COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 22 FEVRIER 2019
N°2019/
Rôle N° RG 18/10073 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCTXY
[G] [P]
C/
SARL PROMETAL
Société civile AVIVA ASSURANCES
Organisme CPCAM [Localité 1]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Xavier CACHARD, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Alain DE ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE
CPCAM [Localité 1]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 16 Mai 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21502367.
APPELANT
Monsieur [G] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
SARL PROMETAL Code APE: 2512Z: Fabrication de portes et fenêtres en métal., demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Xavier CACHARD, avocat au barreau de MARSEILLE
Société civile AVIVA ASSURANCES La Société AVIVA ASSURANCES, intervenant es qualité d'Assureur de la SARL PROMETAL, prise en son Agent Général, la Société SPEC VERRONEAU-NABTI.
Code APE: 6512Z: Autres assurances., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Alain DE ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandra TELLE, avocat au barreau de MARSEILLE
Organisme CPCAM [Localité 1] Complément adresse: [Adresse 4].
Code Organisme: 13 D., demeurant [Adresse 5]
représentée par Mme [W] [V] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2019 en audience publique devant la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Février 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Février 2019
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par déclaration déposée au greffe le 18 juin 2018, [G] [P] a relevé appel d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 16 mai 2018 lequel a rejeté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la SARL PROMETAL.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience du 17 janvier 2019 par la voix de son avocat, [G] [P] a demandé à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de dire et juger que :
la SARL PROMETAL a commis une faute inexcusable à l'origine de son accident du travail,
il doit bénéficier de la majoration maximale de la rente versée par la CPCAM [Localité 1] titre de cet accident du travail.
Il a sollicité la désignation d'un expert chargé de décrire les conséquence médico- légales des préjudices subis, de se voir allouer la somme de 30.000 euros à titre de provision et la condamnation de la SARL PROMETAL à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience par la voix de son avocat, la SARL PROMETAL a - à titre principal - demandé à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter [G] [P] de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire et dans l'éventualité où la cour déciderait déciderait de la reconnaissance de sa faute inexcusable, elle a sollicité d'être relevée et garantie par son assureur, la SA AVIVA ASSURANCES de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience par la voix de son avocat, la SA AVIVA ASSURANCES a - titre principal - demandé à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter [G] [P] de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire et dans l'éventualité où la cour déciderait d'infirmer le jugement en retenant l'existence de sa faute inexcusable, elle a sollicité qu'il lui soit donner acte de ce qu'elle formule toutes protestations et réserves sur la demande d'expertise judiciaire telle que sollicitée par [G] [P] et qu'il soit dit n'y avoir lieu à indemnité provisionnelle.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience par la voix de sa représentante, la CPCAM [Localité 1] a indiqué qu'elle s'en rapporte à droit sur le mérite de l'action introduite par [G] [P].
A titre subsidiaire, elle a sollicité de voir ramener le montant de l'indemnité provisionnelle à de plus justes proportions et de voir dire et juger que l'employeur éventuellement relevé et garanti par son assureur soit condamné à lui rembourser toutes les sommes dont elle sera tenue de faire l'avance.
MOTIFS DE LA DECISION
Mais attendu qu'il est constant qu'e n vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver et y remédier ;
Que la faute inexcusable de l'employeur ne se présume pas et en application de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque le salarié, victime d'un accident du travail entend invoquer la faute inexcusable de son employeur, il a la charge exclusive du rapport de la preuve de l'existence de ladite faute ;
Qu'en l'occurrence, [G] [P] a été employé par la SARL PROMETAL à compter du 13 avril 2004 en qualité d'ouvrier métallier, sa fonction consistant à assembler par soudures toutes les pièces composant des portes métalliques ;
Que, le 6 juin 2011, il a été victime d'un accident dont le caractère professionnel a été reconnu et pris en charge par la CPCAM [Localité 1];
Qu'en effet, il résulte des pièces versées aux débats et des écritures des parties que [G] [P] a perçu des indemnités journalières « A.T » jusqu'à la date de sa consolidation déterminée par l'organisme social au 9 septembre 2014 ;
Que, par une décision de la caisse du 28 octobre 2014, son taux d'incapacité permanente a été fixé à 54 % ;
Qu'au soutien de son appel, [G] [P] expose que, sur instructions de [E] [M] chef d'équipe et co-gérant de la SARL PROMETAL, il a utilisé une machine-outil type plieuse située à proximité de son poste travail - pour laquelle il n'avait eu aucune formation préalable concernant son utilisation et sa sécurité en ce que ses fonctions ne devaient pas l'amener à l'utiliser - et que sa main droite a été happée et écrasée par la machine ayant causé des fractures ouvertes des 3ème, 4ème et 5ème premières phalanges, des luxations et devascularisations de plusieurs doigts de la main droite et nécessité plusieurs hospitalisations et interventions chirurgicales ;
Qu'une enquête préliminaire a été diligentée par les services de police de [Localité 2] à la suite de la plainte déposée le 22 mai 2012 par [G] [P] laquelle a uniquement permis de recueillir son audition ;
Que, dans ses écritures, [G] [P] soutient que l'accident dont il a été victime a été causé par la négligence fautive de son employeur lequel n'aurait pas respecté son obligation de santé et de sécurité au travail alors qu'il avait parfaitement conscience du danger auquel il avait été exposé ;
Qu'en effet, il précise que la machine plieuse avait subi des aménagements et notamment un débridage ayant accéléré son rythme ;
Qu'il ajoute que l'employeur a reconnu qu'il n'avait reçu aucune formation concernant l'utilisation de la machine et qu'il n'avait pris aucune mesure s'agissant de l'information donnée à son personnel relative à la dangerosité de cette machine et ce, peu important que le personne concernée soit ou non habilitée à l'utiliser ;
Qu'ainsi, il fait grief la SARL PROMETAL d'avoir également contrevenu aux dispositions des articles R.4323-1 et suivants du code du travail ;
Qu'en réplique, la SARL PROMETAL indique que, si la matérialité des faits est établie, l'appelant est défaillant dans le rapport de la preuve de sa faute inexcusable en ce qu'il ne démontre pas qu'elle aurait eu ou dû avoir conscience du danger auquel elle l'aurait exposé et qu'elle n'aurait pas pris les mesures nécessaires à l'en préserver et à y remédier ;
Qu'elle précise que, compte tenu de la nature de son activité, ses salariés sont embauchés pour un poste spécifique nécessitant des compétences particulières à l'utilisation d'outils et de machines spécifiques, de sorte que un «Plieur ne saurait solliciter un Métallier pour le substituer pour effectuer une tâche sur machine plieuse» ;
Qu'elle ajoute que [G] [P] étant inoccupé, il a - de sa propre initiative - voulu aider [E] [M] donc sans qu'aucun ordre ne lui ait été donné ;
Qu'elle prétend que les déclarations faites devant les services de police par [G] [P] concernant les circonstances de son accident sont mensongères ;
Qu'elle admet que [G] [P] n'avait pas été formé à l'utilisation de la machine plieuse en ce qu'il n'avait pas à l'utiliser, ni dans le cadre de sa fonction de métallier, ni pour un quelconque autre raison en ce que - seul - [E] [M] en avait l'utilisation exclusive ;
Qu'à l'appui de cette prétention, elle verse des écrits - n'ayant pas la valeur d'attestations au sens de l'article 202 du code de procédure civile - établis par deux de ses salariés embauchés, soit en qualité de peintre, soit en celle de métallier, indiquant, d'une part, n'avoir jamais vu [G] [P] utiliser la machine plieuse et d'autre part, n'avoir jamais personnellement reçu l'ordre de l'utiliser ;
Qu'elle réplique à l'affirmation de [G] [P] selon laquelle son pied gauche aurait involontairement touché la pédale actionnant le couteau ayant pour effet d'actionner la plieuse, que le pédalier est à double commande et protégé par une coque nécessitant de placer volontairement son pied sous ladite coque et d'appuyer sur la pédale « fermeture » du couteau ;
Qu'elle ajoute que la machine est dotée de deux boutons d'arrêts d'urgence positionnés de part et d'autre ce celle-ci et de butées métalliques ajoutées ayant pour but de soutenir les tôles pendant le pliage ;
Mais attendu qu'il résulte de la fiche technique de la machine-outil plieuse versée au débat (peu important par quelle partie) que la pédale de commande est constituée par une barre articulée permettant d'obtenir la fermeture progressive du distributeur permettant la montée du tablier et de la photographie de ladite machine qu'une protection est apposée au niveau de la pédale de commande ;
Qu'à la lecture de la fiche technique, il n'apparaît pas une quelconque modification réalisée sur la machine ;
Qu'il ressort du schéma des postes de travail que, compte tenu de la disposition des unités de travail dans l'atelier et des fonctions attribuées à [G] [P], celui-ci n'avait pas à utiliser la plieuse dans le cadre de ses fonctions ;
Qu'en conséquence, il ne peut être valablement fait grief à la SARL PROMETAL de ne pas lui avoir assurer une formation concernant l'utilisation et la sécurité de ladite machine ;
Qu'il convient également de constater que [G] [P] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de sa prétention selon laquelle il aurait reçu l'ordre du co-gérant de la SARL PROMETAL d'utiliser cette machine ;
Qu'il doit être rappelé que le juge ne peut se contenter d'une faute matérielle ou objective, déduite du simple constat que le préjudice s'est produit et que la conscience du danger doit être appréciée dans le cadre d'une prévision raisonnable des risques ;
Qu'en outre, l'existence de manquements en matière de sécurité du travail doit être appréciée au jour de la commission des faits reprochés sans pouvoir être déduite de la seule et unique survenance de l'accident ;
Qu'en l'occurrence, il ne résulte pas des pièces versées au débat qu'un incident similaire se serait produit auparavant et qu'ainsi l'employeur aurait été informé d'une possible utilisation de la machine-outil par des salariés non concernés et non formés à son utilisation ;
Qu'ainsi, la cour constate qu'il n'est pas démontré l'existence de manquements en matière de sécurité de la SARL PROMETAL ;
Qu'en effet, le geste maladroit et imprévisible de [G] [P] ayant utilisé la machine le 6 juin 2011 ne pouvait pas être connu voire même prévu ou prévisible de ou par la SARL PROMETAL ;
Qu'il s'en déduit que l'appelant ne rapporte pas la preuve lui incombant du fait que son employeur l'aurait exposé, en toute connaissance de cause, à un danger pour sa santé et qu'il n'aurait pris aucune mesure pour l'en préserver ;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Qu'il convient de condamner l'appelant qui succombe en ses prétentions aux dépens d'appel postérieurs au 1er janvier 2019, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Qu'au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale [Localité 1] du 16 mai 2018 en toutes ses dispositions,
Déboute [G] [P] de l'intégralité de ses demandes,
Déboute la SARL PROMETAL et la SA AVIVA ASSURANCES du surplus de leurs demandes,
Condamne [G] [P] aux dépens d'appel postérieurs au 1er janvier 2019, en application de l'article 696 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT