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30/01/2019 | FRANCE | N°17/07446

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 janvier 2019, 17/07446


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2019



N°2019/155













Rôle N° RG 17/07446 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMPV







CPCAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



Société CLINIQUE DE LA CIOTAT

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

















Copie exécutoire délivrée

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Me Anne-Sophie MOULIN, avocat au barreau de PARIS

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 15 Mars 2017,enregistré au répertoire général sous le n°...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2019

N°2019/155

Rôle N° RG 17/07446 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMPV

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

Société CLINIQUE DE LA CIOTAT

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Me Anne-Sophie MOULIN, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 15 Mars 2017,enregistré au répertoire général sous le n° 21500725.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [S] [P] (Inspectrice Juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEES

Société CLINIQUE DE LA CIOTAT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anne-Sophie MOULIN, avocat au barreau de PARIS

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Décembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2019

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La caisse primaire d'assurance maladie a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 15 mars 2017 qui, sur recours de la SAS Clinique de La Ciotat contre la décision de la commission de recours amiable des Bouches du Rhône du 25 novembre 2014, de celle de Paris du 17 février 2015 et de celle du Var du 10 mars 2015 (après jonction des trois recours), a annulé la notification de payer du 22 août 2014 s'élevant à la somme globale de 91772,88 euros représentant des surfacturations de prestations hospitalières constatées suite à un contrôle portant sur l'année 2012 et a condamné les trois caisses à payer la somme de 1000 euros à la clinique au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 19 décembre 2018, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de valider la notification d'indu du 22 août 2014 et de condamner la Clinique de la Ciotat à lui payer la somme restant due de 89161,54 euros, outre la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SAS Clinique de La Ciotat (la clinique) a demandé à la Cour de confirmer le jugement, subsidiairement, de constater qu'elle a respecté les règles de facturation des actes et qu'il n'existe donc pas d'indu au sens de l'article L133-4 du code de la sécurité sociale, de débouter l'appelante de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle a demandé une expertise sur le bien fondé de ses facturations.

MOTIFS DE LA DECISION

Le contrôle sur site, portant sur l'année 2012, s'est déroulé, à l'initiative de l'UCR, dans le cadre d'un programme régional de contrôle, entre le 9 et le 16 septembre 2013, et a donné lieu à la rédaction d'un rapport du 25 novembre 2013, contresigné par les praticiens chargés du contrôle, le directeur de l'établissement et le médecin DIM, suivi de l'envoi d'une notification d'indu datée du 22 août 2014 reçue le 25 août 2014, pour un montant total de 91772,88 euros, toutes caisses confondues (huit).

Cette notification émanant de la « caisse pivot » des Bouches du Rhône, mandatée par les caisses des autres départements, précisait que la clinique disposait d'un délai de deux mois pour régler la somme précitée, ou en cas de contestation, pour saisir la commission de recours amiable de chaque caisse ou pour présenter des observations écrites à la caisse.

Par lettre du 21 octobre 2014, la clinique a saisi la commission de recours amiable des Bouches du Rhône, de [Localité 1] et du Var pour contester la validité de la procédure de recouvrement en concluant à l'annulation de la notification et de la procédure, et, subsidiairement, pour contester les sommes réclamées.

Elle a également adressé ses observations à la caisse en reprenant les mêmes motivations.

Compte tenu du faible enjeu financier concernant les cinq autres caisses, la clinique a renoncé à une procédure (coûteuse) de contestation.

Par sa décision du 25 novembre 2014, la commission de recours amiable des Bouches du Rhône a considéré que la caisse avait respecté la procédure de recouvrement et a rejeté le recours.

Sur l'omission du jugement

La clinique a procédé à la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône le 3 février 2014 contre les décisions (identiques) des trois commissions de recours amiable des caisses précitées.

La caisse primaire d'assurance maladie avait comparu pour elle-même et par représentation des caisses de [Localité 1] et du Var, selon mandats réguliers en la forme.

Le dispositif du jugement permet de constater que la jonction des recours confirmait que la caisse primaire des Bouches du Rhône intervenait bien par représentation des deux autres caisses, ce qui ne figurait pas sur la première page du jugement.

Pour assurer la régularité formelle de la procédure devant la Cour, les parties ont déclaré accepter que la Cour le mentionne dans le dispositif de son arrêt.

Sur la régularité de la procédure

Le tribunal a joint les trois recours et a statué par le jugement déféré à la Cour, en faisant droit à la demande d'annulation de la notification, au motif que, le contrôle ayant été réalisé après l'entrée en vigueur du décret du 7 septembre 2012 mais portant sur des indus afférents à deux périodes, l'une antérieure l'autre postérieure à la date de sa publication (9 septembre 2012), la caisse devait respecter les dispositions antérieures au décret du 7 septembre 2012 et adresser une mise en demeure avant la saisine de la commission de recours amiable.

Au soutien de son appel, la caisse a fait valoir que la saisine de la commission de recours amiable de la caisse primaire des Bouches du Rhône (les commissions des autres caisses primaires n'ayant pas été saisies), était conforme à la notification du 24 juin 2013 qui appliquait une procédure plus favorable que celle que prévoyait l'article R133-9-1 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret 2009-988 du 20 août 2009, et que la juridiction de sécurité sociale ne pouvait trancher que la question du bien fondé de l'indu.

La clinique a demandé à la Cour de constater que, les indus concernant notamment une période antérieure au 9 septembre 2012, la caisse devait respecter la procédure en vigueur avant le décret du 7 septembre 2012 en lui envoyant une mise en demeure avant toute proposition de saisine de la commission de recours amiable, et que le tribunal était donc fondé à annuler la procédure car la mise en demeure constitue « un acte essentiel permettant l'instauration d'un débat contradictoire renforcé devant cette commission ».

La procédure suivie par la caisse le 22 août 2014 était donc irrégulière en ce que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté.

La Cour constate que le tribunal était saisi d'un recours contre la décision d'une commission de recours amiable, elle-même saisie de la contestation de la validité de la notification de payer.

Dans chaque acte de saisine des commissions de recours amiable, la clinique a expressément contesté la régularité de la procédure suivie et a demandé l'annulation de la notification qu'elle venait de recevoir.

La commission de recours amiable de la caisse des Bouches du Rhône, « caisse pivot », a estimé que les textes manquaient sans doute de clarté mais que la caisse avait néanmoins respecté les règles de l'action en recouvrement.

Elle ne s'est pas prononcée sur le fond de la contestation.

C'est cette décision qui a été contestée devant le tribunal, qui a statué par le jugement dont appel.

La Cour rappelle que le décret du 7 septembre 2012 a précisé, en son article 8 : « les dispositions du présent décret s'appliquent aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication et aux pénalités prononcées à raison de faits commis postérieurement à cette date ».

Le décret a été publié le 9 septembre 2012.

L'indu existe à la date de la prestation et non pas à la date du contrôle.

Les indus relevés par les contrôleurs correspondaient à toute l'année 2012 ; le décret du 7 septembre 2012 n'était donc pas applicable avant le 9 septembre 2012.

Dans sa version applicable avant le 9 septembre 2012, l'article R133-9-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 20 août 2009, prévoyait que l'action en recouvrement s'ouvrait par l'envoi d'une « notification d'indu » (article L133-4), précisant la cause, la nature et le montant des sommes dues, laissant au destinataire de la notification un premier délai d'un mois pour s'acquitter spontanément de la somme ou pour présenter ses observations à la caisse émettrice, et l'informant qu'à défaut de paiement dans le mois ou en cas de désaccord sur les observations présentées, il recevrait une mise en demeure de payer l'indu augmenté d'une majoration de retard de 10%. Cette mise en demeure devait indiquer les motifs conduisant au rejet des observations éventuellement présentées par l'établissement, puis préciser à nouveau la cause, la nature et le montant des sommes réclamées en principal, le montant de la majoration appliquée aux sommes dues, et, enfin, énoncer clairement les modalités de saisine de la commission de recours amiable dans les deux mois de sa réception, en cas de contestation.

Ce texte de 2009 a donc prévu un débat contradictoire renforcé entre les parties, destiné également à fixer les termes du litige susceptible d'être présenté à la commission de recours amiable puis à la juridiction de sécurité sociale.

En ne permettant pas à la clinique de prendre connaissance des motifs qui pourraient lui être opposés par la caisse, avant de saisir la commission de recours amiable, la caisse a privé la clinique du débat contradictoire renforcé tel que prévu et organisé par les articles L133-4 et R133-9-1 du code de la sécurité sociale, au moins pour les indus de la période antérieure au 9 septembre 2012.

Cette irrégularité constitue un manquement au principe du contradictoire qui cause un grief à la clinique.

Devant la Cour, la caisse a soutenu que, pour la période contrôlée soumise à la procédure prévue par le décret du 7 septembre 2012, « l'indu qui ne pouvait plus être remis en cause » s'établissait à 43123,55 euros.

Or, cette ultime démonstration de la caisse présentée en 2018, soit quatre ans après la notification contestée, outre qu'elle est tardive, constitue, a contrario, la reconnaissance de ce que l'indu de la période antérieure au 9 septembre 2012 « pouvait être remis en cause », ce qui semble entériner l'irrégularité au moins partielle de la notification de 2014.

Or, la Cour rappelle que la notification d'indu avec demande de remboursement est le premier acte du recouvrement (article L133-4 précité).

Ce premier acte du recouvrement auquel est annexé un tableau récapitulant, pour chaque patient, les prestations mal facturées telles que retenues définitivement par les médecins contrôleurs, a pour effet de délimiter, après le rapport de l'UCR, la nature et le montant de ce que la caisse estime être sa créance sur l'établissement, et de fixer la base de la discussion susceptible d'être engagée avec l'établissement contrôlé.

A la date de cette notification, 22 août 2014, la caisse ne pouvait pas ignorer que le décret du 7 septembre 2012 distinguait deux périodes s'articulant autour de la date de 9 septembre 2012, et que la procédure de recouvrement de l'article R133-9-1 du code de la sécurité sociale n'était pas la même selon la période concernée par les indus.

Devant la Cour, la caisse estime avoir choisi la procédure la plus favorable à la clinique en lui appliquant la procédure prévue par le décret du 7 septembre 2012.

La Cour ne trouve aucun texte qui donnerait à la caisse un tel pouvoir d'appréciation.

L'article 8 du décret du 7 septembre 2012 prévoit que « Les dispositions du présent décret s'appliquent aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication et aux pénalités prononcées à raison de faits commis postérieurement à cette date. ».

La rédaction est claire et précise et ne prévoit pas d'option, le seul critère étant la période à laquelle les faits ont été commis.

En conséquence, la caisse devait établir deux notifications, et suivre la procédure applicable à chacune d'elles, ou bien annuler la notification « susceptible d'être remise en cause », et la remplacer par deux autres notifications, dès le mois d'octobre 2012, à réception des courriers de la clinique qui en contestaient la régularité par des motifs clairs et très explicites.

La caisse n'est pas recevable à demander à la Cour d'opérer cette distinction et de faire déclarer incontestable sa créance pour au moins 43123,55 euros ; en effet, une telle demande supposerait que soit modifié, par décision de justice, un acte administratif de recouvrement, au surplus avec effet rétroactif, ce qu'aucun texte ne prévoit.

La Cour constate que la notification du 22 août 2014 était irrégulière dans son entier, que cette irrégularité a constitué un manquement au principe du contradictoire qui a causé un grief à la clinique pour la période antérieure au 9 septembre 2012 et qui corrompt la totalité de l'acte.

Cette notification doit être annulée, avec toutes les conséquences de droit sur les demandes en paiement présentées devant le tribunal puis devant la Cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 15 mars 2017, sauf à mentionner que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône comparaissait pour elle-même et par représentation des caisses primaires de Paris et du Var,

Annule la notification du 22 août 2014, avec toutes conséquences de droit sur les demandes en paiement présentées par les caisses appelantes,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône comparaissant pour elle-même et par représentation des caisses primaires de Paris et du Var, à payer à la SAS La Clinique de La Ciotat la somme globale de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 17/07446
Date de la décision : 30/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°17/07446 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-30;17.07446 ?
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