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21/03/2019 | FRANCE | N°16/13342

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 21 mars 2019, 16/13342


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019



N° 2019/ 106













Rôle N° RG 16/13342 - N° Portalis DBVB-V-B7A-663X







SARL LABEL ISOLATION





C/



SARL FENETRES ET PORTES DU SOLEIL





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me ALIAS



Me TOLLINCHI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 04 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2014005631.





APPELANTE





SARL LABEL ISOLATION,

dont le siège est [Adresse 1]



représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019

N° 2019/ 106

Rôle N° RG 16/13342 - N° Portalis DBVB-V-B7A-663X

SARL LABEL ISOLATION

C/

SARL FENETRES ET PORTES DU SOLEIL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me ALIAS

Me TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 04 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2014005631.

APPELANTE

SARL LABEL ISOLATION,

dont le siège est [Adresse 1]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Roland GRAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

INTIMEE

SARL FENETRES ET PORTES DU SOLEIL,

dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Emmanuel BONNEMAIN de la SELARL CABINET BONNEMAIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Février 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur CALLOCH, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [B] [S] et son épouse [Y] [S] ont été salariés à compter de 2009 de la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL exploitant un fond de commerce de fenêtres, porte et volets en qualité de concessionnaire de la marque TRYBA. Monsieur [S] et la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL ont mis fin à leurs relations suivant acte de rupture conventionnelle en date du 30 octobre 2012. Madame [S] a démissionné de ses fonctions avec effets au 12 octobre 2012.

Le 18 octobre 2012, les époux [S] ont créé la société LABEL ISOLATION spécialisée dans la fabrication de vérandas sous l'enseigne OUVERTURE S.

Par acte en date du 13 octobre 2014, la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL a fait assigner la société LABEL ISOLATION devant le tribunal de commerce de FREJUS en concurrence déloyale pour obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 400 000 € de dommages intérêts, la suppression de panneaux publicitaires sous astreinte et la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 4 juillet 2016, le tribunal a jugé la société LABEL ISOLATION responsable d'actes de concurrence déloyale et l'a condamnée à verser à la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL la somme de 205 000 € au titre de dommages intérêts, à retirer des panneaux publicitaires jugés illicites sous astreinte et à verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LABEL ISOLATION a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 19 juillet 2016.

Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 14 janvier 2019 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 11 février 2019.

A l'appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 24 décembre 2018, la société LABEL ISOLATION demande en premier lieu à la cour d'annuler le jugement déféré en application de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de l'article L 111-6 du code de l'organisation judiciaire, invoquant des liens d'amitiés notoires qui uniraient les juges consulaires à l'origine de la décision avec les intimés.

Sur le fond, elle conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale. Elle affirme qu'aucun détournement de fichier n'a été opéré, les fichiers clientèle par elle détenus ayant été achetés et pouvant en toute hypothèse être détenus par d'anciens salariés. Elle rappelle que le principe de la libre concurrence permet à d'anciens salariés de créer une activité dans le même secteur après rupture des relations contractuelles et conteste tout acte de dénigrement, les écrits invoqués par la partie adverse ne lui étant pas imputables et ayant fait au demeurant l'objet d'une procédure pénale. Elle nie enfin toute publicité illicite, les panneaux publicitaires incriminés ayant été posés sur des terrains privés. Selon elle, enfin, la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL n'apporterait aucune preuve d'un préjudice en lien avec les faits allégués. Elle conclut en conséquence au débouté et à la condamnation de la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL à lui verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LABEL ISOLATION a déposé d'ultimes conclusions le 14 janvier 2019, jour de l'ordonnance de clôture.

La société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL, par conclusions déposées le 10 janvier 2019,

fait observer que la demande en annulation n'est pas fondée en droit et conteste les liens invoqués avec les juges à l'origine de la décision. Elle affirme sur le fond que la société LABEL ISOLATION a commis des actes de concurrence déloyale, à savoir :

- le détournement du fichier clientèle, établi par la production d'attestations et par l'envoi de courriers reprenant les erreurs orthographiques de son propre fichier

- actes de dénigrement par l'envoi de courriers aux fournisseurs et à des entreprises contenant des allégations mensongères.

- la pose de panneaux publicitaires illicites.

Elle justifie de son préjudice par la production d'une étude de son expert comptable mettant selon elle en évidence une perte de chiffre d'affaire tandis que celui de la partie adverse augmentait. Elle demande à la cour d'écarter l'analyse comptable produite tardivement par la société LABEL ISOLATIONS.

Au terme de ses conclusions, la société FENÊTRES ET PORTES OUVERTES demande à la cour d'écarter des débats la pièce n°7 adverse, de dire n'y avoir lieu à annulation du jugement et de confirmer le jugement ayant constaté l'existence d'actes de concurrence déloyale, la société LABEL ISOLATIONS étant condamnée à lui verser une somme de 205 000 € au titre de dommages intérêts, outre 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et étant condamnée à une amende civile d'un montant de 5 000 €.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande relative à la production tardive d'une pièce

Le rapport d'expertise figurant au bordereau de la société LABEL ISOLATION sous le numéro 7 a été versé aux débats huit jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture ; la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL n'a dès lors pas disposé d'un délai suffisant pour analyser le document et faire valoir ses arguments en réponse ; il convient dès lors d'écarter cette pièce en application de l'article 15 du code de procédure civile.

Sur la demande en annulation du jugement

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

C'est à celui qui invoque l'impartialité d'une juridiction d'apporter les éléments permettant de constater que celle ci, de par sa composition ou de par son attitude, a failli à son obligation ; en l'espèce, le seul fait que l'un des juges composant le tribunal ait eu pour compagnon le président de la jeune chambre économique dont les demandeurs étaient adhérents et que celui ci figure sur la page 'ami' d'un réseau social de grande diffusion ne peut s'interpréter comme démontrant une impartialité, objective ou subjective ; par ailleurs, ni le déroulement procédural de l'affaire, ni la lecture de la décision elle-même ne laissent apparaître des éléments permettant de suspecter une prise de position du tribunal en faveur de l'une quelconque des parties ; il n'existe dès lors au dossier aucune pièce permettant de faire droit à la demande en annulation présentée par la société LABEL ISOLATION.

Sur les actes de concurrence déloyale

a) sur le détournement de fichier

L'utilisation par un ancien salarié ayant fondé une société concurrente des fichiers de son employeur afin de prospecter la clientèle peut être constitutive de détournement de clientèle, et donc de concurrence déloyale, dès lors qu'elle est avérée et massive.

En l'espèce, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il apparaît que la société LABEL ISOLATION a utilisé le fichier clientèle conservé par monsieur et madame [S] pour contacter un client, monsieur [R], le courrier de démarchage reprenant une erreur orthographique contenue au fichier ; aucun autre document n'atteste cependant d'une utilisation réitérée de ce fichier ; le témoignage de madame [F] est dénué sur ce point de valeur probante, la société LABEL ISOLATION ayant pu parfaitement la contacter grâce à un fichier clientèle proposé sur le marché ; il n'est dès lors pas prouvé que la société LABEL ISOLATION ait utilisé le fichier clientèle de la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL de manière systématique aux fins de détournement, le cas de monsieur [R] étant isolé ; c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un acte de concurrence déloyale caractérisé.

b) sur le dénigrement

Le dénigrement au sens du droit de la concurrence déloyale se définit comme tout acte exercé auprès du public en vue de jeter le discrédit sur un concurrent en mettant en cause sa personne, ses méthodes de fonctionnement ou la qualité de ses produits.

En l'espèce, la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL invoque l'existence d'un article de presse du journal VAR MATIN et d'un reportage diffusé sur FRANCE 3 COTE D'AZUR relatifs à la disparition de panneaux publicitaires ; il ne peut être contesté que la société LABEL ISOLATIONS n'est pas l'auteur de l'article, ni du reportage et qu'aucun élément factuel ne permet d'affirmer qu'ils en sont les commanditaires ; les intéressés, par ailleurs, sont libres d'exprimer leur avis sur les personnes à l'origine des faits décrits par voie de presse ; il est certes exact que madame [P] épouse [S] a adressé par courriel daté du 20 août 2014 le reportage et l'article à un fournisseur, accompagné d'un propos dénigrant la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL ; mais force est de constater que cet envoi unique n'était pas destiné à un client, mais à un fournisseur, et qu'en conséquence il ne peut être analysé comme un acte de dénigrement au sens défini plus haut ; il n'y a dès lors pas lieu de retenir de ce seul fait l'existence d'un acte de concurrence déloyale.

c) sur la pose de panneaux publicitaires

A supposer que l'utilisation de moyens publicitaires illicites puisse être considérée comme un acte de concurrence déloyale, force est de constater qu'en l'espèce la violation du règlement local de publicité n'est pas établie par les pièces versées aux débats ; en outre, rien n'indique que la société LABEL ISOLATION aurait intentionnellement violé ce règlement dans le but de désorganiser la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL ou de capter sa clientèle ; il ne peut en conséquence être retenu à l'encontre de cette société un acte de concurrence déloyale et il convient là encore d'infirmer le jugement déféré.

Sur les demandes accessoires

L'intention de nuire de la société appelante ou le caractère dilatoire de son recours ne sont établis par aucune pièce du dossier ; la demande formée par la partie adverse sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile sera en conséquence rejetée.

Les circonstances de l'espèce imposent en équité de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- ECARTE des débats la pièce figurant sous le numéro 7 du bordereau de la société LABEL ISOLATION;

- DIT n'y avoir lieu à annulation du jugement du tribunal de commerce de FREJUS en date du 4 juillet 2016,

- INFIRME le jugement du tribunal de commerce de FREJUS dans l'intégralité de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- DÉBOUTE la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL de l'intégralité de ses demandes.

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société FENÊTRES ET PORTES DU SOLEIL, dont distraction au profit des avocats à la cause.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 16/13342
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°16/13342 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;16.13342 ?
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