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25/01/2019 | FRANCE | N°15/22050

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 25 janvier 2019, 15/22050


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

(anciennement dénommée 18ème Chambre )



ARRÊT AU FOND

DU 25 JANVIER 2019



N° 2019/ 24













Rôle N° RG 15/22050 - N° Portalis DBVB-V-B67-5ZWZ





[A] [G]





C/



Société LPM LITTORAL PLOMBERIE MEDITERRANEE













Copie exécutoire délivrée

le :25/01/2019

à :



Me Olivier LEROY, avocat au barreau de TOULON

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Me Nathalie ABRAN, avocat au barreau de TOULON







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section I - en date du 20 Novembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/545.







APPELANT
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

(anciennement dénommée 18ème Chambre )

ARRÊT AU FOND

DU 25 JANVIER 2019

N° 2019/ 24

Rôle N° RG 15/22050 - N° Portalis DBVB-V-B67-5ZWZ

[A] [G]

C/

Société LPM LITTORAL PLOMBERIE MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée

le :25/01/2019

à :

Me Olivier LEROY, avocat au barreau de TOULON

Me Nathalie ABRAN, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section I - en date du 20 Novembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/545.

APPELANT

Monsieur [A] [G], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier LEROY, avocat au barreau de TOULON, vestiaire : 0160

INTIMEE

SARL LITTORAL PLOMBERIE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nathalie ABRAN, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Danielle MISSUD-LLORCA, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

Chambre 4-6

(anciennement dénommée 18ème Chambre )

RG15/22050

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2018 à 14h00, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Monsieur Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Madame Solange LEBAILE, Conseiller.

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2019.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 07 décembre 2012, Monsieur [A] [G], reconnu travailleur handicapé du 08 avril 2013 au 07 avril 2018, a été embauché par la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée (LPM) à compter du 10 décembre 2012 en tant que conducteur de travaux à temps complet à concurrence de 39 heures hebdomadaires, soit 169 heures par mois suivant un taux horaire brut au dernier état de la relation salariale de 16,0930 euros pour les 151,67 heures normales et de 20,1163 euros pour les 17,33 heures supplémentaires majorées.

Le salarié a été en arrêt de travail à compter du 18 mars 2014 suite à la chute d'une échelle ayant entraîné des douleurs lombaires chroniques invalidantes, événement reconnu comme accident du travail par la cpam du [Localité 1] le 31 mars 2014. Cet arrêt de travail sera successivement prolongé et le médecin du travail déclarera le salarié inapte à l'issue d'une seconde visite de reprise du 07 janvier 2016.

Alors qu'il était en arrêt de travail, le salarié a reçu une lettre de son employeur en date du 14 mai 2014 aux termes de laquelle celui-ci le considère responsable, en tant que conducteur de travaux, ' de gros problèmes de fuites d'eau et des malfaçons' sur le chantier 'Lou Visa Marseille' où l'accident est survenu. L'employeur a de nouveau mis en cause son travail sur ce chantier par lettre du 19 mai 2014 et le salarié y a apporté une réponse par lettre en date du 23 mai 2014.

Le 27 mai 2014, le salarié a saisi, notamment aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] qui, par jugement en date du 20 novembre 2015, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, a débouté l'employeur de ses demandes reconventionnelles et a condamné le salarié aux dépens.

Par lettre du 11 février 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable du 19 février 2016 auquel il ne s'est pas présenté, puis il a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre en date du 26 février 2016.

Entre temps, le 10 décembre 2015, dans le délai légal, Monsieur [A] [G] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l'audience des plaidoiries du 13 novembre 2018, la société LPM a soulevé l'irrecevabilité des demandes subsidiaires sur le non respect de l'obligation de reclassement comme étant nouvelles, outre la prescription de l'article L 1471-1 du code du travail s'agissant de ces mêmes demandes.

Le salarié a répliqué que la saisine du conseil de prud'hommes avait interrompu la prescription et que, s'agissant d'un fait nouveau, une demande nouvelle pouvait être présentée devant la cour, et ce, au regard de l'unicité de l'instance en vigueur à l'époque.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [G] demande à la cour de réformer le jugement entrepris, statuant à nouveau, de:

- dire et juger que les courriers du 14 mai 2014 et du 19 mai 2014 sont constitutifs de sanctions disciplinaires, les annuler, et condamner la société LPM à lui payer la somme de 7029,10 euros à titre de réparation du caractère abusif de ces courriers,

- condamner la société LPM à lui payer la somme de 10.807,75 euros au titre des heures supplémentaires impayées, outre 1080,77 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société LPM au paiement de la somme de 3575,54 euros au titre des repos compensateurs 2013,

- condamner la société LPM à lui payer la somme de 2789,45 euros au titre des congés payés non pris,

- condamner la société LPM à lui payer la somme de 21.087,30 euros à titre d'indemnité pour dissimulation d'emploi,

- dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail est imputable aux torts exclusifs de l'employeur et que la rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société LPM à lui payer la somme de 35.145,50 euros au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société LPM à lui payer la somme de 4964,75 euros au titre du solde de préavis outre la somme de 496,47 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonner la remise des documents sociaux, soit l'attestation Pôle Emploi devant indiquer un licenciement comme motif de rupture, le certificat de travail et le solde de tout compte, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, se réserver le droit de liquider l'astreinte,

en tout état de cause:

- condamner la société LPM à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le salarié soutient :

- qu'au regard de leurs contenus, les deux courriers de l'employeur de mai 2014, qui lui imputent des manquements, revêtent le caractère de sanction disciplinaire ayant la valeur juridique d'un avertissement; que la seconde sanction par courrier du 19 mai 2014 doit être annulée en ce qu'elle est relative aux faits déjà sanctionnés par le courrier précédent; que les faits sont prescrits dès lors que l'employeur en a eu connaissance plus de deux mois en amont de la date de leur sanction à réception de mails ayant pour objet les problèmes rencontrés sur ce chantier, notamment des fuites d'eau, s'agissant du mail de la société GFC du 22 janvier 2014, de la copie de son mail envoyé le 27 février 2014 à cette même société, de son mail envoyé le 15 mars 2014; que les imputations de l'employeur ne sont pas fondées ni prouvées au regard de ses responsabilités, dépendant des directives de l'employeur qui n'a rien fait, de son intervention sur plusieurs chantiers à la fois, de l'absence de sérieux et de l'insuffisance des effectifs,

- qu'il a effectué les heures supplémentaires au-delà de l'horaire contractuel qui figurent au sein de son décompte précis, à hauteur a minima de 10 heures supplémentaires par semaine, en se rendant au siège social à [Localité 2] entre 6 h et 6h30 afin de procéder à l'organisation des chantiers avant l'arrivée des salariés, en terminant sa journée entre 17h et 19 h, en gérant les mails depuis son domicile avant 6 h ou après 19h et même le week end, alors que les relevés de sa carte 'Total' exploités par l'employeur ne concernent que la période de février à mars 2014 et ne rendent pas compte de la réalité des heures accomplies,

- qu'en 2013, il a effectué 194,36 heures supplémentaires déclarées et 430 heures supplémentaires non déclarées et non payées, soit au-delà du contingent annuel conventionnel de 180 heures par an, ce qui donne droit au repos compensateur conventionnel de 50 % par heure supplémentaire excédent le contingent, soit (624,36h - 180h ) x 16,0930 euros x 50% = 3575,54 euros,

- que l'employeur, qui a mentionné sur les bulletins de paie un grand nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué alors qu'il n'en ignorait pas l'existence au vu des mails qu'il recevait en dehors des heures de travail et des relevés de la carte Total, a dissimulé de l'emploi,

- qu'en s'étant abstenu de veiller à sa charge de travail et à la prise d'un repos compensateur, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, alors que celui-ci savait qu'il était travailleur handicapé, sa fatigue accumulée ayant eu pour résultat son accident du travail non-contesté,

- qu'au moyen des deux courriers de mai 2014, l'employeur n'a pas hésité à faire pression sur lui et à le menacer en proférant des accusations alors qu'il était en arrêt pour accident du travail,

- qu'au regard de l'ensemble des éléments précités, doit être prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

- qu'il réclame une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail, outre une indemnité correspondant à un préavis de trois mois en application de l'article L 5213-9 du code du travail, soit un solde de : 10.543,65 euros - 5578,90 euros = 4964,75 euros,

- que l'examen des bulletins de paie laisse apparaître un solde de congés payés non pris de 30 jours non indemnisés,

- qu'il appartient à l'employeur de justifier de la consultation des délégués du personnel, à défaut, d'un procès-verbal de carence, à défaut, de ses effectifs, en outre, de la consultation du médecin du travail avant toute proposition de reclassement, de recherches sérieuses de reclassement et du registre du personnel comme de la déclaration annuelle des données sociales de 2016, que l'offre de reclassement est imprécise et viole l'avis médical.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la société LPM demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société fait valoir:

- que Monsieur [G], qui disposait d'un large pouvoir en matière de direction de chantiers, et qui était le seul interlocuteur entre elle-même et le maître d'oeuvre, a reçu les deux lettres en mai 2014 aux fins d'explications sur la découverte de désordres et malfaçons, dont des fuites d'eau et infiltrations sur le chantier visé en objet, qui ont généré des difficultés importantes notamment des pertes financières, qu'il ne peut s'en déduire la notification d'une sanction disciplinaire ni un manquement susceptible d'entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- qu'elle a toujours tenu compte de son statut de travailleur handicapé en s'assurant de sa sécurité et de sa santé, que l'accident du travail découle d'une chute de 50 centimètres seulement, que le salarié a pris son véhicule pour rentrer à son domicile ce jour-là,

- que les bulletins de paie et les relevés de passage aux péages démontrent la réalité des heures accomplies par le salarié, aucun passage n'ayant eu lieu à 6 heures du matin, que la gestion des courriels en dehors de ses horaires résultait d'un choix personnel, qu'aucun paiement d' heures supplémentaires n'a été réclamé,

- que le contingent d'heures supplémentaires n'a pu être dépassé de plus de 1,60 heures, soit deux heures ( 4 heures supplémentaires par semaine x 45,4 semaines de travail), que les 194,36 h invoquées ne tiennent pas compte des congés payés,

- que les manquements invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ne sont pas démontrés et ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

MOTIFS :

Sur les courriers des 14 et 19 mai 2014:

Le courrier du 14 mai 2014, qui vise en objet ' LOU VISA MARSEILLE', mentionne notamment:

' (...) en votre absence je tenais à vous informer par ce courrier AR, en tant que conducteur de travaux sur l'opération rappelée en objet, des problèmes que nous rencontrons sur ce chantier que vous avez géré.

Nous avons de gros problèmes de fuites d'eau et des malfaçons et à ce jour, on arrive toujours pas à régler ces problèmes de fuites d'eau car il y en a trop.

Les clients et le Maître de l'ouvrage sont très mécontents. Le Maître de l'ouvrage ne veut plus jamais travailler avec nous et de plus aucun règlement de la part de GFC et ICADE refuse les règlements. Et en plus, nous devons indemniser les clients, faire des reprises de travaux en carrelage, peinture et autres dégâts.

J'ai juste voulu vous informer de ce massacre à la tronçonneuse comme on le dit et je vous laisse deviner le reste. (Ci-joints tous les mails reçus suite à ce massacre)

Monsieur, je vous considère comme responsable en tant que conducteur de travaux. (...)'.

Le courrier du 19 mai 2014, ayant le même objet que le précédent, mentionne notamment:

' (...) Je tenais à vous faire part de mon mécontentement au niveau des dégâts sur ce chantier et surtout des malfaçons des travaux car à ce jour, nous rencontrons beaucoup de problèmes pour résoudre et réparer des fuites d'eau dans tous les logements depuis plus d'un mois.(...)

Je ne comprends toujours pas comment vous avez pu laisser faire ces travaux sans vérification de votre part de la qualité et la façon de faire.

Je tenais absolument à vous rappeler que la livraison de ce chantier se passe très très mal.

En tant que conducteur de travaux, j'engage votre responsabilité entière de ce massacre.

Je vous rappelle quelques désordres qui ont été commis de vos erreurs:

(...)

Je trouve cela inadmissible de faire ce type d'erreurs et je qualifie cela de faute professionnelle de votre part.

A ce jour, nous sommes toujours sur le chantier pour essayer de limiter ces dégâts que je vous mets comme le premier responsable de ne pas avoir été assez présent pour vérifier que ces travaux s'effectuaient dans les normes.

(...) Vous avez fait colmater au mastic mais je vous informe que ce n'est pas digne d'un conducteur de travaux pour réaliser ce type de travail et j'engage votre responsabilité en cas d'aggravation de ce désordre.

(...).'

L'article L 1331-1 du code du travail dispose que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
Ainsi, constitue une sanction disciplinaire dans l'entreprise toute décision de l'employeur qui affecte le déroulement du contrat de travail immédiatement ou à terme, et qui est justifiée par le comportement fautif et volontaire du salarié manquant aux obligations fixées dans le contrat de travail et/ou le règlement intérieur.

En l'espèce, au moyen des deux lettres recommandées avec avis de réception précitées, par lesquelles il juge le salarié responsable de l'apparition successive de désordres et non-conformités sur un même chantier à l'origine des préjudices qu'il invoque, l'employeur a entendu notifier au salarié deux sanctions disciplinaires prenant la forme d'avertissements pour un comportement qu'il estimait fautif en raison d'une absence ou mauvaise exécution de ses tâches par mauvaise volonté.

Il résulte de mails échangés entre des professionnels et l'employeur que celui-ci n'a été pleinement et exactement informé des faits sanctionnés qu'au cours du mois d'avril 2014 suite à l'apparition successive de fuites d'eau et d'infiltrations dans des logements et pièces situés dans les bâtiments du chantier Lou Vista, ce que ne pouvaient mettre en évidence les courriels antérieurs dont se prévaut le salarié.

Il s'ensuit que les faits sanctionnés ne sont pas prescrits en application de l'article L 1332-4 du code du travail dès lors que l'employeur justifie ainsi avoir déclenché les poursuites les 14 et 19 mai 2014, moins de deux mois après en avoir eu connaissance.

En revanche, il ne ressort pas à suffisance des éléments d'appréciation que les désordres et malfaçons concernées seraient imputable à un comportement fautif du salarié dans l'exécution de ses missions, ce que celui-ci conteste catégoriquement et précisément dans un courrier en réponse en date du 23 mai 2014.

Il y aura donc lieu d'annuler les deux sanctions disciplinaires.

En l'absence de preuve de l'existence et de l'étendue de son préjudice, qui ne découle pas du seul envoi des courriers alors qu'il était en arrêt de travail pour accident du travail, le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les heures supplémentaires:

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux heures effectivement réalisées par lui pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Au moyen d'une succession de mails mettant en évidence l'exécution régulière et fréquente, en dehors des horaires contractuels, soit très tôt le matin avant de se rendre au siège de la société et tard le soir après avoir regagné son domicile, de la plus grande partie de ses tâches administratives en lien direct et nécessaire avec ses missions techniques et organisationnelles relatives à différents chantiers s'étant succédés jusqu'à son placement en arrêt de travail, en outre d'un calendrier renseigné et d'un décompte mentionnant semaine civile par semaine civile le nombre d'heures supplémentaires accomplies au-delà des heures supplémentaires contractuellement prévues, le salarié étaye suffisamment sa demande de paiement de 550 heures supplémentaires au taux majoré de 25 %, alors que l'employeur ne justifie pas des heures effectivement réalisées par son salarié, ce qui ne peut découler des seuls relevés de péages sur la période du 28 janvier 2014 au 18 mars 2014 en l'absence d'autres éléments permettant de cantonner son temps de travail aux horaires compris entre les heures d'entrée et de sortie du réseau autoroutier concerné.

Ainsi, au vu des éléments fournis de part et d'autre, il y a lieu de condamner l'employeur au paiement de la somme de 10.807,75 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires non-réglées outre la somme de 1080,77 euros bruts au titre des congés payés subséquents.

Sur le travail dissimulé:

Il s'évince des éléments d'appréciation que l'employeur s'est abstenu de payer un très grand nombre d' heures de travail et a remis au salarié des bulletins de paie ne mentionnant pas ces mêmes heures supplémentaires, situation qu'il n'a pas régularisée, ne serait-ce que partiellement, après que le salarié lui ait reproché, par courrier recommandé réceptionné le 26 mai 2014, le non paiement et l'absence de déclaration de nombreuses heures supplémentaires hebdomadaires effectuées en raison de sa charge de travail. La dissimulation d'emploi salarié est donc établie et l'employeur doit être condamné au paiement de la somme de 21.087,30 euros nets à titre d'indemnité en application des dispositions des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail.

Sur la demande relative au repos compensateur:

Le salarié, qui n'a pas été mesure du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.

Il ressort des éléments d'appréciation, notamment des mentions portées sur les bulletins de paie par l'employeur qui ne les remet en cause par aucun élément sérieux et suffisant, que la Convention collective nationale des ouvriers du bâtiment de plus de dix salariés était alors appliquée et qu'en conséquence le contingent d'heures supplémentaires est de 180 heures par an, de sorte que la contrepartie obligatoire en repos étant de 50 %, et le salarié ayant effectué au total 624,36 heures supplémentaires au cours de l'année 2013 au vu des bulletins de paie et compte tenu des éléments retenus pour le calcul des heures supplémentaires au-delà de celles contractuellement prévues, il est dû à Monsieur [G] à ce titre la somme globale de 3575,54 euros bruts. L'employeur sera donc condamné au paiement de cette somme.

Sur la demande d'indemnité de congés payés acquis et non pris:

L'employeur qui est affilié à une caisse de congés payés du BTP, en l'espèce la CIBTP méditerranée, n'est pas personnellement redevable du paiement des indemnités de congés payés. Le salarié sera donc débouté de cette demande, étant observé que celui-ci ne sollicite pas des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait d'éventuels manquements par l'employeur aux obligations légales lui incombant.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Il ne résulte pas des éléments d'appréciation que l'employeur a affecté son salarié à l'exécution de tâches incompatibles avec sa situation médicale et à son statut de travailleur handicapé, et aucun lien, même partiel, ne peut être établi entre, d'une part, la durée et l'amplitude effectives de son temps de travail, consécutives en partie à l'exécution de tâches administratives, et, d'autre part, l'accident de travail survenu le 18 mars 2014 puis l'inaptitude physique qui en a résulté.

Il s'en déduit que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité prévue par les dispositions alors applicables des articles L 4121-1 et suivants du code du travail.

En revanche, considérés ensemble, le comportement fautif imputable à l'employeur qui a consisté à abusivement sanctionner le salarié par deux courriers successifs en mai 2014, à ne pas avoir déclaré ni réglé les nombreuses heures supplémentaires accomplies par le salarié y compris après réception le 26 mai 2014 d'un courrier qui lui en faisait reproche, et de ne pas lui avoir permis de bénéficier de ses nombreux repos compensateurs en 2013, constituent des manquements suffisamment récents et graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail puisqu'ils étaient de nature à empêcher la poursuite de ce contrat.

La résiliation judiciaire du contrat de travail sera donc prononcée à la date du 26 février 2016.

Considérant les seuls éléments fournis relatifs à l'effectif de l'entreprise à la date de la rupture du contrat de travail, d'une part, la mention portée sur le bulletin de paie du salarié de février 2016 sur l'application à cette date de la Convention collective nationale des Ouvriers du bâtiment de PACA concernant les entreprises occupant jusqu'à dix salariés, d'autre part, la mention d'un effectif de neuf salariés au 31 décembre 2015 au sein de l'attestation Pôle Emploi, il y a lieu d'en déduire par présomption un effectif de moins de onze salariés à la date de la rupture du contrat de travail, ainsi, de faire application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail et d'allouer au salarié, en tenant compte, au vu des éléments d'appréciation, de son ancienneté, de sa rémunération, de son âge, de sa capacité à retrouver un emploi et des conséquences de la rupture du contrat de travail à son égard, la somme de 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors que le contrat de travail est judiciairement résilié, les conditions d'application de l'article L 5213-9 du code du travail sont réunies et le salarié a droit en conséquence à un préavis porté à trois mois. Au vu des éléments d'appréciation, il lui sera donc alloué un reliquat d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 4964,75 euros bruts ainsi qu'une somme de 496,47 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la remise des documents:

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de remise de documents est fondée et il y est fait droit comme indiqué au dispositif.

Sur les frais irrépétibles:

En considération de l'équité, il sera alloué au salarié la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens:

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'employeur, qui succombe.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit qu'au moyen de ses deux courriers datés des 14 et 19 mai 2014, la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée a entendu notifier à Monsieur [A] [G] deux sanctions disciplinaires prenant la forme d'avertissements.

Annule ces deux sanctions disciplinaires.

Déboute Monsieur [A] [G] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de ces deux sanctions disciplinaires annulées.

Condamne la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée à payer à Monsieur [A] [G] la somme de 10.807,75 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires non-réglées outre la somme de 1080,77 euros bruts au titre des congés payés subséquents.

Condamne la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée à payer à Monsieur [A] [G] la somme de 21.087,30 euros nets à titre d'indemnité en application des dispositions des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail.

Condamne la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée à payer à Monsieur [A] [G] la somme globale de 3575,54 euros bruts au titre du repos compensateur.

Prononce, en raison des manquements de la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée, et aux torts de celle-ci, la résiliation du contrat de travail de Monsieur [A] [G], cette résiliation prenant effet à la date du 26 février 2016 et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne en conséquence la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée à payer à Monsieur [A] [G] les sommes de:

- 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4964,75 euros bruts à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis,

- 496,47 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Condamne la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée à remettre à Monsieur [A] [G] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Condamne la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée à payer à Monsieur [A] [G] la somme de 2000 euros allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la Sarl Littoral Plomberie Méditerranée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierM.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 15/22050
Date de la décision : 25/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/22050 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-25;15.22050 ?
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