COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 23 MAI 2019
N° 2019/
JLT/FP-D
Rôle N° RG 18/11414 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXUA
[M] [V]
C/
SASU EUROVIA MEDITERRANEE
Copie exécutoire délivrée
le :23 MAI 2019
à :
Me Claudia FORGIONE, avocat au barreau de GRASSE
Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NICE - section IN - en date du 11 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F13/00130.
APPELANT
Monsieur [M] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Claudia FORGIONE, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 56
INTIMEE
SASU EUROVIA MEDITERRANEE devenue EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR , demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES
( [Adresse 3])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2019 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2019..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2019.
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [M] [V] a été embauché par la SASU EUROVIA MEDITERRANEE, en qualité d'ouvrier chauffeur poids lourds, par un contrat de travail à durée indéterminée du 14 janvier 2002.
Soutenant ne pas être rempli de ses droits au titre du salaire et des heures supplémentaires, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Nice le 25 janvier 2013 pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 11 mai 2016, le conseil de prud'hommes a débouté M. [V] de ses demandes et l'a condamné à payer à la SASU EUROVIA MEDITERRANEE la somme de 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [V] a relevé appel le 24 juin 2016 de ce jugement notifié le 29 mai 2016.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, M. [V], concluant à la réformation du jugement, soutient que les heures supplémentaires n'ont pas été réglées ni la prime de salissure et que l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur lui cause un préjudice.
Il soutient que le protocole d'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail signé le 26 novembre 2001 lui est inopposable.
Il sollicite de condamner la société EUROVIA MÉDITERRANÉE devenue EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR à lui payer les sommes de :
* 15 233,79 euros à titre de rappel de salaire,
* 1 523,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
* 10 651,90 euros à titre de rappel de salaire sur prime de salissure,
* 1 065,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
* 5 500,00 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande :
- d'ordonner à l'employeur de lui remettre, sous astreinte, ses bulletins de salaire rectifiés,
- de préciser qu'à défaut de règlement spontané, le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 sera supporté par tout succombant,
- de dire que la créance salariale portera intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.
Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, la SAS EUROVIA MÉDITERRANÉE, devenue EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, concluant à la confirmation du jugement, demande de condamner M. [V] à lui payer la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.
DISCUSSION
Sur la demande tendant à voir écarter des pièces des débats
Le salarié demande que soient écartées des débats les pièces portant les n°18 et 19 communiquées tardivement par l'intimée.
Ces pièces sont constituées, d'une part, par les rapports de l'expert comptable de l'entreprise pour les années 2015 à 2017 (pièce n°18) que l'employeur invoque pour soutenir que le comité d'entreprise a été informé chaque année du bilan annuel d'application de la modulation et, d'autre part, par le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 21 février 2018 (pièce n°19) par lequel l'employeur entend prouver que les changements d'horaires ont toujours été dictés par l'intérêt de l'entreprise.
Ces pièces communiquées tardivement, ce qui n'est pas contesté, doivent être écartées des débats, la tardiveté de cette communication n'ayant manifestement pas permis à M. [V] d'en faire un examen utile afin de présenter une réponse à l'audience dans les conditions normales du débat contradictoire.
Sur la modulation du temps de travail
Il ressort des pièces produites qu'en application d'un protocole d'accord conclu le 26 novembre 2001, l'employeur a mis en place au sein de l'entreprise un dispositif de modulation du temps de travail par lequel la durée hebdomadaire de travail varie sur l'ensemble de l'année de façon à ce que les semaines de haute activité soient compensées par les semaines de moindre activité.
Dans la mesure où ce mode d'organisation déroge aux règles légales de décompte des heures supplémentaires et entraîne pour les salariés une modification du mode de détermination des heures supplémentaires constituant une modification du contrat de travail, l'instauration d'une organisation du travail prévoyant que la durée hebdomadaire du travail varie sur l'année requérait l'accord exprès de chacun des salariés auxquels elle devait être appliquée.
Il est vrai que l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 insère dans le code du travail l'article L. 3122-6, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, mais ce texte, qui, modifiant l'état du droit existant, n'a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif, n'est applicable qu'aux décisions de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi.
En l'espèce, comme l'employeur a mis en oeuvre la modulation du temps de travail avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012 susvisée, cette décision constituait une modification du contrat de travail nécessitant l'accord exprès des salariés concernés. M. [V], embauché le 14 janvier 2002 par contrat de travail précisant que la durée du travail est de 1607 heures annualisée, ne conteste pas avoir donné son accord mais invoque seulement le non-respect des dispositions applicables.
En application des articles L 3122-9 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au cas d'espèce, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 607 heures au cours de l'année.
Dans ce cadre, constituent des heures supplémentaires, les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord, ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale et, en tout état de cause, de 1 607 heures.
Les conventions et accords définis par ces dispositions doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail. Ce programme de la modulation doit être soumis par l'employeur pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise doit communiquer au moins une fois par an au comité d'entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation.
Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l'activité, précisées dans l'accord, le justifient. Des contreparties au bénéfice du salarié doivent alors être prévues dans la convention ou l'accord. Les modifications du programme de la modulation font l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
S'il est vrai, ainsi que le souligne l'employeur, que les dispositions des articles L 3122-9 et suivants du code du travail ont été abrogées par la loi n°2008-789 du 20 août 2008, cette même loi précise que les stipulations des accords collectifs conclus, notamment, sur le fondement de ces textes restent en vigueur sans limitation de durée. Toutes les clauses de ces accords relatifs à la modulation continuent donc à s'appliquer dans les conditions prévues par ces accords et par la législation antérieure applicable à ces accords.
En l'espèce, il ressort du protocole d'accord sur la Réduction et l'Aménagement du Temps de Travail conclu le 26 novembre 2001 qui instaure et organise le principe de la modulation du temps de travail au sein de l'entreprise que l'horaire hebdomadaire de travail peut varier autour de l'horaire moyen hebdomadaire de 35 heures dans le cadre d'une période de 12 mois consécutifs (du 1er janvier au 31 décembre) de telle sorte que les heures effectuées au-delà et en deçà de cet horaire moyen se compensent arithmétiquement. Le tunnel de modulation permet de faire varier la durée hebdomadaire de travail entre 0 et 46 heures sans que les heures effectuées au-delà de 35 heures ne soient qualifiées d'heures supplémentaires, à condition que le total des heures effectuées annuellement ne dépasse par 1607 heures.
L'article 4 prévoit que 'la modulation est établie après consultation du comité d'entreprise selon une programmation indicative communiquée aux salariés concernés, avant le début de chaque période de modulation'. Il précise que 'cette consultation des représentants du personnel a lieu au moins 15 jours avant le début de ladite période'.
Ce même article dispose que 'la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum 5 jours calendaires à l'avance (...). le comité d'entreprise est informé de ce ou de ces changements d'horaire et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés'.
Le salarié fait valoir que cet accord ne respecte pas les dispositions légales en ce qu'il ne précise pas les contreparties dont les salariés doivent bénéficier du fait de la réduction du délai de prévenance et ne prévoit pas la communication au comité d'entreprise du bilan d'application sur la modulation.
L'employeur ne saurait valablement soutenir que les contreparties à la réduction du délai de prévenance seraient constituées par la mise en place d'une prime de flexibilité prévue par l'article 10 de l'accord et par le choix laissé aux salariés de la prise de 7 jours de modulation soit l'équivalent d'une sixième semaine de congés payés, les termes de l'accord démontrant sans ambiguïté possible que ces mesures prises en faveur des salariés sont la contrepartie de la modulation elle-même.
S'agissant de la communication au comité d'entreprise du bilan d'application sur la modulation, la disposition de l'accord, mentionnée au Titre 4, selon laquelle un bilan est transmis, en fin de période, aux organisations syndicales signataires concernant les emplois créés, l'égalité professionnelle, le travail à temps partiel, la rémunération et la formation, ne saurait tenir lieu de la communication exigée par la loi au comité d'entreprise qui doit porter sur la mise en 'uvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail.
En l'absence de tout autre élément, il est ainsi suffisamment établi que le protocole d'accord ne répond pas aux exigences légales sur les deux points soulevés par le salarié.
Il ressort, par ailleurs, des dispositions légales applicables que l'information préalable des salariés constitue une modalité obligatoire de la mise en oeuvre de la modulation sans laquelle son application ne peut être imposée, la modulation instaurant une modification de la répartition des horaires de travail au cours de l'année et ayant pour effet de faire varier la durée du travail d'une semaine sur l'autre.
Le salarié reproche ainsi à l'employeur de ne pas avoir respecté les obligations mises à sa charge par l'accord d'entreprise et par la loi en ce qu'il ne démontre pas avoir informé les salariés sur le programme indicatif de modulation, ni avoir informé et consulté le comité d'établissement sur ce programme, ni l'avoir informé et consulté sur les changements d'horaires et sur les motifs ayant justifié les changements de planning. Il reproche, en outre, à l'employeur de ne pas avoir transmis au comité d'établissement le bilan d'application de la modulation en fin de période.
A l'appui de ses dires, il produit le compte rendu de la réunion du comité d'établissement du 27 novembre 2015 au cours de laquelle il a été reproché à l'employeur le non -respect des dispositions légales et conventionnelles concernant la fixation des périodes hautes et basses de modulation, le délai de prévenance, l'avis du comité d'établissement préalable à chaque période de modulation, l'information au comité d'établissement sur les modifications de plannings. Aux termes de ce compte rendu, l'employeur a admis que le planning indicatif donné au comité d'établissement en début d'année n'est qu'un 'document papier' qu'il ne peut appliquer au vu des contraintes qui lui sont imposées par la réalité du métier.
L'employeur ne saurait valablement soutenir avoir rempli son obligation d'information du salarié en produisant les bulletins de salaire de M. [V] correspondant au mois de décembre de chaque année. Si ces bulletins comportent en annexe un 'compteur des annualisés' faisant figurer les heures de travail exécutées au cours de l'année écoulée, un tel décompte ne peut tenir lieu d'information sur le programme indicatif de modulation laquelle doit être préalable à la période de modulation en application de l'accord de 2001. La société EUROVIA verse aux débats des tableaux établis pour chaque année intitulés 'modulation d'horaires par équipe à 1607 heures' mais, outre que ces documents ne sont pas nominatifs, rien ne permet de vérifier qu'ils auraient été communiqués à l'intéressé avant le début de chaque période de modulation.
L'employeur verse aux débats les comptes rendus des réunions annuelles du comité d'établissement pour les années 2010 à 2016 au cours desquelles les membres du comité ont reçu une information sur la programmation indicative de la modulation mais il en ressort que cette information a toujours été donnée (sauf en 2017 et en 2018) dans un délai inférieur à celui prévu par l'accord de 2001 (15 jours avant le début de la période de modulation). Quelques fois, cette information n'a été donnée qu'au cours du mois de janvier de l'année en cours.
L'employeur ne démontre pas davantage avoir prévenu le salarié des changements de ses horaires de travail dans le délai de sept jours avant la date à laquelle ce changement devait intervenir ni avoir consulté le comité d'établissement sur ce point, se bornant à soutenir que les changements d'horaires auraient toujours été dictés dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui ne répond pas aux exigences de l'accord de 2001.
Dans la mesure où, au cours de la période considérée, l'employeur n'a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de modulation, notamment en ce qui concerne l'information en temps utile du salarié sur le programme indicatif annuel de la répartition de la durée du travail, les changements d'horaires ainsi que la consultation dans les délais prévus des institutions représentatives du personnel sur la programmation et les changements d'horaires, le salarié est bien fondé à demander que l'accord de modulation lui soit déclaré inopposable et à prétendre au paiement d'heures supplémentaires décomptées sur la base de 35 heures hebdomadaires pour la période non atteinte par la prescription.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses prétentions à ce titre.
Sur les heures supplémentaires
L'article L 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande mais il incombe aussi à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
En l'espèce, M. [V] explique que l'inopposabilité de la modulation entraîne pour l'employeur l'obligation d'occuper le salarié à hauteur de 35 heures par semaine et de verser le salaire correspondant avec les heures supplémentaires accomplies par semaine civile.
Il s'appuie sur les fiches de pointage le concernant qui retracent les heures de travail enregistrées chaque jour du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2018 et sur les tableaux, établis pour la même période, prenant en compte les rappels de salaire dus au titre de son placement illicite en 'absence modulation' ainsi que les heures supplémentaires réalisées chaque semaine.
Le salarié précise, à juste titre, que son décompte prend en considération, pour les déduire, les heures supplémentaires rémunérées par l'employeur en fin de période.
De tels documents qui comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées et permettent donc à l'employeur d'apporter une réponse dans les conditions normales du débat contradictoire, sont de nature à étayer les prétentions du salarié.
Il incombe, en conséquence, à l'employeur d'y répondre et d'apporter des éléments justificatifs des horaires effectués de manière à permettre à la juridiction d'apprécier la valeur probante des éléments apportés de part et d'autre, sans imposer au seul salarié la charge de la preuve.
Or, l'employeur ne produit aucun document au moyen desquels il a comptabilisé les heures de travail du salarié et n'apporte aucun élément de contestation des documents produits par celui-ci.
L'employeur soutient à tort que le salarié aurait bénéficié du paiement d'heures de travail non effectivement exécutées. Dans la mesure où il incombait à l'employeur de fournir à M. [V] un travail sur la base d'une durée de 35 heures par semaine, le salarié est en droit de revendiquer un salaire calculé sur ces bases ainsi que le paiement des heures de travail accomplies au-delà de cette durée. Les tableaux de celui-ci reprennent donc juste titre les indications fournies par les fiches de pointage de l'entreprise pour procéder à un calcul basé sur la durée légale du travail hebdomadaire.
Il s'ensuit, en l'absence de tout élément de preuve contraire et compte tenu que les tableaux de calcul des heures supplémentaires tiennent compte des absences, des temps de pause et des heures supplémentaires payées en fin de période de modulation, que les prétentions de celui-ci sont établies par les pièces produites. Son décompte qui fait apparaître, conformément aux dispositions applicables, les majorations dues, doit être retenu, y compris en ce qui concerne les sommes sollicitées au titre des années 2017 et 2018, en l'absence de preuve d'une information donnée au salarié sur le programme indicatif de modulation alors que M. [V] la conteste. L'employeur doit lui payer la somme de 15 233,79 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, non réglées ni récupérées au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2018, ainsi que celle de 1 523,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté sur ce point.
Sur les intérêts
En application des dispositions des articles 1153 ancien du code civil (article 1231-6 nouveau) et R 1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal courront à compter de la date de l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 15 mars 2013, en l'absence de détermination de la date de la convocation à cette audience, sur 12 500,00 euros et à compter du 11 mars 2019, date de l'audience de la cour, sur le surplus.
Sur la prime de salissure
L'avenant de spécialité à la convention collective nationale des ouvriers des Travaux publics du 15 décembre 1954 relatif à l'industrie routière du 21 mars 1956 comporte un article 15 ainsi libellé :
'Pour les ouvriers occupés à des travaux salissants tels que : manipulation de liants hydrocarbonés de ciments, de fillers de toute nature etc., l'employeur devra mettre à la disposition des ouvriers, selon les cas, des vêtements de protection, des gants, des bottes de caoutchouc, soit allouer une indemnité de salissure durant le temps pendant lequel ils auront réellement effectué des travaux salissants. Dans certains cas de travaux exceptionnellement salissants, cette indemnité se cumulera avec la fourniture de vêtements de protection'.
Le salarié fait valoir que l'employeur impose une tenue de travail et il se plaint de n'avoir perçu la prime de salissure que de manière ponctuelle alors que, selon lui, tous les travaux réalisés sur les chantiers exposent les salariés à une salissure anormale.
Il résulte cependant de l'avenant précité que l'octroi de la prime de salissure est subordonné à l'accomplissement de certains travaux déterminés. Or, le salarié n'apporte aucun élément permettant de vérifier qu'il effectuerait l'une ou l'autre des tâches décrites.
Par ailleurs, l'employeur se prévaut des protocoles d'accord d'harmonisation des primes et indemnités concernant le personnel ouvrier et ETAM de la société EUROVIA lesquels prévoient que, par dérogation à l'article 15 précité, les équipes d'enrobés (régleur, conducteur de finisseur, cylindreur, chauffeur de répondeuse et ouvrier de chantier), les équipes d'épandage de liants de même que le personnel ETAM affecté à des travaux salissants du type 'enrobés, enduits, entretien des ateliers et des usines' reçoivent 4 tenues de travail par an et bénéficient de la prise en charge du nettoyage des tenues par l'employeur, mais le protocole concernant les ouvriers prévoit expressément qu' 'il n'y aura pas de contrepartie financière à ces travaux'.
Le salarié conteste ces protocoles mais, en tout état de cause, il ne démontre pas, en l'absence de tout élément de preuve quant aux travaux qu'il réalise effectivement, qu'il serait en droit de prétendre à la prime de salissure pour les périodes pendant lesquelles il n'en a pas perçu.
Le salarié sera débouté de cette demande formée pour la première fois en cause d'appel.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
A ce titre, le salarié fait grief à l'employeur de lui avoir appliqué un accord de modulation qui ne lui est pas opposable et de ne pas avoir rémunéré l'intégralité des heures de travail accomplies mais il ne justifie pas avoir subi, de ce chef, un préjudice qui ne serait pas réparé par les sommes allouées ci-dessus assorties des intérêts de retard au taux légal.
Le salarié sera débouté de cette demande formée pour la première fois en cause d'appel.
Sur la prime de 13ème mois
Le jugement, non critiqué sur ce point, sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.
Sur la demande de documents
L'employeur devra délivrer au salarié un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt.
Cette remise devra intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur doit payer au salarié la somme de 500,00 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens.
La demande au titre de l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001 est sans objet, le droit visé par ce texte n'étant pas dû lorsque le recouvrement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Ecarte des débats les pièces n°18 et 19 communiquées par la société EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR ,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] [V] de sa demande au titre du 13ème mois,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- Dit le protocole d'accord sur la Réduction et l'Aménagement du Temps de Travail conclu le 26 novembre 2001 inopposable à M. [M] [V],
- Condamne la SAS EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR à payer à M. [M] [V] les sommes de :
* 15 233,79 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires effectuées au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2018,
* 1 523,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
- Dit que les intérêts courront au taux légal à compter du 15 mars 2013 sur 12 500,00 euros et à compter du 11 mars 2019 sur le surplus,
Y ajoutant,
- Déboute M. [M] [V] de ses demandes au titre de la prime de salissure et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Dit que la SAS EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR doit délivrer à M. [M] [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt, cette remise devant intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard,
- Dit la demande au titre de l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001 sans objet,
- Condamne la SAS EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR à payer à M. [M] [V] la somme de 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit que la SAS EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS