COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
(anciennement dénommée 3e Chambre A)
ARRÊT AU FOND
DU 31 JANVIER 2019
N° 2019/041
N° RG 17/00241 - N° Portalis DBVB-V-B7B-72DH
Syndicat des copropriétaires CHANTEPERDRIX
C/
[Y] [B]
SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Laure CAPINERO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/09541.
APPELANTE
Syndicat des copropriétaires CHANTEPERDRIX, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Christian BAILLON-PASSE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [Y] [B], demeurant [Adresse 2]
représenté et plaidant par Me Laure CAPINERO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marine DELAIRE, avocat au barreau de MARSEILLE
SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, demeurant [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Laure CAPINERO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marine DELAIRE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Novembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Marie-Brigitte FREMONT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente rapporteur
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Mme Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2019,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
A l'occasion d'importants travaux effectués dans la copropriété, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 4] a confié le 30 août 2004 une mission de maîtrise d''uvre afférente à des travaux de ravalement des façades et balcons, selon contrat signé le 30 août 2004 à M. [Y] [B] en sa qualité d'architecte, assuré auprès de la MAF.
Aux termes de ce contrat, notamment en page 2 le maître d'oeuvre devait vérifier les états de situation et les mémoires définitifs et devait établir les décomptes provisoires.
Les travaux ont été confiés à la société Star selon marché de travaux conclu le 2 juin 2005.
Pendant le chantier, la Société Star a modifié la présentation de ses factures entre les situations n° 15,16 et 17.
Les travaux ont été réceptionnés avec réserves :
- le 1er décembre 2009 pour le bâtiment A
- le 16 mars 2010 pour le bâtiment B
- le 17 décembre 2009 pour les bâtiments C et D
- le 8 décembre 2009 pour les bâtiments E et F
Estimant avoir été victime d'une surfacturation de la part de la société Star, non décelée par l'architecte qui aurait avalisé des demandes de règlement, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Chanteperdrix, représenté par son syndic en exercice, la SARL Cogefim Fouque, a, par exploit du 22 août 2012, assigné M. [Y] [B], la SCI AMA (ATELIER MEDITERRANEEN D'ARCHITECTURE) et la MAF devant le tribunal de grande instance de Marseille afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices :
- 30.460,74 € réglée à tort par la copropriété à la SARL Star,
- 11.960 € correspondant aux missions de contrôle et aux travaux nécessaires à la remise en état et à la finition du chantier,
- 4.907,5l € au titre des consommations des fluides de chantier,
- 17.725 € au titre des pénalités de retard,
- 74.852,25 € au titre des travaux de remise en état et de finition ainsi que des frais de maîtrise d'oeuvre à intervenir pour la finition du chantier.
Par jugement du 17 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a :
MIS hors de cause la SCI ATELIER MEDITERRANEEN D'ARCHITECTURE,
DEBOUTÉ le syndicat des copropriétaires de l'ensernble immobilier CHANTEPERDRIX, sis [Adresse 4] de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNÉ le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier CHANTEPERDRIX, sis [Adresse 4] à payer à Monsieur [Y] [B] et la MAF la somme de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNÉ le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier CHANTEPERDRIX, sis [Adresse 4] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Chanteperdrix a relevé appel de cette décision le 5 janvier 2017.
Dans ses dernières conclusions en date du 4 avril 2017, il demande à la cour de :
Vu l'article 1134 -1147 du code civil,
Vu les pièces produites,
Vu l'article 1382 du Code Civil,
RECEVOIR le Syndicat des Copropriétaires en son appel, et y faisant droit.
REFORMER le jugement du 17 novembre 2016 du Tribunal de Grande Instance de Marseille, et, statuant à nouveau,
FAIRE DROIT aux demandes du Syndicat des copropriétaires CHANTEPERDRIX
REJETER tous moyens et prétentions adverses
CONDAMNER Monsieur [Y] [B], et sa compagnie d'assurance la MUTUELLE DES ARCHITECTES de France à payer conjointement et solidairement au syndicat des copropriétaires CHANTEPERDRIX les sommes de :
$gt; 30 460,74€ réglée à tort par le Syndicat des copropriétaires à la Société STAR au syndicat des copropriétaires
$gt; 11 960,00€ correspondant aux missions de contrôle (SPS et SOCOTEC) correspondant aux travaux nécessaires à la remise en état et à la finition du chantier
$gt; 4 107, 51€ correspondant aux consommations des fluides de chantier
$gt; 7 725,00€ correspondant aux pénalités de retard
$gt; 4 853,00€ correspondant aux travaux non réalisés (marquage des places de parking)
$gt; 74.852,25 euros correspondant aux travaux de remise en état et de finition des travaux et les sommes correspondant aux frais de maitrise d'oeuvre à intervenir pour la finition du chantier
Le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance
devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille
- CONDAMNER Monsieur [Y] [B] et sa compagnie d'assurances la MUTUELLE DES ARCHITECTES de France à payer conjointement et solidairement au syndicat des copropriétaires CHANTEPERDRIX la somme de 6000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, Avocats, aux offres de droit.
Dans leurs dernières conclusions en date du 4 mai 2017, M. [B] et la MAF demandent à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu le 17 Novembre 2016 en toutes ses dispositions.
Condamner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble CHANTEPERDRIX à payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble CHANTEPERDRIX aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront distraits au profit de Me Laure CAPINERO sur son affirmation de droit.
Par ordonnance datée du 5 avril 2017 le magistrat chargé de la mise en état a constaté le désistement partiel de l'appel du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la SCI Atelier Mediterranée d'Architecture (AMA).
La procédure a été clôturée le 7 novembre 2018.
ET SUR CE
Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Chanteperdrix recherche la responsabilité contractuelle de l'architecte à raison des fautes commises dans l'accomplissement de ses différentes missions.
M. [B] conteste avoir commis des fautes dans la mission qui lui a été confiée et nie toute responsabilité de ce chef.
Sur la surfacturation par la société Star
Le syndicat des copropriétaires soutient avoir été victime d'une surfacturation de la part de la société STAR qui n'aurait pas déduit de ces factures l'avance initiale de chantier versée au démarrage des travaux et invoque la responsabilité de M. [B] pour ses défaillances dans sa mission de maître d'oeuvre en exposant qu'il lui appartenait de vérifier les états de situation et les mémoires définitifs et d'établir les décomptes provisoires, ce qu'il n'a pas fait, rendant ainsi impossible la rétention de toute somme due pour le retard du chantier ou la levée des réserves.
Il reproche notamment à M. [B] de ne pas avoir contrôlé la situation n°6 du bâtiment B, qui inclut dans le cumul des paiements effectués la facture précédente acquittée pour un montant de 41 165,40€ facturée le 30 avril 2009 sur la situation n°5 du bâtiment B du mois d'avril 2009, caractérisant ainsi sa faute ayant conduit à un dépassement du budget prévu dans le marché de travaux.
M. [B] conteste avoir visé l'ensemble des factures de la société STAR qui ont pourtant été réglées par la copropriété, alors que certaines étaient dépourvues de visa.
Sur le dépassement de budget, il indique qu'il n'a pas agréé la situation n° 5 présentée par l'entreprise, de sorte que si la copropriété n'avait pas soldé cette situation de sa propre initiative, aucun dépassement de budget ne serait intervenu.
L'examen de l'ensemble des 83 situations, versées aux débats dans un désordre chronologique, a néanmoins permis à la cour de mettre en exergue que la situation n°5 du bâtiment B d'un montant de 41 165,40€ a été réglée par le syndicat des copropriétaires alors même que celle-ci n'avait pas été visée par l'architecte, ni même signée par le syndic ni aucun autre intervenant, à l'inverse de toutes les autres situations. Le syndicat des copropriétaires est donc malvenu à reprocher au maître d'oeuvre de ne pas avoir signalé sur la situation n°6 l'existence d'un cumul incluant cette facture, étant lui-même à l'origine d'un paiement non approuvé par l'architecte.
Même si effectivement la présentation des factures par la société Star a bien été modifiée en ce que les 17 premières factures concernent l'ensemble des bâtiments et mentionnent l'acompte versé, et que les suivantes ont été émises bâtiment par bâtiment et ne font plus mention de l'acompte versé, il ne peut en être déduit l'existence d'une surfacturation ni d'une faute commise par M. [B].
Le décompte général définitif établi le 15/03/2011 par M. [B] mentionne un trop-perçu par la société Star de 30 460,74€, mais il n'est pas démontré que le dépassement du budget prévu contractuellement est la conséquence d'une défaillance du maître d'oeuvre dans la mission qui lui a été confiée, en l'état du règlement par le syndicat des copropriétaires de la situation n°5 du bâtiment B d'un montant de 41 165,40€ dépourvue de visa.
S'il est exact que pour des raisons de santé, M. [B] a dû s'absenter du chantier à compter du 28 avril 2009, comme il en atteste dans un courrier du 15 mai 2009, un courrier du syndicat des copropriétaires daté du 4 juin 2009 prend note de la reprise par l'architecte de sa mission sur le chantier.
Et le syndicat des copropriétaires n'établit pas que cette carence du maître d'oeuvre dans le suivi du chantier entre le 28 avril 2009 et le 4 juin 2009 est à l'origine du trop-versé à la société Star.
Sur la rémunération des missions de contrôle technique
Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Chanteperdrix demande que M. [B] prenne en charge les frais de rémunération des organismes de contrôle technique Socotec et S.P.S pour un montant de 11 960€, mais n'en explicite pas les motifs.
Ces organismes ayant une mission d'assistance du maître d'ouvrage et de contrôle technique (analyse des risques et contrôle de la sécurité) et ayant été sollicités par le syndicat des copropriétaires, leur rémunération n'est pas à la charge du maître d'oeuvre.
Sur la consommation de fluides
Le syndicat des copropriétaires reproche à l'architecte de ne pas avoir mis dans les décomptes la consommation des fluides.
Pour M. [B], le lien entre la somme exposée par la copropriété au titre d'une surconsommation de fluides et une éventuelle responsabilité de l'architecte n'est pas démontré.
La consommation de fluides, inhérente à tout chantier, n'est pas incluse dans le DGD, lequel ne récapitule dans ce décompte que les prestations réellement exécutées au titre du marché par chaque entrepreneur et le montant total des sommes dues.
Cette demande infondée sera donc rejetée.
Sur les pénalités de retard
Le syndicat des copropriétaires reproche encore à M. [B] d'avoir signé les situations de travaux sans mentionner à l'entreprise les pénalités de retard dûes au syndicat des copropriétaires.
M. [B] réplique que l'entreprise est seule débitrice des pénalités de retard pour compenser le non respect de son obligation.
Le marché de travaux signé entre le syndicat des copropriétaires représenté par la Cogefim Fouque et la SARL Star le 2 juin 2005 prévoit un début des travaux le 1er juillet 2005 et la fin des travaux le 30 décembre 2006, sous peine de pénalités de retard à la charge de l'entreprise.
Cependant les retards dans l'exécution des travaux ne peuvent être imputés à l'architecte que si celui-ci ne met pas en oeuvre les moyens mis à sa disposition par les marchés pour faire respecter les délais par les entrepreneurs et s'il n'informe pas le maître de l'ouvrage. Aucune faute de M. [B] n'est rapportée dans l'exécution de sa mission de surveillance du chantier.
Et si la mission de l'architecte consiste à proposer l'application de pénalités de retard au maître de l'ouvrage lors de l'établissement des comptes, il appartient au syndicat des copropriétaires lui-même de solliciter ces pénalités auprès du constructeur concerné. Le syndicat des copropriétaires, signataire du marché de travaux, n'ignorait pas que la livraison ne s'est pas réalisée dans les délais, mais n'a pas sollicité paiement des indemnités de retard. La responsabilité de l'architecte ne sera donc pas retenue.
Sur les travaux non réalisés et les travaux de reprise des réserves
Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Chanteperdrix demande que M. [B] prenne à sa charge les travaux de marquage des places de parking non réalisés à hauteur de 4 853€, et M. [B] s'y oppose arguant que les travaux confiés à sa direction ne concernaient que le ravalement de façade, sans lien avec des travaux de marquage de places de parking.
Il sollicite également que M. [B] soit condamné à lui payer les travaux relatifs à la levée des réserves pour un montant de 74 852,25€ TTC.
Le marché de travaux du 2 juin 2005 porte sur des travaux de 'rénovation des façades, importantes reprises de maçonnerie, imperméabilisation des façades, étanchéité des balcons'.
Le devis descriptif joint au marché comprend en page 16 au titre des 'Travaux divers' la réalisation du marquage des places de parking.
Cette non réalisation de travaux figure bien dans l'annexe du procès-verbal de réception effectué le 16 mars 2010 entre l'architecte et la SARL Star et ces travaux sont inclus dans le devis établi par la SARL OGC Construction le 16 novembre 2010 pour la reprise des réserves et des malfaçons, visé par l'architecte, pour un montant de 74 852,25€ TTC.
Le syndicat des copropriétaires ne peut donc demander deux fois le coût de leur réalisation.
En outre le syndicat des copropriétaires démontre avoir écrit le 23 juillet 2010 au Crédit Coopératif pour bloquer le montant de la retenue de garantie, mais n'indique pas la suite qui a été donnée à cette demande par l'organisme de cautionnement.
En tout état de cause, faute pour le syndicat des copropriétaires de démontrer la responsabilité de l'architecte dans ces désordres, il n'appartient pas à ce dernier de se substituer à l'entrepreneur défaillant pour régler en ses lieu et place les travaux de reprise des réserves, des malfaçons ou de finitions.
Il ne sera pas fait droit à cette demande.
Sur les autres demandes
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [B] et de la MAF, la somme allouée en première instance leur restant acquise.
Les dépens seront pris en charge par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Chanteperdrix.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Chanteperdrix à payer à M. [Y] [B] et la société d'assurance Mutuelle des Architectes Français la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Chanteperdrix aux entiers dépens et fait apllication de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Laure Capinero.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE