COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 21 MARS 2019
N° 2019/ 107
Rôle N° RG 16/17558 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7J6C
EURL SOCIÉTÉ MEDITERRANEAN DISTRIBUTION COMPANY
C/
SA CLASQUIN venant aux droits de
SARL FAVAT TRANSIT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LORIOZ
Me FAVRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 12 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00140.
APPELANTE
EURL SOCIÉTÉ MEDITERRANEAN DISTRIBUTION COMPANY,
dont le siège est [Adresse 1]
représentée par Me Pierre LORIOZ, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SA CLASQUIN, venant aux droits de la SARL FAVAT TRANSIT
dont le siège est [Adresse 2]
représentée par Me Mathilde FAVRE, avocat au barreau de MARSEILLE,
assistée par Me Guy ROCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur CALLOCH, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 31 décembre 2013, la société FAVAT TRANSIT, commissionnaire agréé en douane, a adressé à la société MEDITERRANEAN DISTRIBUTION COMPANY (ci après société MDC) une facture d'un montant de 19 958 € 99 au titre d'une opération de dédouanement de denrées alimentaires en provenance D'ALGÉRIE.
La société MDC n'ayant pas réglé intégralement la facture, la société FAVAT TRANSIT a déposé auprès du tribunal de commerce de PARIS une requête en injonction de payer portant sur l'intégralité de la facture, outre des frais de stockage. Le président du tribunal a fait droit à la requête et la société MDC a formé opposition à l'ordonnance rendue.
Suivant jugement en date du 17 juin 2015, le tribunal statuant sur l'opposition a condamné la société MDC à régler à la société FAVAT TRANSIT la somme de 5 008 € au titre de solde de facture impayée et 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté la société FAVAT TRANSIT du surplus de ses demandes, notamment celle concernant les frais de stockage. Ce jugement est devenu définitif.
Par acte en date du 15janvier 2016, la société MDC a fait assigner la société FAVAT TRANSIT devant le tribunal de commerce de MARSEILLE sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil, afin d'obtenir sa condamnation à lui verser les sommes de 44 990 €, 8 998 € et
10 000 € en réparation des préjudices résultant selon elle de la rétention illégitime des marchandises.
Suivant jugement en date du 12 septembre 2016, le tribunal a déclaré irrecevable l'action en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 17 juin 2015 et a condamné la société MDC à payer à la société FAVAT TRANSIT la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MDC a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 30 septembre 2016.
Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 14 janvier 2019 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 14 février 2019.
A l'appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 24 novembre 2016, la société MDC conteste que sa demande se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de PARIS dès lors que selon elle, la cause et l'objet ne seraient pas les mêmes dans les deux litiges. Elle souligne que le principe de concentration des moyens ne peut s'interpréter comme interdisant de présenter des demandes reconventionnelles nouvelles par une nouvelle instance. Elle dénie enfin toute contradiction dans son attitude procédurale. Sur le fond, elle indique que la faute du transitaire a été reconnue par le tribunal de PARIS jugeant que la société FAVAT TRANSIT ne disposait d'aucun droit de rétention directe et détaille les préjudices liés à la perte de marchandise, à la perte de bénéfices et à l'atteinte à son image. La société MDC conclut en conséquence à la condamnation de la société FAVAT TRANSIT à lui verser une somme de 44 990 € en réparation de la perte de marchandise, 8 998 € en réparation de son préjudice financier et 10 000 € en réparation de l'atteinte à son image commerciale, outre 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CLASQUIN venant aux droits de la société FAVAT TRANSIT, réplique par conclusions déposées le 12 décembre 2018 qu'il appartenait à la société MDC de faire valoir tous les moyens de droits et de fait devant le tribunal de commerce de PARIS et demande à la cour de confirmer la décision ayant accueilli la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée. Subsidiairement, elle soutient que la demande est mal fondée, la perte de la marchandise étant imputable à la propre faute de la société MDC, marchandise viciée et dont elle s'est désintéressée. Elle affirme en outre que l'évaluation des préjudices n'est documentée par aucune pièce. Elle conclut en conséquence au principal à l'irrecevabilité, subsidiairement au débouté et en toute hypothèse à la condamnation de la société MDC à lui verser une somme de 5 000 € pour procédure abusive, outre 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
En application de l'ancien article 1351 du code civil applicable à la cause, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et entre les mêmes parties.
Si conformément au principe de la concentration des moyens, il incombe à chaque partie de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature à fonder ses prétentions, chacune d'entre elles n'est pas tenue de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; il lui est notamment loisible de présenter dans une nouvelle instance la réparation d'un élément de préjudice nouveau, non évoqué devant le premier juge, et ce sur la base de la même faute alléguée, l'objet du litige étant alors distinct du premier.
En l'espèce, il résulte de la lecture des dernières conclusions déposées par la société MDC devant le tribunal de commerce de PARIS et de la décision elle-même que cette partie n'a formé aucune demande en réparation du préjudice résultant selon elle d'une faute de la société FAVAT TRANSIT liée à la rétention indue de marchandises, mais s'est opposé au paiement des factures de stockage en invoquant cette même faute ; il convient d'en déduire que l'objet du litige soumis en second au tribunal de commerce de MARSEILLE est distinct de celui soumis au tribunal de commerce de PARIS, le préjudice allégué étant différent ; c'est donc à tort que la décision déférée a fait droit à la fin de non recevoir soulevée par la société FAVAT TRANSIT.
Sur le fond
Le caractère fautif de la rétention de la marchandise par la société FAVAT TRANSIT devenue société CLASQUIN a été relevé par le tribunal de commerce de PARIS et n'est au demeurant pas contesté par l'intéressée dans les conclusions déposées dans la présente procédure ; il appartient cependant à la société MDC d'établir le lien de causalité entre cette rétention non justifiée et la perte de la marchandise du fait du dépassement de la date de péremption fixée au 1er mai 2015.
Il résulte des pièces du dossier que la société MDC a demandé à la société FAVAT TRANSIT par courriel en date du 28 février 2014 d'expédier les palettes de marchandise ; il n'existe cependant aucun document, ni aucune nouvelle mise en demeure, permettant de penser que la société FAVAT TRANSIT a persisté à refuser l'expédition en raison du non paiement des factures par son client jusqu'à ce que la date de péremption approche ; bien au contraire, la société FAVAT TRANSIT produit une pièce faisant état d'un vice affectant la marchandise (présence de rongeurs) ainsi qu'un courriel dans laquelle la société MDC demande le retour de la marchandise en ALGÉRIE (pièces 16 à 18) ; il apparaît en conséquence que le lien de causalité entre l'exercice indu par la société FAVAT TRANSIT et la perte de marchandise du fait du dépassement de la date de péremption n'est pas établi ; il convient dès lors de débouter la société MDC de sa demande.
Sur les demandes accessoires
La société MDC succombant à la procédure, elle devra verser une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
- INFIRME le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 12 septembre 2016 dans l'intégralité de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la société FAVAT TRANSIT.
Au fond,
- DÉBOUTE la société MEDITERRANEAN DISTRIBUTION COMPANY de l'intégralité de ses demandes.
- CONDAMNE la société MEDITERRANEAN DISTRIBUTION COMPANY à verser à la société CLASQUIN venant aux droits de la société FAVAT TRANSIT la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société MEDITERRANEAN DISTRIBUTION COMPANY.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT