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26/04/2019 | FRANCE | N°16/15121

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 26 avril 2019, 16/15121


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 26 AVRIL 2019



N°2019/ 176















Rôle N° RG 16/15121 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7DR4







[I] [H] épouse [V]





C/



SAS MOTIVAY A L'ENSEIGNE 'MC DONALD'



























Copie exécutoire délivrée

le :26/04/2019

à :



Me Sébastien MOLINES, avocat au

barreau de GRASSE



Me Marie Yves IELASI, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section C - en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/278.





APPELANTE



Madame [...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 26 AVRIL 2019

N°2019/ 176

Rôle N° RG 16/15121 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7DR4

[I] [H] épouse [V]

C/

SAS MOTIVAY A L'ENSEIGNE 'MC DONALD'

Copie exécutoire délivrée

le :26/04/2019

à :

Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

Me Marie Yves IELASI, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section C - en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/278.

APPELANTE

Madame [I] [H] épouse [V], demeurant [Adresse 1]S

comparante en personne, assistée de Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SAS MOTIVAY A L'ENSEIGNE 'MC DONALD', demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marie Yves IELASI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Solange LEBAILE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

Madame Béatrice THEILLER, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2019.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2019

Signé par M.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 1ER juillet 2011, Madame [I] [H] épouse [V] a été embauchée par l'Eurl Motivay en qualité d'assistante de direction catégorie agent de maîtrise niveau 4 échelon 1.

S'estimant victime de harcèlement moral et sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus le 26 mai 2014.

Le 23 octobre 2015, la salariée a été licenciée pour inaptitude.

Par jugement en date du 30 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Fréjus a débouté Madame [I] [V] de ses demandes, débouté la Sas Motivay de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Madame [V] aux entiers dépens.

Le 27 juillet 2016, soit dans le délai légal, Madame [H] épouse [V] a relevé appel de ce jugement.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Madame [V] demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- dire et juger que la Sas Motivay a manqué à son obligation de sécurité,

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

- dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

- dire et juger que le harcèlement moral dont elle a été victime est à l'origine de son inaptitude physique,

- dire et juger que son licenciement est nul,

Très subsidiairement,

- dire et juger que la Sas Motivay a manqué à son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

En conséquence et en tout état de cause,

- condamner la Sas Motivay à lui verser les sommes suivantes :

* 30000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

*10000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 43000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse,

* 3750,06 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5412 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 541,20 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du 27 mai 2014,

- ordonner sous astreinte, la remise des documents sociaux et bulletins de paie rectifiés,

- ordonner que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la Sas Motivay à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La salariée fait valoir :

- sur le harcèlement moral, que s'agissant de la mise au placard et de la rétrogradation au poste d'équipière, Monsieur [N] la contraignait tantôt à effectuer le travail d'une équipière, l'échelon le plus bas au sein des restaurants Mc Donald's, tantôt à se contenter de suivre son supérieur hiérarchique sans autre indication, elle produit un mail confirmant son remplacement au poste d'assistante administrative par une autre salariée, Madame [M] [I], elle avait fait l'objet d'une aptitude avec réserve qui prévoyait : 'travail type administratif essentiellement, pas de manutention, pas de nettoyage et doit pouvoir s'assoir au bout d'une heure', au surplus, elle percevait des primes équipiers et non des primes correspondant au niveau 4.1 de son véritable poste et si le poste prévu à l'avenant correspondait bien aux préconisations du médecin du travail, il en était tout autrement des fonctions qui lui étaient en réalité confiées, que s'agissant du non-respect des préconisations du médecin du travail, qu'elle a passé entre le 28 juin 2012 et le 24 juillet 2014, 9 visites auprès de la médecine du travail qui se sont toutes conclues par une aptitude au poste d'assistante de direction avec réserves, néanmoins son employeur lui a demandé d'effectuer des fonctions d'équipière qui nécessitent de nombreuses manutentions et une station de bout prolongée, ce non-respect des préconisations a eu pour conséquence une aggravation de son état de santé qui s'est traduit par une augmentation des réserves de la médecine du travail, lors du son retour dans la société Motivay, son employeur n'a pas aménagé son poste, contrairement à ce que soutient l'employeur, le médecin du travail n'a pas confirmé le respect de ses préconisations et aucune fiche de poste comme recommandé par le médecin du travail ne lui a jamais été présentée, que s'agissant des violences, pressions et menaces, Monsieur [N] l'a contrainte de signer des avenants à son contrat de travail antidatés ainsi que des avenants de mise à disposition, l'employeur tente de se dédouaner en prétendant que c'est Monsieur [X] qui aurait demandé la signature desdits documents alors qu'en réalité celui-ci a toujours demandé la régularisation de sa situation, elle a également subi des pressions régulières de son employeur notamment le 16 mai 2013 où Monsieur [S] lui a demandé de signer un avenant à son contrat en la menaçant d'un prochain licenciement si elle ne coopérait pas, le 13 juin 2013, l'employeur a attendu l'absence de délégués du personnel pour la contraindre une fois de plus à signe un avenant à son contrat, Monsieur [N] l'a agressée verbalement avec une telle violence qu'elle a été victime d'un malaise qualifié d'accident du travail, elle a d'ailleurs déposé plainte pour ces faits, Madame [M], témoin de la scène a témoigné dans le cadre de l'enquête contradictoire de la Cpam et a confirmé la pression exercée à son encontre, les mails adressés par les délégués du personnel à l'employeur démontrent qu'elle n'a pas attendu un an pour réagir comme l'affirme celui-ci, elle a bien été victime de deux accidents du travail, le premier le 27 juin 2013 suite à une chute dans les escaliers et le second le 27 mars 2014 suite à l'agression de Monsieur [N], les difficultés liées à la dangerosité de l'escalier avaient lieu sur la société Fama sur laquelle elle était détachée et non sur la société Motivay, les attestations adverses de Messieurs [S] et de Monsieur [L] sont sujettes à caution, Monsieur [S] qui curieusement est toujours présent pour attester n'est pas salarié de la société Motivay mais de la société Jempila et n'est donc pas son supérieur hiérarchique, quant à Monsieur [L], il a été accusé par 18 salariés de harcèlement moral mais n'a jamais été inquiété et a été maintenu à son poste de directeur alors que la plupart des contrats des plaignants a été rompu, les attestations adverses de complaisance qui vantent la gentillesse inconditionnelle de Monsieur [N] n'ont aucun intérêt en l'espèce, Monsieur [N] s'est bien livré avec l'aide de Monsieur [S] et de Monsieur [L] à un harcèlement moral grave, notamment le 27 mars 2014, depuis ces événements, elle est régulièrement suivie par un psychiatre, le docteur [J] et le 30 septembre 2015, elle a été finalement déclarée inapte définitivement en une seul visite pour cause de danger immédiat;

- sur le manquement à l'obligation de sécurité, que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions pourtant obligatoires de la médecine du travail, que non seulement l'employeur lui a imposé un changement de poste alors qu'elle avait été déclarée apte mais il l'a contrainte à effectuer des missions qui faisaient pourtant l'objet de réserves du médecin du travail, que cette attitude lui a causé un préjudice certain qui est caractérisé par la lecture des différents avis d'inaptitude et l'accroissement des réserves au fur et à mesure du temps, qu'elle aurait peut-être pu connaître un plus prompt rétablissement et qu'au lieu de cela, sa situation s'est dégradée;

- sur le prêt de main d'oeuvre illicite, qu'elle a été prêtée d'une société à l'autre, toutes deux à l'enseigne Mc Donald's, pour le même poste, à savoir assistante de direction, que manifestement, elle ne disposait d'aucun 'savoir faire' spécifique de la société emprunteuse, que le seul objet du contrat était incontestablement le prêt de personnel et ce afin d'éviter à la société emprunteuse d'engager une assistante de direction, qu'elle ne peut avoir en sa possession les éléments comptables de la société Motivay permettant d'établir le caractère lucratif, qu'il a été fait en vaine sommation à l'employeur de produire les conventions de prêt conclues entre les sociétés Motivay et Fama ainsi que les grands livres de comptes de la société Motivay pour la période du 1ER juillet 2012 au 27 juin 2013 et que la cour tirera toutes les conséquences de cette abstention;

- sur la résiliation judiciaire du contrat de travail, qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur qui a également manqué à son obligation de sécurité, que l'employeur l'a contrainte à signer des contrats, l'a menacée, l'a mise au placard et l'a même agressée verbalement ce qui a conduit à un accident de travail en mars 2014, que l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles de sorte que la demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de ce dernier est fondée et que compte-tenu de son licenciement intervenu le 23 octobre 2015, la date d'effet de cette résiliation sera fixée à cette même date;

- sur le quantum des demandes, que s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a été licenciée alors qu'elle disposait d'une ancienneté de 19 ans dans une société qui compte habituellement plus de dix salariés, elle est aujourd'hui âgée de 56 ans, elle avait gravi les échelons un à un jusqu'au poste d'assistante de direction et espérait devenir un jour directrice et à exercer jusqu'à sa retraite, au lieu de cela, son employeur lui a fait vivre deux années particulièrement difficiles moralement et physiquement et malheureusement, il lui sera certainement très difficile de retrouver un emploi, que s'agissant de l'indemnité légale de licenciement, son ancienneté est de 19 ans et son salaire brut mensuel de 1804 euros, elle aurait dû percevoir la somme de 9020 euros nets et elle n'a perçu que 5269,94 euros nets de sorte que le solde restant dû est de 3750,06 euros nets et que s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, elle a été reconnue travailleur handicapée de sorte que son préavis de deux mois doit être augmenté d'un mois ;

- à titre subsidiaire, que son inaptitude ayant entraîné son licenciement est la conséquence des nombreux manquements de l'employeur notamment du défaut de respect des préconisations du médecin du travail ainsi que du harcèlement moral dont elle a été victime de sorte que le licenciement est nul;

- sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de reclassement, que l'employeur ne justifie pas de la moindre tentative de reclassement au sein de la société Motivay, pas plus qu'il ne justifie de l'absence de poste disponible et que l'employeur a interrogé dix sociétés dont cinq ont répondu par la négative et l'a licenciée sans attendre la réponse des autres sociétés interrogées,

- sur les conséquences du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, que s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, au moment de la rupture, elle disposait d'une ancienneté de près de 20 ans dans une société qui compte habituellement plus de dix salariés, elle est aujourd'hui âgée de 60 ans, elle a gravi les échelons un à un jusqu'au poste d'assistante de direction, elle espérait devenir directeur et exercer jusqu'à sa retraite, au lieu de cela, son employeur lui a fait vivre deux années particulièrement difficiles moralement et physiquement et réclame la somme de 43000 euros représentant 24 mois de salaire, que s'agissant l'indemnité légale de licenciement, elle disposait d'une ancienneté de 19 ans et deux mois dans la société, que son indemnité devait donc être de 9020 euros nets, or elle n'a reçu que la somme de 5269,94 euros nets et sollicite la différence, que s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, elle devait effectuer un préavis de trois mois puisqu'elle a été reconnue travailleur handicapé.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sas Motivay demande à la cour de :

- dire et juger que Madame [V] ne rapporte pas la preuve de faits de harcèlement moral,

- dire et juger qu'elle a respecté son obligation de sécurité de résultat,

- dire et juger que Madame [V] ne rapporte pas la preuve de griefs suffisamment graves et directement imputables à l'employeur ayant empêché la poursuite des relations contractuelles pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts,

- dire et juger que le licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à l'inaptitude physique à occuper le poste de travail n'a pas une origine professionnelle,

- dire et juger qu'elle a respecté son obligation de recherche de reclassement,

- dire et juger que le licenciement de Madame [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [V] de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

- débouter Madame [V] de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- débouter Madame [V] de sa demande tendant à voir dire et juger son licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- débouter Madame [V] de ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

L'employeur soutient :

- sur la prétendue rétrogradation et mise au placard, que dans ses premières écritures devant le conseil de prud'hommes, la salariée soutenait avoir été rétrogradée au poste d'assistante administrative puis dans des écritures en réplique, elle prétendait avoir été rétrogradée au poste d'équipière polyvalente, que la salariée soutient avoir été contrainte de réaliser des tâches de ménage, de manutention, de 'réassort' et de cuisine et ce, en violation des préconisations de la médecine du travail, que la salariée ne rapporte pas la preuve de ses allégations, qu'au soutien de ses demandes, Madame [V] produit un courriel du 31 juillet 2014 adressé à son supérieur hiérarchique, Monsieur [Z] alors qu'elle prétend subir une dégradation de ses conditions de travail depuis 2012, qu'il convient d'éclairer la cour sur le contexte de ce dossier dans la mesure où plusieurs salariés sous la coupe de Monsieur [X], ancien directeur de la société, ont diligenté des procédures aux fins de battre monnaie dont Madame [D] et Madame [E], que Monsieur [N] gérant des sociétés Motivay et Fama depuis 2012, va recevoir début 2013, de nombreuses plaintes de salariés mettant en accusation un système de fraude au temps de travail organisé par Monsieur [X] pour présenter des taux de main d'oeuvre exemplaires et lui offrant le versement de primes, que c'est à cette époque que Monsieur [X] va saisir le conseil de prud'hommes de Frejus aux fins d'obtenir un rappel d'heures supplémentaires et dénoncera les modalités de son détachement temporaire alors qu'il n'avait présenté préalablement aucune doléance, qu'après avoir diligenté une enquête interne, Monsieur [N] s'est aperçu que le comportement adopté par Monsieur [X] était à tout le moins fautif et en tout état de cause constitutif de nombreuses infractions pénales, que de nombreuses attestations évoquaient des faits de racisme, de discrimination ou de non-paiement d'heures de travail organisé par Monsieur [X], que s'agissant de Madame [D], elle a été licenciée le 10 juin 2014, par la société Jempila, société également gérée par Monsieur [N], au motif d'une insuffisance professionnelle et d'insubordinations et l'attestation rédigée par cette dernière l'a été dans ce contexte de licenciement, que s'agissant de l'attestation de Madame [E], que cette dernière a saisi la conseil de prud'hommes de Fréjus d'une demande de résiliation judiciaire à l'encontre de son employeur, la société Fama, que cette attestation ne mentionne aucune date ni fait précis, que le courriel produit par Madame [V] émanant de Monsieur [L] ne précise pas que Madame [I] remplacerait Madame [V] à son poste de travail, que la convention de mise à disposition de Madame [V] au sein de la société Fama au retour de son arrêt maladie, a été signée à la demande de Monsieur [X], que le 28 juin 2012, un avenant au contrat de travail a té signé entre les parties afin de respecter les préconisations du médecin du travail et de formaliser l'aménagement temporaire de poste organisé avec le médecin du travail, que pendant plus de trois ans, Madame [V] a été régulièrement reçue par le médecin du travail, qu'en étroite collaboration avec ce dernier, il va aménager le poste de la salariée afin de lui permettre de réaliser en priorité des tâches administratives et en lui faisant bénéficier d'horaires fixes le matin, que la salariée était exonérée de toute manutention et de tout nettoyage, que la salariée sera de nouveau déclarée apte les 18 décembre 2012 et le 16 avril 2013, qu'en toute hypothèse, la notion de rétrogradation unilatérale n'a pas vocation à s'appliquer puisque les parties ont signé un contrat de travail, qu'il a maintenu la même classification, le même statut et la même rémunération que celles attribuées à une assistante de direction, que le médecin du travail n'aurait pas manqué de l'alerter si l'aménagement du poste n'avait pas été conforme à ses préconisations, que la salariée n'a jamais contesté l'aménagement de son poste de travail ni alerté les institutions représentatives du personnel, que suite au refus réitéré de signer plusieurs avenants au contrat, il a mis fin au détachement de Madame [V] au sein de la société Fama par courrier du 12 juin 2013 et la salariée a réintégré la société Motivay à compter de juillet 2013, que le poste de travail de Madame [V] a été une nouvelle fois aménagé, aménagement avalisé par le médecin du travail, que par la suite, la salariée a été déclarée apte, que le médecin du travail s'est de nouveau rendu au sein du restaurant le 16 juillet 2014, qu'il a établi une fiche de poste le 24 juin 2014, que le médecin du travail a une nouvelle fois avalisé l'aménagement, que les attestations de Monsieur [Z], de Madame [G] et de Madame [Y] démontrent que les préconisations de la médecine du travail concernant la salariée ont toujours été respectées, que dans son courrier du 14 juillet 2014, Madame [V] reconnaissait ne jamais avoir effectué des tâches subalternes ou dégradantes et que les tâches qui lui étaient confiées lui convenaient parfaitement, que néanmoins et de manière contradictoire, la salariée a refusé de signer l'avenant au contrat de travail pour formaliser l'aménagement de poste validé par le médecin du travail, qu'il ressort des échanges de courriels entre les parties que la salariée occupait effectivement un poste d'assistante de direction aménagé, qu'il est allé au-delà de ses obligations légales puisqu'il n'avait pas l'obligation d'aménager le poste sur un poste de classification équivalente, que le reclassement s'est avéré extrêmement difficile en termes d'organisation au regard des nombreuses contraintes médicales et de l'horaire maximum de travail préconisé et que pour autant, il a réussi pendant plus de 3 ans à reclasser la salariée sur un poste avalisé par le médecin du travail et ainsi éviter la rupture du contrat de travail;

- sur la prétendue violation des dispositions de la médecine du travail, qu'il a fourni les efforts nécessaires tel que cela a été démontré plus haut, pour permettre à la salariée de travailler dans des conditions préservant son état de santé, que Madame [V] a toujours été déclarée apte, que la salariée a refusé de se rendre à la visite médicale organisée le 28 avril 2014 et que celle-ci ne subissait aucune difficulté dans l'exécution de son contrat de travail;

- sur les prétendues violences, pressions et menaces, que la salariée ne rapporte pas la preuve des faits dont elle prétend avoir été victime de Monsieur [N] à savoir : le 2 juillet 2012, aux fins de signer des avenants au contrat de travail, le 13 juin 2013, aux fins de signer une convention de mise à disposition et le 27 mars 2014, une agression verbale lui ayant provoqué un malaise, que s'agissant la signature des avenants au contrat de travail, il appartient à la salariée de verser aux débats les éléments démontrant les violences dont elle aurait été victime susceptibles d'affecter la validité du contrat, concomitamment à ces signatures, la salariée ne va pas déposer de plainte, ni alerter les institutions représentatives du personnel, le médecin du travail ou l'inspection du travail, le contrat de travail va se poursuivre pendant un an sans aucune difficulté puisque ce n'est que le 13 juin 2013 que Madame [V] va contester la signature de certains de ces contrats de travail auprès de l'inspection du travail, cette dernière ne formulera aucune réponse ni n'interrogera l'employeur, la salariée a en outre été déclarée apte les 16 et 25 juin 2013, la salariée a déposé plainte le 13 juin 2013 mais uniquement en ce qui concerne la signature de la fin de mise à disposition du 12 juin 2013, plainte qui a été classée sans suite, la salariée va attendre deux ans avant de saisir le conseil de prud'hommes, les contrats et avenants n'ont eu pour seul but de formaliser les aménagements de poste préconisés par la médecine du travail de sorte qu'il n'avait aucun intérêt à contraindre la salariée à les signer et au surplus, ces prétendus manquements remontent à plusieurs années et n'ont pas fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, que s'agissant du rendez-vous avec Monsieur [S] le 16 mai 2013, la salariée ne démontre pas qu'il aurait tenté de la contraindre ce jour-là à signer un contrat de mise à disposition ainsi qu'un contrat à durée indéterminée sous la menace d'un licenciement, l'attestation de Monsieur [S] démontre au contraire qu'aucun manquement ne lui est imputable, que s'agissant de la signature de fin de mise à disposition le 13 juin 2013, il conteste avoir contraint la salarié à signer ce document, la salariée produit une main courante du 13 juin 2013 qui a été classée sans suite, aucune suite n'a été donnée au courrier de la salariée adressé à l'inspection du travail le 13 juin 2013 et à celui adressé à la médecine du travail le 19 juin 2013, que s'agissant de la prétendue agression verbale le 27 mars 2014, une nouvelle fois cette plainte a été classée, les attestations de Messieurs [S] et [L] viennent contredire les affirmations de la salariée;

- sur les attestations versées par lui, que Madame [P] [Z], Monsieur [E] [K], Madame [V] [A], Monsieur [Z] [Z], Monsieur [D] [L], de Madame [Q] [G], de Madame [G] [P], Monsieur [U] [N] [S], Madame [M] [I], Monsieur [Y] [C], Madame [A] [F] Monsieur [L] [O], Monsieur [O] [R], Madame [B] [U], viennent démentir les accusations de Madame [V];

- sur les accidents du travail, que la salariée a été victime de deux accidents en date des 27 juin 2013 et 24 mars 2014 suite à une chute dans les escaliers au sein de la société Fama, que s'agissant d'une agression au mois de mars 2012, les sociétés Motivay et Fama n'en ont jamais été informées dans la mesure où aucune déclaration d'accident du travail ni aucun courrier n'a été adressé à l'ancien employeur, que la société Fama a effectivement pris des mesures pour limiter le risque de chute : carrelage anti-dérapant, port obligatoire de chaussures et installation d'une rampe supplémentaire, que dans son arrêt du 20 juin 2018, la cour d'appel a débouté la salariée de sa demande tendant à voir reconnaître une faute inexcusable et que Madame [V] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

- sur l'absence de dégradation de l'état de santé, que la salariée a toujours été déclarée apte à son poste pendant plus de trois ans, qu'elle ne produit aucun certificat médical alléguant d'une quelconque dégradation de son état de santé en lien direct avec ses agissements et qu'aucun fait de harcèlement moral ayant eu pour effet de dégrader l'état de santé n'est caractérisé;

- sur l'absence de manquement à l'obligation de sécurité de résultat, qu'en l'absence de caractérisation d'un manquement suffisamment grave et qui lui serait directement imputable

et d'une dégradation de son état de santé, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat;

- sur les accusations à l'encontre de Monsieur [L], que pour la première fois dans ses dernières écritures, la salariée allègue de faits de harcèlement moral et sexuel de la part de Monsieur [L], ancien directeur au sein de la société Sylver et ce, sans réaction de sa part, que le 24 mars 2014, la société Sylver a effectivement été destinataire d'un courrier dénonçant des faits de harcèlement moral et de discrimination de la part de Monsieur [L], qu'une enquête au sein du restaurant a été diligentée, que les délégués du personnel ont été consultés, que les instances représentatives n'ont donné aucune suite, que les salariés signataires, après avoir pris connaissance précisément des accusations visées dans la pétition se sont rétractés et se sont désolidarisés de l'action et que ces accusations de harcèlement moral et sexuel étaient abusives et répondaient à des fins purement indemnitaires;

- sur le prêt de main d'oeuvre, que la salariée ne rapporte pas la preuve qu'une quelconque somme ait effectivement été versée par la société Fama à la société Motivay au titre d'un avantage pécuniaire autre que le remboursement des frais, qu'à chaque fois, un avenant temporaire au contrat de travail formalisant le détachement était signé, qu'à plusieurs reprises et notamment dans son courrier du 23 juin 2013, la salariée a indiqué expressément son souhait de continuer à travailler au sein du restaurant de la société Fama, que la salariée qui avait accepté ce détachement, ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice, que la même convention collective est appliquée dans les deux sociétés, que deux précédentes décisions ont été rendues dans des affaires similaires concernant les sociétés Motivay et Fama;

- sur le licenciement, que s'agissant de l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude de Madame [V], que dans le cadre d'une visite de reprise le 30 septembre 2015, le médecin du travail a émis l'avis d'inaptitude suivant : ' inapte au poste d'assistante de direction et à ses fonctions sur le restaurant Motivay Mc Donald's dans ce contexte organisationnel. Une visite en raison du danger immédiat pour la santé au titre de l'article R4624-31 du code du travail . Pas de reclassement envisageable dans ce restaurant, ni dans l'un du groupe, ni au sein de la holding. Eventuellement pourrait faire un travail administratif à domicile par informatique du type télétravail.', l'inaptitude n'est donc pas d'origine professionnelle, malgré ses recherches, il se trouvait dans l'impossibilité de reclasser la salariée et n'avait d'autre choix que de la licencier, il est démontré l'absence de harcèlement moral et de manquements qui lui seraient directement imputables et ayant dégradé l'état de santé de la salariée, que s'agissant d'un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, il a mis en oeuvre une recherche particulièrement diligente de reclassement en prenant attache dans un premier temps, avec le médecin du travail qui confirmait l'inaptitude de la salariée sur tous les postes au sein de l'entreprise, il a interrogé la salariée sur ses souhaits, sa mobilité et sollicité son cv, la salariée n'a transmis aucune indication sur sa mobilité ou ses souhaits de reclassement, que le 3 octobre 2015, il a adressé des courriers précis et circonstanciés à l'ensemble des restaurants dont Monsieur [N] a la gérance, néanmoins, aucun poste correspondant aux préconisations du médecin du travail n'était disponible, la seule existence d'un réseau de franchises ne saurait emporter reconnaissance d'un groupe de sociétés, en effet, les locataires gérants sont des sociétés strictement indépendantes les unes des autres et sans lien capitalistique entre elles, néanmoins, il a interrogé plus de 30 restaurants dans les départements des Alpes Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône et il s'est trouvé confronté à une impossibilité totale de procéder au reclassement même externe de la salariée;

- sur les demandes indemnitaires, qu'il n'a commis aucun manquement à quel titre que ce soit, qu'aucun agissement confinant au harcèlement moral ne saurait lui être reproché, que la salariée ne produit aucun justificatif sur un éventuel préjudice et qu'il résulte des documents de fin de contrat que Madame [V] a été parfaitement remplie de ses droits à hauteur de 5269,94 euros - sur les intérêts légaux, que s'agissant des sommes ayant la nature de dommages et intérêts, les intérêts moratoires courent à compter de la décision de justice.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L 1154-1 du même code, la salariée doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame [V] soutient avoir été victime d'une mise au placard et d'une rétrogradation au poste d'équipière, d'un non-respect des préconisations du médecin du travail et de violences pressions et menaces.

Sur le premier point, elle produit deux attestations de salariées. L'attestation de Madame [J] [D] est rédigée ainsi : 'Je certifie avoir vu Mme [I] [V] exercer des fonctions d'équipière polyvalente sur les restaurants Mc Donald's de St Raphael et Boulouris sous la franchise de Mr [X] [N]. J'atteste que Mme [I] [V] était régulièrement mise au placard et n'avait pas de poste défini au sein des restaurants lié à sa qualification et ses compétences. Elle subissait de la part de Mr [N] [X] des agissements répétés sur des dégradations de travail.'Dans son attestation, Madame [C] [Q] écrit : ' Lors de sa reprise en date du 11 novembre 2013, Madame [B] [T] n'a eu aucune directive quant aux tâches qu'elle devait faire. Pendant toute la semaine, elle m'a suivi, regardant ce que je faisais en tant qu'assistante administrative du restaurant. Elle m'a aidé sur mes tâches sans savoir ce qu'elle devait faire, aucune personne de la direction n'est venue l'entretenir à sujet. A sa reprise du 7 février 2014, nous étions dans la même situation, elle a donc de sa propre initiative décidé de saisir les coordonnées des clients de la carte Privilège sur la base de données avec son propre ordinateur. Elle a donc saisi 1000 clients. Toujours sans aucune directive, ni fiche de poste données par l'employeur. Madame [M] était sur le terrain pendant les heures de pointe, le plus souvent aux boissons.'

La salariée produit deux mails dont le premier adressé par Monsieur [L] au restaurant [Adresse 3] en date du 15 juin 2013 rédigé en ces termes :

' Bonjour [K],

[I] sera productive, valider avec elle ses horaires elle devra donc remplacer une personne les matins et rush

Concernant [M], elle débutera sa mission d adm au restaurant de saint raphael a partir du 1er juillet...'et le second en réponse du 19 juin 2013 est ainsi rédigé : ' Bonjour,

il me semble inapproprié de plannifier [I] en ouverture à la place d'une équipière. Le docteur [W] a stipulé sur sa fiche d'aptitude 'travail administratif essentiellement, pas de manutention, pas de nettoyage et doit pouvoir s'assoir au bout d'une heure' Je vous rappelle que [I] est un travailleur handicapé et assistante de direction. Je vous demande de mesurer les conséquences de votre prise de décision à son sujet.

Bien à vous

[K]'

Madame [V] verse ses bulletins de paie desquels il ressort qu'elle percevait des primes équipiers et non des primes correspondant au niveau 1-4 du poste d'assistante de direction.

Dans un mail adressé par Madame [V] à Monsieur [Z] [Z] le 31 juillet 2014 à propos de tâches confiées temporairement d'assistance administrative pendant les vacances de [C] [Q], la salariée écrit :

' Bonjour [Z]

Je prends note que ces taches sont temporaires jusqu'au 25 août 2014. Je tiens à te rappeler que depuis mon retour de Fama sur Motivay je n'effectue que simplement des taches d'équipière polyvalente (prise de commande en caisse, service en salle, boisson, préposée au poste à frites...). Ces taches sont en contradiction aux recommandations du médecin du travail et de mon avenant au contrat définitif d'assistante administrative du 15 septembre 2012...'

Madame [V] produit le compte-rendu de réunion du 29 août 2013 où Monsieur [N] répondant aux questions des délégués du personnel indique : ' Madame [V] est rattachée au restaurant de Motivay. Dès son retour elle reprendra le travail en fonction des préconisations du médecin du travail. Il ne s'agit pas d'un poste d'assistante administratif...'

Sur le non-respect allégué des préconisations du médecin du travail, la salariée verse aux débats les 9 avis successifs de la médecine du travail rendus entre le 28 juin 2012 et le 24 juillet 2014 qui concluent tous à une aptitude au poste d'assistante de direction avec réserves. En juin 2012, ces réserves étaient : 'pas de manutention de colis possible. Doit pouvoir s'assoir de temps en temps, par exemple pour les tâches administratives qui lui seront données en priorité'. Dans son avis du 18 décembre 2012, le médecin du travail écrit : 'apte avec aménagement de poste en référence à l'article L4624-1CT, travail administratif principalement, pas de ménage, pas de nettoyage, pas de manutention possible...'. Ces avis doivent être mis en perspective avec les attestations de Mesdames [D] et [Q] précitées qui décrivent les tâches réellement exécutées par la salariée.

Sur les violences, pressions et menaces, Madame [V] produit l'attestation de Madame [K] [M] rédigée en ces termes : ' Le 16 mai 2013, Madame [B] [T] a demandé à sa collaboratrice de m'appeler afin de l'assister. En effet Mr [S] s'est présenté sur son lieu de travail sans l'avertir. Mr [S] responsable administratif, voulait la contraindre à signer des contrats antidatés, 2 contrats de mise à disposition et un contrat à durée indéterminée. J'ai conseillé à Mme [V] de ne rien signer avant vérification des documents. Madame [V] lui a expliqué qu'elle est déclarée en invalidité catégorie 1 par la CPAM et qu'elle ne désirait pas un contrat à temps partiel. Elle souhaitait un contrat à durée indéterminée à temps plein sur L'EURL FAMA. Madame [V] est déclarée en invalidité que temporairement jusqu'à la prochaine visite à la médecine du travail c'est pour cela qu'elle a demandé un avenant temporaire.

Mr [S] lui a expliqué que si elle ne signait pas Mr [N] (franchisé) serait dans l'obligation de la renvoyer dans un restaurant d'origine et de l'envoyer à la médecine du travail. Persuadé qu'elle sera passée inapte par le docteur Mr [N] n'aura pas de choix que de la licencier. Je lui ai conseillé de faire attention à ses paroles. Elles peuvent être considérees comme des menaces.'

Madame [V] produit la notification par la Cpam du Var de prise en charge du sinistre survenu à la salariée le 27 mars 2014 comme accident de travail.

Enfin la salariée verse aux débats une attestation de suivi du docteur [H] [J], psychiatre en date du 3 juillet 2015 qui précise suivre Madame [V] depuis le 9 mai 2015 et un courrier du même praticien en date du 17 septembre 2015 ainsi rédigé :

' Cher confrère,

Je reçois ce jour Madame [B] [I], agée de 57 ans que j'ai commencé à suivre le 9 mai 2015, elle était venue me consulter en se décrivant en bute à des pressions professionnelles ayant commencé en juin 2012 après une reprise de 6 mois en mi-temps thérapeutique où ses fonctions et attributions ont commencé selon elle, à être mises en cause, avant qu'elle ne soit changée, sans son aval, de poste et de lieu de travail en 2013.

Depuis 2012 son parcours a été émaillé de divers accident de travail. Les reprises ont toujours été difficiles; d'autant que selon les dires de la patiente, certainement vérifiables, l'employeur ne semblait pas respecter les préconisations du médecin du travail : ce qui a certainement contribué à fragiliser d'autant la patiente, très anxieuse, finissant par évoquer un vécu de harcèlement avec un sentiment de mise au placard, et en proie à un isolement social accru au sein de l'entreprise puisque ses collègues ne lui parlaient plus obéissant probablement à des directives de la hiérarchie (ces manoeuvres ont déjà été pointées par d'autres salariés que je continue de suivre actuellement)

Mme [V] a d'ailleurs entamé en mai 2014, comme d'autres salariés..., une procédure prudhommale pour ' harcèlement moral et résiliation de contrat'. L'employeur a semble-t-il toujours refusé de donner suite aux demandes de résiliation de la patiente.

Cette patiente fragilisée, anxieuse et en souffrance manifeste à son travail depuis un temps certain, et se sentant bafouée dans ses droits, faisait initialement état avec moi de son désir de ne pas quitter l'entreprise puis a finalement changé d'avis dans le cursus de sa prise en charge psychiatrique où il s'avère qu'il lui est finalement après plus de trois ans d'atermoiements et de manoeuvres délétères, strictement impossible de reprendre une place dans cette entreprise, puisque tout a été apparemment fait pour la décourager au lieu de favoriser sa réintegration sereine. Il en résulte que la seule perspective plausible pour cette femme sans trouble psychiatrique patent par ailleurs, est de favoriser une mise en inaptitude au poste et dans son entreprise...'

De son coté, l'employeur affirme sans en rapporter la preuve avoir respecté les préconisations du médecin du travail alors que celui-ci avait indiqué que la salariée pouvait continuer à exercer des fonctions administratives ce qui n'a pas été le cas puisqu'il s'évince des éléments concordants produits par la salariée qu'elle exerçait des fonctions d'équipière ce qui constituait pour elle une rétrogradation et que du fait de la nature même des fonctions attachées à ce poste les réserves du médecin du travail concernant notamment la limitation de la station debout et l'absence de manutention n'ont pas été respectées.

Les attestations produites par l'employeur, rédigées en termes généraux, concernant l'attitude bienveillante de Monsieur [N] ne sont pas de nature à contredire l'attestation de Madame [M], témoin direct des faits du 16 mai 2013 où la salariée a été victime de la part de Monsieur [S] de pressions et a été menacée de licenciement ni de la reconnaissance par la Cpam du caractère professionnel de l'incident du 27 mars 2014.

Pris ensemble, ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral subi par Madame [V] consistant en une 'mise au placard' en premier lieu, un non-respect des préconisations de la médecine du travail qui a eu pour conséquence de l'exposer à des conditions de travail préjudiciables pour sa santé et en des pressions et menaces alors qu'il ne peut être déduit des moyens soutenus par l'employeur et des pièces produites par lui que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il convient d'allouer à Madame [V] en réparation de son préjudice, notamment au regard de la nature et de la durée de ces agissements la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts.

Sur l'obligation de sécurité de résultat :

Au vu des éléments d'appréciation, l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat énoncée aux articles L 4121-1 et suivants du code du travail dans leurs versions alors en vigueur, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, comprenant des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, outre la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, en ayant d'une part, imposé à Madame [V] un changement de poste qui consistait en une rétrogradation aux fonctions d'équipière alors que le médecin du travail l'avait déclarée apte à son poste d'assistante de direction et d'autre part, contraint la salariée à réaliser des tâches qui nécessitaient notamment de la manutention et une station debout prolongée, contrevenant ainsi aux préconisations du médecin du travail, décisions qui ont aggravé l'état de santé de la salariée dont la réalité découle de l'accroissement au fur et à mesure des avis rendus, des réserves émises par le médecin du travail et qui a finalement conduit ce dernier à prononcer un avis d'inaptitude le 30 septembre 2015.

Considérant l'ensemble des éléments d'appréciation et leurs effets négatifs spécifiques sur l'état de santé de la salariée tels qu'il ressortent des éléments médicaux fournis, il convient d'allouer à celle-ci la somme de 2000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Sur le prêt de main d'oeuvre illicite :

Il ne se déduit pas des éléments fournis que la salariée était placée sous l'autorité de la société Fama, ce qui exclut, en application des articles L8241-1 et suivants du code du travail dans leurs versions alors en vigueur, toute opération de prêt de main d'oeuvre illicite.

Sur la résiliation judiciaire :

Aux termes de l'article L1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions de son titre trois. En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail lorsque l'employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de son employeur à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire. Les manquements de l'employeur doivent être d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire.

En l'espèce, la salariée dont il est établi qu'elle a subi un harcèlement moral de la part de son employeur et à l'égard de laquelle il est démontré que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, faits répétés et ayant abouti à la dégradation progressive de son état de santé au point d'avoir été déclarée inapte le 30 septembre 2015, justifie de manquements d'une gravité suffisante pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 23 octobre 2015 correspondant à la date du licenciement intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes et de dire que la rupture intervenue entre les parties produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L 1235-3 du code du travail alors en vigueur et compte tenu de l'ancienneté de la salariée ( 19 ans), de son âge (57 ans) au moment de la rupture ainsi que de sa situation actuelle, il convient de lui allouer la somme de 27060 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le reliquat de l'indemnité légale de licenciement :

En application des dispositions de l'article L1234-9 du code du travail alors en vigueur, Madame [V] qui justifiait au moment de la rupture d'une ancienneté de 19 ans et percevait un salaire brut mensuel de 1804 euros, avait droit à une indemnité légale de licenciement de 9020 euros nets et n'a perçu au vu de son solde de tout compte, que la somme de 5269,94 euros nets de sorte qu'il lui reste dû la somme de 3750,06 euros nets, somme à laquelle il convient de condamner la Sas Motivay.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En application des dispositions de l'article L5213-9 du code du travail, Madame [V], reconnue travailleur handicapé, a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois soit 5412 euros bruts outre 541,20 euros bruts au titre des congés payés y afférents, sommes auxquelles il convient de condamner la Sas Motivay.

Sur les intérêts légaux :

En application des dispositions de l'ancien article 1153 du code civil, actuellement l'article 1231-6 du même code, les indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis porteront intérêts au taux légal à compter de la demande, soit à compter du 28 mai 2014, date de la réception par l'employeur de la convocation devant de bureau de conciliation.

En application des dispositions de l'ancien article 1153-1 du code civil, actuellement l'article 1231-7 du même code, les dommages et intérêts alloués porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la capitalisation des intérêts :

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise des documents rectifiés :

Au vu des éléments fournis et des développements qui précèdent, la demande de remise sous astreinte des documents sociaux et bulletins de paie est justifiée et il y est fait droit comme indiqué au dispositif.

Sur les frais irrépétibles :

En considération de l'équité, il sera alloué à Madame [V] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

Les entiers dépens seront mis à la charge de la Sas Motivay qui succombe pour l'essentiel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que Madame [I] [V] née [H] a été victime de harcèlement moral.

Dit que la Sas Motivay a manqué à son obligation de sécurité.

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à la date du 23 octobre 2015.

Dit que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sas Motivay à payer à Madame [I] [V] née [H] les sommes suivantes :

- 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 27060 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3750,06 euros nets au titre du reliquat de l'indemnité légale de licenciement,

- 5412 euros bruts au titre du reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis outre 541,20 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.

Dit que les indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis porteront intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2014.

Dit que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Ordonne la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Condamne la Sas Motivay à remettre à Madame [I] [V] née [H] les bulletins de paie et les documents sociaux réclamés, avec les rectifications découlant du présent arrêt,

dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Condamne la Sas Motivay aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierM.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 16/15121
Date de la décision : 26/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°16/15121 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-26;16.15121 ?
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