COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUIN 2019
N° 2019/221
N° RG 18/19848
N° Portalis DBVB-V-B7C-BDPZB
SARL MEDICOOP INTERIM
SARL MEDICOOP 66
C/
SASU SELECT TT
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Julien AYOUN
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 15 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2018500305.
APPELANTES
SARL MEDICOOP INTERIM, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Julien AYOUN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
SARL MEDICOOP 66, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Julien AYOUN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
SASU SELECT TT, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Robin CASTEL, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Avril 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DE L'AFFAIRE
La société SELECT T.T. prétendant qu'elle était victime d'actes de concurrence déloyale, elle a présenté trois requêtes devant le Président du tribunal de commerce de Marseille visant à obtenir l'autorisation de pratiquer des mesures d'instruction in futurum dans les locaux des sociétés MEDICOOP 13, situés à Marseille, MEDICOOP 66, situés à [Localité 1] et MEDICOOP INTERIM, situés à [Localité 2].
Par deux ordonnances sur requêtes du 24 juillet 2018, le Président de la juridiction précitée a commis pour chacune des sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66, un huissier de justice avec pour mission,notamment, de se rendre au siège de ces deux sociétés pour se faire remettre des documents listés dans l'ordonnance, à avoir accès à l'ensemble des postes informatiques de ces sociétés et à l'ensemble des messageries électroniques des responsables de ces sociétés pour y rechercher des documents à 1'aide de mots clefs.
Les huissiers commis ont été avisés que les locaux étaient occupés uniquement par des salariés des Entités NOVALLIANCE.
Le 20 septembre 2018, SELECT TT a présenté devant le Président du Tribunal de commerce de Marseille quatre requêtes exposant les motifs pour lesquels elle sollicitait l'autorisation de pratiquer des mesures d'instruction in futurum :
Dans les locaux dans lesquels MEDICOOP 13, la société NOVALLIANCE RH, où l'association NOVALLIANCE exploite son activité ou est domiciliée,
Dans les locaux dans lesquels MEDICOOP 66, la société NOVALLIANCE RH, où l'Association NOVALLIANCE exploite son activité ou est domiciliée,
Dans les locaux dans lesquels MEDICOOP INTERIM, la société NOVALLIANCE RH, où
l'Association NOVALLIANCE exploite son activité ou est domiciliée,
Au domicile personnel de Monsieur [O], dirigeant de MEDICOOP 66 et de MEDICOOP INTERIM.
Par acte d'huissier du 21 septembre 2018, les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 ont fait assigner la société SELECT T.T. devant le président du tribunal de commerce de Marseille en rétractation des ordonnances du 24 juillet 2018.
Par ordonnance de référé du 15 novembre 2018, le Président du Tribunal de commerce de Marseille a débouté les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 de leur demande de rétractation
Ces sociétés ont relevé appel de cette décision et exposent :
In limine litis :
-que les pièces à l'appui de la requête de la SAS SELECT TT n'ont pas été communiquées aux sociétés MEDICOOP 66 et MEDICOOP INTERIM en dépit du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable,
-que la signification de l'ordonnance sur requête à l'égard de la société MEDICOOP 66 nulle au regard de l'absence de précision quant à la personne destinataire de la remise de l'acte au sein de la personne morale,
-que les deux ordonnances doivent être rétractées,
A titre principal :
-que le Président du Tribunal de commerce de Marseille était territorialement incompétent pour rendre une ordonnance sur requête à l'encontre des sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66,
A titre subsidiaire :
-que les mesures ordonnées dans le cadre de l'ordonnance sur requête sont disproportionnées au regard de l'atteinte au secret des affaires subies par les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66;
Les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 sollicitent la réformation de la décision attaquée.
La société SELECT T.T rétorque :
-que les critiques élevées à l'encontre de l'exécution de mesures d'instruction ne relèvent pas du contentieux de la rétractation qui porte uniquement sur les mérites de la requête et non sur son exécution,
-que le Président du Tribunal de commerce de Marseille était compétent pour autoriser des mesures d'instructions in futurum au sein des locaux de MEDICOOP 66, situés à [Localité 1], et de locaux de MEDICOOM INTERIM situés à [Localité 2],
-que les mesures d°instructions autorisées aux termes des ordonnances sur requêtes du 24 juillet 2018 sont parfaitement admissibles,
-qu'est tant irrecevable qu'infondé l'argument relatif à la prétendue irrégularité de la signification de l'ordonnance sur requête ayant autorisé les mesures in futurum au sein des locaux de MEDICOOP 66,
La société SELECT T.T conclut à la confirmation de la décision déférée.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Dans ses ordonnances du 24 juillet 2018 le Président du tribunal de commerce a autorisé les huissiers commis assistés de tout technicien qui lui plairont :
-à avoir accès à l'ensemble des postes informatiques de chaque MEDICOOP ou appartenant à son représentant légal, y compris aux serveurs de chaque MEDICOOP et à tous autres supports (externes et internes) de données informatiques, aux fins de :
Rechercher les documents visés ci-avant, y compris dans les dossiers supprimés ;
Mener les recherches sur les supports informatiques en utilisant un certain nombre de mots clés énumérés ;
Se faire communiquer les mots de passe, notamment informatiques permettant d'accéder aux matériels et logiciels concernés et, en cas de refus ou difficultés, autoriser l'huissier et les experts informatiques à accéder aux disques durs et plus généralement toute unité de stockage susceptibles de contenir tout ou partie des éléments susvisés.
La remise, sur support papier ou support informatique concernait les documents suivants :
o Le registre unique du personnel de MEDICOOP 13, de MEDICOOP 66. et de MEDICOOP INTERIM,
o Toute convention conclue entre MEDICOOP 13, MEDICOOP 66, et MFDICOOP INTERIM et les Entités Novalliance,
o Toute facture émise par Novalliance RH ou par l'Association Novalliance libellées à l'attention de MEDICOOP 13, de MEDICOOP 66, et de MEDlCOOP INTERIM.
o Toute facture émise par MEDICOOP 13, MEDICOOP 66. et MEDICOOP INTERIM auprès de ses coopérateurs,
o La liste des coopérateurs de MEDICOOP 13, de MEDICOOP 66, et de MEDICOOP INTERIM ;
La recherche d'emails sur les messageries électroniques des responsables des sociétés appelantes était limitée dans le temps mais également par des mots clefs correspondant aux noms de clients de SELECT TT devenus clients de ces sociétés.
L'ordonnance prévoyait aussi que si les huissiers rencontraient des difficultés dans la sélection des éléments recherchés, il procède à une copie des fichiers des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée et dont une copie servira de référentiel ne sera pas transmise à la partie requérante.
Les ordonnances précisaient les moyens permettant aux huissiers et aux techniciens de remplir leur mission.
Sur les irrégularités soulevées dans le cadre de la signification de l'ordonnance sur requête.
Les société intimées reprochent qu'à l'acte de signification des ordonnances n'ont pas été jointes les pièces et que le principe du contradictoire n'a pas été respecté.
Le dernier alinéa de l'article 495 du code de procédure civile prévoit que : « copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ».
La société SELECT T.T justifie avoir respecté ces dispositions et les moyens soulevés par les sociétés appelantes sont rejetés.
La société MEDICOOP 66 soutient aussi que l'acte « modalité de remise » ne précise à aucun moment à qui a été faite la signification au sein de la personne morale.
Toutefois, l'acte de signification établi par l'huissier précise expressément que la remise a été effectuée auprès de Monsieur [W], qui s'est déclaré habilité à recevoir copie.
En conséquence, l'acte a été régulièrement délivré, étant d'ailleurs précisé que la société MEDICOOP 66 ne justifie pas d'un grief tel que prévu à l'article 114 du code de procédure civile susceptible d'entraîner la nullité de l'acte.
Sur l'incompétence du président du tribunal de commerce de Marseille.
Les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 soutiennent que la société SELECT T.T aurait dû saisir le tribunal du siège social de ces sociétés situées respectivement à [Localité 2] (Gironde) et à [Localité 1] (Pyrénées orientales) s'il était saisi au fond où la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée.
Aucune instance au fond n'a été actuellement introduite.
Les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce de Marseille concernaient non seulement les deux sociétés précitées mais aussi la société MEDICOOP 13 dont le siège social était situé dans cette ville.
Des lors que l'une au moins des mesures sollicitées doive être exécutée dans le ressort du tribunal de commerce de Marseille et que cette juridiction serait celle compétente pour connaître de l'éventuelle instance au fond, il s'en déduit que ce tribunal est compétent pour statuer sur l'ensemble des mesures provisoires exécutées. (Civ. 2e, 30 avr. 2009, no 08-15.421).
L'exception d'incompétence soulevée est donc rejetée.
Sur la proportionnalité des mesures ordonnées par rapport au but recherché.
Contrairement à ce qu'affirment les sociétés appelantes, les documents que les huissiers devaient rechercher et tel que rappelés supra étaient circonscrits à des pièces précises.
La confidentialité des affaires n'est pas un principe absolu qui s'oppose à l'application de l'article 145 du code de procédure civile.
Il apparaît en l'espèce que les mesures ordonnées sont proportionnées à la recherche et circonscrites aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige concernant des faits de concurrence déloyale, notamment par le recours à des mots clés, à une recherche sur des documents limitativement énumérés. Ces recherches étaient donc ciblées.
Le fait que le mot clé « NOVALLIANCE » ait été mal orthographié et que le huissier ait effectué son constat en rétablissant le véritable orthographe ne peut être considéré comme une violation de l'ordonnance rendue et une atteinte au secret des affaires. Cette erreur de plume ne constitue pas un grief dans les sociétés appelantes pourraient se prévaloir.
Le technicien informaticien désigné par l'huissier opérant sous le contrôle de celui-ci, aucune disposition n'imposait qu'il soit choisi sur le liste d'expert judiciaire puisqu'en l'espèce aucune mesure d'instruction n'était ordonnée.
Les mesures prescrites par le président du tribunal de commerce dans ses ordonnances, qui n'étaient ni générales, ni de nature à porter atteint au secret des affaires respectaient le principe de proportionnalité.
Ces mesures étaient légitimes puisque les faits exposés par la société SELECT T.T présentent un caractère de plausibilité suffisant et ont un lien suffisant avec les faits dénoncés par cette société.
En conséquence, l'ordonnance à la motivation de laquelle il convient de se référer pour le surplus est confirmée en toutes ses dispositions les demandes présentées par les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 étant rejetées.
Il convient de condamner in solidum les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 à payer à la société SELECT T.T une somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66,
Confirme l'ordonnance attaquée,
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 à payer à la société SELECT T.T une somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Condamne les sociétés MEDICOOP INTERIM et MEDICOOP 66 aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT