COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 14 FEVRIER 2019
N° 2019/ 27
Rôle N° RG 18/12588 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3FB
[I] [T]
C/
SARL FINANCIERE MARSEILLAN
SAS C.D.P.O.
SCE S.C.E.A. DU MESNIL
SCA COOPERL ARC
Groupement LE GROUPEMENT QUALITÉ,
SARL NATUR'OEUF PRODUCTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me BINON
Me MENDES CONSTANTE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Février 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/08473.
APPELANT
Monsieur [I] [T]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean pierre BINON, avocat au barreau de MARSEILLE,
assisté par Me Pierre-Fançois GIUDICELLI, avocat au barreau d'AVIGNON,
INTIMEES
SARL FINANCIERE MARSEILLAN
dont le siège social est sis [Adresse 2]
défaillante
SAS C.D.P.O., venant aux droits des sociétés :
- LES OEUFS DU SOLEIL, anciennement dénommée NATUR'OEUF SARL,
- PRODUCTION AVICOLE DU SOLEIL, anciennement dénommée FERMIERE DU LANGUEDOC SARL
dont le siège social est sis [Adresse 2]
défaillante
SCE S.C.E.A. DU MESNIL, venant aux droits de la SARL FERMIERE DU LANGUEDOC dont la nouvelle dénomination est PRODUCTION AVICOLE DU SOLEIL,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
défaillante
SCA COOPERL ARC
dont le siège est [Adresse 4]
représentée par Me Jorge MENDES CONSTANTE, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Franck BARBIER, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Samantha CHANTARD, avocat au barreau de MARSEILLE
Groupement Qualité LES FERMIERS DE NOS PROVINCES,
dont le siège est [Adresse 5]
représentée par Me Jorge MENDES CONSTANTE, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Franck BARBIER, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Samantha CHANTARD, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL NATUR'OEUF PRODUCTION représentée par Monsieur [I] [T], ès qualités de mandataire ad hoc,
(nommé par ord du T.Commerce de ROMANS du 11 avril 2016),
dont le siège est [Adresse 6]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur CALLOCH, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le syndicat LES FERMIERS DE NOS PROVINCES, réunissant différents producteurs de l'ouest de la France, a élaboré en 2002 un cahier des charges LABEL ROUGE relatif à la production d'oeufs de poules élevées en plein air.
La société GRAND SUD AVICOLE, devenue par la suite NATUR'OEUF, appartenant à monsieur et madame [T], a conclu en 2004 un partenariat avec ce syndicat pour l'utilisation de la mention LABEL ROUGE.
Le 31 août 2004, la société GRAND SUD AVICOLE a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle la marque semi figurative LES FERMIERS DE NOS PROVINCES. Elle a cédé cette marque à la société COOPERL HUHADAYE, devenue depuis lors société COOPERL ARC ATLANTIQUE, suivant contrat en date du 6 juin 2006.
La société COOPERL ARC ATLANTIQUE a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle le 6 août 2014 la marque verbale LES FERMIERS DE NOS PROVINCES.
Par courrier en date du 12 mai 2014, le syndicat LES FERMIERS DE NOS PROVINCES a signifié à la société GRAND SUD AVICOLE devenue NATUR'OEUF qu'elle cessait à la demande de la société COOPERL ARC ATLANTIQUE d'utiliser la marque LES FERMIERS DE NOS PROVINCES à compter du 13 août 2014, et ce à la demande de leur titulaire.
Suivant contrat en date du 23 mars 2016, monsieur et madame [T] ont cédé à la société PGH Holding l'intégralité des actions et droits de vote de leur société holding financière MARSEILLAN, société holding elle-même détentrice de 100 % des parts sociales de la société NATUR'OEUF, de la société COMPAGNIE DE DISTRIBUTION AVICOLE et de la société FERMIÈRE DU LANGUEDOC.
La société NATUR'OEUF a été renommée LES OEUFS DU SOLEIL puis a fait l'objet le 18 janvier 2017 d'une dissolution avec transfert universel de son patrimoine à la société CDPO gérée par monsieur [H]. La société COMPAGNIE DE DISTRIBUTION AVICOLE a elle aussi fait l'objet d'une dissolution avec transfert universel de son patrimoine à la société CDPO le même jour. Enfin, la société FERMIÈRE DU LANGUEDOC a été renommée société PRODUCTION AVICOLE DU SOLEIL et a fait l'objet d'une dissolution avec transfert de son patrimoine en partie à la société CDPO et en partie à la société DU MESNIL, gérée elle aussi par monsieur [H], le 27 février 2017.
La société NATUR'OEUF PRODUCTION, gérée par madame [T], n'a pas été incluse dans ces cessions. Elle a été dissoute et liquidée le 30 avril 2015, monsieur [T] étant nommé en qualité de mandataire ad hoc.
Par acte en date du 12 juillet 2017, la société NATUR'OEUF PRODUCTION représentée par monsieur [T] en qualité de mandataire ad hoc, et les sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN et CDPO représentées par leur gérant en exercice et la société DU MESNIL représentée par monsieur [T] en vertu d'une délégation de pouvoir datée du 25 avril 2016 ont fait assigner le groupement LES FERMIERS DE NOS PROVINCES et la société COOPERL ARC ATLANTIQUE devant le tribunal de grande instance de RENNES en réparation des préjudices résultant de la rupture brusque des relations contractuelles et de l'exploitation abusive de la dépendance économique des demandeurs.
Par conclusions déposées par voie électronique le 18 décembre 2017, la société COOPERL ARC ATLANTIQUE et le groupement LES FERMIERS DE NOS PROVINCES ont saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence territoriale et d'une nullité de l'assignation.
Monsieur [T] est intervenu volontairement à la cause par conclusions déposées le 5 février 2018.
Suivant ordonnance en date du 27 février 2018, le juge de la mise en état a écarté les pièces communiquées postérieurement à l'audience, a écarté l'exception d'incompétence territoriale, a dit que monsieur [T] n'avait pas qualité pour représenter les sociétés FINANCIÈRES MARSEILLAN, CDPO et DU MESNIL, ces sociétés étant représentées par monsieur [H], et a annulé l'assignation délivrée le 12 juillet 2017 à la diligence des sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN, CDPO et DU MESNIL.
Monsieur [T] a interjeté appel de cette ordonnance suivant déclaration enregistrée au greffe le 25 juillet 2018.
A l'appui de son appel, monsieur [T], par conclusions déposées le 2 octobre 2018,
indique en premier lieu que la tardiveté de la communication de certaines pièces devant le juge de la mise en état ne lui est pas imputable. Sur sa qualité à agir, il invoque les dispositions de l'article 3.4.2 du contrat de garantie conclu dans le cadre de la cession des parts sociales au profit de la société PHG Holding. Il demande en conséquence à la cour d'infirmer la décision ayant annulé l'acte introductif d'instance en date du 12 juillet 2017. Il conclut en outre à la condamnation de la société COOPERL et du groupement LES FERMIERS DE NOS PROVINCES à verser la somme de 10 000 € au titre de dommages-intérêts et 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les mêmes condamnations étant prononcées à l'encontre de monsieur [H] en qualité de dirigeant des sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN, CDPO et SCEA DU MESNIL.
La société COOPERL ARC ATLANTIQUE et le syndicat LES FERMIERS DE NOS PROVINCES, par conclusions déposées le 10 décembre 2018, soulèvent l'irrecevabilité de l'appel, celui ci étant formé par le seul monsieur [T] qui a qualité d'intervenant accessoire à la procédure. Ils font observer en outre que la décision de rejet de pièces ne peut faire l'objet d'un appel. Sur le fond, ils indiquent que le juge de la mise en état était fondé à écarter les pièces communiquées par monsieur [T] postérieurement à l'audience. Ils rappellent qu'au jour de l'acte introductif d'instance, seul monsieur [H] avait qualité pour représenter les sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN, CDPO et DU MESNIL et font observer que monsieur [T] ne produit aucune délégation de pouvoir. Ils dénient toute valeur à la clause excipée par l'intéressé, celle ci ne s'analysant pas comme un mandat pour agir en justice caractérisé et n'ayant pas été au demeurant signée par les sociétés au procès. Ils se réfèrent sur ce point à un arrêt rendu le 1er février 2018 par la Cour d'appel de MONTPELLIER. Ils soutiennent qu'en conséquence c'est à bon droit que le juge de la mise en état a prononcé la nullité de l'acte introductif d'instance pour défaut de qualité à agir. Ils concluent à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de monsieur [T] à leur verser la somme de 3 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Monsieur [T] étant intervenu volontairement à la cause en première instance, il est devenu partie au procès et avait donc qualité à interjeter appel de la décision prononcée par le juge de la mise en état ; l'appel sera donc déclaré recevable en son principe.
Sur la décision d'écarter les pièces communiquées postérieurement à l'audience
La décision d'écarter des pièces en raison de leur tardiveté ne fait pas partie des décisions visées par l'article 776 du code de procédure civile comme pouvant faire l'objet d'un appel indépendamment du fond ; à supposer même l'appel sur ce point recevable, il convient en toute hypothèse de constater que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a refusé de joindre au dossier des pièces communiquées pour la première fois au cours des débats, et donc en violation manifeste du principe du contradictoire ; la décision sera en conséquence confirmée sur ce point.
Sur la nullité des assignations
Dans l'acte introductif d'instance en date du 12 juillet 2017, la société FINANCIÈRE MARSEILLAN, la société DU MESNIL et la société CDPO sont mentionnées comme représentées par leur gérant en exercice ; il n'est ni contesté, ni contestable qu'à cette date monsieur [T] n'était plus le gérant des dites sociétés, ce gérant étant monsieur [Z] [S] [H] ; à la lecture de l'en tête de l'ordonnance du juge de la mise en état, il apparaît qu'en cours de procédure, par conclusions non versées aux débats, monsieur [T] est intervenu volontairement à la cause afin de représenter ces sociétés en vertu d'une délégation de pouvoir; force est de constater qu'aucune délégation de ce type n'est versée aux débats.
En cause d'appel, monsieur [T] excipe de l'article 3.4.2 du contrat de garantie annexé à l'acte de cession signé le 25 avril 2016 avec la société PGH Holding ; cet article stipule que 'par exception à ce qui précède, il est expressément convenu que le garant conservera la complète maîtrise des litiges actuels au titre d'une délégation de pouvoir. Le bénéficiaire se porte fort du maintien de cette délégation de pouvoir consentie par la société et les filiales postérieurement à la date des présentes' ; à la date de ce contrat, les sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN, et la société CDPO n'avaient pas engagé la procédure dirigée le 12 juillet 2017 à l'encontre du groupement LES FERMIERS DE NOS PROVINCES et de la société COOPERL ARC ATLANTIQUE ; en admettant même d'une part que le contrat de garantie puisse être considéré comme opposable aux sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN, et CDPO non signataires, et d'autre part que la clause soit suffisamment claire pour valoir mandat d'ester en justice, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a été stipulée que pour les litiges qualifiés d'actuels, et donc existant au moment de la signature de l'acte ; c'est donc à tort que monsieur [T] invoque cet article pour soutenir avoir qualité à agir.
L'assignation du 12 juillet 2017 indique expressément que la société DU MESNIL est représentée à la procédure par monsieur [T] en application de l'article 3.4.2 du contrat de garantie en date du 25 avril 2016 ; pour les raisons indiquées au paragraphe précédent, il doit être jugé que cette stipulation ne conférait pas à monsieur [T] qualité pour représenter cette société dans une procédure introduite en juillet 2017.
C'est en faisant une exacte appréciation de ces éléments que le premier juge a constaté que monsieur [T] n'avait pas qualité pour représenter les sociétés FINANCIÈRE MARSEILLAN, CDPO et SCEA DU MESNIL et a en conséquence, conformément aux dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, annulé l'assignation en ce qu'elle avait été délivrée au nom des autres parties.
Sur les mesures accessoires
Monsieur [T] succombant à la procédure, il devra verser aux intimés la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée sur le même fondement par le juge de la mise en état.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
- DÉCLARE l'appel interjeté par monsieur [T] recevable.
- CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 27 février 2018 dans l'intégralité de ses dispositions,
Y ajoutant,
- CONDAMNE monsieur [T] à verser à la société COOPERL ARC ATLANTIQUE et au syndicat LES FERMIERS DE NOS PROVINCES la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- MET l'intégralité des dépens à la charge de monsieur [T].
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT