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06/03/2019 | FRANCE | N°18/09853

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 06 mars 2019, 18/09853


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 4-8





ARRÊT AU FOND


DU 06 MARS 2019





N°2019/




















Rôle N° RG 18/09853 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCTCJ











Société ARKEMA








C/





CPAM DES ALPES DE HAUTES PROVENCE





























Copie exécutoire délivrée



le :


à :





Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX





Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE


























Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE en date du 17 Avril 2018,enregistré au répertoire général sous l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 06 MARS 2019

N°2019/

Rôle N° RG 18/09853 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCTCJ

Société ARKEMA

C/

CPAM DES ALPES DE HAUTES PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE en date du 17 Avril 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21400192.

APPELANTE

Société ARKEMA, demeurant [...]

représentée par Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Laurence LEVETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPAM DES ALPES DE HAUTES PROVENCE, demeurant [...]

représenté par Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Laurent CALBO, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

M. Laurent CALBO, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2019

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence reconnaissait par décision du 9 mai 2014 le caractère professionnel de l'accident de travail dont a été victime le 30 janvier 2014 Monsieur X... B..., salarié de la société ARKEMA.

Consécutivement à cet accident, Monsieur B... bénéficiait d'un arrêt de travail pris en charge au titre de la législation sur le risque professionnel.

Par jugement contradictoire du 17 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré recevables les demandes de la société ARKEMA et l'a déboutée de sa contestation de prise en charge des arrêts de travail au titre de l'accident du travail du 30 janvier 2014.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 12 juin 2018, la société ARKEMA a interjeté appel partiel du jugement du 17 avril 2018 en ce qu'il a rejeté le recours à une expertise médicale judiciaire concernant les arrêts de travail.

Lors de l'audience devant la cour du 23 janvier 2019, le conseil de la société ARKEMA, appelante, a développé le contenu de ses dernières conclusions au terme desquelles il est sollicitéde :

- confirmer le jugement de première instancesur la recevabilitéet l'infirmer sur le fond ;

- déclarer les arrêts de travail inopposables à l'employeur pour défaut de transmission de pièces ;

- d'ordonner une expertise médicale judiciaire permettant de déterminer les lésions imputables à l'accident du 31 janvier 2014, de fixer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l'accident nécessitant leur prise en charge au titre de la législation professionnelle, et la date de consolidation des lésions consécutives à l'accident ;

- rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société estime notamment que l'employeur a toujours la faculté de contester l'imputabilité à l'accident de travail des arrêts prescrits à ce titre ; que le recours est recevable ; que les arrêts de travail lui sont inopposables en l'absence de transmission justifiant de la continuité des soins et arrêts ; que subsidiairement une expertise judiciaire est nécessaire sur ce point aux frais avancés de la caisse primaire.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence, intimée, a, par la voix de son représentant, développé le contenu de ses conclusions écrites tendant à :

A titre principal,

- confirmer le jugement de première instance ;

- dire que l'employeur ne conteste pas la prise en charge de l'accident du travail du 3 janvier 2014 et la décision du 8 juillet 2014 ;

- dire le recours de la société ARKEMA sur l'imputabilité des arrêts de travail irrecevable ;

A titre subsidiaire,

- constater que l'employeur n'apporte aucun élément de preuve de nature à détruire la présomption d'imputabilité ;

- débouter la société ARKEMA de son recourset de sa demande d'expertise ;

- la condamner à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de la présente procédure.

La CPAM fait notamment valoir que le recours relatif à l'imputabilité des arrêts de travail formé devant le tribunal est irrecevable pour avoir été introduit avant le délai d'un mois après saisine de la commission de recours amiable ; que la présomption d'imputabilité des arrêts de travail n'est pas contrediteen l'absence de preuve contraire ; qu'il ne saurait être ordonné une mesure d'instruction pour suppléer la carence d'une partie.

SUR CE :

Sur la recevabilité du recours :

Selon l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : « Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.».

Aux termes de l'article R. 142-18 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : «Le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 142-6.

La forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole».

Enfin, l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010, dispose que la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire.

En l'espèce, le premier juge a déclaré recevable le recours de la société ARKEMA portant sur l'opposabilité à son égard de la durée des arrêts de travail, estimant implicitement qu'il n'était pas saisi d'un recours en inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du 30 janvier 2014 au titre du risque professionnel.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence sollicite la confirmation du jugement tout en soulevant l'irrecevabilité du recours sur l'imputabilité des arrêts de travail.

Aux termes de son acte de déclaration d'appel partiel, la société ARKEMA ne contestait que le rejet de la demande d'expertise. Dans ses dernières écritures reprises oralement, elle ne critique pas davantage la prise en charge de l'accident du 30 janvier 2014 dont a été victime son salarié Monsieur X... B... au titre de la législation professionnelle mais conclut à la recevabilité de son recours portant sur l'inopposabilité à son endroit de prise en charge des arrêts de travail.

Il est donc constaté que la société ARKEMA ne conteste pas la décision de prise en charge de l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle ; celle-ci lui est donc opposable.

Toutefois, il est constant que quel que soit le caractère définitif à son endroit de la décision de prise de charge de l'accident, l'employeur est recevable à contester directement devant la juridiction de sécurité sociale sans recours à la procédure amiable préalable, l'imputabilité à l'accident du travail des arrêts de travail et soins prescrits à la victime jusqu'à la guérison ou la consolidation, aucune décision relative à l'imputabilité des soins et arrêts de travail ne lui étant notifiée.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société ARKEMA portant sur l'opposabilité de la prise en charge des soins et arrêts de travail.

Sur l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge des arrêts de travail et soins :

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d'imputabilité des lésions provoquées par un accident du travail.

Il est constant que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire pour se voir déclarer inopposables certains arrêts de travail et indemnités mis à sa charge par la caisse.

En l'espèce, la décision de prise en charge de l'accident de travail litigieux étant opposable à l'employeur, il est définitivement établi dans les relations caisse/employeur que, selon déclaration de travail du 12 février 2014 et certificat médical initial du 31 janvier 2014, monsieur B... a chuté sur son épaule droite ce qui lui a causé des lésions ayant leur siège dans cette partie du corps.

La société ARKEMA estime que les arrêts de travail lui sont inopposables en l'absence de communication des certificats médicaux descriptifs ce que conteste la CPAM.

Toutefois, aucun texte n'impose à l'organisme de sécurité sociale de transmettre à l'employeur les éléments médicaux y compris dans la phase contentieuse, seul l'envoi des arrêts de travail successifs étant requis sans mention des constatations médicales.

Il ne saurait donc être déclaré inopposables les arrêts de travail et soins à la société ARKEMA au motif que les certificats médicaux descriptifs successifs ne sont pas produits au cours du présent litige.

En revanche, dans les relations caisse/employeur, la CPAM doit justifier auprès de l'employeur de l'existence d'arrêts de travail ininterrompus pour bénéficier de la présomption d'imputabilité sur l'intégralité de la période d'incapacité de travail.

C'est d'ailleurs le sens de la jurisprudence versée au débat par la société ARKEMA à l'appui de son argumentation sur l'absence de preuve de la continuité des arrêts de travail.

Or, la société ARKEMA invoquait dès son courrier du 3 juin 2014 adressé à la commission de recours amiable l'absence de certificat médical de prolongation pour la période du 18 mars au 6 mai 2014, dans le dossier mis à disposition dans le cadre de l'instruction préalable à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

Dans le cadre de la phase contentieuse, la CPAM se contente de produire le suivi informatique du dossier d'accident de travail de Monsieur B..., par le biais d'échanges historisés informatiques intervenus entre l'organisme et son service médical.

Ces échanges n'apportent aucun élément objectif sur les périodes concernées par les arrêts de travail successifs et sur leur continuité.

Au contraire, il est relevé que la période indemnisée a été limitée à 366 jours alors que l'arrêt de travail initial est du 30 janvier 2014 et la date de guérison le 31 décembre 2015, soit une période totale de plus de 700 jours.

Or, il est rappelé en tant que de besoin qu'au visa de l'article L.433-1 du code de la sécurité sociale l'indemnisation de l'incapacité temporaire consécutive à un accident du travail couvre l'intégralité de la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison ou la consolidation de l'état de santé de la victime.

Partant, il s'évince de ces constatations que la période indemnisée au titre du risque professionnel est inférieure de moitié par rapport à la période débutant à la date de l'accident jusqu'a la date de guérison de l'état de santé de la victime fixée par le service médical de l'organisme, ce qui contredit l'hypothèse d'une période d'incapacité de travail continue.

C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la période d'arrêts de travail litigieuse s'était poursuivie sans interruption.

Dès lors, en l'absence d'autres éléments produits par la CPAM permettant de vérifier la continuité des arrêts et des soins, l'organisme, sur qui pèse la charge de la preuve à l'égard de l'employeur du caractère continu de l'incapacité de travail à compter de l'arrêt de travail initial, ne peut bénéficier dans les rapports caisse/employeur de la présomption d'imputabilité des soins et arrêts de travail litigieux aux lésions initiales, ce qui emporte leur inopposabilité à l'employeur sans qu'il y ait lieu à recourir à une expertise judiciaire.

Toutefois, puisqu'il résulte des débats que l'employeur a été destinataire d'un arrêt de travail initial pour la période du 31 janvier 2014 au 17 mars 2014 ayant remplacé les précédents arrêts de travail, et que cet arrêt de travail est consécutif à l'accident dont le caractère professionnel est définitif dans les relations caisse/employeur, l'inopposabilité prononcée ne concernera que les arrêts de travail et soins postérieurs au 17 mars 2014, la période du 31 janvier au 17 mars 2014 lui étant opposable.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point, les parties étant déboutées de leurs demandes contraires ou plus amples.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de confirmer la décision entreprise sur les frais irrépétibles de première instance et de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles par elles exposés en appel.

Par application combinée du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 et 696 du code de procédure civile, la CPAM qui succombe dans ses prétentions sera condamnée auxdépens d'appel selon les conditions précisées au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement contradictoirement en matière de sécurité sociale, par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

Dit que la société ARKEMA ne conteste pas le caractère professionnel de l'accident du travail dont a été victime son salarié Monsieur X... B... le 30 janvier 2014 ;

Dit que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence de l'accident du travail du 30 janvier 2014 dont a été victime son salarié, Monsieur X... B..., est opposable à l'employeur, la société ARKEMA ;

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable le recours formé par la société ARKEMA portant sur l'opposabilité à son endroit de la prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts de travail et soins consécutifs à l'accident du travail du 30 janvier 2014 dont a été victime Monsieur X... B... ;

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare opposables à la société ARKEMA les arrêts de travail et soins dont a bénéficié Monsieur X... B... au titre de l'accident du travail du 30 janvier 2014, concernant la période du 31 janvier au 17 mars 2014 ;

Déclare inopposables à la société ARKEMA les arrêts de travail et soins dont a bénéficié Monsieur X... B... au titre de l'accident du travail du 30 janvier 2014, concernant la période postérieure au 17 mars 2014 ;

Déboute les parties de leurs contraires ou plus amples ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence auxdépensdont les chefs sont nés postérieurement au 1er janvier 2019.

Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 18/09853
Date de la décision : 06/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°18/09853 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-06;18.09853 ?
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