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23/05/2019 | FRANCE | N°16/19924

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 23 mai 2019, 16/19924


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2019



N° 2019/200













N° RG 16/19924 -



N° Portalis DBVB-V-B7A-7QO4







[Q] [T] épouse [I]

[K] [F]





C/



Association OBSERVATOIRE DE LA LAICITE DE PROVENCE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me FORCADE



Me

RANCAN











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/05417.





APPELANTS



Madame [Q] [T] épouse [I]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Edith FORCADE, avocat au barreau d'AIX...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2019

N° 2019/200

N° RG 16/19924 -

N° Portalis DBVB-V-B7A-7QO4

[Q] [T] épouse [I]

[K] [F]

C/

Association OBSERVATOIRE DE LA LAICITE DE PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me FORCADE

Me RANCAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/05417.

APPELANTS

Madame [Q] [T] épouse [I]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Edith FORCADE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE,

assistée et plaidant par Me Catherine GUIGOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [K] [F]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Edith FORCADE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE,

assisté et plaidant par Me Catherine GUIGOU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association OBSERVATOIRE DE LA LAICITE DE PROVENCE,

dont le siège est [Adresse 3]

représentée par Me Pierre RANCAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Avril 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur CALLOCH, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 11 avril 2014, madame [I] et monsieur [F] ont fait assigner l'association OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ DE PROVENCE (OLPA) devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE en contrefaçon de leurs droits d'auteur sur l'oeuvre ' La laïcité, la comprendre, l'enseigner'.

Suivant jugement en date du 14 septembre 2016, le tribunal a dit que l'association OLPA était seule titulaire des droits d'auteur sur l'oeuvre 'La laïcité, clés pour la comprendre et l'enseigner', a débouté madame [I] et monsieur [F] de leurs demandes et faisant droit aux demandes reconventionnelles de l'association OLPA les a condamnés sous astreinte à mentionner en page de couverture de leur ouvrage ' la laïcité, la comprendre, l'enseigner' la qualité de L'OLPA d'initiateur de la publication et à adresser une mise aux points à l'ensemble des destinataires de l'ouvrage publié, les intéressés étant condamnés à verser une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [I] et monsieur [F] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 8 novembre 2016.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 4 mars 2019 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 1er avril 2019.

A l'appui de leur appel, par conclusions déposées au greffe le 23 mars 2018, madame [I] et monsieur [F] rappellent être les auteurs de l'ouvrage ' la laïcité par les textes, documents fondamentaux et matériaux d'enseignement' publié en septembre 2013 par les éditions L'HARMATTAN. Ils rappellent que madame [I] a travaillé à titre bénévole, en tant que membre de l'OLPA, à la refonte d'une oeuvre de monsieur [L] [R] intitulée ' la laïcité, comprendre, pratiquer, éduquer', refonte achevée en février 2012. A partir de février 2012, madame [I] a envisagé de créer un ouvrage sur la laïcité destiné au monde universitaire et a contacté pour ce faire monsieur [F], agrégé de philosophie. Cet ouvrage a fait l'objet d'un contrat d'édition avec la société L'HARMATTAN en date du 16 août 2013, l'ouvrage étant publié en septembre 2013. En janvier 2014, madame [I] va découvrir sur le site de l'OLPA un texte intitulé 'la laïcité, clés pour la comprendre et l'enseigner' correspondant à la version provisoire de l'oeuvre créée en collaboration avec monsieur [F] et communiquée à l'OLPA.

Selon les appelants, l'oeuvre ' la laïcité, clés pour la comprendre et l'enseigner' est une oeuvre de collaboration inachevée entre madame [I] et monsieur [F]. Ils contestent que cette oeuvre ait été commanditée par l'OLPA, le seul mandat confié par cette association à madame [I] consistant à améliorer le classeur confectionné par monsieur [R], classeur destiné au seul monde scolaire et de moindre ambition que l'oeuvre par la suite publiée par les éditions L'HARMATTAN. Selon eux, l'oeuvre ne pourrait être qualifiée d'oeuvre collective élaborée sous la direction de l'OLPA et le jugement ayant retenu cette qualification devrait être réformé.

En publiant sans leur autorisation sur son site internet leur oeuvre de collaboration inachevée, L'OLPA aurait commis une contrefaçon à l'origine d'un préjudice tant patrimonial que moral estimés à 5 000 € pour la copie et la numérisation illicite de l'oeuvre, 5 000 € pour sa diffusion sur internet, 25 000 € pour l'atteinte à la paternité et 25 000 € pour l'atteinte à l'intégrité.

Sur les demandes reconventionnelles, madame [I] soutient avoir parfaitement rempli son mandat, ayant réalisé la refonte de l'ouvrage de monsieur [R] à titre bénévole et fait observer que le préjudice allégué par l'OLPA lui est en fait imputable et revêt en toute hypothèse un caractère futur et non actuel.

Au terme de leurs conclusions, madame [I] et monsieur [F] demandent à la cour de :

CONFIRMER que le jugement rendu par le Tribunal de Grand Instance de Marseille le 15 Septembre 2016 en ce qu'il a débouté l'Observatoire pour la Laïcité de Provence de ses demandes fondées sur l'inexécution fautive du mandat ;

REFORMER ledit jugement en ce qu'il a :

- Dit que l'Observatoire pour la Laïcité de Provence est seul titulaire des droits d'auteurs sur

l''uvre « La laïcité, clés pour la comprendre et l'enseigner » ;

- Débouté [Q] [I] et [K] [F] de leurs demandes au titre de la

contrefaçon de droits d'auteur ;

- Condamné in solidum [Q] [I] et [K] [F] à payer à l'Observatoire pour la Laïcité de Provence la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à la contrefaçon ;

- Condamné in solidum [Q] [I] et [K] [F], sous astreinte de 50 euros

par jour de retards passé le délai de deux mois suivant la signification du jugement à intervenir

et ce pendant deux mois, à faire mentionner à leurs frais, en page de couverture des trois tomes

de l'ouvrage « La Laïcité par les textes, documents fondamentaux et matériaux d'enseignement» publié aux éditions de l'Harmattan ainsi que dans la rubrique « remerciements », la contribution

de l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ DE PROVENCE en qualité d'initiateur à l'origine de

cette publication et sous la même astreinte, à faire adresser à leurs frais, à toutes les institutions

publiques ou privées, ayant reçu un ou plusieurs exemplaires de l'ouvrage « La Laïcité par les

textes, documents fondamentaux et matériaux d'enseignement » une mise au point à insérer dans leurs ouvrages mentionnant la contribution de l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ

PROVENCE en qualité d'initiateur à l'origine de ladite publication ;

- Débouté l'Observatoire pour la Laïcité de Provence de ses demandes fondées sur l'inexécution

fautive du mandat ;

- Condamné in solidum [K] [F] et [Q] [I] à payer à l'Observatoire pour la Laïcité de Provence la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés ;

- Débouté [Q] [I] et [K] [F] de leur demande au même titre ;

- Condamné in solidum [K] [F] et [Q] [I] au paiement des entiers dépens distraits au profit de Maître Véronique COSTA ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ».

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que Madame [I] a accepté la mission, à titre bénévole, de chef de

projet pour la refonte du Classeur de Monsieur [R], désignée « La laïcité, comprendre,

pratiquer, éduquer », puis celles limitées et formalisées par deux mandats des 1 er et 8 septembre 2011, de la représentation de l'OLPA pour la diffusion et le dépôt dudit Classeur, ainsi amélioré,

DIRE ET JUGER que Madame [I] a exécuté ses missions de chef de projet, puis de

représentation et de dépôt au titre desdits mandats, pour lesquels elle obtenu le quitus de l'OBSERVATOIRE DE LA LAICITE EN PROVENCE (OLPA) le 4 février 2012,

DIRE ET JUGER que l''uvre inachevée d'octobre 2012 intitulée « La laïcité : clés pour la

comprendre et l'enseigner », puis la version définitive publiée aux Editions l'HARMATTAN

sous le titre « La laïcité par les textes, documents fondamentaux et matériaux d'enseignement»

ont été créée à l'initiative de Madame [I] et Monsieur [F], et sous leur

direction, et constituaient des 'uvres de collaboration,

DIRE ET JUGER que l''uvre inachevée d'octobre 2012 « La laïcité : clés pour la comprendre

et l'enseigner », n'a été ni commanditée ni dirigée par l'OLPA ni n'a résulté d'un quelconque

mandat de sa part, et n'est pas une 'uvre collective,

DIRE ET JUGER que l'OBSERVATOIRE DE LA LAICITE EN PROVENCEVENCE (OLPA), en reproduisant et diffusant sur son site internet http://laicite13aix.marsnet.org l''uvre « La laïcité : la comprendre et l'enseigner », sans l'autorisation de Madame [I] et Monsieur [F], porte atteinte à leurs droits patrimoniaux respectifs, constitutifs d'autant d'actes de contrefaçons.

DIRE ET JUGER qu'en divulguant une 'uvre inachevée, en apposant les logos du Conseil Général et de la MAIF, en modifiant le titre, en supprimant le terme «provisoire» et en supprimant les pages de couverture dudit document et en les remplaçant par des couvertures de sa composition, en modifiant les préambules et remerciements dans sa présentation de l'ouvrage et en le diffusant sous la rubrique « Publications » de son site, l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCECE (OLPA) a porté atteinte aux droits moraux de Madame [I] et de Monsieur [F], constitutifs d'autant d'actes de contrefaçons.

EN CONSÉQUENCE :

ORDONNER à l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) de supprimer

de son site internet, sous la rubrique « Publications », le titre « La laïcité : la comprendre et l'enseigner » et le contenu de la page ainsi que des textes y relatifs dans les 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 500 € par jour de retard.

ORDONNER à l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) de supprimer

sur la page d'accueil de son site internet, le communiqué du Président de l'Association intitulé

« Jugement du Tribunal de Grande Instance du 15/09/2016, OLPA/[I]-[F] » et ce, dans les 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 500 € par jour de retard.

CONDAMNER l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) à communiquer l'ensemble des justificatifs de la nature (type de support), l'étendue (territoire de

diffusion) ainsi que la durée et l'ampleur (quantité de supports) de l'utilisation de tout ou partie

de l''uvre inachevée intitulée « La laïcité : la comprendre et l'enseigner ».

INTERDIRE à l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) d'utiliser sous

quelque forme que ce soit, sur quelque support que ce soit et à quelque titre que ce soit, des reproductions totales ou partielles dudit document.

ORDONNER la publication par extraits de l'arrêt à intervenir, et ce, de façon immédiatement

lisible et parfaitement visible, sur la moitié complète et supérieure de la page d'accueil du site

web de l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) accessible à l'adresse

suivante : http://laicite13aix.marsnet.org, pendant une durée de deux mois, et ce dans les 8 jours

à compter de la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 500 € par jour de

retard.

CONDAMNER l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) à verser à Madame [I] et à Monsieur [F] chacun :

- 10.000 € chacun en réparation de l'atteinte à leurs droits patrimoniaux, sauf à parfaire,

- 50.000 € chacun en réparation de l'atteinte à leurs droits moraux, sauf à parfaire.

En tout état de cause,

CONDAMNER l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) à verser à Madame [I] et à Monsieur [F] la somme de 8.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ EN PROVENCE (OLPA) aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier, y compris ceux de première instance,

L'OLPA, par conclusions déposées au greffe le 4 avril 2017, indique avoir donné mandat à madame [I], le 1er septembre 2011, d'élaborer un ouvrage à vocation pédagogique de présentation des principes de la laïcité, puis le 8 septembre 2011 de déposer cet ouvrage de compilation auprès de la société des gens de lettre. L'ouvrage a été déposé le 28 juin 2012 sous le titre ' guide pédagogique de la laïcité', monsieur [K] [F], non membre de l'OLPA figurant en qualité de contributeur. Une nouvelle version a été déposée à la société des gens de lettre le 25 septembre 2012 par madame [I] sous le titre ' la laïcité : clés pour la comprendre et l'enseigner', l'auteur étant désigné comme L'OLPA.

Des membres de l'association s'inquiétant des conditions d'élaboration de l'ouvrage, et notamment de la mention de monsieur [F] et de l'association GERFLINT, le président de L'OLPA a décidé de mettre fin au mandat de madame [I] le 27 novembre 2012. Madame [I] a démissionné de L'OLPA le 30 janvier 2013.

L'OLPA soutient que l'oeuvre ' la laïcité, la comprendre et l'enseigner' constitue une oeuvre collective au sens de l'article L 113-2 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle créée à son initiative et sous sa direction. Elle précise notamment que madame [I] a assuré la coordination de l'oeuvre, et notamment la coordination des contributions de membres de l'OLPA, en qualité de vice-présidente de l'association. Elle rappelle en outre que l'oeuvre a bien été déposée avec la mention de l'OLPA en qualité d'auteur et dénie à l'oeuvre la qualité d'oeuvre de collaboration revendiquée par madame [I] et monsieur [F].

Sur la contrefaçon, L'OLPA retient la très forte similitude entre l'oeuvre collective lui appartenant et l'ouvrage édité par monsieur [F] et madame [I] et fait observer que L'OLPA n'est pas même mentionnée dans ce dernier. Elle conteste les attestations versées aux débats et rappelle la chronologie des rapports entretenus avec madame [I], pour faire observer ensuite qu'aucun élément ne permet de constater que monsieur [F] a effectivement contribué à l'ouvrage pour lequel il revendique des droits d'auteur.

L'OLPA invoque les tracas et restrictions d'usage liés à la procédure, ainsi que l'atteinte à ses droits moraux liés aux agissements de madame [I] pour chiffrer son préjudice. Elle conclut à la réformation de la décision en ce qui concerne sa demande en dommages intérêts tirée du manquement par madame [I] des obligations de son mandat, notamment celle de recueillir les autorisations des contributeurs au profit de l'association elle-même, générant ainsi un risque d'éviction, et détournant à son profit le mandat. Au terme de ses écritures, l'OLPA demande à la cour de :

DÉBOUTER purement et simplement Madame [I] et Monsieur [F] de

l'ensemble de leurs demandes;

CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :

DIT que l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ PROVENCEENCE est seul titulaire des droits

d'auteur sur l''uvre collective intitulée « la Laïcité, Clés pour la comprendre et l'enseigner » ;

DIRE ET JUGER qu'en faisant publier sous leurs noms aux éditions de l'HARMATTAN sans l'autorisation de l'OLPA, une 'uvre intitulée, « La Laïcité par les textes, documents fondamentaux et matériaux d'enseignement », Madame [I] et Monsieur [F] se sont rendus coupables de contrefaçon ;

REFORMER pour le surplus et statuant à nouveau ,

CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [F] in solidum, au paiement d'une

somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices patrimoniaux et

moral causés par la contrefaçon ;

CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [F], sous astreinte de 300 € par

jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir, à faire

mentionner à leurs frais, en page de couverture des trois tomes de l'ouvrage « La Laïcité par

les textes, documents fondamentaux et matériaux d'enseignement » publié aux éditions de l'Harmattan ainsi que dans la rubriques « remerciements », la contribution de l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ DE PROVENCE en qualité d'initiateur à l'origine de

cette publication ;

CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [F] sous la même astreinte, à faire

adresser à leurs frais, à toutes les institutions publiques ou privées, ayant reçu un ou plusieurs

exemplaires de l'ouvrage « La Laïcité par les textes, documents fondamentaux et matériaux

d'enseignement » une mise au point à insérer dans leurs ouvrages mentionnant la contribution

de l'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ DE PROVENCE en qualité d'initiateur à l'origine de

ladite publication ;

DIRE ET JUGER que Madame [Q] [I] s'est rendue coupable d'une inexécution

fautive du mandat qui lui a été confié

CONDAMNER Madame [I] au paiement d'une somme de 3.000 € à titre de

dommages et intérêts pour inexécution fautive et dolosive du mandat qui lui a été confié ;

RÉSERVER les droits de l'association en ce qui concerne toute action en responsabilité

qu'elle pourrait entreprendre contre Madame [I] du chef des dommages causés à des

tiers découlant de l'inexécution dudit mandat.

A titre subsidiaire si la Cour devait faire droit aux revendications des demandeurs,

DIRE que le succès de ces revendications résulte directement de l'inexécution fautive par Madame [I] du mandat qui lui avait été confié.

CONDAMNER en conséquence Madame [I] à relever et garantir l'OLPA de toutes

condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans la présente instance.

CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [F] au paiement de la somme de

6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNER Madame [I] et Monsieur [F] aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Pierre Rancan, avocat sur ses offres de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification de l'oeuvre intitulée ' la laicité : clés pour la comprendre et l'enseigner'

L'article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle définit l'oeuvre de collaboration comme l'oeuvre à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques, et l'oeuvre collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé.

En l'espèce, les pièces du dossier permettent d'établir que dans un premier temps, madame [I], et elle seule, a procédé à la refonte d'un recueil rédigé par monsieur [R] et propriété de l'OLPA suivant mandat daté du 1er septembre 2011 ; ce recueil intitulé ' la laïcité-comprendre pratiquer éduquer' a été déposé par madame [I], suivant mandat non daté, auprès de la société des gens de lettre le 12 septembre 2011, l'auteur étant expressément indiqué comme étant l'association OLPA ; cette oeuvre a été déposée au nom de la société OLPA et divulguée sur son site internet ; elle est en conséquence la propriété de L'OLPA en application de l'article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, et ce même s'il est incontestable que madame [I] a fourni la majorité, voire la totalité du travail de refonte du recueil initial.

Madame [I] a déposé auprès de la société des gens de lettre une seconde oeuvre, dénommée GUIDE PÉDAGOGIQUE DE LA LAÏCITÉ, le 28 juin 2012 ; cette oeuvre a été déposée au nom de l'association GERFLINT et OLPA, qui en sont en conséquence là encore réputés les auteurs ; madame [I] ne revendique aucun droit sur ce guide, qui semble au demeurant être une reprise du premier recueil déposé le 12 septembre 2011.

Il résulte des courriels figurant au dossier que suite au dépôt de ces deux oeuvres, l'association OLPA et madame [I] ont convenu que cette dernière poursuivrait son travail en vue de la création d'une oeuvre plus ambitieuse portant sur le même sujet de la laïcité, mais comprenant de nouveaux textes et éventuellement différemment structurée ; l'association OLPA verse aux débats différentes attestations de membres de l'OLPA, régulières en la forme, indiquant avoir participé aux travaux de mise en forme ou de relecture de la future oeuvre, ou même avoir apporté des contributions (notamment attestation de monsieur [C] indiquant avoir travaillé sur le lexique. Pièce OLPA 44) ; Parallèlement, madame [I] établit par la production de nombreux courriels avoir travaillé sur l'oeuvre avec monsieur [F], non adhérent à L'OLPA ; il apparaît de manière manifeste que madame [I] a communiqué par voie électronique à l'OLPA en octobre 2012 les deux premiers tomes non achevés du futur ouvrage ; dans un courriel en date du 14 octobre 2012, elle a indiqué expressément avoir la 'responsabilité' de l'oeuvre, et en être le ' maître d'oeuvre' ; dans un autre courriel daté du 23 octobre 2012, elle a précisé être à la recherche d'un éditeur et a proposé plusieurs noms à L'OLPA ; enfin, le 29 octobre 2012, madame [I] a adressé à l'un des membres de l'OLPA la couverture des tomes 1 et 2 de l'oeuvre alors dénommée ' la laïcité, la comprendre et l'enseigner' portant son nom ainsi que celui de monsieur [F], mais aussi le logo de l'association OLPA à coté de la mention ' édition provisoire' ; il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'oeuvre provisoire envoyée par madame [I] à l'association l'OLPA a été créé sous la direction de madame [I], et semble-t-il plus accessoirement de monsieur [F], mais sur l'initiative de l'association OLPA et avec le concours de certains de ses membres assurant la production de documents ou des travaux de relecture, et ce sans qu'il soit possible de distinguer l'apport de chacun d'entre eux ; c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'oeuvre provisoire diffusée sur son site par l'association OLPA était une oeuvre collective au sens de l'article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle.

L' article L 113-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sou le nom de laquelle elle est divulguée ; s'il est incontestable que madame [I] a été la maître d'oeuvre, ainsi qu'elle l'a indiqué elle même dans un courriel du 14 octobre 2012, de l'oeuvre ' la laïcité, clés pour la comprendre et l'enseigner', elle n'apporte pas la preuve d'être la seule auteur avec monsieur [F] de l'oeuvre, rappel étant fait que cette oeuvre est constituée essentiellement de textes du domaine public, ou d'extraits de textes d'autres auteurs, dont certains figurant déjà dans le guide pédagogique déposé au nom de l'OLPA et issu du travail de monsieur [R] et qu'il est totalement impossible de distinguer quelle part madame [I], monsieur [F], mais aussi les autres membres de l'OLPA, ont pris dans l'élaboration du texte final ; il convient d'en conclure que madame [I] et monsieur [F] sont dans l'impossibilité de renverser la présomption de titularité des droits de l'association OLPA sur l'oeuvre collective inachevée ; il convient en conséquence de confirmer le jugement les ayant déboutés de l'intégralité de leurs demandes.

Sur les demandes reconventionnelles de l'association OLPA

Si madame [I] et [F] ne peuvent revendiquer de droits d'auteur sur l'oeuvre collective ' la laïcité, clés pour la comprendre et l'enseigner' publiée sur le site de l'OLPA, il ne peut en être déduit qu'ils ont perdu le droit de poursuivre leurs travaux de recherche sur le thème de la laïcité et de publier ceux ci ; l'OLPA n'est pas fondé à invoquer une contrefaçon de l'oeuvre collective lui appartenant du fait de la publication en septembre 2013 de l'ouvrage '

la laïcité, la comprendre, l'enseigner' dès lors que si ces ouvrages sont très semblables, ils le sont de par leur nature même, compilations de textes dans le domaine public ou en accord, semble-t-il avec les auteurs pour les textes protégés, et que les améliorations apportées par madame [I] et monsieur [F] apparaissent de ce fait suffisamment sensibles pour caractériser l'originalité de leur propre oeuvre ; en outre, il convient d'observer que l'association OLPA ne parvient pas à caractériser le préjudice résultant de la publication de cette oeuvre, oeuvre qui promeut conformément à ses statuts la laïcité ; il convient en conséquence d'infirmer la décision ayant fait droit, au moins de manière partielle, aux demandes reconventionnelles de l'association OLPA tirée de sa qualité d'auteur.

Pour les mêmes motifs, la demande formée au titre d'une faute dans l'exécution du mandat sera écartée, rappel étant fait que madame [I] ne s'est pas engagée par le dit mandat à donner l'exclusivité à l'OLPA de l'intégralité des ouvrages à venir qu'elle pourrait écrire sur le thème de la laïcité.

Sur les demandes accessoires

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ; les dépens seront supportés par madame [I] et monsieur [F], succombant au principal en leur appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 15 septembre 2016 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit aux demandes reconventionnelles en dommages intérêts et en mesures sous astreinte formées par l'association OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ DE PROVENCE.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- DÉBOUTE L'OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ DE PROVENCE de ses demandes reconventionnelles formées à l'encontre de madame [I] et monsieur [F].

Ajoutant à la décision deferée,

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

- MET l'intégralité des dépens in solidum à la charge de madame [I] et de monsieur [F], dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 16/19924
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°16/19924 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;16.19924 ?
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