORTEU DE LA MORANDIERE.

Ordonner l'exécution provisoire du jugement (sic) à intervenir, nonobstant appel et sans caution.

A titre subsidiaire :

Condamner la GMF à payer à la CDC la somme de 107 735,57 €, correspondant à la créance de la CDC, subrogée dans les droits de la victime, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2014.

Condamner la GMF à payer à la CDC la somme de 10.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condanmer la GMF aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP CICCOLINI &PORTEU DE LA MORANDIERE.

Ordonner l'exécution provisoire du jugement (sic) à intervenir, nonobstant appel et sans caution.

En toute hyppothèse, sur la créance Dexia :

Constater que la GMF invoque pour la première fois l'existence d'une créance susceptible de réduire le montant de la créance de la CDC,

Constater de surcroît que la GMF n'en justifie pas valablement,

Débouter la GMF de toutes ses demandes à ce titre.

Elle rappelle que :

- La GMF n'a rempli aucune de ses obligations légales vis-à-vis du tiers payeur,

- La GMF ne justifie pas avoir adressé une demande de déclaration de créance au tiers payeur,

- La GMF ne justifie pas avoir attrait à la procédure de 1998, dont elle se prévaut, le tiers payeur,

- La GMF ne justifie pas avoir invité le tiers payeur à participer à un protocole transactionnel, ou que celui-ci lui a été notifié,

- La GMF ne peut se prévaloir de sa propre turpitude en invoquant une situation juridique qu'elle a artificiellement créée,

- Le tiers payeur est parfaitement bien fondé à obtenir de la compagnie d'assurance le remboursement de l'ensemble des prestations versées.

Elle soutient donc qu'aucun délai de prescription ne court à l'encontre des tiers payeurs sans que les notifications susvisées ne soient réalisées.

La procédure a été clôturée le 2 mai 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de la créance de la Caisse des Dépôts et Consignations

La GMF affirme que les ayants droit de M. [M] auraient été indemnisés par un jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 20 juillet 1998.

Cependant ce jugement n'a jamais été produit aux débats et la GMF est dans l'incapacité de justifier qu'il a été signifié aux tiers payeurs.

Or, s'agissant d'un accident de la circulation, la prescription décennale édictée par la loi du 5 juillet 1985 et l'article 2226 du code civil est applicable aux tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime.

Aux termes de l'article L.211-11 du code des assurances, l'assureur ayant été informé par la victime de l'existence des tiers payeurs, doit inviter ceux-ci à produire leurs créances lesquels disposent d'un délai de quatre mois à compter de la demande, sous peine de déchéance de leurs droits, tant à l'égard de l'assureur que de l'auteur du dommage. L'assureur ne peut invoquer l'ignorance de l'existence des organismes versant des prestations de sécurité sociale.

Le point de départ du délai imparti au tiers payeur pour produire sa créance auprès de l'assureur ne peut être que la date à laquelle il a reçu la demande.

Et, comme l'a relevé le premier juge, la déchéance des droits des tiers payeurs à l'encontre de l'assureur de l'auteur du dommage ne leur est opposable que dans la mesure où les conditions et délais de la procédure d'indemnisation organisée par les articles L.211-9 et suivants du code des assurances ont été respectées par l'assureur. Et en l'espèce la GMF n'établit nullement qu'elle a avisé la Caisse des Dépôts et Consignations d'une indemnisation de la victime.

Dès lors la GMF ne saurait opposer une quelconque prescription à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Sur les montants dus

La Caisse des Dépôts et Consignations, subrogée dans les droits de la victime, justifie du montant de sa créance à hauteur de 542.787,70 euros se décomposant comme suit :

- 56.703,91 euros au titre de la pension anticipée de réversion de Mme [M],

- 5.634,69 euros au titre de la majoration pour enfants,

- 480.449,10 euros au titre de la rente d'invalidité.

La GMF soutient que l'action en paiement des rentes versées antérieurement au 20 mai 2007 serait prescrite en application de l'article 2277 du code civil et la Caisse des Dépôts et Consignations réplique que dans tous les courriers échangés, la GMF a reconnu le principe de son obligation.

Si l'action en paiement des arrérages de rentes se prescrit par cinq ans, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

La GMF a reconnu son obligation par courriers du 5 mai 2009 par lequel elle propose d'adresser le réglement de l'indemnisation et du 21 mai 2012 par lequel elle sollicite le montant de la créance actualisée pour faire une proposition de règlement, faisant courir un nouveau délai de prescription de cinq années qui a été interrompu par l'assignation du 23 septembre 2015.

La société d'assurance mutuelle GMF sera donc condamnée à payer la somme de 542.787,70 euros à la Caisse des Dépôts et Consignations.

La GMF demande que soit déduite la créance de la société Dexia, qui aurait versé en 1999 à la veuve un capital décès de 140 175,60 francs, soit 21 369,54 euros, au motif que le jugement a violé le principe du recours poste par poste en accordant une somme qui dépasse l'assiette du recours.

La Caisse des Dépôts et Consignations réplique qu'il est fait état de cette créance pour la première fois et qu'elle n'est pas justifiée.

En tout état de cause, il appartenait à la Société GMF d'inviter tous les tiers payeurs à produire le montant de leurs débours, ou de mettre en cause la société Dexia dans la procédure pour permettre aux juges de procéder au calcul des indemnités dues à la suite de l'accident de la circulation du [Date décès 1] 1998 et de procéder à la répartition poste par poste, en tenant compte de la supposée créance de la société Dexia, ce qu'elle s'est abstenue de faire durant 21 ans, au mépris des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

Sa carence fautive ne permet pas de faire droit à sa demande.

Sur les autres demandes

Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la la Caisse des Dépôts et Consignations.

La demande d'exécution provisoire est sans objet, puisque la présente décision est exécutoire de droit.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement,

Et y ajoutant,

Dit que les demandes en paiement pour la période antérieure au 20 mai 2007 ne sont pas prescrites ;

Rejette la demande en déduction de la créance de la société Dexia ;

Condamne la société d'assurance mutuelle GMF à payer à la la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société d'assurance mutuelle GMF aux entiers dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de SCP Ciccolini et Porteu de La Morandière.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 17/20180
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°17/20180 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;17.20180 ?
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