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14/03/2019 | FRANCE | N°17/14175

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 14 mars 2019, 17/14175


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2019

lu.b

N° 2019/ 163













Rôle N° RG 17/14175 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA6PX







[W] [M]

[P] [T] épouse [M]

[I] [M]





C/



[O] [B] [K] [C]

[J] [V] [Y] [R] épouse [C]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



ASSOCIATION CABINET GARBA

IL AVOCAT ASSOCIES



Me Véronique ALDEMAR











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Juillet 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03615.





APPELANTS



Monsieur [W] [M]

demeurant [Adresse 12]



représenté par Me T...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2019

lu.b

N° 2019/ 163

Rôle N° RG 17/14175 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA6PX

[W] [M]

[P] [T] épouse [M]

[I] [M]

C/

[O] [B] [K] [C]

[J] [V] [Y] [R] épouse [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCAT ASSOCIES

Me Véronique ALDEMAR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Juillet 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03615.

APPELANTS

Monsieur [W] [M]

demeurant [Adresse 12]

représenté par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCAT ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Madame [P] [T] épouse [M]

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCAT ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Monsieur [I] [M]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCAT ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMES

Monsieur [O] [B] [K] [C]

conclusions déclarées irrecevables le 30.01.18

demeurant [Adresse 9]

représenté par Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [V] [Y] [R] épouse [C]

conclusions déclarées irrecevables le 30.01.18

demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Luc BRIAND, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

Monsieur Luc BRIAND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Par acte reçu par Maître [F], notaire à [Localité 11] (Saône-et-Loire), le 25 août 2004, M. [O] [C] et Mme [A] [C] ont acquis une parcelle sur la commune de [Adresse 14] cadastrée section H, lieu-dit [Localité 10], numéros [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Cette parcelle n'ayant aucune issue sur la voie publique, M. [W] [M] et Mme [P] [T] ont, par acte reçu le 28 janvier 2005 par Maître [F], concédé à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] à titre de servitude réelle et perpétuelle un droit de passage de 4 mètres de largeur sur leur parcelle située section H lieu-dit [Localité 10] numéro [Cadastre 6], moyennant une indemnité globale et forfaitaire de 23 000 euros dont M. [O] [C] s'est acquitté.

Le 30 octobre 2009, Maître [E], huissier de justice, a dressé un procès-verbal de constat faisant apparaître que la largeur du passage de 4 mètres n'était pas respectée et notamment que celle retenue entre les deux piliers du portail installé par les époux [M] était de 3,55 mètres environ. Il a également constaté qu'un véhicule était stationné au milieu du chemin de servitude, empêchant le passage et l'accès à la propriété de M. [O] [C].

M. [O] [C] et Mme [A] [C] ont obtenu par ordonnance de référé du 6 juillet 2010 qu'il soit fait interdiction à M. [W] [M] et à Mme [P] [T] de faire stationner quelque véhicule que ce soit sur le chemin de servitude, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée et leur condamnation in solidum à déposer le portail installé à l'entrée du chemin d'accès, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. M. [W] [M] et Mme [P] [T] ont été condamnés à payer aux demandeurs une somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. [W] [M] et Mme [P] [T] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt en date du 24 novembre 2011 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'ordonnance du 6 juillet 2010 a été confirmée en toutes ses dispositions relatives à l'enlèvement du portail et aux frais irrépétibles de la procédure, disant que l'astreinte avait pour point de départ la signification de l'ordonnance. Elle a été réformée pour le surplus et une expertise a été ordonnée, confiée à M. [H] [Z].

Par jugement du 21 avril 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Toulon a liquidé l'astreinte et a condamné in solidum M. [W] [M] et Mme [P] [T] à payer la somme de 6 040 euros à M. [O] [C], somme portant intérêts au taux légal à compter de la décision outre une somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 9 novembre 2012.

Par acte en date du 27 mars 2013 reçu par Maître [S] notaire à [Localité 8] (Var), M. [W] [M] et Mme [P] [T] ont vendu à M. [I] [M] une partie en pleine propriété de leur maison d'habitation située sur la commune de [Adresse 14] cadastrée section H numéro [Cadastre 6].

Par actes en date des 10 et 11 juin 2014, M. [O] [C] et Mme [A] [C] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulon M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] aux fins principales d'obtenir leur condamnation à se voir interdire de stationner tout véhicule sur le passage de la servitude, sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la signification du jugement et ce jusqu'à l'enlèvement définitif de tout véhicule automobile stationné sur ce passage, que le chemin d'accès à leur propriété soit élargi, aux frais exclusifs des défendeurs, sur toute sa longueur à 4 mètres, et ce sous astreinte journalière de 200 euros à compter de la signification du jugement et fixée provisoirement pour trois mois, que les défendeurs soient condamnés à leur payer une somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance qui leur a été occasionné depuis le 7 octobre 2004.

Par jugement du 3 juillet 2017, le tribunal de grande instance a :

-dit que le droit de passage des époux [C] pour accéder à leur propriété s'exerce sur une bande de terrain de 4 mètres de largeur prise sur la parcelle section H numéro [Cadastre 6], en limite Nord de la propriété, qui longe les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

-ordonné la démolition du garage construit en 2007 par les consorts [M] sous astreinte de 200 euros par jour de retard suivant un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et fixée provisoirement pour trois mois,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] au paiement d'une astreinte de 200 euros par jour à compter de la signification du jugement et ce jusqu'à l'enlèvement définitif de tout véhicule automobile stationné ou de tout objet entreposé à leur initiative sur le chemin de passage de la servitude,

-ordonné que le chemin d'accès à la propriété [C] sur lequel s'exerce la servitude soit élargi aux frais exclusifs de M. [W] [M], Mme [P] [T] et de M. [I] [M] sur toute sa longueur, à 4 mètres, sous astreinte de 200 euros par jour suivant un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et fixée provisoirement pour trois mois,

-débouté M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] de l'intégralité de leurs demandes,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] au paiement des dépens de l'instance y compris ceux de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire ainsi que le coût des procès-verbaux de constats d'huissier des 30 octobre 2009, 26 octobre 2010, 31 janvier 2011, 19 mars 2012, 19 juillet 2012 et 18 avril 2014 distraits au profit de Me Philippe CAMPS,

-ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a, notamment :

- relevé qu'il est établi qu'une servitude a été constituée par l'acte du 28 janvier 2005, opposable à M. [I] [M] qui a acquis des droits postérieurement; que le droit de passage accordé à cette date à M. [O] [C] pour accéder à sa parcelle doit s'exercer selon cet acte à l'endroit le moins dommageable pour le fonds servant, sur une bande de terrain de 4 mètres de largeur, prise sur la parcelle section H numéro [Cadastre 6] ; que l'assiette de la servitude n'est pas autrement définie dans l'acte ;

- constaté qu'un garage a été construit par M. [W] [M] sur la servitude de passage à la suite de cette convention du 28 janvier 2005, sur la base d'un permis de construire accordé le 7 octobre 2004 et que les parties divergent sur le point de savoir si la servitude doit s'exercer à l'avant ou à l'arrière de ce garage, étant établi par ailleurs par le procès-verbal de constat du 31 janvier 2011 qu'aucun de ces deux passages n'est conforme aux exigences de l'acte du 28 janvier 2005 en ce qui concerne la largeur du chemin qui est inférieure à 4 mètres ;

- constaté que la convention du 17 octobre 2004 signée par les parties, précédant l'acte notarié du 28 janvier 2005, prévoit également que la servitude pour permettre l'accès à la propriété de M. [O] [C] depuis la voie publique, doit s'exercer à l'endroit le moins dommageable pour la propriété de M. [W] [M], et qu'ainsi un plan est annexé et le stationnement sur le chemin d'accès interdit ;

- jugé qu'il résulte de ce plan annexé à la convention et annexé a posteriori par Maître [F] à l'acte authentique du 28 janvier 2005, ce dernier ne précisant pas l'implantation du passage, que la commune intention des parties a été de situer la servitude de passage le long de la limite nord de la propriété de M. [W] [M], effectivement à l'endroit le moins dommageable ; qu'il apparaît en effet que le passage par le sud, en coude, nécessitait une plus grande emprise sur le fonds servant d'une part et ne permettait pas le respect d'une largeur de 4 mètres d'autre part ;

- estimé que M. [W] [M] a, par l'acte du 28 janvier 2005, autorisé M. [O] [C] à ouvrir la tranchée pour le passage des gaines électriques, conduites d'eau et toutes gaines nécessaires aux VRD sur le droit de passage ; qu'en ce sens l'expert note dans son rapport que ces canalisations enterrées desservant la propriété de M. [O] [C] sont bien implantées au nord du garage, c'est-à-dire à l'avant de celui-ci, conformément à l'endroit de la servitude dessinée sur le plan ;

- jugé qu'il ressort du rapport d'expertise que l'assiette actuelle du chemin de servitude desservant la propriété des demandeurs n'est pas conforme aux dispositions de l'acte du 28 janvier 2005 en ce que la largeur de 4 mètres prescrite dans l'acte n'est pas respectée en divers points de l'itinéraire ; que l'expert conclut que le garage constitue également un obstacle certain à l'exercice de la servitude ; qu'il y a lieu de rappeler que la construction de ce garage est postérieure à la constitution de la servitude ; qu'il apparaît que son implantation et sa forme ont été modifiées par M. [W] [M] comme cela résulte d'une mise en demeure de régularisation des travaux notifiés par la mairie de [Localité 13] le 20 mars 2012 du fait que les services de la mairie se sont rendus sur place et ont constaté que les travaux réalisés n'étaient pas conformes au permis de construire qui avait été déposé le 7 octobre 2004 notamment concernant son implantation par rapport aux limites séparatives et la modification de sa forme ;

- estimé que M. [W] [M], M. [I] [M] et Mme [P] [T] ne démontrent pas que l'assignation primitive du chemin de servitude au nord du garage, par l'avant, est devenue plus onéreuse pour eux ou les empêchent de faire des réparations avantageuses, ils ne sauraient imposer en aucune façon à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] d'exercer la servitude en passant au sud du garage, par l'arrière ;

- en a déduit que les dispositions de l'acte du 28 janvier 2005 ne sont pas respectées par les défendeurs alors qu'ils ont perçus en contre partie de la servitude concédée une indemnité de 23 000 € ;

- jugé qu'il sera ainsi ordonné à M. [W] [M], à Mme [P] [T] et à M. [I] [M] d'élargir le chemin d'accès traversant leur propriété et desservant la propriété de M. [O] [C] et de Mme [A] [C] à 4 mètres et ce sur toute la longueur du chemin d'accès, sous astreinte ; cet élargissement se fera à leurs frais exclusifs dans la mesure où il ne faut pas confondre l'entretien de la partie du chemin d'accès, qui effectivement doit être supportée conjointement par M. [W] [M] et M. [O] [C], avec la mise à disposition du chemin d'accès de 4 mètres de largeur, que doit incontestablement M. [W] [M] aux termes de l'acte précité ;

- jugé qu'il sera également ordonné la démolition du garage construit en 2007, sous astreinte, en ce qu'il constitue un obstacle au respect de l'acte du 28 janvier 2005 outre le fait que l'expert note que mis à part l'arrêté de délivrance du permis de construire, M. [W] [M] n'a pas été en mesure de lui fournir ni la déclaration d'achèvement des travaux ni le certificat de conformité ;

- estimé que M. [W] [M], M. [I] [M] et Mme [P] [T] ne rapportent pas la preuve de ce que la seconde partie de la servitude n'est pas implantée conformément à l'acte du 28 janvier 2005 ;

- jugé que dans ces conditions et en l'état des pièces produites ils seront déboutés de leurs demandes tendant à des implantations et prétendue remise en état des lieux, sous astreinte.

Par acte du 21 juillet 2017, les consorts [M] ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 mars 2018 par voie électronique, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

-débouter les époux [C] de l'ensemble de leurs demandes et de tout appel incident,

-condamner in solidum les époux [C] à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

-condamner in solidum les époux [C] à leur payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance dont ceux d'appel distraits au profit de Me GARBAIL, avocat, sur son affirmation de droit y compris ceux du référé et de l'expertise judiciaire.

A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :

-dire et juger qu'en application de l'article 701 du code civil, l'assiette de la servitude au niveau du garage [M] sera désormais située au sud dudit garage (derrière),

-condamner in solidum les époux [C], sous astreinte de 200 € par jour de retard courant un mois après la signification du jugement à intervenir, à implanter la deuxième partie de la servitude conformément au plan litigieux prétendument annexé à l'acte notarié du 28 janvier 2005, à remettre les lieux en l'état au moyen de la plantation d'arbres de haute futée conformément à la végétation environnante et à celle qui existait auparavant et du déplacement des trois poteaux électriques afin qu'ils soient situés sur la bonne assiette de la servitude.

A titre « infiniment subsidiaire », ils demandent à la cour de désigner un expert avec la mission suivante : se rendre sur les lieux, se faire remettre l'intégralité des documents concernant la servitude de passage, la construction des garages, décrire au regard de l'acte authentique du 28 janvier 2005 auquel n'est annexé aucun plan, la servitude de passage concédé aux époux [C], relever la largeur du chemin grevé de servitude, devant comme derrière l'ouvrage à usage de garage, se faire remettre tous documents relatifs à la construction du garage édifié à proximité de la servitude consentie aux époux [C], dire si ledit garage est implanté régulièrement et en conformité avec le permis de construire et le permis de construire modificatif, dire si le chemin situé à l'arrière du garage (au Sud) permet l'accès au pompier en cas d'incendie notamment, dire si le chemin passant à l'arrière du garage (au Sud) permet le passage d'un camion toupie béton, dire si le chemin passant à l'arrière du garage (au Sud) satisfait en termes de passage aux dispositions de l'acte du 28 janvier 2005, indiquer si le passage devant le garage (au Nord) est plus contraignant pour les consorts [M] que le passage derrière le garage (au Sud) du fait notamment de l'accès au garage et de la nécessité de pouvoir y stationner devant.

Par ordonnance du 30 janvier 2018 du conseiller de la mise en état, les conclusions des époux [C] ont été déclarées irrecevables.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2019.

SUR CE :

La cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

1. Sur l'emplacement de la servitude :

Par acte authentique du 28 janvier 2005 (pièce n°20 des appelants), M. [W] [M] et Mme [P] [T] ont concédé à M. [O] [C] et à Mme [A] [C], à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage de 4 mètres de largeur sur leur parcelle située section H lieu-dit [Localité 10] numéro [Cadastre 6], moyennant une indemnité globale et forfaitaire de 23 000 euros dont M. [O] [C] s'est acquitté. Ainsi que l'a jugé le tribunal, cet acte publié est opposable à M. [I] [M] qui a acquis des droits postérieurement.

Cet acte ne comportant aucun plan joint en annexe, il ne peut être considéré que les parties auraient entendu pérenniser un accord antérieur matérialisé par un plan sommaire concernant le tracé de cette servitude, de sorte que le seul accord des parties concernant ce tracé porte d'une part sur le fait que la servitude devrait s'exercer sur une bande de terrain de 4 mètres de largeur « à l'endroit le moins dommageable pour le fonds de M. et Mme [M] » et, d'autre part, que M. [C] était autorisé à ouvrir « dès à présent » une tranchée pour le passage des gaines électriques, conduites d'eau et toutes gaines nécessaires aux VRD, à charge pour lui de remettre le chemin en état après travaux.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, le rapport d'expertise indique que les canalisations enterrées desservant la propriété de M. et Mme [C] sont bien implantées au nord du garage. Or, les appelants ne font, à cet égard, état d'aucune opposition de leur part à cette implantation des canalisations, ce alors même qu'ils soutiennent en appel que le projet de construction de leur garage était antérieur à l'acte constitutif de servitude et donc à ces travaux d'enfouissement.

Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l'a jugé le tribunal, le tracé de la servitude est celui passant au nord du garage.

Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait lieu de remettre les lieux en l'état au moyen de la plantation d'arbres de haute futée conformément à la végétation environnante et à celle qui existait auparavant et du déplacement des trois poteaux électriques.

2. Sur le déplacement de l'assiette de la servitude :

Aux termes de l'article 701 du code civil : « Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. / Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée. / Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser. »

Les appelants demandent à la cour, à titre subsidiaire, de déplacer l'assiette de la servitude au sud du garage, affirmant que l'assiette actuelle est devenue plus contraignante pour eux quand l'assiette proposée serait aussi commode pour les époux [C].

Toutefois, dès lors que les consorts [M] font valoir que le projet de garage était antérieur à la constitution de la servitude, ils ne sont pas fondés à soutenir que la servitude serait devenue plus onéreuse ou moins commode du fait de la réalisation de ces travaux.

En outre, ils ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce qu'un passage par le sud du garage serait plus commode que le passage par le nord du garage. En effet, les éléments du dossier, en particulier les photographies (pièce n°25 des appelants) d'un camion toupie empruntant cette voie, mettent en évidence que ce passage est limité et caractérisé par un coude conséquent, rendant l'accès malaisé même pour un véhicule particulier. Ces photographies confirment le rapport de l'expert (pièce n°14 des appelants, page 14) qui fait état de ce que le passage d'un camion de pompiers s'effectue « avec de grandes difficultés ».

Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que les consorts [M] n'étaient pas fondés à demander le déplacement de cette servitude.

3. Sur la démolition du garage :

Il ressort du rapport d'expertise, qui comporte des constatations précises sur ce point, que le passage au nord du garage est compromis par le débord de la toiture du garage. Les consorts [M] se bornent, devant la cour, à produire un plan réalisé à leur initiative en février 2016 qui mentionne une largeur de 4,07 mètres à l'endroit le plus étroit de la servitude au nord du garage, sans comporter aucun éclaircissement sur les modalités de ce calcul qui permettrait à la cour de s'assurer que le débord de toit a été pris en compte ni ne permettent de s'assurer de manière certaine, compte tenu des conditions non contradictoires dans lesquelles ces mesures ont été réalisées, que la largeur de 4 mètres serait respectée conformément à l'acte authentique.

Par suite, ils ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce que c'est à tort que le premier juge aurait ordonné la démolition de ce garage.

Sans qu'il y ait lieu à expertise, le jugement sera donc confirmé sur ce point.

4. Sur l'élargissement du chemin d'accès :

Le tribunal a ordonné à M. [W] [M], à Mme [P] [T] et à M. [I] [M] d'élargir le chemin d'accès traversant leur propriété et desservant la propriété de M. [O] [C] et de Mme [A] [C] à 4 mètres et ce sur toute la longueur du chemin d'accès, sous astreinte, à leurs frais exclusifs dans la mesure où, selon le premier juge, « il ne faut pas confondre l'entretien de la partie du chemin d'accès, qui effectivement doit être supportée conjointement par M. [W] [M] et M. [O] [C], avec la mise à disposition du chemin d'accès de 4 mètres de largeur, que doit incontestablement M. [W] [M] aux termes de l'acte [du 28 janvier 2005] ».

Toutefois, le fait de consentir un droit de passage n'entraîne aucune obligation pour les propriétaires du fonds servant de réaliser les travaux de desserte au profit des parcelles bénéficiaires de la servitude.

Ainsi, le tribunal ne pouvait mettre à la charge des consorts [M], en l'absence de stipulation en ce sens dans l'acte du 28 janvier 2005, la réalisation des travaux de desserte au profit des parcelles appartenant aux époux [C], et notamment l'élargissement à 4 mètres de la bande de roulement sur cette servitude.

En revanche, le propriétaire dont le fonds est grevé d'une servitude de passage n'est pas tenu, sauf convention contraire, d'améliorer ou d'entretenir l'assiette de la servitude mais seulement de ne rien faire qui tende à diminuer l'usage de la servitude ou à la rendre plus incommode.

Or, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 novembre 2011 (pièce n°35 des appelants) que ceux-ci ont installé un portail réduisant à moins de 4 mètres la largeur de passage, rendant la servitude plus incommode. Dans leurs dernières conclusions du 9 mars 2018 (page 18), les appelants ne contestent pas de manière convaincante que cette situation perdure malgré l'enlèvement de l'un des piliers de ce portail, se bornant à rappeler de manière inopérante que le gabarit routier maximal est de 2,55 mètres.

Par suite, le jugement sera infirmé en qu'il a ordonné à M. [W] [M], à Mme [P] [T] et à M. [I] [M] d'élargir le chemin d'accès à 4 mètres sur toute la longueur de ce chemin, mais confirmé sur l'élargissement de celui-ci au niveau du portail d'accès à leur propriété.

5. Sur les demandes de dommages et intérêts :

Pour accorder aux époux [C] une indemnité au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral, le tribunal a notamment retenu le non respect de la largeur de 4 mètres par les consorts [M], souligné le maintien des piliers du portail, le stationnement gênant de véhicules et l'ancienneté du conflit.

Les consorts [M] justifient devant la cour de ce qu'ils n'étaient pas responsables de l'absence d'élargissement d'une partie du chemin, qui incombait aux époux [C]. En revanche, s'agissant de l'exercice de la servitude au niveau du garage, du stationnement des véhicules, du portail et de l'ancienneté du litige, ils ne produisent pas d'élément nouveau susceptible de remettre en cause la solution retenue par le tribunal.

Ils résulte de ce qui précède qu'au vu des motifs pertinents retenus par le premier juge, de la solution retenue par la cour qui limite l'étendue de la faute commise par les consorts [M], les dommages et intérêts dus par les appelants seront ramenés à 3 000 euros pour le préjudice de jouissance et 1 500 euros pour le préjudice moral.

Enfin et au vu de la solution du litige, les consorts [M] ne sont pas fondés à demander l'indemnisation des préjudices qu'ils allèguent.

6. Sur les autres demandes :

Les consorts [M], qui n'obtiennent pas satisfaction en leurs demandes principales, assumeront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-ordonné que le chemin d'accès à la propriété [C] sur lequel s'exerce la servitude soit élargi aux frais exclusifs de M. [W] [M], Mme [P] [T] et de M. [I] [M] sur toute sa longueur, à 4 mètres, sous astreinte de 200 euros par jour suivant un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et fixée provisoirement pour trois mois,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance,

-condamné in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

Et, statuant de nouveau de ces chefs :

-ordonne que le chemin d'accès à la propriété [C] sur lequel s'exerce la servitude soit élargi à 4 mètres au niveau du portail d'accès à la propriété des époux [M], aux frais exclusifs de M. [W] [M], Mme [P] [T] et de M. [I] [M] sous astreinte de 200 euros par jour suivant un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et fixée provisoirement pour trois mois,

-condamne in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance,

-condamne in solidum M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] à payer à M. [O] [C] et à Mme [A] [C] une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Déboute M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] de leurs autres demandes,

Condamne M. [W] [M], Mme [P] [T] et M. [I] [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 17/14175
Date de la décision : 14/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°17/14175 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-14;17.14175 ?
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