COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 28 FEVRIER 2019
lb
N° 2019/ 127
Rôle N° RG 17/11477 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAXAX
[I], [W] [Z]
[G] [M] [Z] épouse [L]
[F] [R] [B] [Z]
C/
[J] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES
SELARL VINCENT-HAURET-MEDINA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06748.
APPELANTS
Madame [I], [W] [Z]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Claudine FOLIO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
Madame [G] [M] [Z] épouse [L]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Claudine FOLIO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
Monsieur [F] [R] [B] [Z]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Claudine FOLIO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
INTIMEE
Madame [J] [Q] [K]
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Nathalie VINCENT de la SELARL VINCENT-HAURET-MEDINA, avocat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte authentique du 7 mai 2010, [Z] [R] [Z], né le [Date naissance 1] 1925, a vendu à Madame [J] [K] la nue-propriété d'un appartement sis à [Adresse 5], dans l'ensemble immobilier [Adresse 6], en viager et sous certaines conditions.
[Z] [R] [Z] est décédé le [Date décès 1] 2012 en laissant pour lui succéder ses trois enfants, [I], [G] et [F] [R] [Z].
Au motif que Madame [K] aurait perçu des sommes sans cause et n'aurait pas respecté son obligation de faire viser à l'acte du 7 mai 2010, Mesdames [I] et [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] l'ont assignée à titre principal en résolution de la vente de l'appartement situé à [Adresse 5], en révocation de la donation de 500 000 € du 23 février 2011 eu égard à son enrichissement sans cause et en restitution de la somme de 800 000 € , et à titre subsidiaire, en paiement de la somme de 500 000 € et en désignation d'un expert.
Madame [K] a conclu à l'irrecevabilité de la demande pour absence de publication de l'acte introductif d'instance au service de la publicité foncière, et subsidiairement, au débouté des demandeurs, et à leur condamnation au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 15 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a :
-déclaré irrecevable la demande en résolution de la vente immobilière du 7 mai 2010 faute d'avoir justifié de sa publication dans les conditions de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955,
-déclaré irrecevable la demande de Mesdames [I] [R] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] relative à la somme de 500 000 € fondée sur l'enrichissement sans cause,
-débouté Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de leur demande de restitution de la somme de 800 000 € par Madame [K] fondée sur l'enrichissement sans cause,
-débouté Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de leur demande de nullité de la donation du 23 février 2011,
-débouté Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de toutes leurs autres demandes,
-débouté Madame [J] [K] de sa demande en dommages et intérêts.
-condamné Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] à payer à Madame [J] [K] une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] au paiement des entiers dépens,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] ont relevé appel de cette décision par déclaration du 15 juin 2017.
Par ordonnance d'incident du 27 mars 2018, le conseiller de la mise en état a débouté Madame [J] [K] de sa demande de caducité de la déclaration d'appel du 15 juin 2017, l'a condamnée à verser à Mesdames [I] [R] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] ensemble la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté le surplus des demandes, et a condamné Madame [J] [K] aux dépens de l'incident.
Par conclusions du 8 janvier 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mesdames [I] [R] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] demandent à la cour de :
« Vu les dispositions de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955,
vu les dispositions de l'article 1109 ancien du Code civil,
vu les dispositions de l'article 1116 al 1 ancien du Code civil,
vu les dispositions des articles 1133 et 1134 anciens du Code civil,
vu les dispositions de l'article 1184 ancien du Code civil,
vu les dispositions des articles 1371 et 1376 anciens du Code civil,
vu les dispositions de l'article 1382 ancien du Code civil,
vu les dispositions de l'article 414-1 du Code civil,
vu les dispositions de l'article 909 du Code civil,
vu les dispositions de l'article L. 3132-1 du code du travail,
vu les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile,
vu les pièces et motifs susvisés,
Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 15 novembre 2016 en son intégralité sauf en ce qu'il a :
-débouté Madame [J] [K] de sa demande en dommages et intérêts.
Débouter Madame [K] de l'intégralité de ses demandes.
Vu les dispositions de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955,
vu les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile,
Constater que les formalités de publicité foncière ont été respectées.
Constater que Madame [J] [K] n'a pas respecté l'obligation de faire mise à sa charge suivant acte du 7 mai 2010 reçu par Maître [X].
En conséquence,
Prononcer la résolution de la vente régularisée par acte authentique de la SCP [X], notaire à Antibes, à la date du 7 mai 2010 portant vente par Monsieur
'
Constater que la cause du contrat en date du 7 mai 2010 est illicite.
Dire et juger que Madame [K] à user de man'uvres dolosives.
Dire et juger que Monsieur [R] [Z] était une personne vulnérable et ne disposait pas de toutes ses facultés mentales au moment de l'acte du 7 mai 2010.
Constater que Madame [K] n'avait pas le droit de bénéficier de libéralités de la part de Monsieur [R] [Z].
En conséquence,
Prononcer la nullité de la vente régularisée par acte authentique de la SCP [X], notaire à Antibes à la date du 7 mai 2010 portant vente par
'
Constater que Monsieur [Z] [R] [Z] ne disposait pas de ses facultés mentales le 23 février 2011.
Dire et juger que la donation de 500 000 € du compte de Monsieur [Z] [R] [Z] au profit de Madame [J] [K] doit être annulée.
Dire et juger que les conditions requises à la validité d'une donation ne sont pas remplies.
Dire et juger que Madame [K] n'avait pas le droit de bénéficier de libéralités de la part de Monsieur [R] [Z].
En conséquence,
Prononcer la nullité de la donation en date du 24 février 2011.
Condamner Madame [J] [K] à restituer la dite somme de 500 000 € au profit des consorts [R] [Z].
Constater que Madame [J] [K] , indirectement ou directement, s'est appropriée une partie importante de la fortune de Monsieur [Z] [R] [Z] en usant à sa guise et dans son propre intérêt d'une procuration et en utilisant le compte joint ouvert tardivement à des fins essentiellement personnelles.
En conséquence,
Condamner Madame [J] [K] à titre de restitution au règlement d'une somme de 862 543,83 euros au bénéfice de Madame [I] [R] [Z], Madame [G] [L] et Monsieur [F] [Z] [T] seuls héritiers de Monsieur [Z] [R] [Z].
Condamner Madame [J] [K] à verser à Madame [R] [Z], Madame [G] [L] et Monsieur [F] [R] [Z] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Ordonner la publication de la décision à intervenir au bureau de la conservation des hypothèques compétent aux frais de Madame [J] [K].
Condamner Madame [J] [K] à verser à Madame [I] [R] [Z], Madame [G] [L] et Monsieur [F] [R] [Z] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de Maître Claudine Folio, avocat aux offres de droit. »
Par conclusions du 7 janvier 2019, qui sont tenues entièrement reprises, Madame [J] [K] demande à la cour de :
« Vu l'article 30 du décret n° 55-22 en date du 4 janvier 1955,
vu les articles 414 -1, 1134 et suivants, et 1184 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 15 novembre 2016,
vu les pièces versées aux débats,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 15 novembre 2016, sauf en ce qu'il a débouté Madame [J] [K] de sa demande de dommages et intérêts.
Et statuant à nouveau,
À titre principal,
Déclarer irrecevable la demande de Mesdames [I] [R] [T] , [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] relative à la somme de 500 000 € fondée sur l'enrichissement sans cause.
Débouter Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de leurs demandes de restitution de la somme de 800 000 € par Madame [K] fondée sur l'enrichissement sans cause.
Débouter Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de leur demande de nullité de la donation du 23 février 2011.
À titre subsidiaire,
Débouter Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de leurs demandes en résolution de la vente immobilière du 7 mai 2010.
En tout état de cause,
Débouter Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Condamner Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] à verser à Madame [J] [K] une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Condamner Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] à verser à Madame [J] [K] une somme de 5000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner Mesdames [I] [Z] [T], [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] aux entiers dépens de l'instance. »
L'instruction de l'affaire a été close le 10 janvier 2019.
MOTIFS
Préalablement, il convient de préciser que d'une part, d'après la copie de la carte de résident ALIEN de [Z] [R] [Z], né le [Date naissance 1] 1925, réfugié de l'ONU, son nom ne s'orthographie pas [Z] comme cela a été retenu dans certains documents, conclusions et le jugement déféré, et que d'autre part, d'après les documents produits, il se faisait habituellement prénommé [A]. Il avait été avocat spécialiste en relations diplomatiques.
Il résulte aussi des documents privés et attestations produits que Madame [J] [K], née le [Date naissance 2] 1957, connaissait [Z] [R] [Z] depuis de très nombreuses années, celui-ci ayant été son témoin lors de son mariage avec Monsieur [V] [Q] le [Date mariage 1] 1985 à Bruxelles, et qu'elle était sa compagne depuis environ le début des années 2000, et avec certitude depuis 2002. Cette communauté de vie évince toute discussion quant à l'existence d'un contrat de travail dissimulé ou quant à sa qualité d'auxiliaire de vie.
Mesdames [I] [Z] [T] et [G] [Z] [T] et Monsieur [F] [Z] seront donc déboutés de leur demandes de nullité de la vente immobilière du 7 mai 2010 pour cause illicite au motif qu'il y aurait un emploi déguisé et en nullité de la donation de 500 000 € du 23 février 2011 par application des dispositions de 909 du code civil.
Sur l'état de santé de [Z] [R] [Z]
Il ressort des documents médicaux produits, mais d'évidence incomplets, qu'à la suite d'une chute, [Z] [R] [Z] a été opéré le 26 janvier 2010 d'une fracture du col du fémur gauche. Toutefois le détail de cette hospitalisation, notamment quant à sa durée, n'est pas documenté. Il est juste acquis qu'à compter de cette période, [Z] [Z] [T] s'est déplacé en fauteuil roulant.
Le 15 juillet 2010, son médecin traitant, le docteur [C], fait une demande d'hospitalisation au Centre Montsinéry pour « manque de rééducation adéquate ».
[Z] [R] [Z] est ainsi hospitalisé, en provenance de son domicile, à compter du 5 août 2010 au Centre Montsinéry à [Localité 1] pour rééducation, séjour au cours duquel le 3 septembre 2010, il a fait une deuxième chute. Il sortira de cet établissement le 7 septembre 2010 pour être opéré les 15 et 20 septembre 2010 à la polyclinique [Établissement 1] à [Localité 2].
Il sera hospitalisé à nouveau à compter du 4 octobre 2010 au Centre Montsinéry jusqu'au 15 octobre 2010 où il est évacué vers le centre hospitalier d'[Localité 1].
[Z] [R] [Z] a été à nouveau admis dans ce centre le 3 février 2011 en provenance du centre hospitalier d'[Localité 1].
Au cours de cette hospitalisation, il sera transféré le 29 mars 2011 à la clinique Espérance d'Agostini pour être opéré d'une cataracte le 30 mars 2011.
À compter du 2 mai 2011, il a été admis à L'EHPAD Les Jardins de Saint-Paul. Il sera hospitalisé à la Fontonne, soit le centre hospitalier d'[Localité 1], pour une cause non précisée, le 15 août 2011 et réintégrera la maison de retraite quelques jours plus tard.
Dans la nuit du [Date décès 1] 2012, à 1h30 du matin, il est hospitalisé, mais à 11h40 il décède à l'hôpital [Établissement 2].
La lecture de ces documents révèle que l'état général de [Z] [Z] [T] s'est dégradé de façon irréversible à la suite des deux chutes au cours desquelles il a présenté des fractures aux deux membres inférieurs, mais surtout qu'à compter d'août 2010, [Z] [R] [Z] n'a plus réintégré son domicile, si ce n'est pour de courtes sorties en journée.
Au niveau de ses facultés intellectuelles, les documents produits révèlent que le 2 avril 2010, [Z] [R] [Z] a été examiné par le docteur J.P. [J] du service d'exploration fonctionnelle du système nerveux du centre hospitalier d'[Localité 1] qui note dans son rapport neurologique du 6 avril 2010 qui porte notamment sur les problèmes des membres inférieurs, que sur le plan cognitif, il s'est contenté de quelques tests simples, mais qu'il n'y a manifestement pas de déficit important des fonctions mnésiques ni exécutives, mais plutôt une petite perte qui semble modérée pour l'âge de 87 ans. L'électroencéphalogramme du même jour ne révèle rien de particulier compte tenu de l'âge du patient.
Il est noté lors de son premier séjour au Centre Montsinéry, soit en août et septembre 2010, que son comportement est lucide et cohérent et que sa relation à l'autre est normale.
Lors de sa deuxième admission au Centre Montsinéry, en octobre 2010, outre que [Z] [R] [Z] a besoin d'une assistance totale, il est noté que son comportement est anxieux et apathique, avec un ralentissement cérébral, mais sa relation à l'autre est mentionnée normale.
Le 14 octobre 2010 à 10 heures, il est noté sur la fiche de suivi, dénommé « Transmissions ciblées » que le patient est très désorienté ce matin, qu'il dit ne plus savoir qui il est.
Le jour de son transfert au CH d'[Localité 1], le 15 octobre 2010, il est mentionné sur la fiche de liaison inter-établissement que [Z] [R] [Z] est semi-cohérent.
Sur la fiche de renseignements du centre hospitalier d'[Localité 1] en vue de l'admission de [Z] [R] [Z] au Centre Montsinéry, datée du 21 janvier 2011, le Docteur [P] a noté que sa compréhension est normale.
Lors de son troisième séjour au centre Montsinery, il est noté à son arrivée le 3 février 2011 qu'il est lucide, ainsi qu'au cours des mois de février et mars 2011, avec un comportement évalué cohérent et lucide, et une relation notée normale.
Au cours de son séjour à l'EHPAD Les Jardins de Saint-Paul, au milieu des nombreuses observations journalières relatives à la dégradation de son état général, les notations par rapport à son état mental sont qu'il est un peu incohérent le 13 août 2011, soit juste avant son hospitalisation au centre hospitalier d'[Localité 1] dit La Fontonne le 15 août 2011.
[Z] [R] [Z] reviendra quelques jours plus tard à la maison de retraite et il est noté qu'il est très réactif et cohérent le 20 août 2011, le 7 septembre 2011 qu'il est un peu plus sensible aujourd'hui et qu'il divague un peu, le 20 septembre 2011 qu'il est fatigué et confus, le 23 et 24 novembre 2011, qu'il est désorienté, incohérent et agité, que le 13 décembre 2011, il est confus+++, qu'il est confus le 18 décembre, le 31 décembre 2011, le 4 janvier 2012. Ensuite il est noté qu'il est peu cohérent le 19 janvier 2012, qu'il présente un état délirant le 10 avril 2012, qu'il est désorienté ++ le 29 juin 2012, qu'il tient des propos incohérents le 17 juin 2012, que le 24 juillet 2012, il est opposant et désorienté, que le 12 août 2012 il est agité, qu'il est désorienté le 16 septembre 2012, que le 19 septembre 2012 il arrache sa perfusion, les protections et bandes à quatre heures du matin, qu'il est désorienté +++ le 20 et 21 septembre 2012.
Il est toutefois noté que le 10 octobre 2012, il déjeune à l'extérieur avec Madame [Z].
Sont produits le suivi psychologique et l'inventaire neuropsychiatrique effectués au cours de son séjour à l'EHPAD Les Jardins de Saint-Paul.
Il est noté sur le suivi psychologique au 30 septembre 2011 que [Z] [R] [Z] ne participe à aucune activité, ne parle pas avec les autres pensionnaires, qu'il s'isole beaucoup et se renferme sur lui-même, et le 27 janvier 2012, qu'il accepte la passation du bilan mémoire et qu'il se rend compte de ses difficultés, qu'il présente d'importants troubles de mémoire et échange de moins en moins avec les autres, que ce soit les membres du personnel ou sa compagne.
À l'inventaire neuropsychiatrique du 22 juin 2012, qui est un questionnaire avec des réponses à choisir et qui doit être renseigné avec le malade, au paragraphe « Capacité à gérer son budget», il a été coché la case : « Je suis incapable de gérer l'argent nécessaire à payer les dépenses au jour le jour. » A aussi été retenu le cadre :'« N'a pas le contrôle de ses avoirs financiers ou de son argent au quotidien. Dépens d'un tiers pour exécuter une dépense ou ne peut rendre compte de ses opérations hebdomadaires ou n'a pas le contrôle de son patrimoine sans avoir explicitement et volontairement donné une procuration ou un mandat à un tiers. »
Il est aussi coché les cases « Présente des troubles du comportement »
Au chapitre « Évaluation gérontologique'», il a été retenu une « démence ou dépression modérée».
Enfin dans le cadre « État psychologique du résident », au paragraphe Sphère cognitive, il est noté une orientation spatiale modérée, une mémoire épisodique altérée, une mémoire procédurale intérêts, une orientation temporelle modérée, une mémoire sémantique modérée, une mémoire de travail déficitaire. Au paragraphe Sphère social, il est noté que le discours est pauvre et nécessite une stimulation, la compréhension est bonne. Enfin, paragraphe Sphère psychologique, il est noté qu'il est conciliant, dépressif et apathique.
Pour sa part, Madame [J] [K] produit deux certificats médicaux du docteur traitant de [Z] [R] [Z], le Docteur [C] [C], du 14 décembre 2010 et du 12 février 2011 aux termes desquels il atteste que [Z] [R] [Z] est sain d'esprit et ne présente pas de signes évocateurs d'atteinte à ses fonctions intellectuelles.
Enfin, les consorts [R] [Z] produisent un échange de courriels entre Madame [J] [K] et Madame [I] [Z] [T] en date des 13, 19 et 21 mars 2012 dans lesquels il est fait état de l'état particulièrement confus de [Z] [R] [Z], d'un versement à effectuer au profit de Madame [I] [R] [Z] que Madame [J] [K] devait obtenir de [Z] [R] [Z], mais aussi de l'inquiétude de Madame [I] [R] [Z] qui demande : « Comment ferez-vous s'il ne peut plus appeler la banque pour faire parvenir de l'argent pour ses soins ' Vous a-t-il donné procuration sur son compte ' Je voulais éviter tout ce problème en demandant de me mettre sur le compte, dommage qu'il ne comprenne pas. »
Il suit de là que [Z] [R] [Z] a présenté une confusion notable soulignée par le personnel médical encadrant à compter de septembre 2011, atteinte irrévocable à compter de décembre 2011, et reconnue par Madame [J] [K] et Madame [I] [Z] en mars 2012.
Il sera donc retenu qu'il y a eu altération des facultés mentales de [Z] [R] [Z] à compter de décembre 2011.
Sur l'acte du 7 mai 2010
Les consorts [R] [Z] justifient que par dépôt et publication de leurs conclusions le 29 octobre 2018 au Service de la publicité foncière, ils ont satisfait aux dispositions de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955. Dès lors leur demande en nullité ou résolution de la vente de l'appartement ayant appartenu à leur père, [Z] [R] [Z], est recevable.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Aux termes de l'article 1582 dans sa rédaction antérieure au décret du 10 février 2016, applicables dans la présente instance, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer.
Une vente viagère est une vente avec aléa par laquelle la totalité ou une partie du prix est payée par une rente durant la vie du vendeur.
Par acte authentique du 7 mai 2010, [Z] [R] [Z] a vendu en viager à Madame [K] la nue-propriété de son appartement situé dans l'immeuble [Adresse 5], évalué à la somme de 400'000 €, la seule nue-propriété étant évaluée à 320'000 €, en se réservant l'usufruit jusqu'à la fin de sa vie.
Cet acte a donc été passé à une période où [Z] [R] [Z] n'avait aucune atteinte à ses facultés intellectuelles.
Par courriel du 30 avril 2010, Madame [I] [Z] a confirmé à Me [U] [X], notaire chargé de formaliser cet acte, ce qu'elle lui avait indiqué lors de sa visite à son cabinet le 22 janvier, soit l'accord des trois enfants de [Z] [R] [Z] pour la vente de cet appartement en viager avec usufruit à vie pour son père à Madame [J] [K].
Cet acte a donc été établi avec l'accord des trois enfants de [Z] [R] [Z], et ce antérieurement à la chute de celui-ci puisque cet accident s'est produit quatre jours après l'entretien de Madame [I] [Z] [T] avec le notaire. Toutefois, il n'est pas établi que ceux-ci avaient connaissance des détails de cette opération.
En effet, au paragraphe « Modalités de paiement », il est stipulé :
« Obligation de faire :
D'entretenir, blanchir et soigner tant en santé qu'en maladie, 24 heures sur 24, le vendeur, en un mot lui fournir tout ce qui est nécessaire à l'existence en ayant pour lui les meilleurs soins sa vie durant. En cas de maladie, de lui faire donner tous les soins médicaux et chirurgicaux nécessaires et de lui faire administrer tous les médicaments prescrits.
Tous les frais médicaux et pharmaceutiques restant à la charge du vendeur, cette obligation court à partir de ce jour jusqu'au jour du décès du bénéficiaire et lors de son décès de pourvoir aux formalités funéraires d'une manière conforme à sa position et à sa religion.
À cet effet, le vendeur mettra à la disposition de l'acquéreur, et gratuitement, une chambre dans l'appartement cédé afin qu'elle soit à la disposition du vendeur 24 heures sur 24.
Elle entretiendra l'appartement et fera face à toutes les obligations ménagères et culinaires sans aucun autre dédommagement quelconque. »
N'ayant été stipulé qu'une obligation de faire, il y a absence de paiement d'un quelconque prix ou partie du prix, ni versement d'une quelconque rente. Cet acte n'est donc pas une vente viagère.
Le 22 avril 2010, [Z] [R] [Z] a écrit à Maître [U] [X] pour lui demander d'établir l'acte de vente de son appartement au profit de Madame [J] [K]. Il explique dans ce courrier que celle-ci s'occupe de lui depuis avril 2004 et qu'en récompense, il souhaite lui vendre son appartement moyennant l'obligation de travaux ménagers et de soins nécessaires compte tenu de son état, et ce après avoir consulté ses trois enfants qui habitent aux USA qui sont d'accord avec cette solution.
Cet écrit confirme que cet acte n'est pas une vente viagère, mais une donation viagère sous condition, comme le concluent les consorts [R] [Z] dans leurs écritures.
L'article 901 du Code civil dispose que pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit, et que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par erreur, le dol ou la violence.
Les consorts [R] [Z] invoquent en premier lieu la nullité de cet acte par rapport à l'état de santé mentale de leur père, ce qui ne peut prospérer, dans la mesure où il a été démontré ci-dessus que celui-ci était sain d'esprit dans la période proche et à la date de la signature de l'acte du 7 mai 2010.
Ils concluent en second lieu à la nullité de cet acte pour man'uvre frauduleuse, soit pour dol. Cependant, ils ne caractérisent pas les man'uvres antérieures à la donation qui si elles avaient été connues par le donataire, [Z] [R] [Z], auraient été un obstacle à cette donation.
Les consorts [R] [Z] qui n'invoquent pas d'autres causes de nullité de forme ou de fonds, seront déboutés de leur demande de nullité.
Ensuite, les consorts [R] [Z] sollicitent la résolution de cet acte pour absence d'exécution de son obligation de faire par Madame [J] [K].
Il résulte des développements qui précèdent qu'a minima, à compter du 5 août 2010, soit deux mois après la vente, [Z] [R] [Z] a été hospitalisé et n'a plus occupé son appartement jusqu'à sa mort, alors que la finalité de cette donation viagère était que le donateur puisse finir ses jours dans l'appartement objet de la vente.
Il convient de rappeler que le médecin traitant [Z] [R] [Z] a demandé son hospitalisation dans un établissement de soins de suite le 15 juillet 2010 alors que celui-ci était à son domicile, aux motifs que la rééducation était inadéquate.
Puis, dans le dossier de l'EHPAD soit en mai 2011, il est noté que l'admission de [Z] [R] [Z] a été sollicitée au motif : « perte d'autonomie - charge trop lourde à domicile ».
Au regard de ces deux observations, la présence physique de Madame [J] [K] aux côtés de [Z] [R] [Z] plusieurs heures par jour dans les divers centres hospitaliers, Centre Montsinéry et à l'EHPAD Les Jardins de Saint-Jean est insuffisante pour dire qu'elle a satisfait à son obligation.
Madame [J] [K] explique qu'elle avait entrepris de faire effectuer l'aménagement de l'appartement pour permettre à [Z] [R] [Z] de revenir à domicile.
Cependant ces travaux n'ont été entrepris qu'en janvier 2012, soit à une date où l'état de santé et la nature des soins pratiqués à l'EHPAD Les Jardins de Saint-Paul ne permettaient plus d'envisager un quelconque retour à domicile. De plus, les pièces produites par Madame [J] [K] démontrent que les dits travaux ne consistaient pas en un simple aménagement des lieux, mais en une réfection totale de l'appartement.
Par ailleurs, en mars ou avril 2010, [Z] [R] [Z] et Madame [J] [K] ont ouvert un compte joint qui n'a été alimenté que par des virements provenant des comptes bancaires personnels de [Z] [R] [Z].
Alors que Mme [J] [K] n'allègue pas, et a fortiori, ne justifie pas avoir des revenus ou une fortune personnelle, il résulte de l'examen du compte joint que toutes les charges domestiques, ainsi que d'ailleurs la réfection de l'appartement, ont été payées par le biais de ce compte, soit avec les seuls versements de [Z] [R] [Z].
Il suit de là que Madame [J] [K] n'a pas satisfait à l'obligation de faire qui était mise à sa charge aux termes de l'acte du 7 mai 2010. Il y aura donc lieu de prononcer la résolution de cette donation déguisée en vente.
Il sera ordonné la publication de cette décision au Service de la publicité foncière. Cependant, afin d'éviter toute difficulté de forme, les parties qui y ont intérêt seront invitées à se rapprocher du notaire de leur choix qui procédera à cette publication.
Sur la donation du 23 février 2011
Selon une reconnaissance de donation datée du 24 février 2011, [Z] [R] [Z] a fait donation à Madame [J] [K] de la somme de 500'000 € par virement de son compte bancaire sur celui de la donataire le 23 février 2011.
En appel, les consorts [R] [Z] ne fondent plus leur demande d'annulation de cette donation sur l'enrichissement sans cause, mais invoquent que leur père ne disposait plus de toutes ses facultés mentales à cette date.
Cependant il résulte des développements qui précèdent, qu'à proximité et à cette date, [Z] [R] [Z] était sain d'esprit, et que son impotence du fait de sa difficulté à se déplacer, n'avait pas porté atteinte à ses facultés mentales.
C'est pourquoi les consorts [R] [Z], qui n'arguent pas d'autres causes de nullité de forme ou de fond, seront déboutés de leur demande d'annulation de cette donation.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le compte joint
En appel, les consorts [R] [Z] ne fondent pas leurs demandes relatives au fonctionnement du compte joint sur l'enrichissement sans cause, mais uniquement sur l'abus de faiblesse.
Les consorts [R] [Z] reprochent ainsi à Madame [J] [K] d'avoir utilisé le compte joint ouvert en mars ou avril 2010 à des fins personnelles, notamment de façon disproportionnée.
Néanmoins, le compte joint est un compte ouvert au minimum par deux personnes qui en sont toutes responsables indéfiniment, et qui peuvent disposer en totalité des fonds qui y sont déposés, quelque soit l'origine des fonds.
Il suit des développements qui précèdent que ce compte joint a été ouvert à une période où [Z] [R] [Z] était parfaitement sain d'esprit. Or, en sa qualité d'ancien avocat, il avait parfaitement conscience de la portée de son engagement.
De plus, Madame [J] [K] produit un écrit en date du 25 octobre 2011 de [Z] [R] [Z] adressé à Madame [G] aux termes duquel il précise que tous les retraits effectués à partir du compte commun par Madame [K] le sont à sa demande et destinés à son usage personnel.
Il n'est pas discuté que la signature et l'écriture de ce document sont celles de [Z] [R] [Z], et cette missive a été établie à une période où il est démontré que [Z] [R] [Z], malgré un état de santé physique très dégradée, n'était pas atteint de sénilité.
Enfin la somme de 862'733,83 € est la totalité des versements effectués sur le compte joint à partir des comptes bancaires personnels de [Z] [R] [Z], ce qui ne correspond pas au montant des dépenses qui auraient été effectuées à titre purement personnel par Madame [J] [K], eu égard à la communauté de vie qui a existé entre elle et [Z] [R] [Z].
C'est pourquoi les consorts [R] [Z] seront déboutés de leur demande de restitution pour utilisation à partir du compte joint de sommes à des fins personnelles par Madame [J] [K].
Les consorts [R] [Z] invoquent aussi que Madame [J] [K] aurait utilisé la carte bancaire de leur père sur les comptes bancaires personnels de celui-ci ou aurait fait des opérations bancaires, tels que des virements sur le compte joint, sans avoir procuration.
Cependant, d'une part, alors que la charge de la preuve leur incombe, ils ne produisent aucun document bancaire démontrant l'absence de procuration de Madame [J] [K], d'autre part, les pièces produites ne permettent pas de rapporter la preuve certaine que des opérations bancaires ont été effectuées par Madame [J] [K] sur ces comptes.
Au surplus, les sommes qui auraient ainsi été l'objet de ces opérations ne sont pas chiffrées.
En conséquence, les consorts [R] [Z] seront déboutés de ce chef de demande.
Sur la demande de dommages et intérêts
Eu égard à la solution adoptée par la Cour, le droit d'ester en justice et de relever appel de la décision de première instance des consorts [R] [Z] n'a pas dégénéré en abus. Madame [J] [K] ne peut donc prétendre avoir subi un préjudice moral du fait de cette action. Elle sera déboutée de cette demande et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
De même, il ne résulte pas des développements qui précèdent que Madame [J] [K] a résisté abusivement aux demandes des consorts [R] [Z] dès lors qu'il n'est pas fait droit à deux de leurs prétentions. Ceux-ci seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
L'équité ne commande pas de faire bénéficier une quelconque partie des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [J] [K] qui succombe en majorité, sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mesdames [I] [R] [T] et [G] [Z] épouse [L], et Monsieur [F] [Z] de leur demande de nullité de la donation du 23 février 2011, et en ce qu'il a débouté Madame [J] [K] de sa demande de dommages et intérêts,
Infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Déclare recevable la demande de nullité et la demande de résolution de la vente immobilière du 7 mai 2010,
Prononce la résolution de la vente viagère immobilière du 7 mai 2010 établie par Maître [U] [X], notaire associé à [Localité 1], entre [Z] [R] [Z] et Madame [J] [K] portant sur un appartement situé au deuxième étage de l'immeuble [Adresse 5], laquelle vente constitue en réalité une donation viagère avec condition,
Invite les parties qui y ont intérêt à se rapprocher du notaire de leur choix afin que celui-ci procède aux formalités nécessaires à la publication du présent arrêt,
Déboute Mesdames [I] [Z] [T] et [G] [Z] épouse [L], et Monsieur [F] [Z] de leur demande de restitution de la somme de 862'543,83 euros,
Déboute Mesdames [I] [Z] [T] et [G] [Z] épouse [L], et Monsieur [F] [Z] de leur demande de dommages et intérêts,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [J] [K] aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT