COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 13 DECEMBRE 2018
N°2018/615
Rôle N° RG 17/19966 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBN5S
Société LA VIUDA DE RAFAEL ESTEVAN GIMENEZ SL
C/
SARL AXIOM
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me TOLLINCHI
Me CHERFILS
Arrêt en date du 13 Décembre 2018 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 13 septembre 2017, qui a cassé et annulé l'arrêt n°265 rendu le 4 juin 2015 par la Cour d'Appel de NIMES (2°Chambre B).
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
Société LA VIUDA DE RAFAEL ESTEVAN GIMENEZ SL société de droit espagnole, poursuites et diligences de son représentant légal,
dont le siège social est [Adresse 1])
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Stéphanie SIMON, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
SARL AXIOM prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Claude GRAVIER, avocat au barreau de l'ARDECHE, substituant Me Elvire GRAVIER, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Président de chambre, et Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Valérie GERARD, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte sous seing privé du 1er janvier 2004, la société de droit espagnol La Viuda de Rafael Estevan Gimenez SL (la société La Viuda) a confié à la SARL Axiom un contrat d'agent commercial en vue de la commercialisation de ses produits.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2011, la société de droit espagnol La Viuda de Rafael Estevan a mis fin au contrat d'agent commercial à effet du 31 octobre 2011.
La SARL Axiom a fait assigner la société la Viuda devant le tribunal de commerce d'Aubenas en paiement de commissions et indemnités dues au titre de la rupture contractuelle.
Par jugement du 19 novembre 2013, le tribunal de commerce d'Aubenas a statué en ces termes :
- se déclare compétent pour l'ensemble des demandes de l'EURL Axiom et déclare ladite société recevable et bien fondée,
- constate que la société Modalum Paredec SL doit être mise hors de cause,
- dit que les pièces 30 et 31 produites par l'EURL Axiom doivent être écartées des débats,
- condamne La Vidua De Rafael Estevan Gimenez SL à payer à l'EURL Axiom les sommes de :
- cent-huit-mille-cinq-cent-quatre-vingt-treize euros et quatre-vingt-treize centimes (108 593,93 €), au titre du solde impayé des commissions du troisième trimestre 2011 et du mois d'octobre 2011,
- neuf-cent-cinquante-trois-mille-vingt-six euros (953 026 €) au titre de l'indemnité de fin de contrat représentant deux années de commission,
- condamne la Vidua De Rafael Estevan Gimenez SL à payer à l'EURL Axiom les commissions d'après fin du contrat pendant une année, sur le chiffre d'affaires réalisé en France durant ladite année,
- déboute l'EURL Axiom de sa demande en paiement de la somme de 476 513 € au titre de l'article 11 du contrat du 01/01/04,
- déboute l'EURL Axiom de sa demande de dommages et intérêts, la rupture du contrat n'étant pas abusive.
- fait reste de droit à l'EURL Axiom en condamnant La Vidua De Rafael Estevan Gimenez SL à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,
- dit que les dépens de l'instance seront partagés entre les parties.
Sur l'appel interjeté par la société La Viuda, la cour d'appel de Nîmes, par arrêt du 4 juin 2015, a statué en ces termes :
- dit sans fondement la demande de nullité du jugement entrepris formulée par la société La Vida De Rafael Estevan Gimenez SL,
- con'rme le jugement entrepris sur la compétence des juridictions françaises,
- confirme le jugement entrepris sur le retrait des débats des pièces 30 et 31 produites par l'EURL Axiom,
- confirme le jugement entrepris sur le principe et le quantum des condamnations à l'encontre de La Vida De Rafael Estevan Gimenez SL au profit de l'E.U.R.L Axiom ,
Y ajoutant, condamne la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez SL à payer à l'E.U.R.L Axiom la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez SL aux dépens de première instance et aux dépens d'appel,
- déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions.
La société La Viuda a formé un pourvoi et par arrêt du 13 septembre 2017, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de Cassation a cassé et annulé mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société La Viuda de Rafael Estevan Gimenez SL à payer à la société Axiom la somme de 108 593,93 euros, au titre du solde impayé des commissions du troisième trimestre 2011 et du mois d'octobre 2011, et statue sur l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l'arrêt rendu le 4 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix en Provence.
La société La Viuda a saisi la cour de renvoi le 6 novembre 2017.
