COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3 (anciennement dénommée 3ème Chambre A)
ARRÊT AU FOND
DU 20 JUIN 2019
N° 2019/284
N° RG 18/00768 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BBY47
SARL SOCIETE D'EXPLOITATION HOTELIERE PARIS LA COURNEUV E (SEHPLC)
C/
SARL FONCIERE EUROPE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Carole MAROCHI
Me Maxime VAN ROLLEGHEM
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05038.
APPELANTE
SARL SOCIETE D'EXPLOITATION HOTELIERE PARIS LA COURNEUVE (SEHPLC), demeurant [...]
représentée par Me Carole MAROCHI de la SELARL MAROCHI-YEPREMIAN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Christophe EDON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SARL FONCIERE EUROPE, demeurant [...]
représentée et plaidant par Me Maxime VAN ROLLEGHEM, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Marie-Brigitte FREMONT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente rapporteur
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Mme Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SARL Foncière Europe, qui a une activité de marchand de biens, a vendu, par acte notarié reçu le 5 juin 2013, à la SARL Société d'Exploitation Hôtelière Paris La Courneuve (SEHPLC) un bien immobilier situé à [...], cadastré section [...], constitué d'une villa à usage d'habitation, élevée de deux étages sur rez-de-jardin, jardin attenant, garage et piscine, moyennant un prix de 1 760 000 €.
lnvoquant l'apparition d'infiltrations affectant le premier étage, la SARL SEHPLC a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse, par acte d'huissier en date du 31 janvier 2014.
Selon ordonnance en date du 23 juin 2014, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise judiciaire et l'a confiée à M. Z... A....
M. A... a déposé son rapport d'expertise le 13 juillet 2015.
La SARL SEHPLC a saisi le tribunal de grande instance de Grasse pour solliciter la condamnation de la SARL Foncière Europe à lui payer la somme de 87 479,28 € à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par jugement du 20 novembre 2017 le tribunal de grande instance de Grasse a :
Déclaré la société à responsabilité limitée Foncière Europe irrecevable à soulever une exception de nullité de l'assignation devant le juge du fond ;
Débouté la société à responsabilité limitée Foncière Europe de sa demande tendant à ce que l'ordonnance de référé et l'expertise judiciaire soient déclarées non-avenues ;
Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société à responsabilité limitée Foncière Europe ;
Déboute la société à responsabilité limitée Société d'Exploitation Hôtelière Paris La Courneuve (SEHPLC) de sa demande sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
Débouté la société à responsabilité limitée Foncière Europe de sa demande reconventionnelles en dommages et intérêts ;
Condamné la société à responsabilité limitée Société d'Exploitation Hôtelière Paris La Courneuve (SEHPLC) à payer à la société à responsabilité limitée Foncière Europe la somme de deux mille cinq cents euros (2500 €), au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société à responsabilité limitée Société d'Exploitation Hôtelière Paris La Courneuve (SEHPLC) aux dépens de la procédure, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
Rejeté tous autres chefs de demandes.
Le premier juge a retenu que la SARL SEHPLC a fait constater, par Maître U..., huissier de justice associé, le 22 juillet 2013, soit peu de temps après la vente, l'existence d'infiltrations affectant le premier étage de la maison, mais qu'une visite technique organisée le 20 décembre 2012, soit 5 mois avant l'acquisition de cette villa, avait permis à l'acquéreur, assisté d'un technicien du bâtiment Mr C... de l'entreprise AG31, à cette occasion, de se convaincre de la mise en 'uvre défaillante de l'étanchéité.
La SEHPLC a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 10 septembre 2018, elle demande à la cour de :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 novembre 2017 en ce qu'il a débouté la société SEHPLC de sa demande sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société SEHPLC à payer à la société FONCIERE EUROPE la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du CPC ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société SEHPLC aux entiers dépens de la procédure, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
- CONFIRMER le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
- REJETER l'exception de nullité des conclusions d'appel soulevée par la société FONCIERE EUROPE ;
- CONDAMNER la société FONCIERE EUROPE à verser à la société SEHPLC la somme de 70.369,36 € à titre de dommages et intérêts portant sur le coût des travaux de reprise du toit terrasse ;
- CONDAMNER la société FONCIERE EUROPE à verser à la société SEHPLC la somme de 7.108,64 € à titre de dommages et intérêts portant sur le coût des travaux de remise en état du premier étage;
- CONDAMNER la société FONCIERE EUROPE à verser à la société SEHPLC la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts portant sur le trouble de jouissance ;
- DEBOUTER la société FONCIERE EUROPE de l'ensemble de ses demandes ;
- CONDAMNER la société FONCIERE EUROPE à verser à la somme de 7.000,00 € en application de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER la société FONCIERE EUROPE aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire fixés à la somme de 3.207,30 €.
Elle déduit des constatations de l'expert judiciaire, qui relève dans son rapport que « les désordres se situent en faux plafond du dernier niveau sous la dalle terrasse formant toiture», la confirmation du caractère caché des vices dont l'acquéreur ne pouvait prendre connaissance lors de son acquisition. Elle affirme que la société SEHPLC n'a donc pas pu avoir connaissance de l'ampleur et des conséquences des défauts dans la mise en 'uvre de l'étanchéité relevés lors de la visite technique de décembre 2012, antérieure à la vente, puisque ceux-ci n'ont été pointés que dans le cadre d'une expertise judiciaire qui a permis de procéder à la dépose des différentes couches de revêtements et à des sondages.
Dans ses dernières conclusions en date du 13 juin 2018, la société Foncière Europe demande à la cour de :
Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Vu l'article 1642 du Code Civil,
Débouter la société SEHPLC de ses demandes, la société FONCIERE EUROPE n'étant pas tenue des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Condamner la société SEHPLC à 2.000 € de dommages intérêts pour procédure abusive, ainsi
qu'à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC
A titre subsidiaire,
Vu les principes « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » et « fraus omnia corrumpit »,
Dire et juger que la société SEHPLC ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude et de sa propre fraude en n'ayant pas fait état de ses constatations du 20 décembre 2012, préalablement à la vente, relatives aux défauts d'étanchéité du toit.
Dire et juger qu'elle a forcément inclus dans le prix qu'elle a offert le coût des travaux nécessaires pour y remédier, sauf à qualifier pénalement son attitude.
La débouter de l'intégralité de ses demandes.
Condamner la société SEHPLC à 2.000 € de dommages intérêts pour procédure abusive, ainsi
qu'à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC
A titre plus subsidiaire, débouter la société SEHPLC de sa demande pour préjudice de jouissance et ramener le montant des demandes à la somme de 72.479,28 €.
Elle conclut que l'appelante ne peut qu'être déboutée de ces demandes puisqu'elle était parfaitement au courant des désordres et qu'elle a forcément offert un prix tenant compte du coût nécessaire pour y remédier. Elle ajoute que le gérant de la société appelante, et son entreprise d'étanchéité, présente aux opérations d'expertise, ont reconnu avoir eu accès au toit 5 mois avant l'acquisition de la villa et avoir constaté que les fixations et les gaines des climatiseurs, installés sur le toit, perçaient l'étanchéité, de même que l'absence de relevé de barrière étanche sur les poutres béton transversales. Elle sollicite donc le débouté des demandes au regard des dispositions de l'article 1642 du code civil, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
La procédure a été clôturée le 3 avril 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les désordres
L'expert a relevé dans son rapport l'existence d'infiltrations dans le faux-plafond du dernier niveau sous la dalle terrasse formant la toiture.
Après examen de la toiture et la réalisation de trois sondages, il a constaté la présence d'eau sous l'étanchéité et a décrit sur l'ensemble de la toiture-terrasse de nombreuses malfaçons, non façons et non conformités aux DTU « étanchéité » des travaux réalisées en 2010 :
* La forme de pente requise de minimum 1,5% du support d'étanchéité n'a pas été réalisée
* La protection dure d'une épaisseur variable de 3 à 10 cm ne comporte aucun joint de fractionnement en des reliefs et émergences
* L'isolant n'est pas continu au niveau des poutres créant un pont thermique
* L'étanchéité des relevés n'est pas raccordée aux trop plein
* Les relevés de la terrasse accessibles ne sont pas protégés en dur et ne comportent pas de dispositif écartant les eaux de ruissellement en tête
* Les châssis d'accès toiture et éclairant posés sur des costières béton ne sont pas correctement étanchés en périphérie et sont fixés à l'aide de barre de seuil de portes intérieures
* Ces châssis équipés de bavette plomb sont prévus pour des toitures en tuiles et nécessitent une pente de 15° minimum (actuellement entre 6 et 8°)
* Les pénétrations des différentes gaines et câbles traversent directement la dalle et l'étanchéité sans fourreaux, ni platine, ni crosse.
Il en a conclu qu'« au vu du nombre important de malfaçons et non conformités aux DTU, c'est bien l'ensemble de l'étanchéité, de l'isolation et de la protection dure qui devra être repris en totalité ».
Sur le vice apparent
Il n'est pas contesté que la SEHPCL a fait effectuer ce qu'elle a dénommé dans son courriel du 13 décembre 2012 « une visite technique » du bien organisée le 20 décembre 2012 par M. C... de l'entreprise AG31, cinq mois avant la vente, qui a constaté des défauts dans la mise en 'uvre de l'étanchéité et notamment :
- Les fixations à travers l'étanchéité des unités de climatiseurs
- La pénétration des gaines et câbles à travers l'étanchéité
- Le manque d'étanchéité en relevés des poutres béton.
Nonobstant ces défauts d'étanchéité identifiés par un technicien du bâtiment, la SARL SEHPCL a souhaité acquérir le bien en l'état. Bien que l'expert ait fait procéder à plusieurs sondages pour déterminer toutes les malfaçons, il a pu se convaincre dès avant ces sondages, par un simple examen visuel, des défauts concernant la forme de pente de la terrasse, l'absence de protection des relevés de la terrasse accessibles et de dispositif écartant les eaux de ruissellement en tête, la mauvaise étanchéité en périphérie des châssis d'accès toiture et éclairant posés sur des costières béton, qui sont fixés à l'aide de barre de seuil de portes intérieures, affectant l'étanchéité, tant dans leur ampleur que leurs conséquences prévisibles.
La SARL SEHPCL avait donc bien connaissance de l'étanchéité défaillante, qu'elle ne peut aujourd'hui prétendre avoir ignorée, alors qu'elle avait pu s'en convaincre elle-même par l'étude technique réalisée par l'entreprise AG31. Elle n'est donc pas fondée à invoquée l'existence de vices cachés pour demander des dommages et intérêts et ses demandes seront rejetées.
Sur les demandes reconventionnelles
Le seul droit d'ester en justice et d'actionner les voies de recours offertes aux plaideurs ne pouvant constituer en lui-même un abus de droit, en l'absence de manoeuvres dolosives ou d'intention de nuire manifeste de la SARL SEHPCL, la demande en dommages et intérêts de la SARL Foncière Europe sera rejetée.
Sur les autres demandes
Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL Foncière Europe.
Les dépens resteront à la charge de la SARL SEHPCL.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la SARL Société d'Exploitation Hotelière Paris La Courneuve (SEHPCL) à payer à la SARL Foncière Europe la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Société d'Exploitation Hotelière Paris La Courneuve (SEHPCL) aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE