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21/03/2019 | FRANCE | N°15/00133

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 21 mars 2019, 15/00133


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019



N° 2019/ 98













Rôle N° RG 15/00133 - N° Portalis DBVB-V-B67-4D6X







[C] [H]

liquidateur amiable de SAS INTRAMAR RORO





C/



SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

SA HELVETIA ASSURANCES

SA CMA CGM

et autres







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me MARCOUYEUX



M

e MAGNAN



Me ERMENEUX CHAMPLY



Me ROUSSEAU



Me BOULAN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013F00584.





APPELANT





Monsieur [C] [H] E...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019

N° 2019/ 98

Rôle N° RG 15/00133 - N° Portalis DBVB-V-B67-4D6X

[C] [H]

liquidateur amiable de SAS INTRAMAR RORO

C/

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

SA HELVETIA ASSURANCES

SA CMA CGM

et autres

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me MARCOUYEUX

Me MAGNAN

Me ERMENEUX CHAMPLY

Me ROUSSEAU

Me BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013F00584.

APPELANT

Monsieur [C] [H] Es qualités de Liquidateur amiable de la INTRAMAR RORO SAS

demeurant [Adresse 1]

représenté et plaidant par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SA CMA CGM,

dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de PARIS,

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE,

dont le siège est [Adresse 3]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

SA HELVETIA ASSURANCES,

dont le siège est [Adresse 4]

représentée par, Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Compagnie d'Assurances CATLIN UNDERWRITING AGENCIES LIMITED,

dont le siège est [Adresse 5]DRES (ROYAUME UNI)

représentée par, Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIES INTERVENANTES

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE

dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Société AXA BELGIUM

dont le siège social est sis [Adresse 7]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée et plaidant par Me Françoise HECQUET, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Romain BRUILLARD, avocat au barreau de PARIS

SAS SOCIETE NOUVELLE AGENCE DE TRANSIT ET DE TRANSPORT (NATT)

dont le siège est [Adresse 8],

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Christophe NICOLAS, avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Février 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Le transport maritime de 7 caisses en bois entre [Localité 1] (13) et [Localité 2] (Algérie) par la S.A. CMA CGM a donné lieu à une réservation confirmée par cette dernière le 25 janvier 2012 à la S.A. NOUVELLE AGENCE DE TRANSIT ET DE TRANSPORT [NATT] indiquée comme .

Le 3 février suivant, lors de la manutention par la S.A.S. INTRAMAR RORO [assurée auprès de la compagnie AXA BELGIUM selon police police n° 010.730.103.621] pour disposer 1 caisse de 13 280 kg sur une remorque devant être embarquée à bord du navire , les fourches des 2 chariots élévateurs utilisés ont accroché la caisse qui est tombée, d'où des dommages à son contenu c'est-à-dire à une roue de soufflage. Trois rapports d'expertise ont été établis :

- le 15 janvier 2013 par Monsieur [W] [E] à la requête de cette société ;

- le 17 suivant par Monsieur [U] [W] de L'ECOTAIS à la requête de la société CMA CGM ;

- le 20 février suivant par la société VERITECH à la requête des assurés SACOFRINA GENEVE, et Madame [Q] [Y] de la société ALGAD.

Sont datées du 15 février 2012 :

- la facture [de vente ] n° 71/2012 intitulée , au prix de 949 135 € 00, plus 11 155 € 79 de pré-acheminement et frais de manutention et 4 433 € 00 de fret maritime, soit 960 290 € 79 valeur FOB [Localité 1] et au total 964 723 € 79, émise par la société GLOBE EXPORT LIMITED de Gibraltar contre la société algérienne ALGAD [ALGerian All Drinks], avec la mention ;

- une facture de la société NATT à la société GLOBE EXPORT LIMITED au prix sans T.V.A. de 9 023 € 00 dont 275 € 00 pour son intervention, concernant l'embarquement et le transport de caisse outre divers frais avec les mentions .

Le 28 février 2012 la société INTRAMAR RORO a fait parvenir sa déclaration de sinistre à son assureur la compagnie AXA BELGIUM, laquelle en a accusé réception en demandant ses circonstances et sa cause ainsi que les documents contractuels avec les autres parties.

La société NATT a émis le 4 avril 2012 une facture de 10 793 € 00 contre la société helvétique SACOFRINA pour le transport de la roue endommagée de [Localité 3] (76) sur le site de la société ALTEAD jusqu'à [Localité 1], et retour.

Le 23 avril 2012 une dispache de règlement a été émise par [V] & [Z] intermédiaires d'assurances, avec la mention , pour la somme de 960 272 € 99 valeur FOB + 10 793 € 00 ré-acheminement et emballage + 35 300 € 00 diagnostic = au total 1 006 365 € 99. Le 26 suivant une quittance définitive et subrogatoire a été signée par la société GLOBE EXPORT en faveur de la S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, de la S.A. HELVETIA ASSURANCES et de la compagnie d'assurances CATLIN UNDERWRITING AGENCIES LIMITED pour cette somme ; le chèque correspondant a été émis le même jour par [V] & [Z] à l'ordre de la société GLOBE EXPORT, mais adressé à la société helvétique SACOFRINA avec la précision 02[en réalité 3]/02/2012$gt;, et débité du compte bancaire de cette émettrice le 4 juin suivant. Le 10 novembre de la même année la société SACOFRINA a cédé à la société GLOBE EXPORT tous ses droits contre la société NATT et la société CMA CGM relatifs au transport de la machine endommagée le 3 février.

Le 30 mai 2013 la société GLOBE EXPORT a émis en faveur de la société ALGAD une note de crédit n° 1072/2013 annulant sa facture n° 71/2012 du 23 avril ['] 2012 de 960 272 € 99.

Ont été assignées en 2013 :

- le 16 janvier la société NATT et la société CMA CGM par les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, ALLIANZ, HELVETIA et par la compagnie CATLIN UNDERWRITING (instance n° 2013F00584) ;

- le 15 février la société CMA CGM par la société NATT (instance n° 2013F01122) ;

- le 1er mars la société INTRAMAR RORO [qui a décidé sa dissolution le 5 février 2014] par la société CMA CGM (instance n° 2013F01252).

Le Tribunal de Commerce de MARSEILLE par jugement du 5 décembre 2014 a :

* joint les trois instances par application des dispositions de l'article 367 du Code de Procédure Civile ;

* déclaré recevable l'action des sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et de la compagnie CATLIN UNDERWRITING ;

* débouté les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et la compagnie CATLIN UNDERWRITING de toutes leurs demandes à l'encontre de la société NATT ;

* condamné conjointement les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et la compagnie CATLIN UNDERWRITING à payer à la société NATT la somme de 5 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

* dit sans objet l'appel en garantie de la société NATT à l'encontre de la société CMA CGM ;

* condamné la société CMA CGM à payer aux sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et à la compagnie CATLIN UNDERWRITING :

- la somme de 1 003 524 € 94 avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 16 janvier 2013 date de l'assignation ;

- la somme de 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, eu égard aux frais irrépétibles occasionnés par le présent litige ;

* condamné la société CMA CGM aux dépens des instances enrôlées sous les numéros 2013F00584 et 2013F01122 ;

* condamné la société INTRAMAR RORO à relever et garantir la société CMA CGM des sommes ressortant des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre en principal,

intérêts, frais irrépétibles et dépens ;

* condamné la société INTRAMAR RORO à payer à la société CMA CGM la somme de

5 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, eu égard aux frais irrépétibles occasionnés par le présent litige ;

* condamné la société INTRAMAR RORO aux dépens de l'instance enrôlée sous le n° 2013F01252 ;

* conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile, ordonné pour le tout l'exécution provisoire ;

* rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires aux dispositions du présent jugement.

Monsieur [C] [H] es qualité de liquidateur amiable de la S.A.S. INTRAMAR RORO a régulièrement interjeté appel le 7-8 janvier 2015. Le 5 mars suivant son assureur la société AXA BELGIUM lui a notifié son refus du bénéfice de sa garantie. Par conclusions du 7 avril 2015 l'appelant demande à la Cour, vu les articles 555 du Code de Procédure Civile, L. 5422-19 et suivants du Code des Transports, de :

* sur la recevabilité de l'action engagée contre la compagnie AXA BELGIUM :

- constater que le refus de garantie opposé par la société AXA ASSURANCE à son assuré Monsieur [H] es qualité est postérieur au prononcé du jugement ;

- dire et juger que ce refus de garantie constitue une évolution du litige au sens de l'article 555 du Code de Procédure Civile ;

- en conséquence ;

- dire et juger Monsieur [H] es qualité recevable à appeler en cause d'appel la compagnie AXA BELGIUM ;

* sur le fond, sous réserve que la Cour déclare préalablement recevables et bien fondés l'action des 4 compagnies d'assurance et l'appel en garantie subséquent de la société CMA CGM :

* à titre principal, sur l'application de droit des limitations de responsabilité :

- dire et juger que Monsieur [H] es qualité bénéficie des limitations légales de responsabilité applicables à l'entrepreneur de manutention ;

- dire et juger que seule la faute dolosive prive l'entrepreneur de manutention du bénéfice des limitations légales ;

- constater qu'en l'espèce le sinistre a une origine purement accidentelle ;

- constater que la société INTRAMAR RORO n'a reçu aucune instruction particulière de son donneur d'ordres relative au moyen de manutention et qu'il n'a été formulé aucune réserve quant à l'utilisation de ce mode ;

- constater que la faute dolosive de la société INTRAMAR RORO n'est nullement caractérisée ;

- dire et juger la faute inexcusable inefficace à priver l'entrepreneur de manutention du

bénéfice des limitations légales d'indemnisation ;

- en conséquence, dire et juger qu'en aucun cas Monsieur [H] es qualité ne peut être condamné au-delà de la contrevaleur en euros de 26 560 DTS ;

* à titre subsidiaire, si par extraordinaire écartait l'application des limitations légales d'indemnisation :

- constater que le montant des dommages à la marchandise a été contradictoirement chiffré et évalué à la somme de 269 990 € 73 ;

- constater que la décision de procéder au remplacement de la machine, en lieu et place de sa réparation, est une décision purement commerciale qui ne saurait en tout état de

cause être imputée à la société INTRAMAR RORO ;

- constater que les frais annexes ne sont pas justifiés ;

- en conséquence, dire et juger que Monsieur [H] es qualité ne saurait en tout état de cause être condamné au-delà du montant des dommages à la marchandise, soit à la somme de 269 990 € 73 ;

* en tout état de cause, sur la garantie de la compagnie AXA BELGIUM :

- constater que la garantie de la compagnie AXA BELGIUM est due, même en cas de faute inexcusable retenue à l'encontre de l'entrepreneur de manutention ;

- en conséquence, et dans l'hypothèse où la Cour prononçait une condamnation à l'encontre de Monsieur [H] es qualité : condamner la compagnie AXA BELGIUM à relever et garantir Monsieur [H] es qualité de toute condamnation principale, intérêts, frais irrépétibles et dépens ;

* condamner tout succombant à payer à Monsieur [H] es qualité la somme de

10 000 € 00 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 27 juillet 2015 la S.A. NOUVELLE AGENCE DE TRANSIT ET DE TRANSPORT [NATT] répond notamment que :

- la preuve de l'intérêt à agir de la société GLOBE EXPORT n'est pas rapportée ; la facture de cette société du 15 février 2012 concerne la machine de remplacement, car postérieur à l'incident du 3 ; le contrat de vente n'est pas communiqué ; un doute existe notamment entre la société GLOBE EXPORT et la société SACOFRINA ; l'avoir du 30 mai 2013 cite une facture du 23 avril 2012 pour la somme de 960 272 € 99 qui est différente de celle de la base de la facture du 15 février (949 135 € 00) ; la société GLOBE EXPORT ne justifie pas de sa qualité de propriétaire de la marchandise ; le rapport d'expertise VERITECH des assureurs lui-même mentionne comme constructeur/expéditeur la société SIDEL, comme acheteur/agent commercial la société SACOFRINA, et comme destinataire la société algérienne ALBAV CASTEL, mais ni la société GLOBE EXPORT ni la société SACOFRINA ; la cession de droits par la seconde à la première datée du 10 novembre 2012 n'a pas été mentionnée dans l'assignation, n'a pas été signifiée en application de l'article 1690 du Code Civil, et n'a été communiquée que le 12 mars 2014 date à laquelle elle est opposable à la société NATT ; à ladite date l'action de la société GLOBE EXPORT et des assureurs était prescrite ;

- les demandes des assureurs sont irrecevables : ceux-ci ne peuvent se prévaloir ni de la subrogation légale (la somme de 1 006 365 € 99 payée concerne les factures 15 et 35/2012 non versées aux débats, et l'a été par chèque à l'ordre de la société GLOBE EXPORT mais adressé à la société SACOFRINA), ni de la subrogation conventionnelle (faute de preuve de l'intérêt à agir de la société GLOBE EXPORT) ;

- elle n'a agi qu'en qualité de transitaire, et non de commissionnaire de transport qualité non présumée et non prouvée ; les modalités de l'expédition ont été déterminées par le client ; elle n'a pas participé aux opérations litigieuses sous son nom, s'est bornée à réceptionner-dédouaner-garder-réexpédier la marchandise ; la facture de la société GLOBE EXPORT du 15 février 2012 la mentionne comme transitaire, de même que la réservation du 25 janvier précédent, ainsi que ses factures des 15 février et 14 avril ; sa faute personnelle comme transitaire n'est pas prouvée, les dommages résultant de la chute de la caisse manutentionnée par la société INTRAMAR RORO sans qu'aucune instruction ou recommandation n'ait été donnée à elle-même ;

- elle bénéficie des limitations de responsabilité de la Convention de BRUXELLES soit

26 550 DTS ; la société INTRAMAR RORO n'a pas commis de faute dolosive ; cette limitation porte sur les frais directs et indirects ;

- à défaut de limitation la responsabilité du transporteur est limitée aux frais de réparation soit coût des pièces 195 380 € 73 + coût de la main d'oeuvre 74 610 € 00 = 269 900 € 00 ;

- la société CMA CGM doit la relever et garantir, car la société INTRAMAR RORO a été missionnée par celle-là et non par elle-même.

L'intimée demande à la Cour, vu la Convention de BRUXELLES amendée, les articles 31 du Code de Procédure Civile, 121-12 du Code des Assurances, 1250 alinéa 1 du Code Civil, L. 5422-12 et suivants du Code des Transports, de :

* à titre principal :

- dire et juger que la société NATT est intervenue comme transitaire ;

- dire et juger que les assureurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'une faute de la société NATT ;

- confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société NATT et lui a alloué une indemnité de 5 000 € 00 au titre de l'article 700 [du Code de Procédure Civile] ;

- condamner les compagnies d'assurance demanderesses à payer à la société NATT une somme de 20 000 € 00 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre une indemnité complémentaire de 15 000 € 00 au titre de l'article 700 pour la procédure d'appel ;

* à titre subsidiaire, au cas où par impossible la Cour infirmait le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société NATT :

- déclarer irrecevable la demande des assureurs faute pour ceux-ci de justifier de l'intérêt à agir de leur assuré ;

- dire et juger que la responsabilité de la société NATT est limitée à 26 550 DTS correspondant aux limitations de responsabilité du transporteur maritime ;

- dire et juger que les limitations de responsabilité s'élévent a 26.550 DTS et ne peuvent en aucun cas être dépassées, sauf en cas de faute dolosive et que la preuve n'est pas rapportée en l'état ;

* à titre plus subsidiaire : dire et juger en tout état dc cause que les dommages ne peuvent excéder la somme de 269 990 € 00 représentant les frais de réparation ;

* en tout état de cause :

- condamner la société CMA-CGM à relever et garantir la société NATT de toute condamnation en principal, intérêts et frais ;

- condamner tout succombant à payer à la société NATT la somme de 15 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 15 octobre 2015 la S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, la S.A. HELVETIA ASSURANCES et la compagnie d'assurances CATLIN UNDERWRITING AGENCIES LIMITED intimées, et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE intervenante volontaire, répondent notamment que :

- l'organisation du transport a été confiée à la société NATT par la société GLOBE EXPORT et la société SACOFRINA ; suite au dommage elles ont indemnisé la troisième pour 5 000 € 00 et al deuxième pour 1 006 365 € 99 ; la société CMA CGM transporteur maritime est pleinement et entièrement responsable ;

- le contrat de vente et celui de transport sont indépendants ; la société GLOBE EXPORT a eu la possession des marchandises, s'est comportée comme leur propriétaire, et a été facturée par la société NATT pour les frais d'organisation du transport ; la facture du 15 février 2012 n'est pas de remplacement de la marchandise et a été émise au jour prévu pour la livraison ; la société GLOBE EXPORT a émis un avoir le 30 mai 2013 sur cette facture ; elle a donc reçu la marchandise et a été seule à subir le préjudice ; elle et la société SACOFRINA ont des intérêts communs, et la seconde a cédé ses droits à la première le 10 novembre 2012 ; cette cession n'a pas à être signifiée aux débiteurs avant l'expiration du délai de prescription, ses effets sur les tiers étant appréciés à sa date et non à celle de sa signification le 12 mars 2014 ;

- la société NATT est intervenue non comme transitaire, mais comme commissionnaire de transport car elle a fait choix du transporteur maritime et a émis la facture du 15 février 2012 à l'encontre de la société GLOBE EXPORT ;

- la responsabilité de la société INTRAMAR RORO n'est pas contestée ; la limitation de l'indemnité à 2 DTS pour chacun des 13 280 kg aboutit à la somme de 26 560 DTS ; la même ne peut être utilement invoquée par le commissionnaire de transport et le transporteur maritime en cas de faute dolosive ou tout au moins de faute inexcusable de l'acconier ; cette limitation concerne uniquement les pertes et dommages aux marchandises elles-mêmes, mais ne couvre pas les frais annexes (réacheminement et emballage, diagnostic, stockage, expertise) occasionnés par les dommages soit 63 251 € 95 ;

- ce dernier est sanctionné fermement pour toute manutention inappropriée, approximative, aléatoire et précipitée, et doit procéder au chargement et à la manutention des marchandises de façon appropriée et soigneuse ; les opérations d'expertise VERITECH étaient contradictoires à la société CMA CGM, la société INTRAMAR RORO et la société NATT ; la caisse était déplacée à l'aide de 2 chariots élévateurs en vis-à-vis sans aucune visibilité, alors que la grue s'imposait d'autant plus que la caisse comportait des mentions définissant la zone d'élingage ; la faute de la société INTRAMAR RORO est dolosive, et tout au moins inexcusable comme l'a considéré le Tribunal ; l'indemnité ne peut être fixée à la somme de 269 990 € 00 correspondant aux frais de réparation de la machine, car aucune réparation définitive n'a été entreprise faute de garantie de bon fonctionnement ; le préjudice actualisé s'élève à 1 003 524 € 94 ;

- le régime de responsabilité limitée de l'acconier la société INTRAMAR RORO n'est pas opposable à l'ayant droit de la marchandise, mais uniquement à son cocontractant qui a requis ses services (la société NATT ou la société CMA CGM).

Les concluantes demandent à la Cour de :

- condamner conjointement et solidairement les sociétés NATT et CMA CGM à leur payer la somme de l 003 524 € 94 ;

- subsidiairement, condamner conjointement et solidairement les mêmes à leur payer la contre valeur en euros de la somme de 26 560 DTS au cours du jour du jugement à intervenir, outre 63 251 € 95 ;

- en tout état de cause, assortir la condamnation à intervenir des intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance ;

- ordonner la capitalisation des sommes dues conformément à l'article 1154 du Code Civil ;

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 30 000 € 00 au titre de l'article 700 [du] Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 18 septembre 2017 la S.A. CMA CGM répond notamment que :

- elle s'est vue confier le transport maritime par la société NATT agissant pour le compte des sociétés GLOBE EXPORT et SACOFRINA ; la machine a été endommagée lors des opérations de manutention par la société INTRAMAR RORO avant son chargement sur le navire ;

- l'action des assureurs est irrecevable : la cession de droits de la société SACOFRINA au profit de la société GLOBE EXPORT lui est inopposable faute de signification, et d'extrait dans l'assignation ;

- elle est fondée à limiter sa responsabilité, n'ayant commis aucune faute personnelle ; la société INTRAMAR RORO n'a commis ni faute dolosive ni faute inexcusable susceptible de faire perdre à la société CMA CGM le droit de limiter sa responsabilité ; les assureurs n'apportent pas la preuve que cet acconier a volontairement provoqué le dommage ; l'interdiction du levage de la caisse par fourche n'était ni notifiée ni mentionnée ; la fourche est un mode de chargement habituel pour ce type de caisses ; une seule des 7 caisses a été endommagée ; le risque de la fourche ne constitue pas une faute dolosive ni inexcusable ;

- l'indemnité limitée, calculée selon le poids brut de la marchandise (13 280 kg), est de

26 560 DTS, incluant les frais occasionnés par le dommage qui ne peuvent être indemnisés en plus ;

- il convient, comme l'a fait le Tribunal, de faire bénéficier le transporteur du même régime de responsabilité que celui du manutentionnaire, tant pour la limitation de responsabilité que pour la gravité de la faute ;

- la compagnie AXA BELGIUM a été appelée en temps utile par la société CMA CGM le 11 juin 2015 ; l'évolution du litige justifiait cet appel en cause (liquidation amiable de la société INTRAMAR RORO, refus de garantie de cet assureur) ; ce dernier ne conteste pas sa garantie en l'absence pour la société INTRAMAR RORO de faute dolosive ou inexcusable.

L'intimée demande à la Cour, vu la Convention de BRUXELLES et le Code des Transports, de :

* à titre principal : constater l'irrecevabilité de l'action des 4 assureurs et les en débouter ;

* à titre subsidiaire :

- dire et juger que la faute commise par la société INTRAMAR RORO n'est pas une faute inexcusable et que la société CMA CGM est donc fondée à bénéficier de la limitation de responsabilité prévue à l'article 4 §5 de la Convention de Bruxelles de 1924 ;

- fixer le montant de l'indemnité à 26 560 DTS ;

* à titre plus subsidiaire : confirmer le jugement en ce qu'il a aligné les régimes de limitation de responsabilité du transporteur et du manutentionnaire ;

* à titre encore plus subsidiaire : dire et juger que le montant maximal de l'indemnité ne saurait excéder 269 990 € 73 au titre des frais de réparation du bien endommagé ;

* en tout état de cause : confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société INTRAMAR RORO à relever et garantir la société CMA CGM de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais ;

* sur l'intervention forcée de la compagnie AXA BELGIUM :

- dire et juger recevable l'intervention forcée délivrée à la compagnie AXA BELGIUM ;

- condamner la compagnie AXA BELGIUM, solidairement avec Monsieur [H] es qualité, à garantir la société CMA CGM de toute condamnation prononcée à son encontre par application de la police n° 730.103.62l/B ;

- condamner solidairement la compagnie AXA BELGIUM et Monsieur [H] es qualité à payer à la société CMA CGM la somme de 30 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La compagnie AXA BELGIUM assureur de la société INTRAMAR RORO a été assignée devant la Cour d'abord par Monsieur [H] es qualité le 30 juin puis le 17 septembre 2015, et ensuite le 23 juin de la même année par la société CMA CGM ; un arrêt du 27 septembre 2018 rendu sur déféré d'une ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat du 6 mars précédent a notamment :

* confirmé cette ordonnance en ce que le Conseiller de la Mise en Etat a déclaré irrecevables les demandes présentées par la compagnie AXA BELGIUM visant à déclarer irrecevable son intervention forcée ;

* réformé cette ordonnance en ce que le Conseiller de la Mise en Etat s'est déclaré compétent pour statuer sur la recevabilité de l'intervention forcée de la compagnie AXA BELGIUM [cette question relevant de la compétence de la Cour].

Par conclusions du 29 novembre 2018 la compagnie AXA BELGIUM répond notamment que :

- est tardive son intervention forcée par Monsieur [H] es qualité les 30 juin et 17 septembre 2015, ainsi que par la société CMA CGM le 23 juin 2015, alors que l'appel date du 8 janvier précédent ;

- l'intervention forcée est subordonnée en appel à la preuve d'une évolution du litige, ce que n'est pas le refus de garantie de l'assureur révélé après le jugement ; bien qu'ayant reçu une déclaration de sinistre elle ne disposait d'aucun élément factuel lui permettant de prendre position ; il appartenait à la société INTRAMAR RORO, assignée devant le Tribunal le 1er mars 2013, de lui soumettre cette assignation, et en cas de refus de garantie de l'assigner en intervention forcée ; l'inaction de son assurée en première instance prive elle-même de son droit à bénéficier d'un double degré de juridiction ; la liquidation amiable est intervenue presqu'un an avant le jugement.

L'intimée demande à la Cour, vu les articles 555 du Code de Procédure Civile, L. 5422-23 du Code des Transports, 124-3 du Code des Assurances, de :

* à titre principal : juger irrecevable l'intervention forcée de la compagnie AXA BELGIUM

sollicitée par les sociétés CMA CGM et INTRAMAR RORO ;

* à titre subsidiaire :

- écarter des débats le rapport VERITECH produit par les 4 assureurs qui n'est corroboré par aucun autre élément de preuve ;

- limiter à 26 550 DTS la condamnation susceptible d'être prononcée à l'encontre de la société INTRAMAR RORO ;

* à titre très subsidiaire :

- juger que le sinistre objet du présent litige est exclu de la garantie de la compagnie AXA BELGIUM ;

- rejeter les actions dirigées à son encontre ;

* en toute hypothèse :

- déclarer opposable aux sociétés CMA CGM et INTRAMAR RORO la franchise d'un montant de 10 000 € 00 de la compagnie AXA BELGIUM ;

- condamner les parties succombantes à payer à la compagnie AXA BELGIUM la somme de 10 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

De nouvelles conclusions ont été prises :

- le 7 janvier 2019 par la société CMA CGM ;

- le 10 janvier 2019 par le liquidateur amiable de la société INTRAMAR RORO.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2019.

Le 31 janvier 2019 les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et la compagnie CATLIN UNDERWRITING ont conclu au rejet des dernières conclusions de la société CMA CGM et de la société INTRAMAR RORO.

Le 1er février 2019 la compagnie AXA BELGIUM a conclu au rejet des dernières conclusions de la société INTRAMAR RORO.

Le même jour cette dernière a conclu au débouté de la demande des sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et de la compagnie CATLIN UNDERWRITING, et à titre subsidiaire à la révocation de l'ordonnance de clôture avec fixation d'une nouvelle clôture le jour de l'audience.

Le 4 février 2019 la société CMA CGM a conclu à la recevabilité de ses dernières conclusions.

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M O T I F S D E L ' A R R E T :

Sur la procédure :

L'article 15 du Code de Procédure Civile impose aux parties de 'se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait (...), les éléments de preuve (...) et les moyens de droit'.

Les conclusions de la société CMA CGM du 7 janvier 2019 comme celles de la société INTRAMAR RORO du 10 suivant sont antérieures de quelques jours seulement à l'ordonnance de clôture rendue le 14 du même mois mais annoncée dès le 15 novembre 2018. Par suite les autres parties, c'est-à-dire les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et la compagnie CATLIN UNDERWRITING d'une part, la société INTRAMAR RORO d'autre part, et enfin la compagnie AXA BELGIUM, soulignent avec raison qu'elles n'ont pas disposé de temps utile pour prendre connaissance de ces conclusions et éventuellement y répondre.

Il en résulte que la Cour, tenue par l'article 16 alinéa 1 du Code de Procédure Civile à l'observation du 'principe de la contradiction', rejettera les conclusions litigieuses.

Sur la recevabilité des sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS, ALLIANZ, HELVETIA et de la compagnie CATLIN UNDERWRITING :

La machine endommagée le 3 février 2012 a été facturée le 15 suivant par la société GLOBE EXPORT à la société ALGAD sous le n° 71/2012 au prix de 949 135 € 00 c'est-à-dire 960 290 € 79 valeur FOB [Localité 1] ; cette antériorité du sinistre par rapport à la facture de vente s'explique par ce que cette dernière n'est émise que lors de la livraison effective qui en l'espèce n'a pas pu avoir lieu vu le sinistre ; et de plus le contrat de vente, et le contrat de transport incluant la manutention, sont indépendants l'un de l'autre.

Le 23 avril 2012 une dispache de règlement mentionne une somme de 1 006 365 € 99 dont 960 272 € 99 valeur FOB, et comme assurée la société SACOFRINA.

La quittance subrogative signée par la société GLOBE EXPORT le 26 avril 2012 en faveur des quatre assureurs AXA CORPORATE, ALLIANZ GLOBAL, HELVETIA et CATLIN UNDERWRITING porte sur la somme identique de 1 006 365 € 99, et a été payée par chèque du même jour émis à l'ordre de cette assurée, peu important qu'il ait été adressé à la société SACOFRINA, ce chèque ayant de plus été débité le 4 juin.

Le 10 novembre 2012 la société SACOFRINA a cédé à la société GLOBE EXPORT tous ses droits relatifs au dommage du 3 février précédent.

Enfin il est sans conséquence juridique, vu ces subrogation et cession, que le 30 mai 2013 la société GLOBE EXPORT ait émis en faveur de la société ALGAD une note de crédit annulant sa facture n° 71/2012, la mention avril 2012$gt; constituant au surplus une simple erreur matérielle.

Les éléments de fait précités conduisent la Cour, comme le Tribunal, à retenir que le dommage survenu à la machine d'une valeur FOB de 960 290 € 79 / 960 272 € 99 a été subi par la société GLOBE EXPORT, que celle-ci et la société SACOFRINA ont été indemnisées par les quatre assureurs AXA CORPORATE, ALLIANZ GLOBAL, HELVETIA et CATLIN UNDERWRITING à hauteur de 1 006 365 € 99 avec subrogation et paiement effectifs, et que les droits de la société SACOFRINA ont été cédés à la société GLOBE EXPORT par un acte juridiquement valable. Le fait que ce dernier daté du 10 novembre 2012 n'ait été signifié à la société CMA CGM que le 12 mars 2014 reporte à cette date sa connaissance par ce tiers et ses effets sur lui, mais sans remettre en cause sa valeur juridique, ni influer sur le délai de prescription.

Le jugement est donc confirmé pour avoir déclaré recevable l'action des 4 assureurs.

Sur la société NATT :

La réservation du 25 janvier 2012 qualifie cette société de , la facture de vente de la machine du 15 février suivant mentionne , et cette société a émis le même jour une facture contre la société GLOBE EXPORT pour l'embarquement et le transport de la caisse contenant la machine, et le 4 avril une facture contre la société SACOFRINA pour le transport aller-retour de la roue endommagée.

Aucun élément ne permet de déduire de ces pièces que la société NATT avait en son nom organisé et conclu les contrats de transport en choisissant les transporteurs, les appréciations juridiques des experts sur la qualité de commissionnaire de transport de cette société ne s'imposant pas à la Cour.

La société NATT est donc transitaire, et ne répond que de sa faute qui n'est nullement prouvée.

Par suite c'est à bon droit que le Tribunal a débouté les assureurs de toutes leurs demandes à l'encontre de la société NATT.

Mais si la procédure de ceux-ci était injustifiée, son caractère abusif n'est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu'en aurait subi la société NATT; par suite la Cour déboutera cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la compagnie AXA BELGIUM :

Les articles 554 et 555 du Code de Procédure Civile permettent à une partie en première instance d'appeler devant la Cour, aux fins de condamnation, une personne qui n'a été ni partie ni représentée devant le Tribunal 'quand l'évolution du litige implique [sa] mise en cause'.

La compagnie AXA BELGIUM a reçu le 28 février 2012 de son assurée la société INTRAMAR RORO une déclaration pour le sinistre du 3 précédent, et n'a pas pris position puisqu'elle s'est contentée de demander à son assurée les circonstances et la cause de ce sinistre ainsi que les documents contractuels avec les autres parties. Cette assurée a le 5 février 2014 décidé de sa liquidation amiable. Cet assureur n'était ni partie ni représentée dans l'instance ayant abouti au jugement du 5 décembre 2014. Il a le 5 mars 2015 notifié son refus de garantie à la société INTRAMAR RORO, et a été appelée devant la Cour par celle-ci les 30 juin et 17 septembre 2015, ainsi que par la société CMA CGM le 23 juin de la même année.

Il appartenait à la société INTRAMAR RORO, sans nouvelles de son assureur dûment informé du sinistre lorsqu'elle a été assignée par la société CMA CGM le 1er mars 2013, de lui soumettre cette assignation ainsi que de l'interroger sur sa garantie, et en cas de refus comme de silence de l'assigner en intervention forcée devant le Tribunal. Par ailleurs la liquidation amiable de la société INTRAMAR RORO est intervenue le 5 février 2014 soit avant le jugement du 5 décembre 2014. Ces 2 éléments excluent la notion d'évolution postérieure du litige au sens des articles ci-dessus, et c'est donc à juste titre que la compagnie AXA BELGIUM demande à la Cour de juger irrecevable son intervention forcée sollicitée par la société CMA CGM et par la société INTRAMAR RORO.

Mais la liquidation amiable de cette dernière fait obstacle à la réclamation de la compagnie AXA BELGIUM au titre des frais irrépétibles.

Sur le fond :

La caisse de la société GLOBE EXPORT a été endommagée le 3 février 2012 alors qu'elle était manutentionnée par la société INTRAMAR RORO pour être embarquée à bord du navire de la société CMA CGM. Ce chargement rend donc ce transporteur maritime responsable vis-à-vis des assureurs subrogés dans les droits de la société GLOBE EXPORT.

Il ressort des 3 expertises que :

- la machine était conditionnée dans 1 caisse en bois d'un poids de 13 280 kg ayant pour dimensions 416 x 328 x 400, avec identification des zones d'élingage sur ses grandes faces ;

- la caisse a été levée par les fourches de 2 engins de type chariot élévateur, se faisant face mais sans que leurs conducteurs puissent se voir ;

- durant cette manoeuvre la caisse a chuté au sol suite à une erreur d'appréciation des conducteurs.

Cependant malgré cette identification aucune consigne n'avait été donnée à la société INTRAMAR RORO de préférer l'élingage à la fourche élévatrice. Par ailleurs l'erreur d'appréciation c'est-à-dire le manque de synchronisation des conducteurs des 2 élévateurs, ne caractérisent pas la faute dolosive et inexcusable retenue par le jugement ; en effet ces 2 personnes n'avaient pas la volonté délibérée de voir survenir le dommage, ni même la conscience de sa probabilité puisqu'elles pouvaient correspondre par moyen radio où grâce à la vision d'un tiers, et n'ont pas non plus accepté témérairement ce dommage sans raison valable. Le jugement est par suite infirmé pour avoir écarté la limitation d'indemnité fixée par la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924 dans son article 4-5-a à 2 DTS par kilogramme, soit en l'espèce 13 280 kg x 2 = 26 560 DTS.

Cette limitation s'applique non seulement aux dommages matériels à la marchandise proprement dits, mais également à tous les frais annexes qui ne peuvent donc être accordés aux assureurs en plus de ces 26 560 DTS.

Responsable à l'égard des assureurs la société CMA CGM est cependant fondée à demander relevé et garantie à la société INTRAMAR RORO auteur matériel du dommage.

Mais la liquidation amiable de la seconde société fait obstacle à la réclamation de la première au titre des frais irrépétibles.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Rejette les conclusions de la S.A. CMA CGM du 7 janvier 2019, et de Monsieur [C] [H] es qualité de liquidateur amiable de la S.A.S. INTRAMAR RORO du 10 janvier 2019.

Juge irrecevable l'assignation devant la Cour de la compagnie AXA BELGIUM par Monsieur [C] [H] es qualité de liquidateur amiable de la S.A.S. INTRAMAR RORO comme par la S.A. CMA CGM.

Infirme le jugement du 5 décembre 2014 pour le montant de la condamnation de la S.A. CMA CGM, et réduit celui-ci à 26 560 DTS, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, et capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1154 du Code Civil.

Confirme tout le reste du jugement

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens :

* in solidum la S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, la S.A. HELVETIA ASSURANCES, la compagnie d'assurances CATLIN UNDERWRITING AGENCIES LIMITED et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, à payer à la S.A. NOUVELLE AGENCE DE TRANSIT ET DE TRANSPORT [NATT] une indemnité unique de 10 000 € 00 ;

* la S.A. CMA CGM à payer à la S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, la S.A. HELVETIA ASSURANCES, la compagnie d'assurances CATLIN UNDERWRITING AGENCIES LIMITED et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, une indemnité unique de 10 000 €.

Condamne la S.A. CMA CGM aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Condamne Monsieur [C] [H] es qualité de liquidateur amiable de la S.A.S. INTRAMAR RORO à relever et garantir en totalité la S.A. CMA CGM.

Rejette toutes les autres demandes.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 15/00133
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°15/00133 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;15.00133 ?
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