Par conclusions du 27 mars 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société La Viuda demande à la cour de :
- dire et juger que la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez a intégralement payé à la société Axiom les commissions dues au titre du 3ème trimestre 2011 ainsi qu'au titre du mois d'octobre 2011,
- dire et juger que la société Axiom est mal fondée à réclamer à la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez une quelconque somme additionnelle au titre des périodes susvisées,
Par conséquent;
- réformer le jugement du tribunal de commerce d'Aubenas en date du 19 novembre 2013 en ce qu'il a condamné la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez à payer à la société Axiom la somme de 108.593,93 euros au titre des commissions du 3ème trimestre 2011 et du mois d'octobre 2011 ;
- condamner la société Axiom à payer à la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez la somme de 108.593,93 euros en remboursement des commissions versées indûment par la société à la société Axiom au titre des commissions litigieuses,
En toute hypothèse,
- condamner la société Axiom à verser à La Viuda De Rafael Estevan Gimenez la somme de 5000 euros au titre du remboursement d'une partie de l'article 700 à laquelle cette dernière a été condamnée en première instance et condamner la société Axiom à verser à la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente instance.
- la condamner de même aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 23 mars 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL Axiom demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Aubenas du 19 novembre 2013 en ce qu'il a condamné la Société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez à payer à la Société Axiom la somme de 108 593,93 € au titre des commissions du troisième trimestre 2011 et du mois d'octobre 2011 ;
- rejeter les demandes de la société La Viuda, sauf celle consistant à être condamnée à 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure, la société Axiom s'en remettant sur ce point à l'appréciation de la Cour de céans ;
- condamner la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez à payer à la société Axiom la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société La Viuda De Rafael Estevan Gimenez aux entiers dépens de la procédure, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est rappelé que seul est en discussion devant la cour le montant d'un arriéré de commissions dues pour le troisième trimestre 2011 et le mois d'octobre 2011 d'un montant de 108 593,93 euros.
La société La Viuda énonce en premier lieu que la société Axiom a d'abord émis une facture du 16 janvier 2012 intitulée « régularisation commissions 3T/2011 et commissions octobre 2011 » d'un montant de 127 069,48 euros, montant réduit en cours d'instance à la somme de 108 598,93 euros. Elle fait valoir en second lieu qu'elle s'est acquittée de cette somme à hauteur de 113 363,25 euros résultant de la facture émise le 10 novembre 2011 à hauteur de 79 892,70 euros au titre des commissions du troisième trimestre et d'une facture émise le 29 novembre 2011 au titre des commissions d'octobre 2011 pour un montant de 33 470,55 euros. Elle en déduit que la facture de régularisation n'a pas lieu d'être.
La SARL Axiom réplique que la société La Viuda n'a procédé qu'à un règlement partiel des commissions, que les pièces 8 et 9 de La Viuda ne constituent qu'une facturation partielle desdites commissions et que sa pièce 13 ne correspond qu'à une validation par Axiom d'un état partiel des commissions pour le mois d'octobre 2011. Elle soutient que pendant la période de préavis, la société La Viuda ne lui communiquait plus le montant de ses commissions et qu'elle a donc dû émettre une facture sur les prises de commande des clients.
Le contrat d'agent commercial stipule à l'article 9-4 : « le mandant remettra à l'agent un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois au cours duquel elles ont été acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé. Conformément à l'article 9 de la loi du 25 juin 1991, la commission est payée au plus tard le dernier jour du mois au cours duquel elle a été acquise ».
Il résulte des pièces produites aux débats que le 10 novembre 2011, la SARL Axiom a émis une facture pour les commissions du 3ème trimestre 2011 d'un montant de 79 892,70 euros (pièce 8 de l'appelante) puis une facture pour les commissions du mois d'octobre 2011 d'un montant de 33 470,55 émise le 29 novembre 2011. Ces deux documents, ne font pas état de provisions sur les commissions ainsi facturées.
Par courrier électronique du 28 novembre 2011 (pièce 13 de l'appelante), la SARL Axiom avait indiqué d'une part « je valide le dossier des commissions Axiom du mois d'octobre » et d'autre part « nous sommes toujours en attente de virement de la facture précédente du 3ème trimestre », étant précisé que ce courrier est une réponse à celui adressé par la société la Viuda le 25 novembre 2011 dans lequel elle « transmet le dossier pour le mois d'octobre » signifiant clairement qu'il s'agissait de la transmission des documents relatifs au calcul des commissions pour la dite période.
Dans son courrier électronique du 23 novembre 2011 (pièce 12 de l'appelante), le représentant de la SARL Axiom dit être toujours dans l'attente du règlement des commissions, mais n'évoque nullement le caractère provisionnel de celles-ci.
La preuve du paiement du montant de ces deux factures est rapportée par la pièce 10-1, laquelle établit que l'intégralité du montant des deux factures a été réglée par virements des 30 novembre et 29 décembre 2011, 20 janvier et 20 février 2012.
Il en résulte que, conformément aux dispositions contractuelles, lesquelles ne prévoient pas un règlement provisionnel, mais l'établissement des commissions sur la justification du relevé fourni à l'agent commercial, les factures ont bien été établies de manière définitive, conformément aux dispositions contractuelles.
L'établissement le 16 janvier 2012 d'une facture de « régularisation des commissions du 3ème trimestre 2011 et des commissions d'octobre 2011 » d'un montant de 127 069,48 euros, à laquelle succède une facture du 20 janvier 2012 comprenant les mentions suivantes : régularisations commissions 3ème trimestre 2011 et commissions octobre 2011 : 156 217,60 € et 65 744,58 €, sommes desquelles sont déduits les montants figurant sur les deux factures précitées des 10 et 29 novembre 2011 n'a aucune cohérence. En effet, il y figure également, en négatif, la somme de 127 039,48 € qui n'est pas le résultat de l'opération (156 217,60 +65 744,5) ' (79 892,70 + 33 470,55) ce qui rend ces deux factures non probantes.
Par ailleurs, le listing des opérations à partir duquel la SARL Axiom soutient qu'elle a calculé le montant réel de ses commissions, ne peut pas être retenu par la cour en l'état d'une part, des termes très clairs employés par la SARL Axiom dans les courriels susvisés, de l'absence de tout échange entre les parties sur ce listing, ce qui est pour le moins étonnant, et d'autre part, de l'absence totale d'élément pouvant rattacher ces listes à des commandes effectivement passées par la SARL Axiom pour la période considérée. Il est rappelé à cet égard que l'argumentation de la SARL Axiom selon laquelle il serait établi que le document provient de la société La Viuda à raison de la présence de caractères pouvant uniquement être obtenus sur un clavier espagnol, comme le n tildé (ñ Ñ), manque totalement en fait, ce caractère spécial pouvant être obtenu, sur n'importe quel clavier en composant le code ASCII ou Unicode correspondant. La cour observe enfin qu'en fin de ce listing figurent des numéros de factures censés reprendre le montant des commissions dues à l'intimée qui n'ont pas été produites aux débats, la SARL Axiom n'ayant produit que les factures récapitulatives des 16 et 20 janvier 2012.
En l'état de l'ensemble de ces éléments et des paiements déjà intervenus, le jugement du tribunal de commerce d'Aubenas du 19 novembre 2013 est réformé en ce qu'il a condamné la société de droit espagnol La Viuda à payer la somme de 108 593,93 euros et la SARL Axiom déboutée de ce chef.
La société La Viuda demande que soit ordonnée la restitution de la somme de 108 593,93 euros qu'elle a dû verser à la SARL Axiom, cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées porteront intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
La SARL Axiom qui succombe en appel est condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de deux mille euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Aubenas du 19 novembre 2013 en ce qu'il a condamné la société de droit espagnol La Vidua De Rafael Estevan Gimenez SL à payer à la SARL Axiom la somme de cent-huit-mille-cinq-cent-quatre-vingt-treize euros et quatre-vingt-treize centimes (108 593,93 €), au titre du solde impayé des commissions du troisième trimestre 2011 et du mois d'octobre 2011,
Statuant à nouveau,
Déboute la SARL Axiom de ses demandes au titre des commissions du troisième trimestre 2011 et d'octobre 2011,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution formée par la société de droit espagnol La Vidua De Rafael Estevan Gimenez SL,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL Axiom à payer à la société de droit espagnol La Vidua De Rafael Estevan Gimenez SL la somme de deux mille euros,
Condamne la SARL Axiom aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT