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06/06/2019 | FRANCE | N°17/20692

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juin 2019, 17/20692


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT MIXTE

(expertise)

DU 06 JUIN 2019

bm

N° 2019/ 397













Rôle N° RG 17/20692 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBPWR







[E] [V] [H] [F] veuve [K]

[O] [K]

[G] [K]





C/



[B] [M] [Z] [Q]

[F] [D] [N] [Q] épouse [S]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me El

ie MUSACCHIA



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 09 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 08/05524.





APPELANTS



Madame [E] [V] [H] [F] veuve [K], agissant tant en son nom personn...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT MIXTE

(expertise)

DU 06 JUIN 2019

bm

N° 2019/ 397

Rôle N° RG 17/20692 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBPWR

[E] [V] [H] [F] veuve [K]

[O] [K]

[G] [K]

C/

[B] [M] [Z] [Q]

[F] [D] [N] [Q] épouse [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Elie MUSACCHIA

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 09 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 08/05524.

APPELANTS

Madame [E] [V] [H] [F] veuve [K], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de M. [S] [K], son époux

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Véronique POINEAU-CHANTRAIT, avocat au barreau de NICE, plaidant

Monsieur [O] [K] en sa qualité d'héritier de M. [S] [K], son père

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Véronique POINEAU-CHANTRAIT, avocat au barreau de NICE, plaidant

Monsieur [G] [K] en sa qualité d'héritier de M. [S] [K], son père

demeurant [Adresse 3]) ETATS-UNIS

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Véronique POINEAU-CHANTRAIT, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur [B] [M] [Z] [Q], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Edith TOLEDANO de la SCP TOLEDANO CANFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame [F][D] [N] [Q] épouse [S], demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Edith TOLEDANO de la SCP TOLEDANO CANFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2019,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [E] [F] épouse [K], monsieur [O] [K], monsieur [G] [K], venant aux droits de monsieur [S] [K] leur père et conjoint décédé, sont propriétaires de la parcelle AT [Cadastre 1] comprenant une maison dénommée [Adresse 6], sise à [Adresse 7] ; elle confronte au Sud la [Adresse 8], à l'Est la [Adresse 8] et la villa Mangareva (anciennement dénommée [Adresse 9]) ; monsieur [S] [K] a acquis la [Adresse 6] le 16 octobre 2000 auprès de madame [X] veuve [Y] qui l'avait elle-même acquise le 20 avril 1964 auprès de madame [O] ; l'acte de vente du 16 octobre 2000 des consorts [K] reprend les termes du contrat de vente du 20 avril 1964 et précise que la [Adresse 6] bénéficie d'un droit de passage sur le chemin dépendant de la [Adresse 10].

Les consorts [B] [Q] et [F] [Q] épouse [S] sont propriétaires des parcelles voisines AT [Cadastre 2] ([Adresse 8]), AT [Cadastre 3]([Adresse 10]), sises à [Adresse 7], par suite de l'acquisition opérée par leur père le 17 mars 1964, auprès de madame [O]. Leur propriété est desservie par les parcelles AT [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Par actes des 23 et 29 mars 2004, monsieur et madame [S] [K] ont assigné les consorts [Q] devant le tribunal de grande instance de Nice, afin de voir déclarer qu'ils bénéficiaient d'une servitude de passage ; selon arrêt du 6 novembre 2007, la cour d'appel d'Aix en Provence infirmant le jugement de première instance du 10 juin 2005 a considéré que le droit de passage conventionnel bénéficiant au fonds AT [Cadastre 1] des consorts [K] s'entend d'un droit de passage piétonnier s'exerçant sur un chemin de un mètre de large sur la parcelle AT [Cadastre 5] des consorts [Q] ; la cour de cassation, dans son arrêt du 3 mars 2009, a rejeté le pourvoi des consorts [K].

A la suite d'une nouvelle action devant le tribunal de grande instance de Nice, les consorts [K] ont demandé reconventionnellement de se voir reconnaître un droit de passage conventionnel en voiture sur la parcelle AT [Cadastre 4] ; cette action a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 24 septembre 2015 ; la cour a rejeté les demandes des consorts [K], au vu des actes de propriété des 17 mars 1964 et 20 avril 1964, qui ne prévoient qu'un droit de passage à pied ; la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les consorts [K], selon arrêt du 15 décembre 2016.

Faisant valoir qu'ils ne peuvent accéder à leur villa en voiture par le chemin qui dessert leur propriété, les consorts [K] ont fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Nice, par acte du 17 septembre 2008, les consorts [B] [Q] et [F] [Q] épouse [S], afin de voir constater l'état d'enclave relative de leur parcelle AT [Cadastre 1].

Par jugement du 14 juin 2012, le tribunal a ordonné une expertise confiée à monsieur [R] ; l'expert a déposé son rapport le 12 juin 2013.

Les consorts [K] ont alors demandé au tribunal de grande instance de Nice d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire.

Au motif de l'autorité de chose jugée attachée aux arrêts intervenus entre 2007 et 2015, le tribunal, par jugement du 9 octobre 2017, a notamment :

- déclaré l'action de [E] [F] épouse [K], [O] [K] et [G] [K], irrecevable

- condamné [E] [F] épouse [K], [O] [K] et [G] [K] à payer à [B] [Q] et [F] [Q] épouse [S] une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeté la demande de [E] [F] épouse [K], [O] [K] et [G] [K] sur le même fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement

- condamné [E] [F] épouse [K], [O] [K] et [G] [K] aux dépens.

[E] [F] épouse [K], [O] [K] et [G] [K] ont régulièrement relevé appel, le 16 novembre 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.

Ils demandent à la cour, selon conclusions déposées le 18 mars 2019 par RPVA, de :

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel à l'encontre du jugement du 9 octobre 2017

- débouter les consorts [Q] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, y compris leur demande incidente tendant à dire et juger que la servitude de passage décrite dans les actes n'existe pas

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 9 octobre 2017 en ce qu'il a déclaré l'action des consorts [K], irrecevable du chef de l'autorité de la chose jugée

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 9 octobre 2017 en ce qu'il a condamné les consorts [K] à payer aux consorts [Q] une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens

Statuant à nouveau

- dire et juger recevable la demande des consorts [K]

- rejeter la fin de non-recevoir tirée du principe de concentration des moyens et des demandes soulevée par les consorts [Q]

- dire et juger que la propriété [Adresse 6] des consorts [K] correspondant à la parcelle cadastrée AT [Cadastre 1] est enclavée, dés lors que son voisin interdit son accès à la voie publique en voiture

- homologuer la conclusion du rapport de l'expert [R] en ce qu'il propose de retenir « la servitude de passage décrite dans les actes et plus particulièrement les actes de division de la propriété [O] en 1964 décrits au chapitre VI - 2 - 1 vente à [Q] et au chapitre VI - 1 - 2 vente à [X] auteur de [U]. Cette servitude étant la plus étendue « gens, bêtes et charrettes » (voitures) « sur une route carrossable »

En conséquence

- ordonner au bénéfice des consorts [K] la mise en 'uvre de la servitude légale de passage qui doit avoir pour assiette le chemin existant cadastré AT [Cadastre 5] et la parcelle AT [Cadastre 4], le tout reliant l'[Adresse 11] à la [Adresse 6] des consorts [K], seul accès permettant d'assurer par un passage suffisant et existant la desserte complète de leur fonds

- débouter les consorts [Q] de toutes leurs demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour venait à remettre en cause l'indemnité fixée par l'expert [R]

- dire et juger que les éventuels frais d'expertise que viendrait à ordonner la cour à cet égard seront à la charge exclusive des consorts [Q]

- condamner conjointement et solidairement [B] [Q] et [F] [Q] épouse [S] à payer aux consorts [K], une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner conjointement et solidairement aux entiers dépens de l'instance y compris les frais et honoraires d'expertise de monsieur [R].

Formant appel incident, [B] [Q] et [F] [Q] épouse [S] sollicitent de voir, selon conclusions déposées par RPVA le 27 mars 2019 :

- prononcer la révocation de l'ordonnance de clôture du 19 mars 2019 et admettre les conclusions du 27 mars 2019

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 9 octobre 2017 en ce qu'il a déclaré l'action des consorts [K] irrecevable du chef de l'autorité de la chose jugée

- confirmer le jugement du 9 octobre 2017 en ce qu'il a condamné les consorts [K] à payer une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il les a condamnés aux entiers dépens

Par conséquent

- déclarer l'action des consorts [K] irrecevable

- débouter les consorts [K] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions

Statuant à nouveau

- dire et juger que la propriété [Adresse 6] des consorts [K] n'est pas enclavée

- dire et juger que les consorts [K] ne sont pas fondés à réclamer une servitude légale de passage sur le fonds des consorts [Q]

A titre subsidiaire, si la cour faisait droit à la demande des consorts [K]

- dire et juger que les consorts [Q] ont droit à une indemnité au regard du préjudice causé par le passage de véhicules des consorts [K] sur leur propriété qu'il conviendra de faire fixer par voie d'expertise

Sur les dommages-intérêts

- condamner les consorts [K] au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil

En tout état de cause

- condamner les consorts [K] aux entiers dépens y compris les frais d'expertise

- condamner les consorts [K] au versement de la somme de 10.000 euros aux consorts [Q] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 avril 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 Sur la révocation de l'ordonnance de clôture du 19 mars 2019

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 19 mars 2019 est sans objet en l'état de la clôture intervenue le 4 avril 2019 ; les conclusions et pièces déposées et notifiées le 27 mars 2019 sont donc recevables.

2 Sur la recevabilité de l'action en désenclavement des consorts [K]

Les consorts [B] [Q] et [F] [Q] épouse [S] soutiennent que l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la recevabilité de l'action des consorts [K] et qu'en outre le principe de la concentration des moyens conduit à écarter l'argument de l'enclavement du fonds invoqué par ces derniers.

En vertu de l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; qu'elle soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il en résulte que toute demande identique par les parties, par son objet et par sa cause se heurte à l'autorité de la chose jugée et est irrecevable conformément à l'article 122 du code de procédure civile ; si l'une des trois conditions n'est pas remplie, la demande est recevable.

L'objet de la demande se définit comme l'avantage recherché par le justiciable, déterminé par des éléments de fait et de droit ; si l'objet est différent dans les demandes successives, il ne peut être opposé l'autorité de la chose jugée.

Il convient donc de distinguer les moyens, dont la concentration est imposée, des demandes, dont l'objet est différent, qui elles, sont parfaitement recevables.

En l'espèce, les consorts [K], dans le cadre de la présente instance, sollicitent le bénéfice d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave ; cette demande de servitude légale n'a jamais fait l'objet d'un jugement et n'a jamais été tranchée.

En effet, les consorts [K] ont seulement demandé un droit de passage conventionnel dans l'instance introduite les 23 et 29 mars 2004, lequel leur a été accordé sur une largeur de un mètre par arrêt du 6 novembre 2007 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence définitif en l'état du rejet du pourvoi par la cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2009 ; ensuite, dans l'instance introduite par les consorts [Q] le 31 janvier 2008 aux fins notamment d'enlèvement de véhicules stationnés sur la parcelle AT [Cadastre 4] et d'octroi de dommages-intérêts, les consorts [K] ont sollicité reconventionnellement un droit de passage conventionnel en voiture sur ladite parcelle ; ce dont ils ont été déboutés par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 septembre 2015, définitif en l'état du rejet du pourvoi par la cour de cassation le 15 décembre 2016.

Dans la présente instance, les consorts [K] demandent aujourd'hui un désenclavement au visa des articles 682 et suivants du code civil, savoir une servitude légale ; ils ne demandent plus une servitude conventionnelle comme dans les procédures antérieures ; l'avantage recherché est donc différent.

Il n'y a donc pas identité d'objet. Il importe peu dés lors qu'il y ait identité de cause et de parties, les trois conditions devant être cumulativement réunies pour déclarer une demande irrecevable.

La demande des consorts [K] est par conséquent recevable.

Le jugement sera réformé en ce qu'il déclare leur action irrecevable.

3 Sur l'état d'enclave de la propriété des consorts [K] et la demande de désenclavement

Les consorts [K] sollicitent le désenclavement de leur parcelle AT [Cadastre 1], selon le tracé préconisé par monsieur [R], expert judiciaire, au visa des articles 682 et suivants du code civil.

Pour s'opposer à la demande, les consorts [Q] soutiennent que la parcelle AT [Cadastre 1] n'est pas enclavée juridiquement compte tenu du droit de passage consenti suivant acte du 16 octobre 2000, reprenant l'acte de vente du 17 mars 1964 signé avec madame [O] ; ils ajoutent que la propriété n'a pas pour vocation une exploitation agricole, industrielle ou commerciale et qu'il n'y a pas de demande d'autorisation de construire ou de demande de création de lotissement ; de plus, ils font valoir que la distance de 30 m à parcourir entre leur portail et la propriété [K] est minime ; enfin, ils précisent que les consorts [K] ont acheté leur bien en parfaite connaissance de la situation.

Cette argumentation est cependant inopérante.

En effet, l'accès avec un véhicule automobile correspond à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation.

Or sur la parcelle AT [Cadastre 1] des consorts [K], se trouve la [Adresse 6] correspondant à leur maison d'habitation ; cette villa est située au bout d'un chemin qui prend naissance sur la voie publique dénommée [Adresse 11] ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire et de la photographie aérienne produite par les appelants.

Selon le procès-verbal de constat d'huissier du 6 juin 2001, les lieux sont inaccessibles en véhicule, du fait d'une barrière posée par les consorts [Q], en amont du portail d'entrée de la [Adresse 6] ; ce qui empêche le passage de camions de livraison et oblige à porter à bras d'homme de lourdes charges sur une distance significative.

L'expert judiciaire a relevé lui-même qu'à partir de l'[Adresse 11], il existe un chemin bétonné jusqu'à la propriété [K], mais qu'au début de ce chemin un portail a été posé par les consorts [Q], empêchant la circulation en voiture.

En réalité, les consorts [K] ne bénéficient conventionnellement que d'un droit de passage piéton sur ledit chemin ; il importe peu à l'égard des consorts [Q], tiers à l'acte d'achat et voisins, qu'ils aient acheté leur bien en toute connaissance de cette situation.

L'état d'enclave est par suite caractérisé.

S'agissant du tracé de désenclavement, il ressort des différentes décisions de justice définitives précitées et du rapport d'expertise judiciaire que les propriétés des consorts [K] et [Q] ont une origine commune, par suite de la division de la propriété de mademoiselle [O] ; dés lors, le passage ne peut être demandé que sur le terrain des consorts [Q], sauf impossibilité d'établir un passage suffisant sur le fonds divisé, conformément à l'article 684 du code civil.

En l'occurrence, l'expert judiciaire a relevé la présence d'un chemin bétonné menant de la voie publique ([Adresse 11]) à la propriété [K] et a indiqué qu'il suffirait d'enlever le portail posé par les consorts [Q] ou de prévoir une clé d'accès au profit des consorts [K], pour leur permettre de bénéficier d'un passage routier.

Ces constatations mettent à néant toute solution alternative proposée par les consorts [Q], en leur interdisant d'invoquer valablement le fait que le trajet ne serait pas le plus court et le moins dommageable, pour des raisons de sécurité et de visibilité ; de même, leur solution consistant à accéder à pied à la propriété ne peut qu'être rejetée, compte tenu de la distance entre leur portail et la [Adresse 6].

Par conséquent, le tracé proposé par l'expert judiciaire sera retenu au bénéfice des consorts [K], lequel correspond physiquement au tracé de l'ancienne servitude de passage décrite dans les termes suivants : « avec droit de passage sur le chemin en ciment dépendant de la [Adresse 10] dont l'entrée porte le numéro 15 sur le [Adresse 12] (devenu [Adresse 11]), ledit droit de passage profitant également aux [Adresse 13] des sources » ; ce tracé est décrit dans les actes de division de la propriété [O] en 1964 et rappelé par l'expert judiciaire dans son rapport au chapitre VI-2-1 vente [O]-[Q] et au chapitre VI-1-2 vente [O]-[X] (auteur de [U]), ainsi qu'en annexes 1 et 4 selon teinte jaune.

Il convient d'ordonner à cet effet, au bénéfice de la parcelle cadastrée AT [Cadastre 1] des consorts [K], la mise en 'uvre de la servitude légale de passage, qui aura pour assiette le chemin existant cadastré AT [Cadastre 5] et la parcelle AT [Cadastre 4], telle que décrite ci-avant, le tout reliant l'[Adresse 11] à la parcelle AT [Cadastre 1] sur laquelle se trouve édifiée la [Adresse 6], selon teinte jaune sur l'extrait de plan annexe 4 du rapport d'expertise de monsieur [R].

4 Sur l'indemnité au titre de la servitude de passage, au profit des consorts [Q]

Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

S'agissant de l'indemnité prévue à l'article qui précède, les consorts [K] demandent que les conclusions de l'expert judiciaire soient suivies en ce qu'il indique que la voie est existante et que les frais d'entretien doivent être répartis au prorata des longueurs utilisées par chacun.

C'est à bon droit cependant que les consorts [Q] soutiennent que l'expert n'a pas chiffré l'indemnité due en application de l'article 682 du code civil.

Aucun élément n'est produit en outre par les parties pour évaluer ladite indemnité, alors qu'il n'est pas contesté que les consorts [K] qui n'ont jusqu'alors qu'un droit de passage piéton, emprunteront le chemin avec un véhicule.

Il convient donc d'ordonner une expertise, selon les modalités définies dans le dispositif ci-après aux frais avancés des consorts [Q], demandeurs à l'indemnité, et dans l'intérêt desquels est ordonnée la mesure d'instruction.

5 Sur la demande en paiement de la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts présentée par les consorts [Q]

C'est à tort que les consorts [Q] se plaignent d'un acharnement judiciaire des consorts [K] à leur égard, la demande de désenclavement de ces derniers ayant été déclarée recevable et bien fondée.

Ils seront donc déboutés de leur demande en paiement de la somme de 30 000 euros pour procédure abusive et vexatoire.

6 Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de surseoir à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens, y compris les frais d'expertise, compte tenu de la nouvelle expertise ordonnée, dans l'attente du dépôt du rapport et des conclusions à venir en lecture de rapport.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Dit que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 19 mars 2019 est sans objet en l'état de la clôture intervenue le 4 avril 2019,

Dit que les conclusions et pièces déposées et notifiées le 27 mars 2019 sont recevables,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 9 octobre 2017,

Statuant à nouveau,

Dit que l'action des consorts [K] est recevable,

Dit que l'état d'enclave de la parcelle AT [Cadastre 1] sise à [Adresse 14] (06) et appartenant aux consorts [K] est caractérisé,

Dit en conséquence les consorts [K] bien fondés en leur demande de servitude légale,

Ordonne à cet effet, au bénéfice de la parcelle cadastrée AT [Cadastre 1] sur laquelle se trouve édifiée la [Adresse 6], la mise en 'uvre au moyen soit du démontage du portail, soit de la remise de deux bips permettant son déverrouillage, de la servitude légale de passage, qui aura pour assiette le chemin existant cadastré AT [Cadastre 5] et la parcelle AT [Cadastre 4], correspondant physiquement à l'ancienne servitude de passage décrite dans les termes suivants : « droit de passage sur le chemin en ciment dépendant de la [Adresse 10] dont l'entrée porte le numéro 15 sur le [Adresse 12] (devenu [Adresse 11]), ledit droit de passage profitant également aux [Adresse 13] des sources », et figurant en annexes 1 et 4 du rapport d'expertise judiciaire selon teinte jaune, le tout reliant l'[Adresse 11] à la parcelle AT [Cadastre 1],

Déboute les consorts [Q] de leur demande en paiement de la somme de 30 000 euros pour procédure abusive et vexatoire,

Ordonne une expertise et désigne à cet effet, monsieur [R] [A] géomètre expert, Société Arpenteurs Géomètres [Adresse 15], lequel aura pour mission de :

* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'expertise détenus tant par les parties elles-mêmes que par des tiers

* visiter les lieux

* fournir tous éléments permettant à la cour de fixer l'indemnité due aux consorts [Q], au regard de l'emprise de la servitude et de la gêne occasionné par le passage

* s'expliquer techniquement, dans le cadre de ses chefs de mission, sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après leur avoir fait part de son pré-rapport,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera un rapport de ses opérations au greffe avant le 7 février 2020,

Dit que l'expertise aura lieu aux frais avancés des consorts [Q] qui consigneront ensemble au greffe, avant le 06 août 2019, la somme de 2000 euros à titre de provision à valoir sur les frais et horaires de l'expert,

Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation ou un relevé de la caducité,

Désigne le président de la chambre 1-5 et, en cas d'empêchement, l'un des conseillers de la chambre à l'effet de contrôler la mesure d'instruction,

Dit que l'affaire est renvoyée à l'audience de plaidoiries du 18 juin 2020 à 14h15 à 14h15 salle A Palais Verdun,

Indique aux parties que l'affaire sera clôturée le 2 juin 2020,

Réserve toute autre demande,

Sursoit à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens, y compris les frais d'expertise, dans l'attente du dépôt du rapport et des conclusions à venir en lecture de rapport.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 17/20692
Date de la décision : 06/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°17/20692 : Autre décision avant dire droit


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-06;17.20692 ?
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