La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2019 | FRANCE | N°18/15456

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 28 mai 2019, 18/15456


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2 anciennement dénommée 6ème chambre B





ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2019



N° 2019/296









Rôle N° RG 18/15456

N° Portalis DBVB-V-B7C-

BDDUR







[W] [Q] [L]



C/



[V] [P] [A] [K] épouse [L]



[U] [T]































Copie exécutoire délivrée

le :

à :
>

Me Jean-Michel AUBREE



Me Agnès ERMENEUX-

CHAMPLY





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de [Localité 1] en date du 13 septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05321.





APPELANT



Monsieur [W] [Q] [L]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2] ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2 anciennement dénommée 6ème chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2019

N° 2019/296

Rôle N° RG 18/15456

N° Portalis DBVB-V-B7C-

BDDUR

[W] [Q] [L]

C/

[V] [P] [A] [K] épouse [L]

[U] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Michel AUBREE

Me Agnès ERMENEUX-

CHAMPLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de [Localité 1] en date du 13 septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05321.

APPELANT

Monsieur [W] [Q] [L]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2] ( ALGÉRIE )

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Michel AUBREE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [V] [P] [A] [K] épouse [L]

née le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Gilles CHATENET, avocat au barreau de NICE

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [U] [T], agissant en sa qualité de curateur de Madame [V] [L]

de nationalité française,

demeurant [Localité 4]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Gilles CHATENET, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 avril 2019 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Michèle CUTAJAR, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur [L] BAÏSSUS, président

Mme Michèle CUTAJAR, conseiller

Mme Evelyne GUYON, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 mai 2019,

Signé par Monsieur [L] BAÏSSUS, président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [V] [K] et Monsieur [W] [L] se sont mariés le [Date mariage 1] 2013 à [Localité 5], sans contrat de mariage préalable.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Le 20 novembre 2017, Madame [K] a introduit une requête en divorce .

Par ordonnance de non conciliation du 22 février 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse a :

constaté que les époux résident séparément,

constaté l'accord des époux pour attribuer à Madame [K] la jouissance du domicile conjugal, bien appartenant à la SCI LA GAUDOISE, sis à la Gaude,

ordonné la remise à l'époux de :

- trois paires de draps housse,

- une tondeuse,

- un ordinateur HP avec écran,

- un bureau laqué blanc et une chaise marron,

- un accordéon et ses partitions,

- les vêtements et objets personnels de l'époux,

- un téléviseur LCD,

- un lave-linge Vedette,

- l'ensemble comprenant un lit Slimy brillant 160W200, deux tiroirs, deux matelas et deux tables de chevets,

fixé le montant de la pension alimentaire dûe à l'époux au titre du devoir de secours à la somme mensuelle de 300 euros,

débouté Monsieur [L] de sa demande au titre du versement d'une provision à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial.

Le 15 mai 2018, Madame [K] a assigné l'époux en divorce sur le fondement des articles 237 et suivants du code civil.

Monsieur [L] a sollicité reconventionnellement que Madame [K] soit déboutée de sa demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, et condamnée à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 10.000 euros pour procédure abusive et vexatoire, outre 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 septembre 2018, le juge aux affaire familiales du tribunal de grande instance de Grasse a :

prononcé le divorce des parties pour altération définitive du lien conjugal,

dit que le divorce prendra effet, dans les relations patrimoniales entre les époux, au 01 juillet 2017( date à laquelle ils n'ont pas entretenu de communauté de vie),

débouté Monsieur [L] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 28 septembre 2018, Monsieur [L] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 décembre 2018, il demande à la cour:

'Au principal:

- de constater, dire et juger qu'il n'a pas eu le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme, notamment par le non respect par le juge conciliateur des dispositions des articles 1110 du code de procédure civile et 252-1 du code civil,

- constater, dire et juger nulle et non avenue l'ordonnance de non conciliation du 22 février 2018

- dire et juger en conséquence nul et non avenu le jugement de divorce en date du 13 septembre 2018.

A titre subsidiaire:

- de constater, dire et juger que Madame [V] [K] ne réussit pas à démontrer la fin de leur cohabitation et la cessation de toute communauté de vie avec Monsieur [L], depuis plus de deux ans avant l'assignation en divorce délivrée le 15 mai 2018,

- en conséquence, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce des parties pour altération définitive du lien conjugal, fixé la date de la dissolution de la communauté au 01 juillet 2017, débouté Monsieur [L] de sa demande en paiement de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles de l'instance,

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions favorables à Monsieur [L].

Statuant à nouveau:

- constater, dire et juger que les conditions du prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal ne se trouvent pas réunies,

- débouter en conséquence Madame [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions visant à prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal,

- condamné Madame [K] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

En tout état de cause:

- débouter Madame [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner Madame [K] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Madame [K] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Jean-Michel AUBRE du Barreau de Grasse.'

Il soutient que dans le cadre de l'audience de tentative de conciliation, il n'a pas eu droit à un procès équitable dans la mesure où:

- il n'a eu accès aux conclusions de l'épouse que le matin même de l'audience, le 21 juin 2018 à 8 heures, en ouvrant son téléphone portable,

- surtout, en contravention manifeste avec les articles 1110 du code de procédure civile et 252-1 du code civil, le magistrat conciliateur ne s'est pas entretenu de manière séparée avec aucune des parties, mais a réuni d'emblée les parties et leurs conseils dans la salle d'audience.

Sur le fond, il conteste les motivations du premier juge qui a considéré que malgré les éléments qu'il avait communiqués, les conditions des articles 237 et 238 du code civil étaient réunies.

Il soutient au contraire que dès leurs fiançailles le 08 mai 2013, les parties ont vécu ensemble sur la propriété de l'épouse, afin qu'il entreprenne l'entière rénovation de la villa.

Ainsi, il justifie que durant plus de quatre ans, il a procédé à l'achat des matériaux nécessaires à la restauration du domicile conjugal.

Il soutient également qu'il existait bien une vie commune, jusqu'au mois de juillet 2017, date à laquelle il n'a plus dormi au domicile conjugal, d'ailleurs à la demande de l'épouse, laquelle lui a interdit de réintégrer le domicile conjugal comme cela a été constaté dans le cadre de la sommation interpellative du 10 novembre 2017.

Le magistrat conciliateur lui même a relevé 'qu'il démontrait avoir passé un temps certain au domicile conjugal, occupant notamment une chambre où il disposait de ses effets personnels, visible sur photographies et réalisant des travaux d'aménagement de la villa', ce qui a dès lors amené ce magistrat à ordonné à l'épouse la remise d'effets personnels précisément listés.

Il indique à ce propos, qu'il n'a pu récupérer qu'une partie de ces objets puisqu'il soutient que Madame [K] a organisé leur vol avec la complicité de sa femme se service.

Il verse aux débats le procès-verbal d'huissier dressé le 06 juin 2018 par Maître [V], portant liste de tous les travaux qu'il a effectués réalisé au domicile conjugal, et de tous les achats de matériaux pour lesquels il a engagé son patrimoine personnel à hauteur d'au moins 25.000 euros.

L'existence de ces travaux démontrent qu'il était donc bien présent au domicile conjugal.

Il qualifie de mensongères toutes les attestations produites par l'intimée faisant état du fait que Madame [K] vivait seule au domicile conjugal depuis l'année 2015.

Il a d'ailleurs déposé plainte à l'encontre de l'attestation de Monsieur [L] [R], qui devra en toute hypothèse être écartée des débats, comme ne répondant pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

Il considère que tous les documents administratifs versés en procédure par Madame [K](domiciliation fiscale 2016, taxe d'habitation du domicile conjugal, chèques émis portant une adresse différente de elle du domicile conjugal) sont inopérants à démontrer l'absence de vie commune.

Il communique au contraire de nombreuses attestations et des clichés photographiques attestant qu'il était présent au quotidien au domicile conjugal et qu'il participait à tous les événements festifs de la vie du couple.

Il démontre donc qu'il existait entre les parties une véritable communauté de vie, qui le fonde, compte tenu du positionnement vexatoire de l'appelante, à solliciter le paiement de dommages et intérêts.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 26 décembre 2018, Madame [K], assisté par son curateur Monsieur [U] [T], demande à la cour:

'- de faire injonction à Monsieur [L] de verser aux débats ses déclarations de revenus et avis d'imposition au titre des années 2013,2015, 2016 et 2017,

- de faire injonction à Monsieur [L] de verser aux débats les relevés de comptes du compte Crédit Mutuel N° 6010278908,

- de constater que Monsieur [L] est irrecevable pour arguer de la nullité de l'ordonnance de non conciliation et du jugement querellé,

- de constater que Monsieur [L] ne prouve pas les causes de nullité alléguées,

- de constater que les époux [L]/[K] n'ont jamais eu de communauté de vie,

- de constater que, compte tenu du régime matrimonial de communauté réduit aux acquêts, et de l'absence de tout patrimoine commun, tant meuble qu'immeuble, il n' y a pas lieu à formuler quelque proposition que ce soit au titre du règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux,

En conséquence:

- débouter Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer purement et simplement le jugement querellé en ce qu'il a prononcé le divorce des parties pour altération définitive du lien conjugal,

- dire et juger que les effets du divorce remonteront au plus tôt au 01 juillet 2017,

- dire et juger qu'il y a pas lieu à formuler de proposition au titre du règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux,

- condamner Monsieur [L] à payer à Madame [K] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que droit sur les dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP ERMENEUX-ARNAUD-CAUCHI & ASSOCIES, avocat postulant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile'.

Elle indique d'abord qu'elle a fait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée prononcée le 16 octobre 2018 par le juge des tutelles de Cagnes sur [Localité 6].

Elle expose ensuite quelle est la nature de ses relations avec Monsieur [L].

Elle fait plaider que dans la réalité, Monsieur [L] entretient, au moins depuis le mois de juillet 2012, une relation amoureuse avec Madame [O], domiciliée [Adresse 3].

Elle produit sur ce point des clichés photographiques qui ne laisse aucun doute sur la nature de leurs relations.

Elle a fait la connaissance de Monsieur [L] par l'intermédiaire de Madame [O].

Abusant de sa crédulité, le couple l'a convaincu qu'il serait dommageable que, sans enfant, 'son patrimoine revienne à l'Etat'.

C'est dans ce contexte, influencée par des amis du couple, qu'elle a contracté l'union.

Très rapidement, elle a été harcelé pour se défaire, au profit des deux enfants de Monsieur [L], d'une partie des parts sociales (30% pour chacun) constituant le capital de la SCI LA GAUDOISE, propriétaire du bien constituant son logement.

C'est au moins de juillet 2017, lorsqu'elle a reçu les actes enregistrés au tribunal de commerce de Grasse, qu'elle a compris qu'elle était victime d'une manipulation et a décidé d'initier la procédure de divorce.

Conscient de la vacuité de son argumentaire quant au fond du litige, l'appelant croit pouvoir solliciter la nullité de l'ordonnance de non conciliation, alors même que cette prétention n'a pas été présentée devant le premier juge.

Mieux, Monsieur [L], qui avait interjeté appel de l'ordonnance de non conciliation, n'avait alors jamais soulevé l'existence d'une quelconque nullité.

Au surplus, elle fait valoir qu'à supposer non respectées les dispositions des article 1110 du code de procédure civile et 252-1 du code civil , cette irrégularité n'est pas sanctionnée par une nullité.

Elle fait observer qu'au moment des débats à l'audience de tentative de conciliation, le conseil de Monsieur [L] n'a fait acter aucune irrégularité de procédure.

Il n'existe aucune violation des droits de la défense puisque les conclusions de Madame [K] adressées au conseil de Monsieur [L] le 31 janvier 2018 étaient une réplique aux propres conclusions de ce dernier adressées le 30 janvier 2018.

Sur le fond, elle soutient qu'il n'existe aucun élément objectif permettant d'établir l'existence même d'une communauté de vie.

Le fait que Monsieur [L] a entrepris des travaux dans la villa, lesquels ne consistent en tout pour tout d'ailleurs qu'en la rénovation d'une seule chambre, ne démontre pas pour autant l'existence d'une vie commune.

C'est bien d'ailleurs ce qu'attestent Messieurs [E] et [N], entrepreneurs, qui ont réalisés les travaux revendiqués par l'appelant et qui précisent que Monsieur [L] 'ouvrait tous les matins le portail avec son bip et le refermait le soir en partant'.

La cour constatera également que les différentes factures de matériaux établies à l'ordre de Monsieur [L] portent des adresses différentes de celle de [Localité 7] (soit [Localité 8], soit [Localité 5]).

Comme l'a relevé le premier juge, l'appelant ne peut pas tirer argument de ce que, ne faisant que répondre à la sommation interpellative délivrée par Monsieur [L] le 10 novembre 2017, ' le requérant a le plus grand intérêt à vous faire sommation d'avoir à le laisser réintégrer le domicile conjugal immédiatement et sans délai', elle a indiqué 'je refuse que Monsieur [L] réintègre le domicile conjugal ', ne constitue pas un aveu d'un quelconque domicile conjugal, puisqu'elle n'a fait que reprendre les termes de la sommation.

Il résulte des avis d'imposition de l'appelant pour les années 2010, 2012 à 2016 (à l'exception de 2015) que ce dernier est tantôt domicilé à [Adresse 4], le Ducal, tantôt [Adresse 3], où il vit avec sa compagne, Madame [O].

Alors que les fiançailles ont été célébrées le 08 mai 2013 et le mariage le [Date décès 1] 2013, ce n'est que pour la déclaration de revenus 2016, que l'appelant indique avoir changé d'adresse et qu'il se domicilie chez l'intimée.

Encore faut-il être attentif au fait que le document communiqué par l'appelant a en réalité été établi le 12 décembre 2017, soit après l'engagement de la procédure et pour les besoins de la cause.

En effet, dans le formulaire prérempli adressée par l'administration fiscale, l'adresse mentionnée au 01 janvier 2017 est bien celle sis [Adresse 3], ce qui implique que la déclaration de revenus 2016 au titre des revenus 2015 mentionnait l'adresse de l'appelant comme étant à [Localité 5].

Il est symptômatique de constater que malgré sommation, Monsieur [L] n'a pas communiqué sa déclaration de revenus au titre de l'année 2015.

Dans le même ordre d'idée, elle communique les avis de taxe d'habitation pour les années 2016 et 2017, qui ne mentionnent qu'une seule personne redevable, Madame [K].

Toutes les attestations qu'elle verse aux débats démontrent qu'elle n'a jamais partagé aucune vie commune avec Monsieur [L].

Enfin, cette situation résulte des propres déclarations de ce dernier dans le cadre de son dépôt de plainte du 03 juin 2018, dans laquelle il déclare ' je suis marié avec Madame [K] depuis le [Date décès 1] 2013.Nous vivions ensemble jusqu'au mois de juillet 2017, je ne dormais pas au domicile conjugal, ou très rarement ,car ma femme ne le souhaitait pas (..)'.

Elle fait valoir que la cupidité de l'appelant ne connaît aucune borne puisqu'il n'hésite encore pas à revendiquer une créance inexistante pour l'achat de matériaux à hauteur de 25.000 euros - alors qu'il ne dispose d'aucun revenu permettant d'engagement de telles dépenses - et qu'il poursuit, sans aucun fondement, le paiement de dommages et intérêts.

La procédure a été clôturée le 21 mars 2019.

DISCUSSION

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

1°) Sur l'exception de nullité soulevée par Monsieur [L]:

Le grief relatif à l'absence de communication des écritures au moment de l'audience de tentative de conciliation, ne constitue pas un moyen pertinent, du fait de l'oralité de la procédure devant le magistrat conciliateur.

Malgré la demande formulée par le conseiller de la mise en état dans le cadre de l'instruction de l'affaire, le dossier de première instance n'a pas été communiqué à la cour.

Il ne lui est donc pas possible de consulter les notes de l'audience de tentative de conciliation.

Si tant est qu' en violation avec les articles 1110 du code de procédure civile et 252-1 du code civil , le magistrat conciliateur ne se serait pas entretenu de manière séparée avec aucune des parties, mais aurait réuni d'emblée les parties et leurs conseils dans la salle d'audience, la cour se doit de procéder à l'analyse de la demande formée au titre de l'exception de nullité.

Cette demande ne relève à l'évidence pas de la catégorie des exception de nullité des actes pour irrégularité de fond, dont la liste exhaustive est déterminée par l'article 117 du code de procédure civile, lequel dispose que :

' Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte:

- le défaut de capacité d'ester en justice,

- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice,

- le défaut de capacité ou de pouvoir d' une personne assurant la représentation d'une partie en justice .'

Cette demande ne peut donc s'analyser que comme une exception de nullité des actes pour vice de forme, qui relève de l'article 112 du code de procédure civile lequel édicte que la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité.

C'est d'abord de manière pertinente que Madame [K] fait observer qu'appelant de l'ordonnance de non conciliation, Monsieur [L] n'a alors soulevé aucune exception de nullité dans le débat noué auprès de la juridiction du second degré.

La cour constate que devant le juge du fond, Monsieur [L] a fait valoir sa défense au fond, sans jamais évoquer l'exception de nullité dont il se prévaut désormais.

Par conséquent le moyen tiré de l'exception de nullité des actes pour vice de procédure sera rejeté.

2°) Sur la demande formulée par Monsieur [L] tendant à voir écarter des débats l'attestation [R] communiquée par Madame [K]:

La Cour constate que cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses dernières conclusions.

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, qui dispose que les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

3°) Sur la demande formulée par Madame [K] aux fins d'enjoindre à Monsieur [L] de communiquer ses déclarations de revenus et avis d'imposition au titre des années 2013,2015, 2016 et 2017 et les relevés de comptes du compte Crédit Mutuel N° 6010278908:

A ce stade de la procédure, cette demande, qui relève à l'évidence de la compétence et des pouvoirs du conseiller de la mise en état, ne saurait être accueillie.

4°) Sur le fond:

Aux termes de l'article 237 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.

L'article 238 alinéa 1 du code civil dispose que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis de deux ans lors de l'assignation en divorce.

Il incombe à Madame [K], demanderesse au divorce de démontrer cette altération.

En l'espèce, l'assignation en divorce a été délivrée le 15 mai 2018.

Preuve de la cessation de la vie commune depuis le 15 mai 2016 doit donc être rapportée.

Il est constant, comme cela résulte de la sommation interpellative du 10 novembre 2017, qu'à cette date, Madame [K] a refusé que l'époux réintègre le domicile conjugal.

Il résulte des propres déclarations de l'appelant (pièce 19: dépôt de plainte du 03 juin 2018 devant les services de gendarmerie de Vence) qu'au moins depuis le début du mois de juillet, la vie commune a cessé, puisque Monsieur [L] a indiqué:

'je suis marié à Madame [K] [V] depuis le [Date décès 1] 2013. Nous vivions ensemble jusqu'au mois de juillet 2017, je ne dormais au domicile conjugal que très rarement car ma femme ne le souhaitait. Depuis le 08 juillet 2017, nous vivons séparément car elle m'a mis à la porte, me retirant les clefs du domicile.'

Dès lors, il est acquis qu'au moins depuis le 08 juillet 2017, la vie commune a cessé.

Il doit donc être démontré que cette rupture se trouvait également consommée sur la période du 15 mai 2016 au 08 juillet 2017.

L'analyse minutieuse de toutes les pièces communiquées par les parties permet à la cour de faire l'analyse suivante :

L'appelant soutient que la communication des clichés photographiques démontre qu'il était présent au quotidien au domicile conjugal et qu'il participait à tous les événements festifs de la vie du couple.

La cour observe d'abord que de nombreux clichés photographiques, représentant différents groupes de personnes (parmi lesquelles Monsieur [L] ne figure pas d'ailleurs pas) sont inexploitables, puisqu'aucun élément ne permet de déterminer en quels lieux ces photos ont été prises et que ces clichés ne comportent aucune date certaine.

A l'exception de certaines photographies des parties au moment des fiançailles et du mariage, aucune photographie n'est de nature à corroborer l'existence d'une vie commune sur la période du 15 mai 2016 au 08 juillet 2016.

D'ailleurs,Madame [K] communique les attestations [A], [Z], [R], [I], [Q], [M], [H], amis ou proches de cette dernière, qui font état du fait qu'elle vivait seule, et que Monsieur [L] ne se trouvait pas à son domicile.

En l'état des pièces dont dispose la cour, ces attestations ne sont combattues par aucune autre attestation contraire.

Seule Madame [P] (pièce 19 communiquée par l'appelant) indique: 'je certifie avoir vu [W] [L] pendant des années travailler sur la piscine et dans le jardin à chaque fois que je venais rendre visite à Madame [K].

Je connais Madame [K] depuis 1966 et je suis proche d'elle.

Je rendais visite à Madame [K] plusieurs fois par semaine et [W] était pratiquement toujours là.'

Il n'est pas inutile d'observer cependant que ce témoin lie la présence de Monsieur [L] à l'exécution de travaux relatifs à la piscine ou au jardin.

Une grande partie des clichés photographiques communiqués par l'appelant sont d'ailleurs des vues du jardin, de la piscine, du système de tuyauterie de la piscine et de petite maçonnerie autour de la même piscine.

Les factures d'achat de petit outillage communiquées par Monsieur [L] portant adresse du [Adresse 5] sont pour la plupart relatives à du matériel nécessaire à l'entretien du jardin (électrovannes, tuyères, coudes, manchon plasson notamment).

Ces éléments permettent seulement de considérer que si Monsieur [L] a pu intervenir pour effectuer certains travaux d'extérieur - dont l'ampleur reste à démontrer - ils sont, en toute hypothèse insuffisants pour établir l'existence d'une vie commune.

Il ressort d'ailleurs de l' attestation de Monsieur [E] communiqué par l'appelant que ce dernier, qui l'avait sollicité ' pour la réfection de sa chambre' au [Adresse 2],

' était présent durant toute la durée des travaux en ouvrant tous les matins le portail avec son bip et refermer le soir en partant (...), ce qui démontre qu'à l'évidence, hormis durant la journée et pour les besoins de cette réfection, Monsieur [L] n'était pas présent au domicile conjugal.

Compte tenu de ces éléments, le fait que le magistrat conciliateur ait ordonné la remise à l'époux d'un certain nombre d'objets, ne constitue pour autant pas la preuve de l'existence d'une vie commune au sens des articles 237 et 238 du code civil.

La nature même des objets listés par le magistrat conciliateur (et notamment lave-linge, téléviseur ...) milite en faveur de l'existence d'un espace propre à Monsieur [L], totalement indépendant des locaux supposés être le cadre d'une vie commune.

Le fait, pour un couple, de ne pas établir de déclarations fiscales communes, n'est constitutif que d'un non respect des obligations fiscales.

Compte tenu cependant des éléments de l'espèce, le fait que même plusieurs années après l'union célébrée en 2013, Monsieur [L] [L] continue à établir ses déclarations de revenus de manière séparée, ne fait que corroborer le fait que la vie commune n'ait été qu'illusoire.

Il ya donc lieu de confirmer le jugement entrepris qui a prononcé le divorce des parties pour rupture définitive du lien conjugal.

Sur la demande formulée par Monsieur [L] en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire:

Le jugement entrepris étant confirmé, et le divorce prononcé, les demandes de Monsieur [L] ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

Il serait inéquitable que Madame [K] assume l'intégralité des frais irrépétibles de l'instance.

La somme de 3.000 euros lui sera allouée.

Monsieur [L], qui succombe, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, contradictoirement,

DEBOUTE Monsieur [W] [L] de sa demande au titre de l'exception de nullité de l'ordonnance de non conciliation et du jugement subséquent.

DEBOUTE Madame [V] [K], assistée de Monsieur [U] [T], es qualités de curateur renforcé, de sa demande aux fins d'enjoindre à Monsieur [L] de communiquer ses déclarations de revenus et avis d'imposition au titre des années 2013, 2015, 2016 et 2017 et les relevés de comptes du compte Crédit Mutuel N° 6010278908.

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

CONDAMNE Monsieur [W] [L] à payer à Madame [V] [K], assistée de Monsieur [U] [T], es qualités de curateur renforcé, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [W] [L] aux entiers dépens.

DIT que la SCP ERMENEUX-ARNAUD - CAUCHI & ASSOCIES exercera à l'encontre de Monsieur [W] [L] le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 18/15456
Date de la décision : 28/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6B, arrêt n°18/15456 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-28;18.15456 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award