COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
(anciennement dénommée 3ème Chambre A)
DÉCISION RELATIVE À UNE QUESTION DE CONSTITUTIONNALITÉ
DU 28 MARS 2019
N° 2019/152
N° RG 17/18487 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBKC2
V... U... épouse T...
C/
Société CHAMBRE NATIONALE DES HUISSIERS
SA COVEA RISKS
SA ALLIANZ
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre-Vincent LAMBERT
Me Ludovic ROUSSEAU
Me Paul GUEDJ
Me Jérôme LATIL
DEMANDERESSE
Madame V... U... épouse T...
née le [...] à DJIDJELLI (Algérie), demeurant [...]
représentée par Me Pierre-Vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
DÉFENDERESSES
CHAMBRE NATIONALE DES COMMISSAIRES DE JUSTICE (Section des Huissiers de Justice), établissement d'utilité publique venant aux droits de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice ès qualité, demeurant [...]
représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
ayant pour avocat plaidant Me Paul IWEINS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laure HUE DE LA COLOMBE, avocat au barreau de PARIS
SA MMA IARD, inscrite au RCS du MANS sous le n° 440 048 882, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis [...], venant aux droits de la SA COVEA RISKS
représentée Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
ayant pour avocat plaidant Me Françoise RAFFIN COURBE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laurent CAZELLES, avocat au barreau de PARIS
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, inscrite au RCS du MANS sous le n° 775 652 126, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis [...], venant aux droits de la SA COVEA RISKS
représentée Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
ayant pour avocat plaidant Me Françoise RAFFIN COURBE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laurent CAZELLES, avocat au barreau de PARIS
SA ALLIANZ, RCS de PARIS sous le n° 542 110 291, demeurant [...]
représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
ayant pour avocat plaidant Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2019 en audience publique devant la cour composée de :
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente rapporteur
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Mme Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Maître V... T..., exerçant en qualité d' huissier de justice dans le ressort du tribunal de grande instance de Nice, a saisi le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, selon acte extrajudiciaire en date du 23 septembre 2010, afin qu'il soit jugé qu'elle est libre, dans le cadre des actions mettant en cause sa responsabilité civile professionnelle, du choix de son conseil, sans subordination à l'agrément de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice (CNHJ) ou à l'assureur de celle-ci.
La CNHJ a souscrit, pour l'ensemble de la profession, une assurance de responsabilité civile professionnelle auprès de la société Covea Risks à effet du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2008, substituée par une police d'assurance souscrite auprès de la société Allianz à effet au 1er janvier 2009.
Par jugement en date du 21 mai 2013, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a débouté maitre T... de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la CNHJ, à la société Covea Risks et à la société Allianz la somme de 2500 €, à chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Maître T... a relevé appel de ce jugement selon déclaration au greffe en date du 5 juin
2013.
Par ordonnance en date du 20 novembre 2014, le conseiller de la mise en état, saisi par la CNHJ,
selon conclusions d'incident en date du 19 septembre 2014, a ordonné, au visa des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile, la radiation du rôle de l'affaire, sans faire application
de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant par arrêt en date du 29 janvier 2015, la cour, saisie le 10 septembre 2014 par Maître de
T... d'une question prioritaire de constitutionnalité, a constaté que l'instance a été radiée du rôle par ordonnance du 20 novembre 2014, alors que les dispositions des articles 126-1 et suivants du code de procédure civile ne sont applicables devant la cour que si celle-ci est régulièrement saisie d'un appel, ce qui n'est pas le cas. La cour a déclaré en conséquence la question prioritaire de constitutionnalité irrecevable et condamné Maître T... à payer
à la société Allianz la somme de 500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre
les dépens.
Maître T... justifiant de l'exécution du jugement du 21 mai 2013, l'affaire a été réinscrite au rôle de la cour le 2 février 2017.
Maître T... a saisi à nouveau la cour, selon acte en date du 7 septembre 2017, de la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « tenant le caractère constitutionnel du principe fondamental du libre choix de l'avocat par tout justiciable, l'article L. 113-17 du code
des assurances assure-t-il le respect de ce principe , en ce qu'il ne le mentionne pas, voire l'exclut
par omission, contrairement aux termes de l'article L 127-3 qui l'applique formellement au contrat de protection juridique, créant ainsi une discrimination et une inégalité entre les bénéficiaires, dépourvues de tout fondement et de tout justificatif (...) et l'article L. 127-6 2° du même code ne méconnaît-il-pas le même principe, en ce qu'il exclut expressément du bénéfice de l'article L 127-3, l'activité de l'assureur de responsabilité civile, au motif qu'elle s'exercerait en même temps dans l'intérêt de l'assureur ' »
Statuant par ordonnance en date du 21 septembre 2017, le conseiller de la mise en état, saisi par
la CNHJ, selon conclusions d'incident en date du 14 avril 2017, a donné acte aux sociétés MMA
IARD et MMA IARD assurances mutuelles (ci après les MMA) de leur intervention volontaire, aux droits de la société Covea risks, a déclaré l'instance périmée, constaté son extinction en application de l'article 385 du code de procédure civile et condamné Maître T... , en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1000 €, à la CNHJ, la somme de 1000 € à la société Allianz et enfin la somme globale de 1000 € aux sociétés MMA.
L'examen de la question prioritaire de constitutionnalité a été fixé, selon avis du greffe en date du 24 octobre 2017 à l'audience de la cour du 29 mars 2018.
Le ministère public a demandé à la cour, dans ses écritures en date du 24 octobre 2017, de refuser de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, faute de caractère sérieux.
La cour, statuant par arrêt sur déféré en date du 1er mars 2018, a confirmé l'ordonnance en date du 21 septembre 2017, sauf à dire que le point de départ du délai de péremption est la date du 14 octobre 2016 et y ajoutant, condamné V... T... à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2500 € à la CNHJ, la somme de 2500 € aux MMA et la somme de 2500 € à la société Allianz.
Par courrier en date du 27 mars 2018, le conseil de Maître T... a fait observer qu'en l'état de l'arrêt confirmatif du 1er mars 2018, l'instance est terminée et que la cour est dessaisie, la question prioritaire de constitutionnalité faisant partie de l'instance et que les conclusions pour l'audience du 29 mars 2018 doivent en conséquence être déclarées irrecevables.
Par arrêt en date du 31 mai 2018 la présente cour a :
Sursis à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité jusqu'à l'expiration du délai de
deux mois à compter de la date de signification de l'arrêt du 1er mars 2018 et dans l'hypothèse
où un pourvoi aurait été formé, jusqu'à son issue,
Sursis à statuer sur toutes les demandes,
Réservé les dépens.
L'instance a été reprise et la procédure a de nouveau été clôturée le 23 janvier 2019 pour l'affaire être plaidée le 14 février 2019.
Dans ses dernières conclusions en date du 23 mars 2018 la société Allianz conclut au principal à l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité, et subsidiairement au rejet de la demande tendant à sa transmission à la Cour de cassation et en fin en tout état de cause à la condamnation de Me T... à lui payer la somme de 5000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 27 mars 2018, les MMA demandent à la cour que soit constatée en premier lieu l'inapplicabilité des dispositions contestées et en second lieu leur parfaite constitutionnalité, et que Me T... soit condamnée à lui payer la somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 janvier 2019, la Chambre Nationale des Commissaires de Justice (CHCJ) venant aux droits de la CNHJ, demande à la cour de juger irrecevables les QPC au visa de l'article 126-1 du code de procédure civile et subsidiairement de constater que ces questions sont dépourvues de caractère sérieux, et de condamner Me T... à lui payer la somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
ET SUR CE
Il a été débattu à l'audience de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formée par les MMA, Me T... et du rejet des conclusions déposées par Maître T... le jour de la clôture demandé par la CHCJ.
Après en avoir délibéré sur le siège, la cour a jugé que les conclusions signifiées le 23 janvier 2019 par Me T... devaient être écartées des débats comme étant tardives et ne respectant pas le principe du contradictoire édicté par l'article 15 du code de procédure civile, que le rabat de l'ordonnance de clôture n'était justifié par aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile et que devaient être rejetées les conclusions signifiées postérieurement à celle-ci.
L'arrêt rendu le 1er mars 2018 sur déféré, ayant confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 septembre 2017 en ce qu'elle a déclaré l'instance périmée et constaté son extinction, et la question prioritaire de constitutionnalité faisant partie de l'instance, cette dernière ne peut plus être évoquée par la cour qui est dessaisie.
Il convient donc de déclarer irrecevable la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité .
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Allianz, des MMA et de la CHCJ.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
Ecarte des débats les conclusions signifiées le 23 janvier 2019 par Me T... ;
Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et rejette des débats les conclusions signifiées postérieurement à celle-ci ;
Déclare irrecevable la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité formée par Me T..., l'affaire principale étant éteinte par la péremption ;
Condamne Me T... à payer à la SA Allianz, aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ensemble, et à la Chambre Nationale des Commissaires de Justice (CHCJ) la somme de 3 000 euros chacune ;
Condamne Me T... aux entiers dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE