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20/06/2019 | FRANCE | N°17/00084

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 20 juin 2019, 17/00084


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019



N° 2019/248













N° RG 17/00084



N° Portalis DBVB-V-B7B-7ZUF







SAS CIFFREO BONA





C/



SARL TOUT EN STOCK





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Elie MUSACCHIA



Me Paul GUEDJ












>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de [Localité 1] en date du 19 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 201600334.





APPELANTE



SAS CIFFREO BONA, dont le siège social est [Adresse 1]



représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté par Me De...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019

N° 2019/248

N° RG 17/00084

N° Portalis DBVB-V-B7B-7ZUF

SAS CIFFREO BONA

C/

SARL TOUT EN STOCK

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Elie MUSACCHIA

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de [Localité 1] en date du 19 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 201600334.

APPELANTE

SAS CIFFREO BONA, dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté par Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SARL TOUT EN STOCK, dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Richard MUSCAT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN et par Me Lexane HATREL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Madame [C] [A] a été engagée le 15 décembre 2003 par la S.A.S. CIFFREO BONA, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 2 août 2006 avec son siège à [Adresse 1], en qualité de vendeur polyvalent (coefficient 170) au dépôt de SIX FOURS ; son contrat de travail a ensuite été modifié comme suit :

- le 1er mars 2005 Madame [A] a été promue à la fonction d'employée commerciale sédentaire (coefficient 195), et soumise à une obligation de non-concurrence rémunérée, pendant 12 mois et dans un rayon de 50 km autour du dépôt précité ;

- le 1er septembre 2010 le lieu de travail de la salariée, promue conseiller de vente salle-exposition (coefficient 210), a été fixé au dépôt de MONTAUROUX, à partir duquel s'exercera désormais l'obligation ci-dessus ;

- le 1er janvier 2011 Madame [A] a été promue au poste de chef de salle exposition (coefficient 250) avec une rémunération mensuelle brute de 1 600 euros 00, et la zone géographique de son obligation de non-concurrence a été étendue aux départements 06-83-13-04-84 ainsi qu'aux départements limitrophes.

Cette salariée a démissionné par lettre du 31 mars 2011 à effet au 30 avril, et le 1er avril la société COMEXIM lui a rappelé la clause de non-concurrence valable du 30 avril 2011 au 29 avril 2012 inclus.

Par lettre du 26 avril 2011 l'Avocat de Madame [A] a invoqué le caractère manifestement disproportionnée de cette clause de non-concurrence auprès de celui de la société CIFFREO BONA, qui a répondu le 9 mai entendre que son ex-salariée respecte cette clause.

Madame [A] a été embauchée à compter du 2 mai 2011 en qualité de conseillère d'achats et de ventes qualifiée, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 655 euros 22 et sans clause de non-concurrence, par la S.A.R.L. TOUT EN STOCK immatriculée le 12 janvier 2004 avec son siège à [Localité 1] et comme enseigne .

Le 24 octobre 2011 la société CIFFREO BONA a fait assigner la société TOUT EN STOCK devant le Tribunal de Commerce de [Localité 1] ; un premier jugement du 16 décembre 2013 a prononcé un sursis à statuer jusqu'à production par ce demandeur de l'arrêt de la 18ème Chambre Sociale de cette Cour opposant l'intéressé à Madame [A] ; ce sursis a été de nouveau prononcé par un deuxième jugement du 23 novembre 2015 ; cet arrêt, rendu le 26 mai 2015 et qui est définitif, a d'une part déclaré valable la clause de non-concurrence liant Madame [A] à la société CIFFREO BONA, et d'autre part condamné la première à payer à la seconde 5 000 euros à titre d'indemnité en réparation de la violation de l'obligation de non-concurrence à laquelle elle était soumise ; un troisième jugement du 19 décembre 2016 a :

* débouté la société CIFFREO BONA de toutes ses demandes ;

* dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;

* condamné la société CIFFREO BONA :

- à payer à la société TOUT EN STOCK la somme de 1 200 euros 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- aux dépens.

La S.A.S. CIFFREO BONA a régulièrement interjeté un appel total le 3-4 janvier 2017, et par conclusions du 5 décembre 2018 soutient notamment que :

- elle est spécialisée dans la vente de matériaux pour la construction ; à l'issue du contrat de

travail de Madame [A] elle a réglé à cette dernière l'indemnité de non-concurrence en 3 mensualités ; puis elle a appris l'embauche par la société TOUT EN STOCK ;

- l'arrêt social du 26 mai 2015 a définitivement jugé que la clause de non-concurrence est valable et a été violée ; mais la limitation dans le temps de cette clause est expirée, ce qui ouvre droit à indemnisation d'elle-même par la société TOUT EN STOCK ;

- Madame [A] a toujours été au contact de la clientèle et connaissait les produits-prix-politique d'elle-même ; cet arrêt a retenu pour les 2 sociétés une activité directement concurrente, tant par leur secteur d'activité identique (notamment le carrelage) que par une même implantation géographique ;

- Madame [A] travaille dans une salle d'exposition de la société TOUT EN STOCK à [Localité 1], à quelques mètres d'une salle identique de la société CIFFREO BONA ; la clientèle de celle-ci a été détournée au profit de celle-là ;

- il appartenait à la société TOUT EN STOCK, avant d'embaucher Madame [A], de se renseigner sur son contrat de travail, sachant qu'elle est issue d'une société concurrente ;

- son chiffre d'affaires a baissé :

. pour [Localité 2] de 3,65 % en 2011, de 23,10 % en 2012, et de 12,44 % en 2013 ;

. pour [Localité 1] de 10,25 % en 2012, de 9,26 % en 2013, et après l'arrivée de Madame [A] la société TOUT EN STOCK a chuté significativement ;

- celui de la société TOUT EN STOCK a augmenté de 25 % en 2011, et de 38 % en 2012 ;

- cette double baisse explique cette augmentation ;

- en termes de marge son préjudice est de 75 700 euros 00 pour [Localité 1], et de 55 000 euros 00 pour [Localité 2] ; il ne s'explique ni par la situation économique, ni par le caractère non-concurrentiel des activités des 2 entreprises.

L'appelante demande à la Cour de :

- infirmer le jugement ;

- vu l'article 1383 du Code Civil, condamner la société TOUT EN STOCK à verser à la société CIFFREO BONA la somme de 180 000 euros 00 en réparation de ses préjudices d'ordre commercial, moral et financier ;

- condamner la société TOUT EN STOCK à verser à la société CIFFREO BONA la somme de 5 000 euros 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 19 avril 2019 la S.A.R.L. TOUT EN STOCK répond notamment que :

- la clause de non-concurrence de Madame [A] apparaît comme parfaitement critiquable, car elle concerne 11 départements ce qui est un rayon géographique disproportionné ; la contrepartie financière est modeste ; cette salariée n'a jamais démarché les clients de la société CIFFREO BONA, mais vendait en rayon carrelage de celle-ci ; le dépôt de cette société à [Localité 1] ne reçoit pas de public, et Madame [A] n'y a jamais travaillé ; les clients de la société CIFFREO BONA à Six [Localité 3] ne sont pas ceux de [Localité 1] ;

- cette société ne démontre pas la moindre imputabilité de la baisse de son chiffre d'affaires à un acte de la société TOUT EN STOCK, ni un préjudice financier ;

- la zone de chalandise de la société CIFFREO BONA à [Localité 2], et de la société TOUT EN STOCK à [Localité 1], sont différentes ;

- le contrat de travail de Madame [A] au sein de la société TOUT EN STOCK ne prévoit pas de clause de non-concurrence, et mentionne que celle-là déclare être libre de tout engagement et de toute clause de non-concurrence ; la société CIFFREO BONA ne rapporte pas la preuve que sa clause de non-concurrence était connue de la société TOUT EN STOCK ;

- cette dernière est dédiée exclusivement au carrelage haut de gamme, tandis que la société CIFFREO BONA exerce dans 17 secteurs d'activité dont le carrelage ; il n'ya donc pas concurrence stricte entre elles deux ;

- la société CIFFREO BONA a une clientèle majoritairement de professionnels, tandis que la société TOUT EN STOCK vend majoritairement aux particuliers ;

- Madame [A] a travaillé pour la société CIFFREO BONA dans les activités de menuiserie, cuisine et carrelage mais pour les particuliers, alors qu'elle ne s'occupe que de carrelage chez la société TOUT EN STOCK ;

- la société CIFFREO BONA ne rapporte pas la preuve du moindre acte de concurrence déloyale ni de la moindre captation de clientèle ;

- l'augmentation du chiffre d'affaires de la société TOUT EN STOCK trouve sa cause dans ses investissements lourds qui ont été entrepris.

L'intimée demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- débouter la société CIFFREO BONA de toutes ses demandes ;

- dire et juger que :

. les critères d'une activité exactement concurrentielle font défaut entre la société TOUT EN STOCK et le point de vente de la société CIFFREO BONA à [Localité 2] ;

. la clause de non-concurrence figurant sur le contrat de travail liant Madame [A] et la société CIFFREO BONA n'est pas opposable à la société TOUT EN STOCK eu égard à l'absence d'activité exactement concurrentielle ;

. Madame [A] n'exerce pas une activité strictement concurrentielle de la société CIFFREO BONA au sein de la société TOUT EN STOCK ;

. la société CIFFREO BONA ne rapporte pas la preuve d'un acte de concurrence déloyale initié par la concluante ;

. la société CIFFREO BONA ne rapporte pas la preuve d'une captation de clientèle initiée par la concluante ;

. la société CIFFREO BONA ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice subi, de sa cause, et encore moins de son imputabilité à la moindre prétendue captation de clientèle ;

. la société CIFFREO BONA ne rapporte pas la preuve de la prétendue connaissance par la société TOUT EN STOCK de l'existence d'une clause de non-concurrence dans l'ancien contrat de travail de Madame [A] ;

. la société CIFFREO BONA a engagé une procédure abusive à l'encontre de la société TOUT EN STOCK ;

- condamner la société CIFFREO BONA à payer à la société TOUT EN STOCK :

. la somme de 10 000 euros 00 pour procédure abusive ;

. la somme de 10 000 euros 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2019.

----------------------

M O T I F S D E L ' A R R E T :

L'embauche le 2 mai 2011 de Madame [A] par la société TOUT EN STOCK contrevient à la clause de non-concurrence pesant sur la première au profit de son ancien employeur la société CIFFREO BONA pour la période du 30 avril 2011 au 29 avril 2012. La validité de cette clause a été définitivement décidée par l'arrêt du 26 mai 2015 de la 18ème Chambre Sociale de cette Cour, et ne peut plus être critiquée aujourd'hui par la société TOUT EN STOCK.

Mais il incombe à la société CIFFREO BONA de rapporter la preuve que la société TOUT EN STOCK, soit lors de l'embauche de Madame [A] le 2 mai 2011, soit par la suite et avant ce 29 avril 2012, connaissait l'existence de ladite clause de non-concurrence ; or le contrat de travail conclu entre la société TOUT EN STOCK et Madame [A] d'une part stipule notamment en page 1 que cette dernière 'déclare être libre de tout engagement (...) au regard (...) de toute clause de non-concurrence', et d'autre part ne contient pas de clause similaire au profit de la société TOUT EN STOCK. Celle-ci n'avait donc aucun motif de soupçonner une fausse déclaration de Madame [A], ni de connaître l'existence de la clause de non-concurrence bénéficiant à la société CIFFREO BONA.

C'est par suite à bon droit, bien que pour un autre motif, que le Tribunal a débouté la société CIFFREO BONA de toutes ses demandes.

Si la procédure de la société CIFFREO BONA était injustifiée, son caractère abusif n'est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu'en aurait subi la société TOUT EN STOCK ; par suite la Cour déboutera cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Confirme en totalité le jugement du 19 décembre 2016.

En outre, vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamne la S.A.S. CIFFREO BONA à payer à la S.A.R.L. TOUT EN STOCK une indemnité de 5 000 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Condamne la S.A.S. CIFFREO BONA aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 17/00084
Date de la décision : 20/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°17/00084 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-20;17.00084 ?
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