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23/05/2019 | FRANCE | N°17/18019

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 23 mai 2019, 17/18019


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 1-5





ARRÊT AU FOND


DU 23 MAI 2019


hg





N° 2019/ 346




















Rôle N° RG 17/18019 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBI3V











L... B...


F... B...








C/





P... B...
































Copie exécut

oire délivrée


le :


à :


Me CHERFILS


Me COURT-MENIGOZ























Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 16 Août 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04741.








APPELANTS





Monsieur L... B...


demeurant [...]





représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAV...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2019

hg

N° 2019/ 346

Rôle N° RG 17/18019 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBI3V

L... B...

F... B...

C/

P... B...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me CHERFILS

Me COURT-MENIGOZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 16 Août 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04741.

APPELANTS

Monsieur L... B...

demeurant [...]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Héléna SAPIRA, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

Madame F... B...

demeurant [...]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Héléna SAPIRA, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIME

Monsieur P... B...

demeurant [...]

représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Samuel PROTON DE LA CHAPELLE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller faisant fonction de président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller faisant fonction de président de chambre

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Priscilla BOSIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2019,

Signé par Madame Hélène GIAMI, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique du 3 décembre 1990, G... T... veuve B... a donné :

- à L... B... la nue-propriété de deux parcelles cadastrées section [...] et [...], sises [...] ,

- à P... B... la nue-propriété des parcelles cadastrées [...] , [...] et [...], également sises à [...].

Par ce même acte, une servitude de passage a été consentie par L... B... à P... B..., le fonds servant étant la parcelle [...] , et le fonds dominant les parcelles [...] , [...] et [...].

Par acte authentique du 17 février 2004, G... T... veuve B... a renoncé à l'usufruit qu'elle s'était réservé lors de cette donation, de sorte que L... B... et P... B... sont devenus pleinement propriétaires des parcelles susvisées.

L... B... est également propriétaire des parcelles [...], [...], [...], [...] et [...].

Se plaignant de ce que P... B... s'était octroyé un droit de passage excédant les limites de la servitude consentie, qui porte sur la seule parcelle [...] , en ce qu'il passe également sur les parcelles [...] , [...] et [...] leur appartenant, L... B... et F... S... épouse B... l'ont assigné, par acte d'huissier du 11 juin 2015, afin d'obtenir :

- la création d'une servitude de passage au bénéfice des parcelles [...] , [...] et [...], appartenant à P... B..., sur les parcelles [...] et [...] leur appartenant, dans les conditions décrites dans un procès-verbal de constat dressé par Maître Q..., huissier de justice,

- la condamnation du détendeur à verser à L... B... la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal, par jugement contradictoire du 16 août 2017, a statué en ces termes:

- constate l'acquisition par prescription de l'assiette d'une servitude de passage grevant les parcelles [...] , [...] , [...] et [...] , au profit de la parcelle [...] , sise [...] , le surplus du passage, par la parcelle [...] , faisant l'objet d'une servitude conventionnelle,

- rejette les demandes de L... B... et F... B... née S... tendant à la création d'une servitude de passage à l'assiette différente de la servitude susdite,

- déclare irrecevable la demande d'indemnité présentée par L... B... et F... B... née S...,

- condamne L... B... à enlever la palissade qu'il installée sur le chemin reliant les parcelles [...] et [...], sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

- condamne L... B... à remettre à P... B... la clé du portail qu'il a installé sur la parcelle [...] , sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

- interdit à L... B... de fermer ou de limiter l'usage du chemin passant sur les parcelles [...],[...],[...],[...] et [...], pour atteindre la parcelle [...] appartenant à P... B..., sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

- rejette la demande de dommages et intérêts présentée par P... B...,

- rejette la demande tendant au bénéfice de l'exécution provisoire ;

- condamne L... B... et F... B... née S..., in solidum, aux dépens,

condamne L... B... et F... B... née S..., in solidum, à verser à P... B... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le 4 octobre 2017, les époux B... ont fait appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 4 mars 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les époux B... entendent voir :

- déclarer irrecevable P... B... en sa demande visant à voir reconnaître un droit de servitude sur un accès traversant une parcelle cadastrée section [...] , [...] , alors qu'il s'est abstenu de mettre en cause les propriétaires de cette parcelle,

- déclarer irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile la demande de P... B... consistant à voir condamner L... B... à ne plus filmer son frère et sa famille lorsqu'ils passent sur le chemin assis sur les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...] et de déplacer le champ de vision de la caméra sous astreinte de 200 euros par jour de retard et 1 000 euros par infraction constatée, cette demande étant nouvelle en cause d'appel ;

-constater l'inapplication au présent litige des dispositions de l'article L 252-5 du code de la sécurité intérieure ;

-débouter en toute hypothèse P... B... de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions ;

-infirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de P... B..., et statuant a nouveau :

-déclarer irrecevable P... B... en sa demande visant à voir reconnaître un droit de servitude sur un accès traversant une parcelle cadastrée section [...] , lieudit [...] , alors qu'il s'est abstenu de mettre en cause les propriétaires de cette parcelle.

-constater l'absence de servitude conventionnelle permettant de desservir la propriété de P... B... par « l'accès 2 », (via les parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] appartenant à L... et F... B..., et également la parcelle [...] appartenant à des tiers), n'a pas été effectivement emprunté pour le passage de véhicules, de manière continue et pendant plus de trente ans, et que le mode de servitude revendiqué (passage automobile et camions) n'a pu de ce fait être acquis par trente ans d'usage continu,

-consacrer l'existence d'un droit de servitude sur « l'accès 1 » utilisé par P... B... depuis 2009, dont les caractéristiques sont les suivantes :

Fond dominant : Parcelle appartenant à P... B..., cadastrée Section [...] de 0ha62a30ca, sise [...] ;

Fond servant : Parcelles appartenant à L... et F... B... cadastrées Section [...] de 0ha04a28ca, et [...] de 0ha06a46ca, sise [...] ;

Assiette : déterminée sur le plan de servitude du cabinet de Géomètre-Expert Y... reprenant l'emprise foncière du chemin existant (PJ 25) ;

-condamner P... B... à leur payer une indemnité de 5 600 euros (soit 160 m² x 35€) représentant le prix de ce droit réel immobilier dit « accès 1 » ;

-déclarer irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile la demande de P... B... consistant à voir condamner Monsieur L... B... à ne plus filmer son frère et sa famille lorsqu'ils passent sur le chemin assis sur les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...] et de déplacer le champ de vision de la caméra sous astreinte de 200 euros par jour de retard et 1 000 euros par infraction constatée, cette demande étant nouvelles en cause d'appel ;

-débouter en toute hypothèse P... B... de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions ;

Subsidiairement :

-leur donner acte de ce que « l'accès 2 » étant devenu très préjudiciable depuis son utilisation par des véhicules automobiles, ils offrent à P... B... un passage par 1'« accès 1 » qu'il utilise déjà depuis 2009, tel qu'il apparaît sur le plan de servitude du cabinet de Géomètre-Expert Y... reprenant l'emprise foncière du chemin existant (PJ 25),

- dire que P... B... n'est pas fondé à refuser cet accès, au moins aussi commode, sinon plus, et beaucoup moins nuisibles aux propriétaires du fonds servant.

-acter en conséquence des caractéristiques de la servitude de passage :

Fond dominant : Parcelle appartenant à P... B..., cadastrée Section [...] de 0ha62a30ca, sise [...] ;

Fond servant : Parcelles appartenant à L... et F... B... cadastrées [...] , 0ha04a28ca et [...], 0ha06a46ca [...]

[...] ;

Assiette : déterminée sur le plan de servitude du cabinet de Géomètre-Expert Y... reprenant l'emprise foncière du chemin existant dit « accès 1 » (PJ 25)

Encore plus subsidiairement, en cas de consécration de l'accès 2 comme servitude depassage automobile : via les parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] leur appartenant :

-condamner P... B... à leur payer une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner (article 682 du code civil) soit la somme de 150 000 euros.

En toute hypothèse :

-débouter P... B... de l'intégralité, de ses fins, demandes et prétentions ;

-lui faire défense d'utiliser le passage via les parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] leur appartenant, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et par passage ;

-lui ordonner de déplacer les câbles électriques alimentant sa propriété, situés en tréfonds de leur propriété, parcelle cadastrée Section [...] ;

-lui ordonner de leur restituer les clés de leur portail ;

-condamner P... B... à leur payer les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter des présentes et jusqu'à parfait paiement :

.150 000 euros pour l'indemnisation de la perte de valeur de leur propriété, et des nuisances, détériorations et dangers induits par le passage litigieux (en cas de poursuite de passage par l'accès 2 via les parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] appartenant à L... et F... B...) ;

. 150 000 au titre des troubles anormaux de voisinage litigieux (en cas de poursuite de passage par l'accès 2 via les parcelles [...] , [...]. [...], [...] et [...] appartenant à L... et F... B...) ;

.15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour des agissements motivés par une intention de nuire, pour procédure abusive, et pour fraude au jugement (fausses déclarations) ;

. 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Romain Cherfils, de la SELARL Boulan, Cherfils, Imperatore ;

-ordonner la publication de l'arrêt à intervenir à la Conservation des Hypothèques ;

Mentions pour la publicité foncière de la servitude à consacrer :

1/ Parcelles leur appartenant :

Parcelle cadastrée Section [...] de 0ha04a28ca, sise [...] ;

Parcelle cadastrée Section [...] de 0ha06a46ca, sise [...] ;

2/ Parcelles appartenant à P... B... :

Parcelle cadastrée Section [...] de 0ha62a30ca, sise [...] ;

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 27 février 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, P... B... entend voir au visa des articles 682 et suivants, 2258, 2261 et 2278 du code civil, 564 et suivants du code de procédure civile, des procès verbaux de constat de maître E... du 16.11.2009, de me Q... en date du 04.03.2014, de maître V... du 01.04.2014 et de me R... du 08.02.2018 :

-débouter L... B... des fins de son appel,

- dire et juger qu'il est titulaire des droits sur la parcelle [...] et que le moyen d'irrecevabilité soulevée est inopérant d'autant que l'assiette de la servitude telle que reconnue par le premier juge ne vise pas cette parcelle,

- dire et juger que la demande de l'appelant visant à obtenir des dommages et intérêts à hauteur de 150 000 € au titre de l'indemnité de l'article 682 du code civil et 150 000 € au titre du trouble du voisinage sont non seulement infondées mais irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile,

- dire et juger que la demande de retrait des câbles électriques qui passeraient sous réserve par la parcelle [...] est irrecevable en application également de l'article 564 s'agissant d'une demande nouvelle,

-rejeter en conséquence l'ensemble des demandes de L... B...,

-écarter des débats les pages 15 à 21 du procès verbal de constat du 5 juin 2018 dressé par la SCP M...-I... ( pièce adverse 30) qui vise des vidéos détenues illégalement en application des dispositions de l'article L 252-5 du code la sécurité intérieure,

-confirmer le jugement sauf en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages et intérêts,

y ajoutant en application des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile et au regard du procès verbal de constat de Me U... R... en date du 8 février 2018,

-condamner L... B... à ne plus filmer son frère et sa famille lorsqu'ils passent sur le chemin trentenaire et passant par les parcelles [...] [...] [...] [...] et [...] déplaçant le champ de vision de la caméra hors dudit chemin sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

-dire que L... B... sera condamné à une indemnité de 1 000 € par infraction constatée s'il continue de filmer son frère ou sa famille,

en tout état de cause

-condamner L... B... à 5 000 € à titre de dommages et intérêts et

15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de P... B... en sa demande visant à voir reconnaître un droit de servitude sur un accès traversant une parcelle cadastrée section [...] , [...] , alors qu'il s'est abstenu de mettre en cause les propriétaires de cette parcelle :

D'une part, les demandes de P... B... ne portent que sur les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...], et d'autre part, il ressort d'une attestation de Maître O... Z... que P... B... a acquis avec son épouse le 4 mai 2015 la parcelle cadastrée section [...] pour 1are 24 centiares.

La fin de non recevoir qui lui est opposée sera donc rejetée.

Sur les droits de P... B... :

Les servitudes de passage, discontinues, ne peuvent s'établir que par titre, eu égard aux dispositions de l'article 691 du code civil.

Si l'enclave (constituant un titre) est établie, la prescription trentenaire permet de déterminer l'assiette et le mode de la servitude de passage (article 685 du code civil).

Par acte du 3 décembre 1990, et afin qu'il puisse accéder à la parcelle échue dans son lot, une servitude de passage a été consentie par L... B... à P... B..., le fonds servant étant la parcelle [...] pour 1a 65ca, et les fonds dominants les parcelles [...] pour 38a 30ca, [...] pour 4a 20ca et [...] pour 62a 30ca.

Il s'avère que le passage consenti sur la parcelle [...] est insuffisant à relier la voie publique au fonds de P... B..., le chemin existant traversant les parcelles [...] , [...] , au nord de la parcelle [...] , et [...] et [...] au sud de la parcelle [...] .

A l'époque, en 1990, la parcelle [...] était la propriété d'K... N... et W... H... ;

ils l'ont vendue le 4 novembre 2009 à L... B... et son épouse F... S... en mentionnant expressément à l'acte que P... B... revendiquait un droit de passage alors qu'ils n'avaient connaissance d'aucune servitude de passage à son profit.

La parcelle [...] était, depuis le 9 mars 2006 la propriété de la SCI Sophil qui l'avait acquise de X... N... et son épouse C... A... ; elle a été vendue (en même temps que la [...]) à L... B... et son épouse F... S... par acte du 5 juillet 2013.

Si P... B... prétend avoir prescrit l'assiette de la servitude de passage qu'il revendique par les fonds [...], [...], [...], [...] et [...], aujourd'hui tous propriété de son frère, force est de constater qu'avant l'acte du 3 décembre 1990, il ne peut prétendre à une situation d'enclave, et que de cette date à l'assignation du 11 juin 2015, il ne s'est pas écoulé trente ans qui lui permettrait de prétendre à une prescription de l'assiette du passage qu'il revendique dans les conditions prévues par l'article 685 du code civil.

C'est en vain qu'il se prévaut de la prescription antérieure par ses parents alors qu'ils étaient à la fois propriétaires du fonds dominant et d'une partie des fonds servants revendiqués.

A supposer même que P... B... soit passé par le chemin qu'il revendique, depuis le 3 décembre 1990 où il est devenu nu-propriétaire des parcelles [...] , [...] et [...], il résulte de l'article 685-1 du code civil que la cessation de l'état d'enclave pour laquelle la servitude de passage avait été consentie lui ferait perdre ses droits sur ce passage puisqu'il résulte du titre constitutif lui même que ladite servitude lui était consentie « afin qu'il puisse accéder à la parcelle échue dans son lot».

Il s'avère que depuis 2009, un autre passage est emprunté par P... B... sur la partie ouest des parcelles [...] et [...], lui même ayant indiqué à l'huissier qu'il avait missionné le 1er avril 2014, l'avoir aménagé pour limiter les passages sur le chemin d'origine et limiter les dérangements causés aux occupants de la maison située sur la parcelle [...].

Dès lors que L... B... et F... S... sont fondés à refuser à P... B... le passage sur les fonds [...], [...], [...] et [...], la servitude de passage consentie sur la seule parcelle [...] est totalement inefficace à désenclaver le fonds de P... B..., et s'il a utilisé ce chemin depuis l'année 1990, ce n'est qu'en vertu d'une tolérance qui peut être supprimée.

L... B... et F... S..., conscients de leur devoir de désenclaver les parcelles [...] , [...] et [...] de P... B..., doivent être accueillis en leur proposition de lui accorder un passage par le chemin le plus court et le moins dommageable pour eux, notamment car rectiligne et plus éloigné de leur habitation, sur la longueur ouest des parcelles [...] et [...], tel qu'il est figuré sur le plan n°13/10549 au 1/200ème du géomètre expert Y... versé aux débats, pour une emprise de 170 m².

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande au titre de l'indemnité de l'article 682 du code civil :

Cette demande étant accessoire à la demande formée dès la première instance de désenclaver le fonds de P... B..., est recevable en appel.

L... B... et F... S... sont fondés à solliciter en contrepartie du désenclavement offert une indemnité en vertu de l'article 682 du code civil.

En l'absence d'élément de comparaison produit sur la valeur des terrains dans ce secteur, et compte tenu du faible préjudice découlant du passage désormais éloigné de leur maison, l'indemnité allouée à L... B... et F... S... sera limitée à 2 000 €.

Sur les autres demandes accessoires de L... B... et F... S... :

Ces demandes découlant de l'absence de droit de P... B... à emprunter le chemin qu'il revendique, il convient de lui faire défense d'utiliser le passage via les parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...], et ce, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, et par passage, et de lui ordonner de restituer à L... B... et F... S... les clés de leur portail.

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande de retrait des câbles électriques :

Cette demande étant accessoire à la demande formée dès la première instance de désenclaver le fonds de P... B..., est recevable en appel, eu égard aux dispositions des articles 564 à 566 du code de procédure civile.

Il n'est cependant pas justifié par le constat d'huissier établi le 10 juillet 2015 faisant état d'un « trou creusé à l'angle nord-est de la parcelle [...] contenant à environ 30 centimètres de profondeur une gaine rouge se dirigeant vers la parcelle [...]» et le plan cadastral versé aux débats de l'installation dénoncée.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts des époux B... S... :

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que si une légèreté blâmable, une intention de nuire, de la mauvaise foi ou une erreur grossière équipollente au dol, est caractérisée.

Bien que les époux B... S... se plaignent d'une telle intention de nuire, à travers une procédure qu'ils qualifient d'abusive, et fassent état de tentative de fraude au jugement par fausses déclarations, ils sont eux-mêmes à l'origine de l'instance, ne justifient pas avoir tenté de négocier une solution problématique du fait de l'acte constitutif de la servitude de passage lui même, et ne peuvent être accueillis en leur demande indemnitaire à ce titre.

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande de condamnation de L... B... à ne plus filmer son frère et sa famille lorsqu'ils passent sur le chemin assis sur les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...] et de déplacer le champ de vision de la caméra sous astreinte :

Cette demande étant accessoire à la demande formée dès la première instance relativement au droit de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...], est recevable en appel.

Elle est désormais sans objet, faute de droit établi pour P... B... à emprunter le chemin qu'il revendique et où serait installée la caméra qu'il dénonce.

Sur la demande de dommages-intérêts de P... B... :

Cette demande qui semble avoir pour fondement l'abus de procédure et qui serait destinée à le rembourser des frais de déplacement du compteur auquel il a été condamné ne peut prospérer, les demandes adverses étant reconnues fondées.

Sur la publication de la présente décision :

Il appartient aux parties de faire procéder à la publication de la présente décision au service chargé de la publicité foncière, selon les modalités prévues par l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'action engagée par les époux B... S... s'avérant fondée et P... B... bénéficiant du désenclavement, il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile et à payer 3 000 € à L... B... et F... S... en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Ecarte la fin de non recevoir opposée par L... B... et son épouse F... S... à P... B...,

Déclare recevables l'ensemble des prétentions de L... B... et F... S...,

Infirme le jugement sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par P... B...,

Constate que la servitude de passage consentie par acte du 3 décembre 1990 à P... B... par L... B..., sur le fonds [...] pour desservir les parcelles [...] , [...] et [...] est insuffisante à le désenclaver,

Dit que P... B... n'a pas prescrit l'assiette du chemin traversant les fonds [...], [...], [...] et [...],

Vu l'état d'enclave des parcelles cadastrées section [...] , [...] et [...] , situées [...] ,

Dit que leur désenclavement se fera suivant l'offre de L... B... et son épouse F... S..., sur la longueur ouest des parcelles cadastrées section [...] et [...] situées [...] , tel que figuré sur le plan n°13/10549 au 1/200ème du géomètre expert Y..., sur une emprise de 170 m²,

Condamne P... B... à payer à L... B... et F... S... une indemnité de 2 000 € en vertu de l'article 682 du code civil,

Fait défense à P... B... d'utiliser le passage qu'il revendique via les parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...], et ce, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, et par passage,

Lui ordonne de restituer à L... B... et F... S... les clés de leur portail,

Rejette la demande de condamnation de P... B... à retirer des câbles électriques sous la parcelle cadastrée section [...] ,

Rejette la demande de dommages-intérêts des époux B... S...,

Dit qu'il sera procédé à la publication de la présente décision au service chargé de la publicité foncière à l'initiative de la partie la plus diligente,

Condamne P... B... aux dépens de première instance et d'appel avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile et à payer 3 000€ à L... B... et F... S... en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 17/18019
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°17/18019 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;17.18019 ?
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