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16/05/2019 | FRANCE | N°18/06748

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 16 mai 2019, 18/06748


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 16 MAI 2019



N°2019/368













Rôle N° RG 18/06748 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCJYR







[H] [X]





C/



[Z] [B]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Alain-David POTHET



Me AgnÃ

¨s ERMENEUX-CHAMPLY



-ministère public + 2 copies





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 01 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02097.





APPELANTE



Madame [H] [X]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Alain-David POT...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 MAI 2019

N°2019/368

Rôle N° RG 18/06748 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCJYR

[H] [X]

C/

[Z] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain-David POTHET

Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY

-ministère public + 2 copies

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 01 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02097.

APPELANTE

Madame [H] [X]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alain-David POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [Z] [B]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2019, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VINDREAU, Président, et M. Thierry SIDAINE, Conseiller, chargés du rapport.

M. Thierry SIDAINE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Madame Christine PEYRACHE, Conseiller

M. Thierry SIDAINE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2019.

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame POUEY, substitut général qui a fait connaître son avis.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2019.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [X] a donné naissance le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1] à [H] [X].

Par exploit d'huissier en date du 11 Mars 2015, Mme [R] [X], agissant en qualité de représentant légal de sa fille, a fait assigner [Z] [B] devant le tribunal de grande instance de Draguignan, sur le fondement des articles 321, 327, 328 et 310-3 du Code Civil aux fins de voir :

- dire qu'il existe des présomptions que [H] soit l'enfant de Monsieur [Z] [B],

- avant dire droit, voir ordonner une expertise génétique sur la personne de Monsieur [Z] [B].

Par jugement avant dire droit du 14 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- Constaté le désistement d'instance de Mme [R] [X], mais dit que ce désistement ne saurait être parfait, compte tenu des demandes reconventionnelles formulées antérieurement par le défendeur,

- Déclaré recevable l'intervention volontaire de [H] [X],

- Avant dire droit, ordonné une expertise biologique,

- Sursis à statuer sur l`ensemble des autres demandes,

- Renvoyé l`affaire à la mise en état,

- Réservé les dépens.

Un rapport de carence a été déposé par l'expert le 20 Avril 2017.

Par jugement du 1erfévrier 2018, le tribunal de grande instance a :

- Débouté Madame [H] [X] de sa demande tendant à voir déclarer la paternité de Monsieur [Z] [B] à son endroit,

- Débouté Madame [H] [X] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code Civil,

- Débouté Monsieur [Z] [B] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code Civil,

- Débouté Monsieur [Z] [B] de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Dit qu'il sera fait masse des dépens, en ce compris les frais d'expertise, lesquels seront partagés par parts égales entre les parties et recouvrés selon les règles applicables en matière d`aide juridictionnelle s`il y a lieu, dont distraction au profit de la SELAS CABINET POTHET et de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocats.

[H] [X] a formé appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour d'appel de céans en date du 18 avril 2018.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19 juin 2018 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, [H] [X] sollicite voir :

- Réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger que Monsieur [Z] [B], né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 1] (VAR), demeurant [Adresse 2], est bien le père de [H] [X], née le [Date naissance 1] 1997à [Localité 1], demeurant et domiciliée [Adresse 1],

- Condamner Monsieur [Z] [B] à payer à Madame [H] [X] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles,

- Débouter Monsieur [Z] [B] de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de [R] [X],

- Condamner Monsieur [Z] [B] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 € et dire que la SELAS CABINET POTHET, Avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

A titre liminaire, [H] [X] rappelle que les attestations notamment celle de Madame [A] et celle de Monsieur [N] évoquées dans le jugement du 14 décembre 2016 ont été, contrairement à ce qu'a dit le premier juge, valablement produites aux débats.

Dès lors, le tribunal ne pouvait ignorer, nonobstant qu'il n'avait pas pu les lire, que les attestations égarées avaient été produites dans l'instruction ayant donné lieu à la décision du 14 décembre 2016, que ces pièces avaient existé et, le fait qu'elles soient reprises dans un jugement ayant force authentique ne pouvait permettre d'écarter leur utilisation.

Elle relève les contradictions entre le jugement du 14 décembre 2016 qui indique que les témoignages viennent confirmer [Z] [B] est reconnu et présenté auprès de tiers environnant l'enfant comme son père, y compris en des termes affectifs comme étant « son papa», sans que ce dernier ne l'ait contesté, et le jugement du 1erfévrier 2018 qui ne reprend pas cette motivation.

Elle affirme que la résistance de [Z] [B] à l'expertise a généré un préjudice moral à son égard.

Par conclusions notifiées par RPVA le 10 septembre 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, [Z] [B] demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 1er février 2018,

- Débouter Madame [H] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- La condamner à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner Mademoiselle [H] [X] aux entiers dépens et dire que la S.C.P.ERMENEUX - ARNAUD - CAUCHI & ASSOCIES pourra recouvrer directement ceux dont il aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

[Z] [B] demande à la Cour de constater le caractère totalement imprécis des allégations de Mme [R] [X] qui ne sont démontrées par aucune pièce aux termes desquelles elle affirmait être « tombée enceinte '' de Monsieur [B] au cours de l'année 1996 suite à une relation amoureuse.

[Z] [B] soutient que [H] [X] n'a fourni aucune pièce probante permettant de démontrer la réalité de son union avec sa mère, Madame [R] [X] et que de cette relation alléguée un enfant serait issu.

Il conteste le bien-fondé du jugement avant dire droit car la mesure d'expertise ne pourrait, par application des dispositions de l'article 146 du Code de Procédure Civile, être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Il soutient que l'expertise demeure une atteinte à la vie privée et affirme que le refus de se soumettre à une expertise en dehors de tout autre élément probant ne permet pas au juge du fond de faire droit à une demande de subsides, ni à la contestation de paternité.

Il conteste en outre totalement avoir été présenté comme le père de l'enfant.

Par avis du 4 janvier 2019 repris à l'audience le ministère public relève que les pièces de [H] [X] ont été officiellement communiquées le 22 mai 2015, le bordereau figurant dans le dossier de première instance.

Le ministère public estime que [Z] [B] n'a justifié en première instance d'aucun motif légitime pour s'opposer à l'expertise ordonnée et que dans ces conditions, il appartient à la cour d'apprécier la portée des autres éléments de preuve produits dont il n'a pas eu communication.

MOTIFS

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision entreprise et aux dernières écritures de l'appelant et de l'intimée.

Sur la recevabilité de l'appel :

Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel par ailleurs non contestée.

Il sera donc déclaré recevable.

Sur le fond:

 

En application de l'article 327 du code civil, la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée.

Aux termes de l'article 310-3 du code civil la filiation se prouve par tous moyens.

Pour rapporter la preuve de sa filiation paternelle avec [Z] [B], [H] [X] s'appuie sur deux attestations établies par Mme [A] et M [N].

Ces attestations ont été égarées et n'ont pas été communiquées à nouveau en vue de l'audience du tribunal de grande instance de Draguignan du 8 Décembre 2017.

Néanmoins, ces deux attestations avaient été produites lors de l'audience initiale et, dans son jugement avant dire droit du 14 décembre 2016 ordonnant une expertise, le tribunal de grande instance a rappelé les termes des ces attestations en mentionnant aux motifs du jugement :

« En l'occurrence, il est établi notamment par les attestations qu'elle communique aux débats par Madame [H] [X] que Monsieur [Z] [B] a été présenté aux témoignants comme étant son père, sans que ce dernier ne le conteste ''.

Tout en regrettant le manque de précisions des témoignages, le tribunal a noté qu'ils venaient confirmer que [Z] [B] était à tout le moins reconnu et présenté auprès de tiers environnant l'enfant comme son père, y compris dans des termes affectifs comme étant « son papa ».

Le tribunal notait encore que face aux affirmations de l'existence de ses relations avec la mère de [H] [X] durant la période de sa conception, [Z] [B] ne se prévalait d'aucun élément contraire et se contentait de soulever depuis l'introduction de l'instance des moyens de procédure pour éviter qu'il soit fait droit à la demande d'expertise.

C'est à tort que le tribunal de grande instance dans son jugement du 1erfévrier 2018 a estimé que [H] [X] avait tout loisir d`apporter des éléments de preuve supplémentaires sans se contenter de la seule absence de [Z] [B] à la mesure d'expertise, alors que dans son jugement du 14 décembre 2016, il avait à juste titre relevé que près de 20 années s'étaient écoulées depuis la naissance de [H] [X] et qu'il pouvait être difficile dans ces circonstances pour la demanderesse de recueillir des témoignages et des éléments de preuve supplémentaires.

L'article 11 du code de procédure civile dispose que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.

L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder.

L'enfant, le père biologique ou ses descendants ont le droit de refuser de se soumettre à une expertise biologique ordonnée. Les juges sont alors libres d'en tirer toutes les conséquences. Ils peuvent y voir un aveu de paternité ou considérer que le refus de se soumettre à une expertise biologique ne suffit pas à prouver la vraisemblance de la filiation.

[Z] [B] ne s'est pas présenté au Laboratoire d'Analyses Médicales [Établissement 1] à [Localité 1] commis pour procéder à l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Draguignan par jugement du 14 décembre 2016 et l'expert a déposé un rapport de carence le 20 avril 2017.

[Z] [B] n'a fait valoir aucun motif légitime justifiant son opposition à l'expertise et il se contente d'affirmer qu'une telle mesure d'instruction qui serait une atteinte à la vie privée, ne pouvait être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve juste « pour voir, pour être sûre ».

Pourtant, la finalité recherchée par [H] [X] était de faire triompher la vérité biologique et ne relevait pas de la volonté de vérifier une simple éventualité puisqu'elle produisait des éléments de preuve justement appréciés par le tribunal de grande instance dans son jugement du 1er décembre 2016.

Ainsi que l'a relevé le tribunal dans son jugement du 1erdécembre 2016, les attestants avaient confirmé avoir fait la connaissance de [Z] [B] pendant l`année 2014, lequel leur avait été présenté comme père de l'enfant.

[R] [X], a précisé s'être à nouveau rapprochée de [Z] [B] dès l'année 2012 et n'avoir jamais caché à l'enfant l'identité de son père.

Le refus de [Z] [B] de se présenter aux convocations de l'expert aux fins de

prélèvement génétique mettant ainsi en échec les opérations d'expertise, les témoignages précités quant à la relation entre [Z] [B] et la mère de [H] [X] présenté comme le père de l'enfant, lequel ainsi que l'a relevé le tribunal dans son jugement du 1erdécembre 2016 ne s'est prévalu d'aucun élément contraire et s'était contenté de soulever depuis l'introduction de l'instance des moyens de procédure pour éviter qu'il soit fait droit à la demande d'expertise, permettent de considérer que la filiation de l'enfant [H] [X] est établie à son égard.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de juger que [Z] [B] est le père de [H] [X].

Sur les demandes de dommages et intérêts

Le refus de [Z] [B] de se prêter à l'expertise génétique ordonnée et qui ne souhaite pas assumer ses responsabilités de père alors qu'il a entretenu une relation amoureuse avec la mère de [H] [X], doit être considéré comme fautif.

Le préjudice moral subi par [H] [X] sera justement réparé par le versement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code procédure civile :

L'action de [H] [X] est bien fondée. [Z] [B] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, la SELAS CABINET POTHET, Avocat, pouvant recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de [H] [X] les frais non compris dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner [Z] [B] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en chambre du conseil,

Vu l'avis du Ministère Public,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement le jugement tribunal de grande instance de Draguignan du 1er février 2018,

Dit que [Z] [B] né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 1] (Var) est le père de l'enfant [H] [X] née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 1],

Condamne [Z] [B] à payer à [H] [X] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ,

Condamne [Z] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que la SELAS CABINET POTHET, Avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision,

Condamne [Z] [B] à payer à [H] [X] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 18/06748
Date de la décision : 16/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°18/06748 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-16;18.06748 ?
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