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08/03/2019 | FRANCE | N°18/08977

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 08 mars 2019, 18/08977


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 4-7


(anciennement dénommée 18e Chambre B)








ARRÊT AU FOND


DU 08 MARS 2019





N° 2019/207




















Rôle N° RG 18/08977 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQM2








SASU TFN PROPRETE PACA








C/





F... V...


Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BDR
























































Copie exécutoire délivrée


le : 08 mars 2019


à :


Me Françoise BOULAN





Me Roger VIGNAUD














Décision déférée à la Cour :





Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 27 Février 2018, enregistré a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

(anciennement dénommée 18e Chambre B)

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2019

N° 2019/207

Rôle N° RG 18/08977 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQM2

SASU TFN PROPRETE PACA

C/

F... V...

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BDR

Copie exécutoire délivrée

le : 08 mars 2019

à :

Me Françoise BOULAN

Me Roger VIGNAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 27 Février 2018, enregistré au répertoire général sous le n° F 15/00967.

APPELANTE

S.A.S.U. ATALIAN PROPRETE PACA, venant aux droits de TFN PROPRETE PACA , elle-même venant aux droits de la société TFN PROPRETE SUD-EST, RCS AIX-EN-PROVENCE n°803 733 625 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège sis, [...]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame F... V..., demeurant [...]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BDR, demeurant [...]

représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Corinne HERMEREL, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2019..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2019.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

ATALIAN PROPRETE PACA est la nouvelle dénomination de la société TFN PROPRETE PACA, spécialisée dans les prestations de nettoyage à destination de clients professionnels dans divers domaines d'activités.

La société TFN PROPRETE PACA vient elle-même aux droits de la société TFN PROPRETE SUD EST à la suite d'une fusion, le 1er septembre 2014.

La société a connu d'autres dénominations telles que RENOSOL SUD EST puis VEOLIA PROPRETE NETTOYAGE et MULTISERVICES SUD EST, au gré de diverses opérations juridiques émaillant la vie de cette personne morale.

La convention collective applicable à la relation de travail dans ce secteur est la convention collective des entreprises de propreté.

Madame F... V... est une salariée de la société ATALIAN PROPRETE PACA, employée en qualité de chef d'équipe et affectée par l'employeur sur le site d'Airbus Eurocopter, à Marignane.

A l'instar de 38 autres salariés qui ont initié la même procédure, Madame F... V... a saisi le 2 novembre 2015le conseil de prud'hommes de Martigues, sur le fondement de l'égalité de traitement, d'une demande de divers rappels de primes : prime de treizième mois, de vacances, de panier et de trajet. Le syndicat CGT Entreprises de Propreté des Bouches du Rhône est intervenu volontairement à la procédure le 25 avril 2016.

Par jugement du 27 février 2018, le conseil de prud'hommes de Martigues a condamné la société TFN PROPRETE PACA à verser à Madame F... V... :

- 5 792,78 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois,

- 579,27 euros à titre de congés payés y afférents,

- 9 044,98 euros à titre de rappel de prime de panier,

- 6 352,54 euros à titre de rappel de prime de transport,

- 2 410,19 euros à titre de rappel de prime de vacances,

-1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et moral découlant de l'inégalité de traitement,

-500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a condamné en outre l'employeur à verser au Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône :

- la somme de 100 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente,

- la somme de 50 euros par salarié en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a :

- débouté les parties de toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société TFN PROPRETE PACA aux dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 21 mars 2018, la société TFN PROPRETE PACA a interjeté appel total du jugement.

Vu les conclusions notifiées le 19 juin 2018, et le 10 janvier 2019 par la société ATALIAN PROPRETE PACA,

Vu les conclusions notifiées le 4 septembre 2018, le 14 octobre 2018 et le 14 décembre 2018 par Madame F... V... et le syndicat CGT,

Vu l'ordonnance d'incident rendue le 23 novembre 2018,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure rendue le 17 janvier 2019.

Moyens et prétentions des parties

Dans ses dernières écritures, la société ATALIAN PROPRETE PACA demande l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions.

S'agissant du treizième mois, elle soutient que la salariée ne démontre pas qu'il existait une différence de traitement illicite. Elle considère que le rapport SYNDEX produit par la salariée ne constitue pas une pièce probante, que les salariés cités nominativement, auxquels Madame F... V... se compare, n'exercent pas leur activité sur les mêmes sites qu'elle, n'ont pas les mêmes qualifications ou classifications, voire n'appartiennent pas aux mêmes catégories professionnelles et qu'aucune différence de traitement n'est établie entre Madame F... V... et des salariés placés dans une situation identique. En tout état de cause, elle soutient qu'elle dispose de raisons objectives et pertinentes justifiant les différences de traitement.

S'agissant du versement des primes de panier, de transport et de vacances, elle fait valoir ici encore qu'aucune différence de traitement n'est valablement établie entre salariés placés dans une situation identique et qu'en tout état de cause, elle dispose de raisons objectives et pertinentes justifiant ces différences, tenant en particulier à l'obligation pour la société de maintenir aux salariés entrant dans ses effectifs les avantages acquis antérieurement, et ce en application de l'article 7 de la convention collective.

Elle demande en conséquence à la cour d'appel :

*d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

*de débouter la salariée de toutes ses demandes,

*de la condamner à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

et, en tout état de cause, de débouter la salariée de ses demandes nouvelles formées en cause d'appel au titre de la prime de qualité et de la prime de site.

Dans ses dernières écritures, Madame F... V... expose tout d'abord que contrairement à ce qu'elle a soutenu en première instance et tenant compte de l'évolution jurisprudentielle, elle n'entend plus solliciter que des primes et avantages exclusivement mis en place par l'employeur de façon contractuelle ou unilatérale, en l'espèce des avantages accordés à des agents de service par contrat de travail lors de leur recrutement.

Elle fait observer qu'en dépit de l'injonction qui lui avait été faite le 6 juin 2016 par le bureau de conciliation, si la société TFN PROPRETE PACA a communiqué la liste des personnels percevant le treizième mois, elle n'a pas produit les contrats de travail de ces salariés.

Madame F... V... se compare à 7 salariés de l'entreprise qui touchent un treizième mois et, se plaçant au niveau de l'avantage litigieux, relève qu'aucune raison objective et pertinente ne justifie l'exclusion à son profit desdits avantages, peu important l'exercice de telle ou telle fonction, l'appartenance à telle ou telle catégorie professionnelle, pour apprécier s'il existe une différence de traitement.

Elle soutient que dès lors que la prime de treizième mois ne vient rien compenser et que son attribution ne relève pas de critères préalablement définis, rien ne justifie qu'elle soit attribuée à certains et pas à d'autres.

Madame F... V... fait valoir au surplus qu'elle appartient à la même catégorie professionnelle et exerce un travail égal ou de valeur égale que les salariés auxquels elle se compare, et que si certains salariés travaillent sur des sites différents du sien, cela ne suffit pas à l'exclure du bénéfice de la prime de treizième mois dans la mesure où elle effectue, comme eux, des prestations de nettoyage au sein de la même entreprise, quel que soit le lieu.

Madame F... V... considère que l'employeur ne soumet pas à la cour d'éléments lui permettant d'apprécier la matérialité des raisons justifiant son refus de lui accorder ces primes.

Madame F... V... et le Syndicat CGT des Entreprises de Propreté concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a été alloué :

- à la salariée un rappel de prime de treizième mois et des dommages et intérêts,

- au syndicat des dommages et intérêts,

- à chacun une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame F... V... réclame, après avoir actualisé le calcul de sa demande de rappel de primes, la condamnation de la société TFN PROPRETE PACA à lui verser :

- 8 126,79 au titre de la prime de 13ème mois,

et, au titre des demandes nouvelles,

- 3 747,72 euros au titre de la prime de qualité,

- 16 656,87 euros au titre de la prime de site,

- 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts de droit avec anatocisme à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes.

Le syndicat CGT Entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône demande la condamnation de la société TFN PROPRETE PACA à lui verser 50 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés sollicitent, enfin, la condamnation de la société TFN PROPRETE PACA aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles formées par l'intimé

La SASU ATALIAN PROPRETE PACA a interjeté appel le 21 mars 2018.

Le 19 juin 2018, elle a notifié ses conclusions d'appelante et Madame F... V... y a répondu par conclusions d'intimée notifiées le 4 septembre 2018, dans lesquelles elle demandait la confirmation du jugement déféré concernant le 13 ème mois, la recevabilité du syndicat CGT et l'octroi de dommages et intérêts.

Par conclusions notifiées le 14 octobre 2018, Madame F... V... a sollicité en outre un rappel de prime de qualité et de prime de site qui ne figurait pas dans ses précédentes écritures.

Par ordonnance d'incident rendue le 23 novembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a observé que des prétentions nouvelles figuraient au dispositif des conclusions notifiées par Madame F... V... le 14 octobre 2018, prétentions qui n'existaient pas dans le dispositif de ses conclusions notifiées le 4 septembre 2018. Le magistrat chargé de la mise en état a indiqué qu'il appartiendrait à la cour, en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, de se prononcer sur la recevabilité de ces prétentions, si elles étaient maintenues.

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose que :'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont invoquées des prétentions ultérieures.

Néanmoins et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs de jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

L'appel ayant été interjeté postérieurement au 1er septembre 2017, l'article 910-4 du code de procédure civile, issu du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, est applicable à la présente procédure.

L'article R. 1452-6 du code du travail qui prévoyait l'unicité de l'instance devant le conseil de prud'hommes a été abrogé par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 portant réforme de la procédure prud'homale. Dès lors, les demandes nouvelles sont irrecevables en cause d'appel.

Cependant, il résulte des articles 8 et 45 de ce décret que les demandes nouvelles en cause d'appel restent recevables dans les instances introduites avant le 1er août 2016, ce qui est le cas en l'espèce, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 2 novembre 2015.

Le décret du 6 mai 2017 qui réforme la procédure applicable en cause d'appel, ne fait pas référence au décret du 20 mai 2016 et ne prévoit pas de disposition spécifique pour les procédures introduites avant le 1er août 2016.

Madame F... V... soutient qu'appliquer en l'espèce l'article 910-4 du code de procédure civile reviendrait à limiter les effets du principe de l'unicité de l'instance qui permet de pouvoir formuler des demandes nouvelles à tout stade de la procédure. Elle argue de l'adage 'spécialia

generalibus derogant' pour soutenir que le principe de l'unicité de l'instance propre à la matière prud'homale et applicable à la présente instance, dérogerait aux dispositions générales du décret du 6 mai 2017 relatives à la réforme de la procédure d'appel.

Nonobstant le principe de l'unicité de l'instance qui a pour corollaire la possibilité de former des demandes nouvelles en cause d'appel, ainsi que cela était prévu par l'ancien article R.1452-7 du code du travail, les règles de la procédure écrite d'appel s'appliquent à toutes les instances portées devant la cour depuis le 1er septembre 2017, en application du décret du 6 mai 2017.

Dès lors, il résulte du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 et du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 dont les dispositions ne sont pas incompatibles, que si, comme en l'espèce, les demandes nouvelles sont encore recevables en cause d'appel au regard de la date d'introduction de l'instance prud'homale antérieure au 1er août 2016, ces nouvelles prétentions au fond doivent néanmoins être concentrées dans le premier jeu de conclusions de la partie qui les forme, et ce dès lors que l'appel a été interjeté après le 1er septembre 2017.

En conséquence, les demandes tendant à l'octroi d'un rappel de prime de site et de prime de qualités, formées pour la première fois devant la cour par Madame F... V... dans un deuxième jeu d'écritures en date du 14 octobre 2018, ne sont pas recevables.

Sur le sort des demandes formulées en première instance par le salarié au titre du rappel de primes de panier, prime de transport et prime de vacances

La SASU ATALIAN PROPRETE a interjeté appel de l'ensemble des dispositions du jugement.

Madame F... V... et le syndicat CGT demandent uniquement la confirmation du jugement concernant la prime de treizième mois et les dommages et intérêts qui leur ont été alloués.

La SASU ATALIAN fait valoir, sans être contestée par Madame F... V... sur ce point, que cette dernière a abandonné ses demandes au titre des primes de panier, de transport et de vacances, puisque la salariée ne sollicite pas la confirmation de ces dispositions du jugement.

L'employeur expose que la raison objective qui justifie l'octroi d'une prime de panier, de vacances et de transport à certains salariés auxquels Madame F... V... se comparait en première instance résulte, en application de l'article 7 de la convention collective nationale, de l'obligation faite à l'employeur à la suite d'une reprise de marché, de maintenir au profit des salariés concernés les avantages acquis auprès de leur ancien employeur. Madame F... V... n'a pas conclu pour contester cette assertion qui est juridiquement pertinente et qu'il convient de retenir.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce que des primes de panier de transport et de vacances ont été allouées à Madame F... V... et de débouter cette dernière de ces demandes.

Sur la prime de treizième mois.

Madame F... V... revendique, au nom du principe de l'égalité de traitement, l'octroi d'une prime de treizième accordée à certains salariés de l'entreprise. Au regard de l'application de ce principe, la nature et l'objet de l'avantage revendiqué sont déterminants.

Il convient donc en premier lieu d'examiner la nature de cette prime dite de treizième mois. Elle n'a, en l'espèce, pas d'objet spécifique étranger au travail accompli et n'est pas destinée à compenser une sujétion particulière. Elle ne constitue pas un avantage spécifique qui ne serait une contrepartie directe du travail. Elle participe de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail fourni.

Le principe 'à travail égal, salaire égal' impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique, effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. La prime de treizième mois doit donc bénéficier aux salariés effectuant le même travail ou un travail de valeur égale.

La notion de travail de valeur égale s'entend, selon l'article L. 3221-4 du code du travail relatif à l'égalité hommes femmes, 'des travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse'.

En cas de litige, les juges doivent se livrer à une analyse comparée des missions, des tâches et des responsabilités des salariés, quand bien même ils appartiendraient à une même catégorie professionnelle.

Il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. Il doit ainsi mettre en évidence une différence de traitement en se comparant à des salariés qui sont placés dans une situation de travail identique à la sienne. Il incombe alors à l'employeur de justifier de la différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En l'espèce, Madame F... V... expose que l'employeur n'a pas soumis aux débats l'ensemble des contrats de travail des salariés de l'entreprise bénéficiant du treizième mois, alors que le bureau de conciliation lui en avait fait l'injonction le 6 juin 2016. La cour observe que le bureau a demandé la communication de différents documents estimés utiles et que le conseil de prud'hommes n'a, quant à lui, procédé à aucune injonction. En tous cas, à ce stade de l'analyse du litige, c'est au salarié et non à l'employeur de soumettre à la cour des éléments comparables mettant en évidence une situation d'inégalité.

Pour établir l'existence d'une différence de traitement entre certains salariés et lui-même, Madame F... V... soumet à la cour :

*un rapport dit 'SYNDEX'( rapport d'un expert comptable auprès du comité d'entreprise) ainsi qu'une liste nominative de salariés, dont il ressort que certains d'entre eux appartenant pourtant à la même entreprise TFN PROPRETE perçoivent un treizième mois tandis que d'autres ne le touchent pas.

*les contrats de travail de Messieurs d'S... O... R... , P... et E... ainsi que

les bulletins de paie de Messieurs L..., B..., Q... et X....

Il sera constaté d'emblée que le tableau et la liste susvisés ne définissent ni l'emploi des salariés, ni leur classification, de sorte que ces pièces, à elles seules, ne peuvent servir d'élément de comparaison utile.

Il n'y a pas lieu, dans le cadre d'une telle proposition d'éléments de comparaison, d'écarter a priori la comparaison entre des salariés de la même entreprise exerçant leur activité, selon leur affectation, sur des sites différents. La localisation différente de l'emploi n'ayant pas nécessairement pour corollaire la fourniture d'un travail de valeur différente.

Ainsi, Madame F... V..., chef d'équipe, compare son travail à celui de :

-Monsieur X..., agent très qualifié de service ATQS 3 A

-Monsieur B..., chef d'équipe CE3

-Monsieur Q..., chef d'équipe CE3

-Monsieur P..., agent de maîtrise MP1

-Monsieur L..., responsable de site, agent de maîtrise MP2

-Monsieur E..., attaché commercial, employé administratif EA4

-Monsieur d'H..., cadre C2, ancien responsable des ressources humaines

Dans la branche propreté, les emplois définis par la convention collective nationale se répartissent comme suit :

*les agents de service (AS)

*les agents qualifiés de service (AQS)

*les agents très qualifiés de service (ATQS)

*les chefs d'équipe

*les agents de maîtrise

*les employés administratifs

*les cadres

Madame F... V..., chef d'équipe, se compare ainsi à des cadres, employés administratifs , des agents de maîtrise dont les niveaux de connaissance professionnelle, de qualification, d'expérience, de diplôme et de responsabilités, décrits notamment dans la grille de classification de l'annexe 1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, sont très différents des siens et ne permettent pas de considérer qu'il se trouve dans une situation identique à celle des salariés auxquels il se compare.

Madame F... V... se compare également à Messieurs B... et Q... chefs d'équipe comme elle, exerçant au sein de la même entreprise. Elle se compare également à Monsieur X... agent très qualifié de service.

Les bulletins de salaire de Madame F... V... ne font apparaître aucune prime de treizième mois.

En revanche, il ressort des bulletins de salaire de Monsieur C... B... pour les années 2008,2009,2013,2014,2015 et 2017 que ce dernier exerce au sein de cette entreprise l'emploi de chef d'équipe, catégorie d'emploi identique à celle de Madame F... V..., et qu'il a perçu au mois de décembre de ces différentes années une prime de treizième mois.

Madame F... V... met ainsi en évidence une inégalité de traitement entre deux salariés de la même entreprise, tous deux chefs d'équipe et dont il n'est pas contesté qu'ils sont affectés aux mêmes tâches, quel que soit leur site d'affectation.

Or, La société ATALIAN PROPRETE PACA ne justifie nullement la différence de traitement existant entre Madame F... V... et Monsieur B.... L'employeur ne produit pas le contrat de travail de Monsieur B..., n'allègue ni d'une mission différente, ni d'un avantage acquis antérieurement et maintenu lors d'un transfert légal ou en application de la convention collective, ni en vertu d'un accord collectif. Il ne produit pas d'éléments objectifs et pertinents relatifs à l'octroi ou au refus de cet avantage salarial.

L'inégalité de traitement existant, au regard de la prime de treizième mois, entre Madame F... V... et au moins un autre salarié de l'entreprise placé dans une situation identique, justifie , sans qu'il y ait lieu d'examiner la situation des autres salariés auxquels Madame F... V... se compare, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué un rappel de prime de treizième mois à Madame F... V.... Cette prime a été calculée en l'espèce pour l'année entière, périodes de travail et de congé confondues, en sorte que son montant n'est pas affecté par le départ des salariés en congé et que cette prime est exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

Il convient donc de faire droit à la demande de rappel de prime de treizième mois, actualisée à la somme de 8 126,79euros pour la période allant de 2012 à 2018, et de confirmer le jugement critiqué dans son principe, l'infirmant sur le montant alloué et sur les congés payés non dûs et non réclamés en appel.

Sur la demande d'indemnisation au titre du préjudice financier et moral

Dans ses dernières écritures, Madame F... V... demande la confirmation de la somme de 1 000 euros allouée à ce titre par le jugement critiqué.

La société ATALIAN PROPRETE PACA conclut quant à elle au rejet de toutes les réclamations de l'intimé.

En l'espèce, Madame F... V... qui obtient satisfaction au titre de sa demande relative à la prime de treizième mois, ne peut se voir allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires alors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement et causé par une quelconque mauvaise foi.

Il convient d'infirmer le jugement critiqué de ce chef et débouter Madame F... V... de cette réclamation.

Sur la demande d'anatocisme relative aux intérêts

Les intérêts au taux légal avec capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil, sont dus sur les seules créances salariales, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation. Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts pour autant qu'ils soient dus pour une année entière.

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens, y compris celles du syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône

Il est équitable de condamner la société ATALIAN PROPRETE PACA à régler à Madame F... V... la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel et 50 euros au même titre au syndicat CGT.

Il convient également de condamner cette société, partie succombante aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale,

Infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a alloué un rappel de salaire à Madame F... V... au titre d'un treizième mois.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les prétentions formées en cause d'appel par Madame F... V... au titre de la prime de site et de la prime de qualité,

Condamne la société ATALIAN PROPRETE PACA, venant aux droits de la société TFN PROPRETE PACA à payer à Madame F... V... la somme de 8 126,79 euros au titre de ce rappel de treizième mois, somme actualisée pour la période allant de 2012 à 2018,

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation, en applicationde l'article 1154 du code civil, sont dus sur les créances salariales (rappel de salaires et accessoires) à compter de la date mentionnée sur l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

Condamne la société ATALIAN PROPRETE PACA à payer à Madame F... V... somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel et la condamne à payer au syndicat CGT la somme de 50 euros à ce titre.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société ATALIAN PROPRETE PACA aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 18/08977
Date de la décision : 08/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-08;18.08977 ?
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