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10/01/2019 | FRANCE | N°18/02666

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 10 janvier 2019, 18/02666


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

(anciennement dénommée 6ème C)





ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2019



N°2019/ 05













Rôle N° RG 18/02666 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6P5







Chantal Solange Marie X... épouse Y...

Renaud Pierre I... Y...





C/



Benoït Z...





































C

opie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Marie-Thérèse A...



Me Gaspard B...



- Ministère Public + 2 copies





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 08 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06135.





APPELANTS



Madame Chant...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

(anciennement dénommée 6ème C)

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2019

N°2019/ 05

Rôle N° RG 18/02666 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6P5

Chantal Solange Marie X... épouse Y...

Renaud Pierre I... Y...

C/

Benoït Z...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie-Thérèse A...

Me Gaspard B...

- Ministère Public + 2 copies

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 08 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06135.

APPELANTS

Madame Chantal Solange Marie X... épouse Y... J... en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Amélia Marie Y..., née le [...] à AIX EN PROVENCE

née le [...] à POINTE A PITRE (GUADELOUPE) (97110)

de nationalité Française, demeurant [...]

comparante en personne,

assistéE de Me Marie-Thérèse A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Renaud Pierre I... Y...

né le [...] à MARSEILLE (13000)

de nationalité Française, demeurant [...]

comparant en personne,

assisté de Me Marie-thérèse A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur Benoït Louis Henri Z...

né le [...] à NOGENT-LE-ROTROU

de nationalité Française, demeurant [...]

comparant en personne,

assisté de Me Gaspard B..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2018, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-France SEREE, Conseiller, et M. Thierry SIDAINE, Conseiller, chargés du rapport.

M. Thierry SIDAINE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Marie-France SEREE, faisant fonction de Président

Madame Christine PEYRACHE, Conseiller

M. Thierry SIDAINE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2019.

L'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté lors des débats par Madame Pouey, substitut général qui a fait connaître son avis.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2019.

Signé par Madame Marie-France SEREE, Conseiller et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation en date du 11 octobre 2016, M. Benoît Z... a fait citer devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence Mme Chantal X... épouse Y... et M. Renaud Y... aux fins qu'il soit déclaré qu'il est le père de l'enfant Amélia, Marie Y..., née le [...] à Aix-en-Provence, et que corrélativement la paternité de M Renaud Y... soit écartée.

Par jugement en date du 16 février 2017, une expertise confiée à l'Institut Génétique Nantes Atlantique (IGNA) a été ordonnée afin de confirmer, selon les moyens de preuve légaux, que M. Benoît Z... est bien de père de l'enfant Amélia.

L'expert a rendu son rapport en juin 2017. Il conclut que :

«'Monsieur Y... n'est pas le père biologique de l'enfant Amélia Y.... La paternité de Monsieur Z... vis-à-vis de l'enfant est extrêmement vraisemblable à 99.999999 %.'»

Par jugement du 8 janvier 2018, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a notamment:

- dit que Monsieur Renaud, Pierre, I... Y..., né le [...] à MARSEILLE (13), n'est pas le père biologique de l'enfant Amélia, Marie Y..., née le [...] à Aix-en- Provence,

- dit que Monsieur Benoît Z..., né le [...], à NOGENT-LE-ROTROU, est le père de l'enfant Amélia, Marie Y..., née le [...] à Aix-en-Provence,

- dit que l'enfant portera dorénavant le patronyme de Y... Z...,

- ordonné la transcription de cette décision sur les registres de l'état civil ainsi que sa mention en

marge de l'acte de naissance de l'enfant,

- rappelé que les dispositions des articles 100 et 101 du Code Civil sont applicables,

- dit que l'autorité parentale sur l'enfant Amélia sera exercée en commun par Madame Y... et Monsieur Z...,

- dit que Monsieur Z... pourra exercer son droit de visite deux fois par mois pendant six mois, par l'intermédiaire du Point Rencontre de LA RECAMPADO,

- rejeté toute demande de mesure d'investigations, en l'état,

- fixé à la somme de 200 euros le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation d'Amélia mise à la charge de Monsieur Benoît Z..., et ce jusqu'à ce que l'enfant puisse subvenir lui-même à ses propres besoins,

- condamné Madame Chantal X... épouse Y... et Monsieur Renaud Y..., d'une part, et Monsieur Benoît Z..., d'autre part, au paiement des dépens de l'instance, par moitié, dont distraction au profit des avocats en cause.

Le 15 février 2018, Mme Chantal X... épouse Y... et M. Renaud Y... ont formé un appel général de ce jugement .

Par conclusions notifiées par RPVA le 31 octobre 2018, ils sollicitent voir :

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence du 8 janvier 2018,

- dire et juger que l'action introduite par Monsieur Z... est prescrite, la possession d'état de Monsieur Y... sur l'enfant Amélia devant débuter depuis la conception et pendant tout le temps de la grossesse de Madame Y..., soit depuis le 3 octobre 2011,

- dire et juger que l'action de Monsieur Z... est irrecevable pour défaut de qualité

En conséquence,

- dire et juger que les mesures accessoires sollicitées par Monsieur Z... devront être déclarées irrecevables et le débouter de toutes ses demandes (nom, autorité parentale, droit de visite et d'hébergement et contribution alimentaire).

Avant dire droit,

- ordonner une enquête sociale et psychologique sur l'ensemble des parties afin de déterminer l'existence d'un danger pour l'enfant et les conséquences d'un droit de visite sur son évolution.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'enfant portera le nom patronymique de Y...,

- dire et juger que l'enfant portera le nom patronymique de X... ou Y... ' Z... (après résultat des investigations sollicitées),

- dire et juger que Madame Y... née X... exercera seule l'autorité parentale sur l'enfant Amélia',

- fixer la résidence de l'enfant au domicile de la mère';

- dire et juger que Monsieur Z... bénéficiera d'un droit de visite sans hébergement une demi-journée par mois dans un lieu sécurisé,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Monsieur Z... à verser une contribution alimentaire de 200.00 € par mois,

- condamner Monsieur Z... aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Maître Marie-Thérèse A... Avocat en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile

Les époux Y... ne contestent pas les résultats de l'expertise génétique initiée et rendue en première instance.

Ils font valoir toutefois que l'ensemble des personnes qui ont côtoyé le couple Y... depuis le début de la grossesse de Mme Y... atteste l'implication de M. Y... qui a assisté son épouse, organisé la vie familiale et préparé la venue de l'enfant et qu'ainsi la possession d'état de Monsieur Y... à l'égard d'Amélia existe depuis le début de la grossesse de son épouse.

Par ailleurs, la date théorique du début de grossesse étant le 5 octobre 2011 ou le 3 octobre 2011, l'assignation en contestation de paternité étant du 11 octobre 2016, la prescription visée au premier alinéa de l'article 333 du Code Civil serait acquise et M. Z... n'était plus recevable à exercer cette action en contestation de paternité.

En outre, les appelants relèvent que l'action aurait dû être dirigée à l'encontre de M. Y... pris en qualité de père alors que l'assignation délivrée par M Z... ne fait pas mention de cette qualité et encore moins de la reconnaissance contestée.

La demande de contestation de paternité initiée par M. Benoît Z... devrait donc être déclarée irrecevable, aucune mesure accessoire ou annexe réglementant ses relations avec l'enfant ne saurait prospérer.

A titre subsidiaire, compte tenu du comportement de M. Benoît Z... à l'égard tant de Mme Y... que de l'enfant Amélia, il serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant d'accorder à ce dernier les prérogatives d'autorité parentale.

En effet, l'enfant identifierait M. Renaud Y... comme étant son « papa » et ses relations avec Monsieur Z... se seraient dégradées jusqu'à devenir inexistantes, l'enfant ne l'ayant plus vu depuis février 2017.

Ils affirment que les prérogatives d'autorité parentale doivent être en harmonie avec la réalité sociologique et affective de l'enfant.

M. Renaud Y... et Mme Chantal X... soutiennent qu'une enquête sociale et psychologique de la famille est nécessaire afin de déterminer les conséquences qui pourraient intervenir sur l'évolution de l'enfant Amélia aujourd'hui âgée de 6 ans et qui vit dans une famille où elle est totalement intégrée et l'impact que pourrait produire l'exercice d'un droit de visite sur son évolution.

Ils affirment en outre que Madame Y... subit des intrusions et un harcèlement au quotidien de la part de M Z... qui a un comportement inadapté et inquiétant.

Ils précisent que l'enfant a confié prendre le bain nu avec Monsieur Z... et dormir le soir dans le même lit que ce dernier et avoir déposé une plainte contre M. Benoît Z....

Ils affirment enfin qu'il va de l'intérêt supérieur de l'enfant Amélia de ne pas changer de nom patronymique.

Par conclusions notifiées le 4 juillet 2018, M. Benoît Z... demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en date du 8 janvier 2018 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence,

Et par voie de conséquence,

- dire que Monsieur Renaud Y... n'est pas le père biologique de l'enfant Amélia, Marie Y..., née le [...] à Aix en Provence,

- dire que Monsieur Benoît Z... est le père de l'enfant Amélia, Marie Y...,

- dire que l'enfant portera dorénavant le patronyme de Y... Z...,

- ordonner la transcription de cette décision sur les registres de l'état civil ainsi que sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant,

- dire que l'autorité parentale sur l'enfant Amélia sera exercée en commun par Madame Y... et Monsieur Z...,

- dire que Monsieur Z... pourra exercer son droit de visite deux fois par mois pendant six mois, par l'intermédiaire du Point Rencontre de LA RECAMPADO,

- rejeter toute demande de mesure d'investigations, en l'état,

- fixer à la somme de 200 euros le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation d'Amélia mise à la charge de Monsieur Benoît Z...,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

-condamner les appelants aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL MATHERON, B... & OLIVIER par application de l'article 699 code de procédure civile.

M. Benoît Z... rappelle que le point de départ de l'éventuel délai de prescription de 5 ans de l'article 333 est la naissance de l'enfant et non pas le jour de la conception de l'enfant de sorte qu'il a agi valablement le 11 octobre 2016, avant l'expiration du délai de cinq ans (le 20 juin 2017) .

Il affirme que depuis la naissance d'Amélia, la volonté de Madame X... avec laquelle il a continué à entretenir une relation jusqu'à l'été 2015 était manifestement qu'il occupe sa place de père alors qu'elle continuait à vivre avec son mari.

Il indique avoir progressivement créé un lien avec sa fille qui depuis qu'elle est en âge de parler l'appellerait « papa ».

Il soutient que dés lors que':

- même s'il a dû s'adapter à la particularité de la situation, il a traité Amélia comme sa fille depuis sa naissance';

- la famille et l'entourage de M. Z..., ainsi que Mme X... elle-même comme son mari, ont reconnu et reconnaissent Amélia comme étant la fille de M. Z...,

- Mme X... épouse Y... et Monsieur Y... ont eux-mêmes consenti à l'instauration d'un droit de visite régulier entre Amélia et son père, et même d'un droit de visite et d'hébergement.

Il affirme que la prétendue possession d'état de fille de M. Y... n'est ni complète, ni continue, ni paisible, ni publique, ni non équivoque, puisqu'Amélia dispose d'une possession d'état de fille de M. Z... depuis sa naissance.

Il relève que les pièces versées aux débats par les appelants visant à tenter de le disqualifier sont toutes postérieures au jugement dont appel en date du 8 janvier 2018.

Selon lui le tribunal a justement estimé qu'il est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant que celle-ci adjoigne au nom de Y... celui de Z..., double nom permettant de refléter ses liens de filiation avec chacun de ses parents .

De même , M. Benoît Z... soutient que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que malgré le conflit opposant ses parents, Amélia l'a bien identifié comme étant son père, qu'il a la volonté de s'investir dans la vie de sa fille et que dans l'intérêt de l'enfant, il est justifié de prévoir un exercice conjoint de l'autorité parentale.

Il rappelle enfin avoir régulièrement exercé un droit de visite depuis la naissance d'Amélia, les parties ayant toutes trois convenu depuis septembre 2016 de la mise en place d'un droit de visite et d'hébergement un week-end sur deux, ainsi que quelques jours pendant les vacances scolaires, lequel s'est régulièrement exercé pour le plus grand bonheur d'Amélia.

Il rappelle qu'aux termes de leurs conclusions en date du 3 février 2017 Madame X... épouse Y... et Monsieur Y... avaient eux-mêmes proposé l'instauration d'un droit de visite et d'hébergement un week-end sur deux du vendredi sortie des classes au dimanche 16h y compris durant les vacances scolaires et que cette demande a été régularisée.

Il ne s'explique pas pourquoi, sans aucune raison liée à l'intérêt de l'enfant , ils ont fait volte-face depuis le jugement du 16 février 2017 et s'opposent depuis lors à toute visite entre Amélia et son père.

Il s'étonne enfin que les appelants ne fassent pas état de leur plainte classée sans suite, pour attouchements déposée de parfaite mauvaise foi et par pure calomnie à son encontre après le jugement rendu par le Tribunal et avant la régularisation de ses conclusions en appel.

Par avis du 25 octobre 2018, repris à l'audience le ministère public relève que si un délai de moins de cinq ans s'est écoulé entre la naissance de l'enfant Amélia née le [...] qui a fait l'objet et d'une reconnaissance de M. Renaud Y... le 21 juin 2012 et l'assignation en contestation de paternité engagée par M. Benoît Z... le 11 octobre 2016, l'action en contestation de paternité n'a été dirigée contre les appelants uniquement en leurs qualités de représentant légaux de I'enfant, mais cette action n'a jamais été dirigée dans le délai de forclusion à l'encontre de M. Renaud Y... en sa qualité de père.

Dans ces conditions , le ministère public conclut qu'il plaise à la cour de constater l'irrecevabilité de l'action intentée par M Benoit Z... et infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 janvier 2018 le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence.

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 novembre 2018, Mme Chantal X... épouse Y... et M. Renaud Y... réitèrent leurs précédentes demandes et y ajoutant demandent à la Cour de déclarer irrecevable l'action en contestation de paternité de M. Benoît Z... en ce qu'il a omis d'attraire à la procédure M. Renaud Y... en sa qualité d'auteur de la reconnaissance de paternité de l'enfant Amélia.

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 novembre 2018, M. Benoît Z... relève que l'assignation en date du 11 octobre 2016 précise que le requérant souhaitant contester la filiation paternelle de M. Renaud Y... à l'égard de l'enfant Amélia et y substituer la sienne, il n'a d'autre choix que d'assigner les époux Y... en contestation et établissement de paternité.

Il estime que son action a bien été dirigée contre M. Renaud Y... en sa qualité d'auteur de la reconnaissance de paternité de l'enfant Amélia.

M. Benoît Z... relève également que la déclaration d'appel a été établie par Mme Chantal X... épouse Y... et M. Renaud Y... es qualité de représentants légaux de l'enfant Amélia mais aussi à titre personnel. A titre subsidiaire, il soutient donc que M. Renaud Y... a régularisé la procédure en y intervenant volontairement.

Il estime dans ces conditions son action recevable.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel par ailleurs non contestée.

Il sera donc déclaré recevable.

Sur la recevabilité de l'action de M. Benoît Z...

'

Aux termes des dispositions de l'article 332 du Code civil la'paternité'peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le'père.

Aux termes des dispositions de l'article 333 du Code civil lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses'pères'et'mère ou celui qui se prétend le'parent'véritable. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé.

Et aux termes des dispositions de l'article 333 alinéa 2 du Code civil nul ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement.

L'action en'contestation'de'paternité'doit, à peine d'irrecevabilité, être dirigée contre le'père'dont la filiation est contestée et contre l'enfant.

A titre liminaire la Cour relève que le tribunal de grande instance d'Aix en Provence dans les motifs de son jugement avant dire droit du 16 février 2017 a déclaré l'action de M. Benoît Z... recevable.

M. Benoît Z..., par acte d'huissier du 11 octobre 2016, a fait assigner M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... en contestation et en établissement de paternité.

Si la première page de l'assignation mentionne que M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... sont assignés en leur qualité de représentants légaux de l'enfant mineure Amélia Marie Y..., en page trois de l'acte, il est précisé que le requérant assigne les époux Y... en contestation et établissement de paternité.

Ainsi, l'action en contestation de paternité a bien été dirigée contre l'enfant représentée par ses représentants légaux et contre les époux Y... en leur nom personnel.

La Cour relève que M. Renaud Y..., par conclusions transmises au tribunal de grande instance le 3 février 2017 par RPVA , a fait valoir ses droits en son nom personnel puisqu'il a clairement signifié qu'il ne se considérait plus comme le père de l'enfant et a demandé que sa reconnaissance de l'enfant soit annulée.

L'absence d'ambiguïté quant à la qualité du défendeur ressort également de la déclaration d'appel qui mentionne en qualité d'appelants, M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... en leurs qualités de représentants légaux de l'enfant Amélia et en leurs noms personnels, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article 554 du code de procédure civile peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Ainsi, l'action en contestation de paternité de M. Benoît Z... dirigée contre le'père'dont la filiation est contestée et contre l'enfant, doit être déclarée recevable.

Sur la prescription de l'action de M. Benoît Z...

M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... soutiennent à tort que pour déterminer le point de départ du délai de l'action en contestation de paternité en tenant compte de la possession d'état, la grossesse de la mère doit être prise en compte dès que le père légitime démontre par son comportement avoir à l'égard de l'enfant à naître une possession d'état paisible et sans ambiguïté constituée avant la reconnaissance.

En effet, la'possession'd'état'd'enfant légitime ne peut avoir pour'point de'départ'la date de'conception'de l'enfant. La légitimité d'un enfant ne peut pas être discutée avant sa naissance, pendant la phase de gestation, il n'y a pas d'état'à contester car il n y a pas encore d'état'et par voie de conséquence, une'possession'd'état'ne peut encore exister. En outre, les caractères de la possession'd'état, le nom, le traitement, la reconnaissance, impliquent que l'enfant soit né.

Toutes les actions relatives à la filiation ont comme'point'de'départ'la'naissance'et'non'la conception de l'enfant et c'est donc à juste titre que le tribunal de grande instance d' Aix en Provence a dit que M. Benoît Z... a agi valablement le 11 octobre 2016, avant l'expiration du délai de cinq ans (le 20 juin 2017) et, a fortiori, de celui de dix ans, s'il était établi que la possession d'état d'enfant de M. Renaud Y... n'avait pas était continue, paisible et publique durant cinq ans.

Sur la filiation

Par application des dispositions de l'article 332 du Code civil, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père.

Le rapport d'expertise génétique de l'IGNA est explicite et M. Renaud Y... reconnaît ne pas être le père de l'enfant.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il dit que M. Renaud Y... n'est pas le père biologique de l'enfant Amélia, Marie Y..., née le [...] à Aix-en-Provence et que Monsieur Benoît Z..., est le père de l'enfant.

Sur les conséquences de l'action aux fins de filiation

Aux termes de l'article 332 du code civil, lorsqu'une action aux fins de filiation est exercée , le tribunal statue, s'il y a lieu, sur l'exercice de l'autorité parentale, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et l'attribution du nom.

Sur l'autorité parentale

L'article 372 du code civil prévoit pour constater que l'autorité parentale à l'égard de l'enfant s'exerce en commun, que les deux parents l'aient reconnu dans l'année qui suit sa naissance et que lorsque la filiation est établie à l'égard d'un des parents plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale.

L'autorité parentale peut néanmoins être exercée en commun sur décision du juge aux affaires familiales.

La loi pose comme principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale, l'exercice à titre exclusif par l'un des deux parents devant rester l'exception.

En l'espèce, la mère sollicite une autorité parentale exclusive en indiquant qu'elle exerce avec M. Renaud Y... l'autorité parentale et que compte tenu du comportement de M. Benoît Z... à son égard et à l'égard de l'enfant, il serait contraire à l'intérêt de l'enfant qu'il exerce les prérogatives de l'autorité parentale.

Toutefois Mme Chantal X... épouse Y... ne démontre aucun élément grave justifiant d'un exercice exclusif de l'autorité parentale.

En effet, il ressort des pièces du dossier que M. Benoît Z... s'est impliqué dans la vie de l'enfant depuis sa naissance qui été présentée par Mme Chantal X... épouse Y... comme étant sa fille ainsi qu'en atteste Mme C... et M D....

Contrairement à ce que soutient M. Renaud Y..., Amélia identifie M. Benoît Z... comme étant son père. Les photographies versées au dossier montrent qu'il a avec elle un comportement attentif et affectueux, l'enfant étant familière et heureuse avec lui ( attestation de M. E...) et M. F... atteste de la complicité entre le père et l'enfant qui l'appelle «'papa'» (attestations de M G... et de Mme H...).

Dans ces conditions, le tribunal qui a relevé que M. Benoît Z... avait la volonté de s'investir dans la vie de sa fille, a justement estimé que malgré le conflit opposant les parents, il était de l'intérêt de l'enfant de prévoir que l'autorité parentale sera exercée en commun par M. Benoît Z... et Mme Chantal X... épouse Y....

Le jugement déféré sera donc confirmé également de ce chef, de même que la résidence de l'enfant fixée chez la mère en accord avec les parties.

Sur le droit de visite et d'hébergement

L'article 373-2 du code civil dispose que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent.

Aux termes de leurs conclusions en première instance en date du 3 février 2017, M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... proposaient l'instauration d'un droit de visite et d'hébergement pour le père, une fin de semaine sur deux conformément à la pratique mise en 'uvre.

M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... qui ont d'initiative suspendu les rencontres entre Amélia et son père aux motifs non démontrés que leur relation s'était dégradée et que M. Benoît Z... avait un comportement inquiétant, estiment qu'une enquête sociale et psychologique de la famille est nécessaire afin de déterminer les conséquences qui pourraient intervenir sur l'évolution de l'enfant Amélia aujourd'hui âgée de 6 ans et qui vit dans une famille où elle est totalement intégrée et où elle a sa place et de l'impact que pourrait produire l'exercice d'un droit de visite sur son évolution.

Le tribunal a relevé que la procédure avait eu une incidence sur le comportement de l'enfant, qui malgré son jeune âge avait compris que l'attachement qu'elle porte à Z... était susceptible d'avoir une incidence sur la famille avec laquelle elle vit et dont elle a craint d'être séparée.

Le tribunal notait que les défendeurs avaient réagi en faisant suivre cette enfant par un pédopsychiatre.

M. Benoît Z..., qui a constaté qu'il ne parvenait plus à voir sa fille régulièrement depuis la décision rendue en février 2017 et conscient de la nécessaire reprise progressive de sa relation avec Amélia, sollicite que son droit de visite dans un point rencontre pendant six mois tel que fixé par le jugement déféré soit confirmé.

Sans qu'il y ait lieu à mesure d'instruction, les modalités fixées par le jugement déféré pour le droit de visite de M. Benoît Z... sont conformes à l'intérêt de l'enfant et il convient donc de les confirmer.

Sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant

En accord avec les parties, le jugement déféré fixant à 200 euros la contribution de M. Benoît Z... à l'entretien et l'éducation de l'enfant doit être confirmée.

Sur le nom

Il est de principe que l'annulation'de la reconnaissance'entraîne le changement de'patronyme'de l'enfant

Il est établi que M. Benoît Z... a entretenu une relation avec l'enfant dés les premières années de sa vie et qu'il a été présenté par Mme Chantal X... épouse Y... comme étant son père.

ll est de l'intérêt de l'enfant de porter le'nom'de son père et non seulement celui du mari de la mère qui n'est pas son père.

C'est donc à juste titre que le tribunal de grande instance a retenu qu'il était conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant que celle-ci adjoigne au nom de Y... celui de Z..., double nom permettant de refléter ses liens de filiation avec chacun de ses parents.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

Sur les dépens

M. Renaud Y... et Mme Chantal X... épouse Y... qui succombent en leurs prétentions seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Après débats en chambre du conseil, après en avoir délibéré, par arrêt rendu contradictoirement, publiquement,

Reçoit l'appel,

Déclare l'action en contestation de paternité de M. Benoît Z... recevable';

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 8 janvier 2018 du tribunal de grande instance d'Aix en Provence';

Condamne Mme Chantal X... épouse Y... et M. Renaud Y... aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 18/02666
Date de la décision : 10/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°18/02666 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-10;18.02666 ?
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