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21/03/2019 | FRANCE | N°18/13079

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 21 mars 2019, 18/13079


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3 (anciennement dénommée 3ème Chambre A)



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019



N° 2019/140





N° RG 18/13079 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC4PM







[J] [L] [V]

[Z] [I] [D] [U]

[C] [W] [R] [U] épouse [M]





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[G] [C]





















Copie exécutoire délivrée

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Me Joseph MAGNAN



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de grande instance de RODEZ en date du 21 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 09/01317.





APPELANTS



Madame [J] [L] [V] tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de M. [K] [U], née ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3 (anciennement dénommée 3ème Chambre A)

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019

N° 2019/140

N° RG 18/13079 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC4PM

[J] [L] [V]

[Z] [I] [D] [U]

[C] [W] [R] [U] épouse [M]

C/

[G] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de grande instance de RODEZ en date du 21 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 09/01317.

APPELANTS

Madame [J] [L] [V] tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de M. [K] [U], née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Bérangère BRIBES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [Z] [I] [D] [U] héritier de M. [K] [U]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Bérangère BRIBES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [C] [W] [R] [U] épouse [M] héritiere de [K] [U], née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Bérangère BRIBES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME

Monsieur [G] [C], né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 4], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant pour avocat plaidant Me Paul Antoine SAGNES, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Février 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Marie-Brigitte FREMONT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente rapporteur

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019,

Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les époux [U] ont signé un marché de travaux le 21 novembre 2006 avec la SARL ABC CONSTRUCTIONS portant sur la réalisation de travaux de construction d'une maison d'habitation sise à [Localité 5] moyennant le prix de 320 000€ TTC.

Ils ont sollicité la désignation d'un expert en cours de chantier en invoquant l'absence de réception des travaux et l'existence de malfaçons.

Monsieur [B] a été désigné et plusieurs appels en cause ont été effectués à l'encontre des entreprises intervenues sur le chantier et de leurs assureurs.

Le rapport d'expertise a été déposé au mois de juillet 2009.

Les époux [U] avaient saisi au préalable le tribunal de grande instance de Rodez en sollicitant:

- la requalification du marché de travaux en contrat de construction de maison individuelle,

- la condamnation des concluants à leur payer :

*20.840 € au titre des pénalités de retard,

* les loyers assumés pour mémoire,

* 30.000 € de dommages et intérêts pour la perte de valeur du bien,

* les malfaçons et non-façons pour mémoire,

* 20.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Ils ont par la suite saisi le juge de la mise en état pour obtenir une mesure d'expertise judiciaire en invoquant de nouveaux désordres et M. [B] a une nouvelle fois été désigné selon ordonnance du 18 novembre 2010 et a déposé son rapport au mois de décembre 2011.

Par jugement mixte et réputé contradictoire en date du 21 février 2014 le tribunal de grande instance de Rodez a :

- Requalifié le contrat de marché de travaux de bâtiment conclu entre monsieur [K] [U] et Madame [J] [V] veuve [U] et la SARL ABC CONSTRUCTION le 21 novembre 2006 en contrat de construction de maison individuelle ;

- Prononcé la nullité de ce contrat pour méconnaissance des dispositions d'ordre public de l'article L231-2 du Code de la construction et de l'habitation ;

- Condamné la SARL ABC CONSTRUCTION à restituer le prix de vente, après déduction du coût des matériaux et du coût de la main d'oeuvre ;

AVANT DIRE DROIT, sur la détermination du montant des sommes à restituer par la SARL ABC CONSTRUCTION en faveur de Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] épouse [M] de suite à l'annulation du contrat ;

- Ordonné un complément d'expertise et commis pour y procéder Monsieur [M] [B], [Adresse 5], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Montpellier, avec pour mission de :

- déterminer le coût réel des matériaux et de la main d''uvre employés pour la réalisation des travaux effectués an [Adresse 1], par la SARL ABC CONSTRUCTION, suite au contrat signé entre la société et Monsieur [K] [U] et Madame [J] [V] veuve [U] le 21 novembre 2006,

- à cette fin, entendre chaque partie et tout sachant,

- se faire remettre les documents nécessaires à l'exécution de sa mission,

- Ordonné la consignation de la somme de 2 000 euros par la SARL ABC CONSTRUCTION auprès du régisseur de la juridiction dans un délai de 2 mois ;

- Invité 1'expert qui prendra l'initiative de recueillir l'avis d'un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne sous réserve de son inscription sur une liste, de solliciter une consignation

complémentaire couvrant le coût de la prestation du sapiteur ;

- Enjoint à l'expert de communiquer aux parties son rapport en les invitant à présenter leurs observations dans le mois de la transmission, et de déposer son rapport définitif après avoir répondu aux parties, dans le délai de six mois à compter de la saisine ;

- Déclaré qu'en cas d'empêchement, l'expert pourra être remplacé par ordonnance sur simple requête ;

- Débouté Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] épouse [M] contre Monsieur [G] [C] et la SARL ABC CONSTRUCTION au titre des pénalités de retard, de la réparation en nature des désordres et des dommages et intérêts ;

- Condamné l'EURL [F] au paiement de la somme de 1 360 euros à titre de dommages et intérêts, en faveur de Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] veuve [M] ;

- Condamné Monsieur [A] [S] au paiement de la somme de 360 euros à titre de dommages et intérêts, en faveur de Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] veuve [M] ;

- Débouté Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] veuve [M] du surplus de leurs demandes ;

- Réservé les dépens ;

- Réservé les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 13 octobre 2016, la cour d'appel de Montpellier a :

Confirmé le jugement sauf en ce qu'il a :

- débouté les consorts [U] de leurs demandes relatives aux malfaçons (coût des travaux de reprise et préjudices consécutifs) et de leur demande d'indemnisation du préjudice consécutif au

défaut de souscription de l'assurance décennale obligatoire ;

- condamné l'Eurl [F] à leur payer la somme de 1.360 € et [A] [S] à leur payer la somme de 360 € ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et le complétant ;

Dit que les consorts [U] doivent restituer à la Sarl ABC Construction le coût de la main d'oeuvre et des matériaux employés pour réaliser les travaux prévus au marché sous déduction du coût de reprise des malfaçons imputables au constructeur ;

Complété la mission confiée à l'expert [M] [B] en disant qu'il devra déterminer d'une part, l'imputabilité aux divers intervenants des malfaçons constatées dans les rapports des 30 juillet 2009 et 7 décembre 2011 et d'autre part, le coût de leur reprise ainsi que celui des préjudices accessoires (garde meuble, trouble de jouissance etc) ;

Rejeté la demande de la société ABC Construction visant à imposer à l'expert la méthode d'évaluation de ces coûts ;

Dit que la Sarl ABC Construction a engagé sa responsabilité envers les consorts [U] en s'abstenant de souscrire une assurance de responsabilité décennale ;

Condamné la Sarl ABC Construction à payer aux consorts [U], pris ensemble, la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice ;

Débouté les consorts [U] de leurs demandes de restitution dirigées contre [G] [C] pris en sa personne ;

Débouté les consorts [U] de leurs demandes dirigées contre l'Eurl [F] et [A] [S] ;

Renvoyé les parties devant le premier juge, qui reste saisi dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, sur les questions des consorts [U] relatives aux rnalfaçons (coût de reprise et préjudices consécutifs) et sur les demandes de garantie formées par la société ABC Construction à l'encontre de la société [S] et de son assureur la Maaf de la société AS Façades et de son

assureur la Maaf, de l'entreprise Dos Santos et de son assureur Axa France lard ;

Condamné la Sarl ABC Construction aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer aux consorts [U], pris

ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté toutes les autres parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel.

Par arrêt en date du 7 juin 2018, la Cour de cassation a, après avoir mis hors de cause la société ABC CONSTRUCTIONS, cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER

mais seulement en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leurs demandes dirigées personnellement contre Monsieur [C] et renvoyé les parties devant la cour d'appeI d'AIX-EN-PROVENCE.

Dans leurs dernières conclusions en date du 30 janvier 2019 les consorts [U] demandent à la cour de :

- DIRE ET JUGER que Monsieur [C], gérant de la société ABC CONSTRUCTI0NS, a commis deux fautes constitutives d'infractions pénales intentionnelles, séparables comme telles de ses fonctions sociales et engageant sa responsabilité civile à l'égard des consorts [U].

- LE CONDAMNER solidairement avec la société ABC CONSTRUCTIONS au paiement de la somme de 20.000 € aux consorts [U] à titre de dommage et intérêts pour le défaut de souscription d'assurance décennale et à la restitution du prix de vente après déduction du coût des matériaux et de la main d''uvre sous déduction du cout des reprises des malfaçons imputables au constructeur.

- DIRE ET JUGER Monsieur [C] irrecevable à soulever une demande nouvelle à l'encontre des époux [U] et au besoin la rejeter comme non comprise dans la saisine de la cour saisi sur cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER.

- DEBOUTER Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- LE CONDAMNER à payer aux consorts [U] la somme de 5.000 € au titre des dispositions

de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.

Les consorts [U] reprochent à M. [C] de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, dont la sanction est prévue par L 241-8 du même code, en matière de construction de maison individuelle et notamment de s'être soustrait à l'obligation de souscription de la garantie de remboursement et de livraison qui leur aurait déjà permis de faire exécuter les travaux permettant l'achèvement de leur maison et de souscription d'une assurance décennale obligatoire. Ils ajoutent que l'élément intentionnel est caractérisé par la violation volontaire des prescriptions de la loi, un professionnel de la construction immobilière ayant nécessairement conscience d'engager sa responsabilité lorsqu'il ne respecte pas les règles légales de son activité.

Dans ses dernières conclusions en date du 28 janvier 2019, M. [C] demande à la cour :

- de constater que les consorts [U] ne justifient pas d'un préjudice actuel lié au défaut d'assurance décennale et d'un lien de causalité avec la faute alléguée envers M. [C] et de rejeter leur demande de ce chef.

- de déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande fendant à obtenir de M. [C] la restitution du prix de vente.

- Subsidiairement de rejeter ce second chef de demande, les époux [U] ne justifiant pas d'un lien de causalité entre la faute alléguée envers M. [C] et le préjudice invoqué.

- de condamner les consorts [U] au paiement de la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et les entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, Avocats Associés près la Cour d'Appel d'Aix en Provence qui en ont fait l'avance.

Il fait valoir que les consorts [U] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice concernant le défaut de souscription de l'assurance décennale au motif que l'expert [B] a constaté que l'ouvrage pouvait être judiciairement réceptionné a la date du 23 décembre 2008 et qu'au jour où la cour statuera cet ouvrage ne relèvera plus de la garantie décennale de sorte que les époux [U] ne justifient d'aucun préjudice; qu'en outre leur demande d'annulation du contrat les prive rétroactivement de cette garantie.

Il soutient que la demande en restitution du prix est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

ET SUR CE

Sur la responsabilité personnelle de M. [C]

Les consorts [U] ont sollicité devant la cour d'appel de Montpellier, en cas de requalification et d'annulation du contrat, la condamnation de M. [C] à titre personnel à leur rembourser 'l'intégralité des sommes résultant de l'apurement des comptes liés à l'annulation du contrat du 21/11/2006" et à leur payer la somme de 58 281,74 € en réparation du préjudice lié aux sommes indûment perçues pour des garanties d'assurances légales non souscrites et à l'absence de garantie décennale.

Devant la cour de renvoi ils sollicitent que la responsabilité de M. [C] soit retenue et demandent une indemnisation de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour le défaut de souscription d'assurance décennale et la restitution du prix de vente, après déduction du coût des matériaux et de la main d''uvre diminué du coût des reprises des malfaçons imputables au constructeur.

Pour retenir la responsabilité du gérant de la société ABC Constructions, les consorts [U] doivent démontrer que ce dernier a commis des fautes séparables de ses fonctions sociales engageant sa responsabilité personnelle.

1. L'absence de conclusion d'un contrat de construction individuelle

M. [C], en sa qualité d'architecte et de professionnel du bâtiment et de la construction de maison individuelle, ne pouvait ignorer qu'en signant un contrat de 'marché de travaux de bâtiment', portant sur l'intégralité du gros-oeuvre et du second oeuvre, les maîtres de l'ouvrage ne se réservant que les aménagements intérieurs et extérieurs, les clôtures, la viabilisation, le sondage du sol et l'assurance dommages ouvrage, d'après des plans établis par M. [C], la société ABC Constructions dont il est le gérant, a en réalité signé un contrat de construction individuelle avec fourniture de plans, et devait se soumettre aux obligations prescrites par les articles L231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, relatives à ce type de contrat. En s'abstenant de signer un tel contrat, M. [C] s'est volontairement soustrait à l'obligation de justifier des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur rendues obligatoires par l'article L.231-2 du code de la construction et de l'habitation pour assurer aux accédants à la propriété une meilleure protection financière et juridique.

En privant ainsi les maîtres de l'ouvrage des garanties légales, il a causé aux consorts [U] un préjudice lié à l'impossibilité pour ces derniers de pouvoir mettre en oeuvre ces garanties de remboursement.

2. Le défaut d'assurance décennale

L'assurance de responsabilité décennale est une assurance obligatoire légale que doivent souscrire les constructeurs.

La responsabilité décennale des professionnels du bâtiment est prévue par l'article 1792 du code civil et les articles L.241 et L.242-1du code des assurances et a pour but de protéger le maître de l'ouvrage. L'absence de souscription de garantie décennale engendre des sanctions pénales et civiles. Le défaut d'assurance décennale est sanctionné pénalement par l'article L. 243-3 du code des assurances qui prévoit une peine de dix jours à six mois d'emprisonnement et une amende de 75 000 €.

L'expert M. [B] a constaté que l'ouvrage pouvait être judiciairement réceptionné à la date du 23 Décembre 2008, de sorte que les consorts [U] étaient en droit de mobiliser la garantie décennale des constructeurs. Mais M. [C] s'est abstenu de souscrire cette assurance, bien qu'ayant fait régler la prime au maître d'ouvrage. L'absence de souscription de cette assurance obligatoire est constitutive d'une faute, qui a privé le maître d'ouvrage de la sécurité procurée par une telle assurance, et lui a causé un préjudice certain en l'empêchant de mobiliser cette garantie pour garantir les malfaçons affectant l'ouvrage.

Il a été démontré que M. [G] [C] a commis, en sa qualité de professionnel immobilier, une faute intentionnelle, d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice de ses fonctions, séparable de ses fonctions sociales engageant sa responsabilité personnelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage, et doit en conséquence réparer le préjudice personnel subi par les consorts [U].

Sur le préjudice subi par les consorts [U]

Les consorts [U] sollicitent la condamnation de M. [C] en paiement de la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts et en restitution du prix.

M. [C] soutient que la demande en restitution du prix est irrecevable car nouvelle en cause d'appel.

Les consorts [U] répliquent que c'est le juge qui a substitué aux faits litigieux une qualification différente de celle qu'ils avaient proposées et donc a modifié les éléments du litige, entraînant une évolution du litige et qu'il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle ; que par contre, l'irrecevabilité soulevée constitue une demande nouvelle.

En première instance les consorts [U], qui concluaient à la requalification du contrat, sollicitaient la condamnation conjointe de M. [C] avec la SARL ABC Constructions à réaliser ou faire réaliser les travaux réparatoires décrits par l'expert dans son rapport, à leur payer des pénalités de retard et des préjudices annexes, à leur rembourser l'assurance dommages-ouvrage et l'assurance responsabilité décennale non souscrites, et subsidiairement à leur payer le coût des travaux de réfection tels que chiffrés par l'expert.

En cause d'appel, les premiers juges ayant consécutivement à la requalification du contrat en contrat de construction individuelle avec fourniture de plans, prononcé la nullité du contrat pour non respect des dispositions légales d'ordre public afférentes aux contrats de construction individuelle, les consorts [U] ont sollicité devant la cour d'appel de Montpellier la condamnation 'conjointe et solidaire' de M. [C] à titre personnel et la société ABC Constructions à leur rembourser l'intégralité des sommes résultant de l'apurement des comptes liés à l'annulation du contrat du 21 novembre 2006, outre la somme de 58 281,74 € en réparation du préjudice lié aux sommes indûment perçues pour les assurances légales non souscrites.

L'irrecevabilité soulevée concerne la demande en restitution du prix dirigée à l'encontre de M. [C]. Ce chef de demande ayant été cassé par la Cour de cassation, M. [C] est bien-fondé à soulever pour la première fois devant la présente cour, en cause d'appel, l'irrecevabilité de cette demande.

La demande en restitution du prix de la construction est la conséquence du prononcé de la nullité du contrat, qui a remis les parties en l'état où elles se trouvaient avant la signature de celui-ci, et vient en remplacement de la demande en paiement des coûts liés aux désordres. Elle constitue une demande nouvelle au sens de l'article 565 du code de procédure civile et doit être déclarée irrecevable puisqu'elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande principale présentée devant le premier juge, à savoir l'indemnisation du préjudice subi par les consorts [U] du fait des désordres affectant l'ouvrage, la notion d'évolution du litige étant étrangère à la recevabilité des demandes nouvelles formées en appel contre des personnes qui étaient parties au procès devant le premier juge.

En conséquence il convient de condamner M. [C] à payer aux consorts [U] in solidum avec la SARL ABC Constructions la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait d'avoir été privés de la couverture du sinistre par la souscription d'assurances obligatoires et des garanties attachées à la conclusion d'un contrat de construction individuelle.

Sur les autres demandes

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [U].

Les dépens seront supportés par M. [C].

PAR CES MOTIFS

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Rodez en date du 21 février 204,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en date du 13 octobre 2016,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 7 juin 2018,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leurs demandes dirigées personnellement contre Monsieur [C] ,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Constate que M. [G] [C] a commis des fautes séparable de ses fonctions sociales engageant sa responsabilité personnelle à l'égard des consorts [U] ;

En conséquence condamne M. [G] [C] à payer à Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] épouse [M], ensemble, in solidum avec la SARL ABC Constructions la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts ;

Reçoit la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité soulevée par M. [C] concernant la demande nouvelle en restitution du prix de la construction dirigée à son encontre ;

Déclare cette demande en restitution du prix de la construction irrecevable comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] à payer à Madame [J] [V] veuve [U], Monsieur [Z] [U] et Madame [C] [U] épouse [M], ensemble, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] [C] aux dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 18/13079
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°18/13079 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;18.13079 ?
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