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02/05/2019 | FRANCE | N°17/04997

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 02 mai 2019, 17/04997


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3 (anciennement dénommée 3ème Chambre A)





ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019



N° 2019/192







N° RG 17/04997 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAGLC







Société DOMAINE DU PRECONIL





C/



Société DOMAINE DU PRECONIL





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe-Laurent SIDER



Me Sylvie

MAYNARD









Décision déférée à la Cour :



Jugements du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date des 15 Mars 2007 et 3 Juin 2009 enregistrés au répertoire général sous le n° 02/01713.





APPELANTE



S.C.I. DOMAINE DU PRECONIL, demeurant [Adresse 1]

représentée par ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3 (anciennement dénommée 3ème Chambre A)

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019

N° 2019/192

N° RG 17/04997 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAGLC

Société DOMAINE DU PRECONIL

C/

Société DOMAINE DU PRECONIL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe-Laurent SIDER

Me Sylvie MAYNARD

Décision déférée à la Cour :

Jugements du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date des 15 Mars 2007 et 3 Juin 2009 enregistrés au répertoire général sous le n° 02/01713.

APPELANTE

S.C.I. DOMAINE DU PRECONIL, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Brigitte CHARLES-NEVEU, avocat au barreau de NICE substitué par Me Matthieu BOTTIN, avocat au barreau de NICE,

INTIMEE

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DOMAINE DU PRECONIL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Jean Philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Béatrice MARS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente

Mme Béatrice MARS, Conseiller rapporteur

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019,

Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SCI Domaine du Preconil a entrepris la réalisation d'un ensemble immobilier dénommé Le Domaine du Preconil à [Localité 1].

Un syndicat de copropriétaires s'est constitué.

Selon les différents permis de construire, la SCI Domaine du Preconil s'était engagée à réaliser divers travaux concernant les parties communes.

Ces travaux n'ont pas été réalisés et cette situation a entraîné un refus de délivrance du certificat de conformité.

La SCI Domaine du Preconil a formé des recours administratifs qui ont, pour la plupart, été rejetés.

Par acte du 7 mars 2002, le syndicat des copropriétaires du Domaine du Preconil a assigné la SCI Domaine du Preconil devant le tribunal de grande instance de Draguignan.

Un expert a été nommé en la personne de M. [W] qui a déposé son rapport le 13 décembre 2004.

Par jugement du 15 mars 2007, le tribunal de grande instance de Draguignan a sursis à statuer sur les demandes relatives au parking et désigné à nouveau M. [W] avec mission de vérifier la conformité des travaux réalisés, a sursis à statuer sur les demandes de réalisation des aménagement et de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Nice (intervenue le 15 novembre 2007) et a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes relatives à l'édification d'une salle de réunion collective et à la réparation du préjudice subi en précisant que le syndicat des copropriétaires avait contribué à la réduction des constructions permises en autorisant les copropriétaires à fermer les loggias.

La SCI Domaine du Preconil a été déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles. Elle soutenait en effet que l'ensemble immobilier devait comprendre cinq bâtiments. Alors que le quatrième était en cours de construction elle s'est vu notifier par la mairie [Établissement 1] le 7 février 1995 un arrêté d'interruption des travaux, au motif qu'une partie du COS avait été absorbé par la fermeture de nombreuses loggias en façade des bâtiments déjà construits et vendus ; elle a présenté un permis de construire modificatif qui a été rejeté par arrêté du 29 juillet 1997 devenu définitif, au motif de l'épuisement du COS résultant de la fermeture des loggias et a sollicité la mise en conformité qui lui a été refusée. La SCI Domaine du Preconil invoquait donc une faute du syndicat des copropriétaires qui, aux termes d'une assemblée générale du 5 août 1986, avait autorisé la fermeture des loggias contrairement aux dispositions du règlement de copropriété, ce qui l'avait empêché de construire le cinquième bâtiment lui causant un préjudice dont elle réclamait réparation sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et 1382 du code civil.

Le tribunal de grande instance de Draguignan a déclaré l'action de la SCI Domaine du Preconil prescrite en retenant comme point de départ de l'action, soit « la manifestation du dommage », la réalisation des travaux de fermeture des loggias et au plus tard le 7 février 1995, date de l'arrêté d'interruption des travaux. La demande de dommages et intérêts ayant été présentée par la SCI Domaine du Preconil dans ses conclusions du 12 avril 2006, elle se trouvait donc prescrite.

L'expert a déposé son second rapport le 6 février 2008.

Par jugement en date du 3 juin 2009, le tribunal de grande instance de Draguignan a condamné sous astreinte la SCI Domaine du Preconil à réaliser :

- dans un délai de 4 mois : un sol stabilisé et l'implantation de 50 arbres

- dans un délai d'un an les travaux de stabilisation des berges ainsi que des travaux d'aménagement paysager comprenant un aménagement des Berges du Préconil et la réalisation d'un chemin piétonnier et des placettes conformément aux permis de construire.

La SCI Domaine du Preconil a interjeté appel des deux jugements le 2 juillet 2009.

Par arrêt en date du 7 janvier 2011, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé intégralement le jugement du 15 mars 2007 (objet de la présente instance) en considérant d'une part que ce sont les dispositions dérogatoires applicables en droit de la copropriété qui doivent s'appliquer, à savoir la loi du 10 juillet 1965, et plus spécifiquement son article 14 et considéré que la prescription avait commencé à courir à compter de l'autorisation donnée par l'assemblée générale le 5 août 1986 aux copropriétaires de fermer les loggias et que les demandes de la SCI Domaine du Preconil formulées dans ses conclusions 12 avril 2006 étaient prescrites.

Par arrêt en date du 26 janvier 2017, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 7 janvier 2011 mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable, comme prescrite la demande de la SCI Domaine du Préconil en dommages-intérêts en motivant ainsi : attendu que les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Attendu que, pour rejeter, comme prescrite, la demande de la SCI en dommages-intérêts, l'arrêt retient que le fait générateur du préjudice est l'autorisation donnée aux copropriétaires par l'assemblée générale, le 5 août 1986, de fermer les loggias Qu'en statuant ainsi, sans rechercher à quelle date le dommage était apparu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La présente cour a été saisie le 15 mars 2017 par la SCI Domaine du Préconil.

Vu les conclusions de la SCI Domaine du Préconil notifiées le 10 avril 2018, au terme desquelles il est demandé à la cour :

- Dire et juger la SCI Domaine du Preconil recevable en son appel

Au fond :

- Dire et juger que la demande de réparation formée par la SCI Domaine du Preconil en sa qualité de promoteur constructeur, titulaire des droits à construire, a une nature réelle et se trouve soumise à la prescription de 30 ans de l'article 2262 ancien du code civil (article 2227 actuel)

Subsidiairement :

- Dire et juger que la demande a un caractère mixte et se trouve soumise à la prescription de 30 ans de l'ancien article 2262 code civil

Encore plus subsidiairement :

- Dire et juger que la prescription de 10 ans a commencé à courir lorsque le jugement du tribunal administratif de Nice rejetant le recours contre l'arrêté en date du 29 juillet 1997 refusant l'autorisation d'édifier le dernier bâtiment prévu en date du 29 juin 2000 est devenu définitif, soit au 29 août 2000

- Réformer le jugement du 15 mars 2007 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle formée par la SCI par voie de conclusions signifiées le 12 avril 2006

- Dire et juger le syndicat de copropriété responsable de l'entier dommage subi par la SCI Domaine du Preconil

En conséquence, condamner ledit syndicat aux sommes de :

* 763 080 euros au titre de la perte de bénéfice escompté

* 24 881 euros au titre des intérêts bancaires

* 115 861 euros au titre de la poursuite de gestion de la société

* 152 450 euros au titre du préjudice commercial

Sauf à parfaire et actualiser, les dites sommes devant porter intérêt au taux légal à compter de la demande, soit le 12 avril 2006

- Réformer les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Allouer sur ce fondement à la SCI Domaine du Preconil la somme de 5000 euros

- Condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens.

Vu les conclusions du syndicat de copropriétaires du Domaine du Preconil, notifiées le 11 février 2019, au terme desquelles il est demandé à la cour de :

- Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Draguignan le 15 mars 2007 en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes reconventionnelles de la SCI Domaine du Preconil

- Débouter la SCI Domaine du Preconil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Condamner la SCI Domaine du Preconil à payer au syndicat des copropriétaires Domaine du Preconil, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Sylvie Maynard, avocat sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est en date du 13 février 2019.

MOTIFS DE LA DECISION':

La SCI Domaine du Preconil fait valoir que son action « qui tend à compenser la perte de droits à construire dont elle est titulaire est née de la réglementation d'urbanisme et a donc un caractère réel soumis à la prescription trentenaire ».

En l'espèce la SCI Domaine du Preconil sollicite l'allocation de dommages et intérêts tendant à réparer le préjudice économique subi du fait de l'autorisation donnée par l'assemblée générale, le 5 août 1986, aux copropriétaires de fermer les loggias.

L'action engagée ne peut donc s'analyser comme une action à caractère réel ou mixte.

De même, les dispositions dérogatoires applicables en droit de la copropriété, telles que définies dans la loi du 10 juillet 1965, doivent s'appliquer en l'espèce et non celles générales de l'ancien article 1382 du code civil (dans sa version applicable à l'espèce).

Au surplus, la cour de cassation a rappelé, dans son arrêt du 26 janvier 2017, que': les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation et a donc retenu qu'étaient seules applicables en l'espèce les dispositions de l'article 2270-1 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008).

En l'espèce, suite à la fermeture des loggias par certains copropriétaires, un procès-verbal de constat a été dressé par la direction départementale du Var du Ministère de l'Équipement le 22 novembre 1994 mentionnant notamment « des travaux de construction entrepris en non conformité avec les plans annexés au permis de construire accordé le 14 mai 1985 et permis modificatif du 25 septembre 1986': de nombreuses loggias sont fermées par des baies vitrées en façade des immeubles A, B, C, D (') les travaux de construction prévus dans le cadre du permis de construire ne sont pas achevés, l'extrémité Nord du bâtiment D est en cours de réalisation et le bâtiment E n'est pas construit ».

Par arrêté portant interruption de travaux du 7 février 1995, le maire de [Localité 1] a, au vu du procès verbal dressé le 22 novembre 1994, mis en demeure le représentant de la société Progadim (anciennement SCI Domaine du Preconil) de « cesser immédiatement les travaux d'un bâtiment, engagés au lieu dit le Capet résidence [Établissement 2] ».

La SCI Domaine du Preconil a déposé le 21 mars 1995 une demande de permis modificatif prévoyant notamment pour le groupe E': la suppression du bâtiment les Acacias et pour le bâtiment Les Eucalyptus la création de 28 logements.

Ce permis a été accordé le 24 juin 1996 et l'arrêté interruptif des travaux a été rapporté le 26 juin 1996.

Le 16 janvier 1997, la SCI Domaine du Preconil a déposé une nouvelle demande de permis modificatif concernant la construction du bâtiment E qui a été refusé.

L'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, fixe à la date de « manifestation du dommage » ou à celle de son aggravation, le point de départ de la prescription.

Il y a donc lieu de déterminer à quelle date le dommage causé par l'autorisation donnée aux copropriétaires de fermer les loggias s'est « manifesté » à la SCI Domaine du Preconil.

La nature même du dommage n'est pas discutée : il s'agit de l'impossibilité pour la SCI Domaine du Preconil d'entreprendre la construction des bâtiments A,B,C,D,E, telle que prévue au projet initial.

Le « dommage » était nécessairement « manifeste » pour la SCI Domaine du Preconil dès l'arrêté en date du 7 février 1995 du maire de [Localité 1] portant interruption de travaux, ce qui l'a conduite le 21 mars 1995 a déposer une demande de permis de construire modificatif, cette société précisant d'ailleurs dans la note explicative l'accompagnant': des copropriétaires ont fermé les loggias sans autorisation (' ) à ce jour 163 loggias ont été fermées. Ces fermetures représentent une surface SHON de 1624 m² ( ' ) pour régulariser le modificatif de la tranche 2, il est proposé de supprimer, en phase provisoire, le bâtiment Les Acacias projeté en phase 3.

La manifestation du dommage était donc évidente à cette date pour la SCI Domaine du Preconil même s'il n'était pas fixé avec précision et peu important que des copropriétaires aient continué postérieurement à procéder à la fermeture des loggias.

Il apparaît donc que l'arrêté du maire de [Localité 1] portant interruption de travaux en date du 7 février 1995 doit être considéré comme la date la plus tardive au-delà de laquelle la SCI Domaine du Preconil ne pouvait plus ignorer son droit à agir à l'encontre du syndicat des copropriétaires Domaine du Preconil.

Pour les motifs exposés ci dessus, la décision du premier juge qui a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts présentée par la SCI Domaine du Preconil dans ses conclusions notifiées le 12 avril 2006, sera confirmée.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile':

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires Domaine du Preconil les frais irrépétibles engagés dans la présente instance. La SCI Domaine du Preconil sera condamnée à lui verser, à ce titre, une somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS':

La cour, par décision contradictoire, en dernier ressort':

Confirme le jugement en date du 15 mars 2007,

Condamne la SCI Domaine du Preconil à payer au syndicat des copropriétaires Domaine du Preconil une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Domaine du Preconil aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 17/04997
Date de la décision : 02/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°17/04997 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-02;17.04997 ?
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