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02/05/2019 | FRANCE | N°17/22370

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 02 mai 2019, 17/22370


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019



N°2019/













Rôle N° RG 17/22370 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBUHU







[K] [T] [O] [H] épouse [E]





C/



[G] [J] [E]





































Copie exécutoire délivrée

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à :





Me Jean-Louis BONAN
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Me Mathilde TESNIERE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00669.





APPELANTE



Madame [K] [T] [O] [H] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019

N°2019/

Rôle N° RG 17/22370 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBUHU

[K] [T] [O] [H] épouse [E]

C/

[G] [J] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Louis BONAN

Me Mathilde TESNIERE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00669.

APPELANTE

Madame [K] [T] [O] [H] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [G] [J] [E]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Mathilde TESNIERE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2019, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VINDREAU, Président, et M. Thierry SIDAINE, Conseiller, chargés du rapport.

M. Thierry SIDAINE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Madame Christine PEYRACHE, Conseiller

M. Thierry SIDAINE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[K] [H] et [G] [E] se sont mariés le [Date mariage 1] 1986 devant l'officier de l'état-civil de la commune de [Localité 3] sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

De cette union sont issus deux enfants :

- [P] née le [Date naissance 3] 1992 à [Localité 2],

- [W] né le [Date naissance 4] 2000 à [Localité 2].

A la suite de la requête en divorce déposée le 17 janvier 2013 par [G] [E] , le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille, par ordonnance de non conciliation en date du 7 mai 2013, a fixé la résidence séparée des époux et décidé au titre des mesures provisoires de notamment :

- attribuer la jouissance du domicile conjugal ( bien immobilier commun) , à l'épouse, à titre gratuit,

-rejeter l'attribution à [G] [E] de la jouissance du studio attenant à la villa,

-constater l'accord des deux époux pour que le crédit immobilier du domicile conjugal et du studio attenant seraient réglés par les parents de l'épouse pendant un an ,

-prévoir un exercice en commun de l'autorité parentale,

- fixer de la résidence des enfants au domicile de Mme [K] [H] ,

- fixer un droit de visite et d'hébergement classique,

- fixer la part contributive du père à l'éducation et l'entretien des enfants par la perception par Mme [K] [H] des revenus locatifs des deux studios ,

Par acte d'huissier du 30 septembre 2015, [G] [E] a fait assigner son conjoint en divorce sur le fondement de1'article 242 du code civil.

Par jugement du 12 octobre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille a :

- Prononcé le divorce aux torts exclusifs de [G] [E] ;

- Ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux de Mme [K] [H] [G] [E] ;

- Déclaré irrecevable la demande de Mme [K] [H] sur les attributions préférentielles des deux studios situés à [Localité 4] appartenant aux époux,

- Débouté Mme [K] [H] de sa demande de prestation compensatoire,

- Condamné [G] [E] à payer à la somme de 8000 euros à titre de dommages intérêts par application de l'article 1240 du code civil,

- Rappelé que Mme [K] [H] et Mr [G] [E] exercent en commun l'autorité parentale sur [W] ,

- Fixé la résidence de [W] en alternance au domicile de chacun des parents à défaut de meilleur accord :

hors vacances d'été : une semaine sur deux du dimanche 19h00 au dimanche suivant , les semaines paires chez le père, les semaines impaires chez la mère

pendant les vacances d'été: la moitié des vacances en alternance: les années paires première moitié chez le père, deuxième moitié chez la mère et les années impaires première moitié chez la mère, deuxième moitié chez le père,

- Dit que chaque parent prendra directement en charge tous les frais courants de l'enfant lors de ses périodes de résidence à son domicile ;

- Dit que les frais fixes de l'enfant (cantine, garderie, mutuelle, frais scolaires et extra-scolaires) seront partagés par moitié entre les parents sur présentation de justificatifs;

- Débouté Mme [K] [H] de sa demande de contribution à l'entretien et à l'éducation de [W] ,

- Supprimé la contribution mise à la charge de Mr [G] [E] à l'entretien et l'éducation des deux enfants ,

- Dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens,

- Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe de la Cour d'appel de céans en date du 14 décembre 2017, [K] [H] a formé appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de prestation compensatoire, de sa demande de dommages et intérêts en application de l'article 266 du Code Civil, en ce qu'il ne lui a été alloué que 8.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1240 du Code Civil, en ce qu'il a organisé une résidence alternée pour l'enfant commun [W] et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun.

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 février 2019 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, [K] [H] sollicite voir :

- Débouter Monsieur [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer la décision entreprise en ce que le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de Monsieur [E] ;

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'a été ordonnée la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ;

Réformer la décision entreprise :

- en ce qu'elle a débouté Madame [E] de sa demande de dommages par application de l'article 266 du Code Civil,

- en ce qu'il ne lui a été alloué que 8.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1240 (anciennement 1382) du Code Civil

- Condamner Monsieur [E] à payer à son épouse la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article 266 du Code Civil ainsi que la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1240 (anciennement 1382) du Code Civil ;

- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame [E] de sa demande de prestation compensatoire ;

- Dire et juger qu'à titre de prestation compensatoire :

- au principal : il sera attribué à Madame [E], l'usufruit toute sa vie durant de la part de son époux dans la villa commune (usufruit évalué à 165.000 €)

- subsidiairement, il conviendra de condamner Monsieur [E] à verser à son épouse une prestation compensatoire de 165.000 € en capital, payable au comptant

- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a organisé une résidence alternée pour l'enfant commun [W] ;

- Fixer la résidence de l'enfant commun [W] chez la mère, rétroactivement à compter du jugement du 9 novembre 2017, et ce jusqu'au 21 janvier 2018 date à laquelle [W] a eu 18 ans;

- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la concluante de sa demande de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun [W], et supprimé la contribution mise à la charge du père ;

- Condamner Monsieur [E] à payer à son épouse une contribution de 700 € par mois indexée pour l'entretien et l'éducation de l'enfant commun [W], et ce rétroactivement à compter du jugement du 9 novembre 2017, et jusqu'au 1er septembre 2018 ;

À compter du 1er septembre 2018, dire et juger que Monsieur [E], comme il le fait actuellement, prendra en charge la moitié des frais de scolarité de [W], soit 452 € par mois ainsi que la moitié de ses frais d'hébergement (loyer, électricité'), et versera directement entre les mains de [W] la somme de 200 € par mois ;

- Condamner Monsieur [E] à payer à la concluante la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle rappelle que [G] [E] l'a délaissé et a eu de nombreuses liaisons à l'étranger, et ce dès 2011.

Elle conteste formellement avoir délaissé son époux tant sur le plan affectif que matrimonial comme il le soutient de mauvaise foi, et affirme qu'il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux.

Elle fonde sa demande de dommages et intérêts en application de l'article 266 du Code Civil, sur le préjudice matériel et moral que le divorce lui fait subir. Elle indique à ce titre avoir épousé Monsieur [E] le 13 septembre 1986 et avoir espéré vivre sa vie entière avec lui de sorte qu'elle subit incontestablement un préjudice matériel et moral à la suite du divorce.

Par ailleurs, Madame [E] estime que c'est à bon droit qu'elle réclame la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1240, à titre d'indemnité réparatrice pour le préjudice que lui a causé, dès avant l'introduction de l'instance, le comportement fautif de son conjoint qui après 25 ans de mariage, s'est désintéressé totalement de la vie familiale et a mené librement sa vie en célibataire en faisant de nombreux voyages à l'étranger et notamment au Vietnam où il a rencontré sa maîtresse actuelle, avec laquelle il a eu un enfant adultérin.

S'agissant de la prestation compensatoire elle indique qu'elle est actuellement âgée de 53 ans; qu'elle a effectué de très nombreuses recherches d'emploi à l'issue d'une formation ; qu'elle a commencé depuis octobre 2018 une formation en alternance auprès du CNAM aux fins d'obtenir un diplôme GEMMS (Gestionnaire d'Établissements Médicaux et Médico-Sociaux); que dans le cadre de cette formation, elle effectue son stage auprès du CCAS de [Localité 4] moyennant une gratification mensuelle de 472,50 € ; que cette formation prend fin le 28 février 2019 et qu'elle sera sans ressources à compter de cette date.

Elle précise qu'en 2017, elle a perçu des revenus fonciers de 1432,50 euros en moyenne mensuelle.

Elle relève que [G] [E] est artisan depuis 1992 et qu'il continue à avoir un train de vie important, qui ne correspond pas à ses revenus déclarés de 11.915 € en 2015, soit moins de 1 000 € par mois.

Elle estime qu'il convient de dire et juger qu'à titre de prestation compensatoire, il doit lui être attribué l'usufruit toute sa vie de la villa commune qui a une valeur de 660.000 €.

S'agissant de l'enfant commun, elle rappelle que [W] est devenu majeur, puisqu'il a eu 18 ans le 21 janvier 2018, qu'il réside chez elle et qu'il convient donc de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a organisé une résidence alternée pour l'enfant. Elle demande à la Cour de fixer la résidence de l'enfant commun [W] chez elle, rétroactivement à compter du jugement du 9 novembre 2017, et ce jusqu'au 21 janvier 2018 date à laquelle [W] a eu 18 ans et de condamner Monsieur [E] à lui payer à une contribution de 700 € pour l'entretien et l'éducation de l'enfant commun [W], et ce rétroactivement à compter du jugement du 9 novembre 2017, et jusqu'au 1er septembre 2018.

Elle précise que [W] est scolarisé à l'école de commerce [Établissement 1] à [Localité 5] où il loue un studio, les frais de scolarité de 2018 à 2022 s'élevant à 41.700 €.

Elle demande à la Cour de dire et juger que Monsieur [E] devra continuer à prendre en charge la moitié des frais de scolarité de [W], soit 412 € par mois, ainsi que la moitié de ses frais d'hébergement (loyer, électricité') et continuer à verser directement entre les mains de [W] la somme de 200 € par mois.

Par conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2018 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, [G] [E] sollicite voir :

- Débouter purement et simplement Mme [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Confirmer la décision entreprise, sauf en ce que :

. le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de M [E],

. M [E] a été condamné à payer 8 000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1240 du Code Civil à Mme [H],

- Prononcer le divorce des époux [E] / [H], et ce, dans les formes des dispositions des articles 237 et suivants du Code Civil,

- Condamner Mme [H] à verser à M [E] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

S'agissant du prononcé du divorce, il affirme que les attestations produites par [K] [H] ne sont que de pure complaisance et que les prétendus témoins de Mme [H] n'ont pu être témoins des faits rapportés et ont fait état de ses affabulations.

Il soutient que Mme [H] n'a jamais contesté avoir délaissé son époux, tant sur le plan affectif que matrimonial, situation à l'origine de la séparation des époux.

M [E] précise n'avoir noué de relation qu'avec une seule compagne, Mme [S] [L] [S] [B] qui est la mère de son troisième enfant né le [Date naissance 5] 2014. Il estime que cette situation, dans un contexte de séparation remontant a minima à mai 2013, officialisée par l'ordonnance de non conciliation autorisant les époux à résider séparément, ne saurait donc caractériser les violations graves ou renouvelées des devoirs et obligations du mariage.

Il relève par ailleurs que Mme [H] détient un patrimoine immobilier bien plus important que lui puisqu'elle est, en sus des biens communs, propriétaire de biens propres d'importante valeur.

Il affirme qu'elle a un nouveau compagnon qui réside avec elle au domicile conjugal et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indépendant de celui issu de la dissolution du lien matrimonial.

Dés lors que [K] [H] le délaissait, tant sur le plan affectif que matrimonial, elle ne pourrait exciper de son éloignement un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240.

S'agissant de la prestation compensatoire, il relève que [K] [H] dispose de revenus fonciers et qu'elle dissimule volontairement les revenus issus de la location de l'une des chambres de la villa qu'elle sous-loue frauduleusement à une étudiante durant l'année scolaire, et des locations saisonnières de la villa durant la période estivale.

Il indique que [K] [H] ne justifie ni des éventuels compléments de salaire type RSA qu'elle pourrait percevoir ni avoir prospecté pour des emplois conformes à ses compétences,

Il dit qu'elle est toujours taisante sur son activité de coiffeuse à domicile non déclarée et ne s'explique toujours pas sur la maison de [Localité 1].

Il précise percevoir un revenu mensuel de l'ordre de 1 300 €/mois et régler un loyer de 500 € .

Il affirme que ses droits prévisibles à la retraite d'artisan exerçant en micro-entreprise, seront nécessairement inférieurs à ceux de Mme [H], ancienne commerçante qui se destine désormais à l'exercice d'une profession de cadre.

Il fait état de l'espérance successorale de Mme [H], fille d'une fratrie de 3 enfants, qui serait extrêmement importante.

Il estime que la cour devra donc confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a débouté Mme [H] de sa demande de prestation compensatoire.

S'agissant de l'enfant commun il rappelle que [W] a, au cours de la procédure, formulé le souhait de résider avec lui et qu'ainsi une résidence alternée s'est instaurée.

Il demande à la Cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle avait fixé une résidence alternée pour l'enfant mineur [W].

Chaque parent participant par moitié aux frais et à toutes les dépenses générées par l'enfant commun non autonome, comme cela se fait de manière habituelle en matière de résidence alternée, la Cour ne pourrait que constater que Mme [H] ne justifie pas pouvoir prétendre à une contribution paternelle et confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions au regard de l'enfant commun [W].

Le 30 novembre 2018, le magistrat de la mise en état a enjoint les parties à produire diverses pièces financières aux fins d'appréhender leur situation la plus contemporaine en termes de revenus et de charges, et les a informées qu'à défaut de production de ces documents, la cour serait conduite à en tirer toutes conséquences.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2019.

MOTIFS

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision entreprise et aux dernières écritures de l'appelante et de l'intimé.

Sur la recevabilité de l'appel :

Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel par ailleurs non contestée.

Il sera donc déclaré recevable.

Sur le fond:

Il y a lieu de rappeler à titre liminaire, d'une part qu'en vertu de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, et d'autre part que la Cour ne statue que sur les demandes énoncées au dispositif des dernières conclusions.

 

En l'espèce les parties s'opposent sur le prononcé du divorce, les dommages-intérêts, la prestation compensatoire et les mesures concernant l'enfant [W]. La décision déférée sera donc confirmée dans l'ensemble des dispositions non soumises à la censure de la Cour.

Sur le prononcé du divorce :

Le premier juge a retenu que [K] [H] établissait que [G] [E] a eu des relations extra conjugales pendant la vie commune.

[K] [H] a produit la copie du passeport de [G] [E] montrant trois voyages en République Dominicaine et un procès-verbal de constat établi le 28 février 2012 montrant des photos sur lesquelles [G] [E] entretient une relation sentimentale avec une autre personne que son épouse, l'huissier notant sur les photos des comportements amoureux avec des postures exhibitionniste et érotique.

[G] [E] a adressé des mandats entre mars 2011 et février 2012 à une jeune femme dominicaine.

[G] [E] s'est rendu au cours de l'année 2012 à quatre reprises au Vietnam à chaque fois pour plusieurs semaines et à deux reprises en 2013. [G] [E] y a rencontré une jeune vietnamienne ainsi qu'en atteste les photos et attestations de témoins ayant entendu ou échangé avec l'époux sur ses voyages et sur l'objectif de ses voyages.

[G] [E] ne conteste d'ailleurs pas avoir entretenu une relation extra conjugale avec Mme [S] [L] [S] [B] qui est la mère de son troisième enfant né le [Date naissance 5] 2014. Il estime à tort que son infidélité peut s'expliquer par le contexte de séparation de son couple et, elle conserve un caractère fautif.

C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé que [K] [H] établissait que [G] [E] a eu des relations extra conjugales pendant la vie commune, ces faits constituant une violation des devoirs et obligations du mariage au sens de l'article 242 du code civil, et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Le jugement prononçant le divorce aux torts exclusifs de [G] [E] sera confirmé.

Sur les conséquences du divorce

Sur la prestation compensatoire

Aux termes des articles 270, 271 et 272 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours prévu par l'article 212 du code civil, mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

Le juge prend en considération, notamment :

- la durée du mariage,

- l'âge et l'état de sante des époux,

- leur qualification et leur situation professionnelles,

- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,

- le patrimoine estime ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,

- leurs droits existants et prévisibles,

- leur situation respective en matière de pensions de retraite.

Le premier juge a rappelé que [K] [H] demanderesse à la prestation compensatoire supportait la charge de la preuve permettant au juge du divorce de comparer les conditions de vie de chaque époux au moment de la rupture du lien conjugal et de constater non seulement la disparité existante mais aussi les perspectives d'avenir de chacune des parties.

En première instance il était noté que les revenus et les charges des parties s'établissaient de la manière suivante :

[G] [E] : déclarait dans ses conclusions un revenu mensuel moyen comme artisan de 1300 € mais son avis d'imposition sur les revenus 2015 montrait un revenu moyen de 3423,75 € par mois. Aucun élément n'était produit sur ses revenus en 2016 ou 2017. ll déclarait régler un loyer de 480€ et justifiait du remboursement d'un crédit immobilier de 620€ par mois ;

[K] [H] : titulaire d'un master de droit suivait une formation depuis 2014 de préparation au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale qui devait prendre fin en octobre 2017. Elle indiquait percevoir un revenu foncier de 1850€.

Les parties avaient fait preuve en première instance d'une particulière opacité sur la réalité de leurs revenus et de leurs charges. Ainsi le premier juge notait que :

- Aucun élément n'était produit sur le type d'emploi envisagé par [K] [H] et son revenu prévisible;

- Aucun relevé de carrière n'était produit concernant l'ancienne activité de coiffeuse de l'épouse exercée pendant 23 ans et les droits à la retraite déjà acquis;

- [K] [H] déclarait régler des crédits immobiliers qui étaient en fait réglés soit par ses parents soit par l'époux;

- [K] [H] ne produisait pas son avis d'imposition sur les revenus de 2016 alors que les dernières conclusions ainsi que les pièces justificatives avaient été communiquées le 12 septembre 2017;

- Aucun élément n'était produit sur les revenus de [G] [E] en 2016 ou 2017 ;

- [G] [E] indiquait que les époux étaient propriétaires d'une maison à [Localité 1] construite sur un terrain appartenant en propre à [K] [H] qui percevrait des revenus fonciers provenant de la location de ce bien immobilier; [K] [H] ne donnait aucune information sur ce bien immobilier ;

- [G] [E] indiquait que [K] [H] louait un studio attenant à la villa qui constituait l'ancien domicile conjugal, qu'elle louait aussi la villa lors de la période estivale ;

- [G] [E] affirmait que [K] [H] était toujours coiffeuse à domicile.

Devant la Cour, [K] [H] déclare qu'après une formation en alternance auprès du CNAM aux fins d'obtenir un diplôme de Gestionnaire d'Établissements Médicaux et Médico-Sociaux entreprise octobre 2018 dans la cadre de laquelle elle avait effectué un stage auprès du CCAS de [Localité 4] moyennant une gratification mensuelle de 472,50 €, elle serait aujourd'hui sans emploi et sans ressources. 

[G] [E] déclare disposer d'un revenu mensuel de 1 300 euros et régler un loyer de 500 euros.

[K] [H] ne rapporte nullement la preuve d'un niveau de vie aisé de [G] [E], ses voyages au Vietnam dont il n'est pas démontré qu'ils soient onéreux, ne pouvant à ce titre être considérés comme probants.

S'agissant du patrimoine des époux, le premier juge rappelait que [K] [H] expliquait que [G] [E] était installateur d`antenne de télévision et depuis 2014 d'alarmes vidéo, et que le couple avait accumulé entre 1992 et mai 2013 un patrimoine immobilier important grâce aux revenus dissimulés par le mari sur son activité professionnelle. [K] [H] soutient que [G] [E] ne respectait pas les règles fiscales en n'ayant pas un compte professionnel et un compte personnel séparés ce qui lui permettait de mieux organiser sa fraude fiscale.

Le patrimoine des parties est constitué de trois biens immobiliers, le domicile conjugal, villa sise à [Localité 4] évaluée entre 650.000 € et 660.000€ et affectée d'un crédit immobilier avec un solde restant dû chiffré en première instance à 6873,87€, un local commercial avec un appartement et une cave qui a été transformé en deux studios qui auraient une valeur de 260.000 €.

D'après l'avis d'imposition 2016, les époux déclaraient un revenu foncier net de 20.020 € soit 1668,33 € par mois.

[K] [H] est mal venue de reprocher à [G] [E] des fraudes fiscales pendant la vie maritale alors qu'en même temps elle sollicite le bénéfice de ces fraudes en demandant l'attribution d'un droit d'usufruit sur un bien immobilier à titre de prestation compensatoire.

En tout état de cause la Cour constate que [K] [H] tout comme devant le premier juge, n'a pas fait preuve de transparence sur les revenus fonciers qu'elle obtiendrait de la location à un étudiant d'un studio attenant au domicile conjugal et de la location de la villa elle-même pendant la saison estivale dont fait état [G] [E].

De même [K] [H] n'a pas éclairé la Cour sur les revenus locatifs du bien immobilier situé à [Localité 1] dont elle ne conteste pas l'existence.

Les éléments soumis à la Cour ne permettent donc pas de démontrer l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré ayant débouté [K] [H] de sa demande de prestation compensatoire.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Seule la démonstration de ce que la dissolution du mariage lui-même a eu pour le conjoint des conséquences d'une particulière gravité peut fonder une demande sur le fondement de l'article 266 du code civil.

[K] [H] déclare avoir épousé [G] [E] en 1986 et avoir espéré vivre sa vie entière avec lui mais, elle n'explique pas en quoi la dissolution du mariage a pour elle des conséquences d'un particulière gravité.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil, l'infidélité de [G] [E] qui s'est désintéressé de la vie familiale est constitutif d'un comportement fautif qui a causé à [K] [H] un préjudice moral certain.

Ce préjudice est justement réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts telle que l'a fixée le premier juge qui sera confirmé de ce chef.

Sur les mesures relatives à l'enfant

Sur la fixation rétroactive de la résidence de l'enfant [W] chez la mère, à compter du jugement du 9 novembre 2017 et jusqu'au 21 janvier 2018 date de sa majorité

Le transfert de la résidence habituelle d'un enfant mineur peut être fixé par le juge aux affaires familiales, de façon rétroactive, à dater de l'événement qui justifie ce changement de situation matérielle pour l'enfant. Mais aucun texte ne contraint le juge à choisir cette date et l'effet rétroactif d'une décision judiciaire peut être arrêté à une date postérieure au changement de situation au regard des circonstances particulières de l'espèce. L'effet rétroactif peut être ainsi limité à la date de saisine du juge aux affaires familiales à cette fin ou refusé dans la mesure où le requérant n'aurait pas fait diligence alors qu'il était informé du changement de situation qui fonde sa requête ou sa demande.

[K] [H] soutient que la résidence alternée de l'enfant commun [W] fixée par le jugement du 9 novembre 2017 n'a jamais été mise en 'uvre. [G] [E] n'abonde pas dans son sens. Aucune des pièces versées au dossier ne démontre que [W] a résidé à titre principal chez sa mère entre le 9 novembre 2017 et le 21 janvier 2018. Il convient donc de débouter [K] [H] de sa demande de ce chef.

Sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant

L'article 371-2 du code civil dispose qu'il appartient à chacun des parents de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant qui varient en fonction de son âge. Le montant de la pension alimentaire résulte aussi du niveau de rémunération de ses deux parents et de son évolution.

Le parent qui assume à titre principal la charge d'un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins peut demander à l'autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation.

Il n'est pas démontré que [W] ait résidé chez [K] [H] à titre principal à compter du 9 novembre 2017 et qu'il ait été à sa charge principale, ce jusqu'au 1er septembre 2018.

[K] [H] indique que [W] a été admis à l'école de commerce [Établissement 1] à [Localité 5] à compter de septembre 2018. Elle précise que [G] [E] règle la moitié des frais de scolarité soit 452 euros par mois, prend en charge la moitié de ses frais d'hébergement pour son logement à [Localité 5] et lui verse 200 euros par mois.

[K] [H] ne rapporte pas la preuve que l'enfant qui ne réside plus chez elle soit à sa charge principale et, au regard de l'opacité des situations financières des parties, il n'est pas démontré que la participation de [G] [E] à l'entretien et l'éducation de l'enfant ne soit pas conforme à ses facultés contributives et à celles de [K] [H].
Au vu de ces éléments, il convient de débouter [K] [H] de sa demande de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code procédure civile :

[G] [E] et [K] [H] succombant pour partie en leurs prétentions, les dépens d'appel seront partagés par moitié, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais non compris dans les dépens. Il n'y a donc pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en chambre du conseil

Reçoit l'appel,

Confirme l'intégralité de la décision entreprise,

Y ajoutant,

Déboute [K] [H] de sa demande de fixation rétroactive de la résidence de l'enfant [W] chez elle, à compter du jugement du 9 novembre 2017 et jusqu'au 21 janvier 2018 ;

Déboute [K] [H] de sa demande de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [W] ;

Condamne [G] [E] et [K] [H] chacun pour moitié au paiement des dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 17/22370
Date de la décision : 02/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°17/22370 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-02;17.22370 ?
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