COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 DECEMBRE 2018
N° 2018/ 497
Rôle N° 17/14506
MATMUT
C/
[V] [Q]
CPAM [Localité 1]
Mutuelle UNEO MONTROUGE
CRAMIF
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Etienne DE VILLEPIN
Me Isabelle FICI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 22 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02790.
APPELANTE
MATMUT,
dont le siège social est : [Adresse 1]
représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
Madame [V] [Q] née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Thierry CABELLO de la SELARL CABELLO ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Stéphanie ESTIVALS, avocat au barreau de TOULON, Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
dont le siège social est : [Adresse 3]
défaillante
MUTUELLE UNEO MONTROUGE
dont le siège social est : [Adresse 4]
défaillante
CRAMIF
dont le siège social est : [Adresse 5]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier GOURSAUD, Président
Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller
Madame Anne VELLA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018,
Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 5 novembre 2012, Mme [V] [Q], née le [Date naissance 1] 1970, a été victime d'un accident de circulation alors qu'elle était passagère du véhicule conduit par son compagnon, M. [S], assuré auprès de la Matmut.
Le docteur [I] a été désigné dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable. Il a établi son rapport le 25 février 2014 en concluant notamment à une consolidation acquise au 1er janvier 2014 et en fixant le taux de déficit fonctionnel permanent à 22 %.
Par ordonnance de référé du 8 décembre 2015, une provision de 40'000€ a été allouée à Mme [Q].
Selon actes des 21 et 22 avril 2016, Mme [Q] a fait assigner la Matmut devant le tribunal de grande instance de Toulon, pour la voir condamner à l'indemniser de ses préjudices corporels et ce, en présence de la Cpam [Localité 1], de la mutuelle Uneo Montrouge et de la Cramif.
Par jugement du 22 juin 2017, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a :
- déclaré le jugement commun à la Cpam [Localité 1], et fixé sa créance à la somme de 217'524,30€ ;
- condamné la Matmut à payer à Mme [Q] la somme de 323'079,30€, en deniers ou quittances, en réparation de son préjudice ;
- dit que cette somme produira intérêts au double du taux légal à compter du 1er septembre 2014 jusqu'au jour du présent jugement devenu définitif sur la somme de 540'603,60€ ;
- fait droit à la demande formulée par Mme [Q] sur le fondement de l'article 1154 du code civil pour les intérêts dus pour au moins une année entière ;
- débouté Mme [Q] du surplus de ses demandes indemnitaires ;
- condamné la Matmut à payer à Mme [Q] la somme de 1300€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction.
Après avoir constaté que le droit à indemnisation intégrale de Mme [Q] n'est pas contesté, le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
- dépenses de santé actuelles : 29'986,17€, dont 29'843,21€ pris en charge par la Cpam [Localité 1] au titre des prestations en nature, et 142,96€ restés à la charge de la victime et non contestés,
- frais de déplacement : 133,30€, non contestés
- assistance par tierce personne temporaire : un besoin hebdomadaire de 3 heures d'aide humaine du 7 novembre 2012 au 1er janvier 2014, sur la base d'un coût horaire de 16€ soit la somme de 2868€ offerte par le tiers responsable,
- perte de gains professionnels actuels : 29'720,89€, dont 13'877,22€ versés au titre des indemnités journalières, soit une somme de 15'843,67€ revenant à la victime,
- perte de gains professionnels futurs :
* pour la période échue entre le 1er janvier 2014 le 31 mai 2017, en retenant une réduction de deux tiers des capacités de travail, soit 2112,88€ x 30 mois x 2/3 : la somme de 42'257,60€,
* pour la période échoir sur la base d'une capitalisation jusqu'à l'âge de 67 ans : 25.354,56€ x 2/3 x 17,42 la somme de 294'535,48€,
et au total celle de 336'793,08€ dont il convient de déduire le capital de la pension d'invalidité versée par la Cpam [Localité 1] pour 73'803,87€, et donc la somme de 162'989,21€ revenant à la victime,
- assistance par tierce personne permanente : l'expert a retenu un besoin d'une heure par semaine à titre viager, soit sur la base d'un coût horaire de 16€
* pour la période échue du 1er janvier 2014 au 31 mai 2017, la somme de 2624€,
* pour la période à échoir, la somme de 25'692,16€,
et au total celle de 28'316,16€,
- incidence professionnelle : 50'000€ intégrant la perte du montant de ses pensions de retraite en raison de l'accident,
- déficit fonctionnel temporaire : sur une base mensuelle de 800€ la somme de 4286€
- souffrances endurées 4/7 : 12'000€
- déficit fonctionnel permanent 22 % : 49'500€
- préjudice d'agrément permanent : 10'000€
- préjudice esthétique 2/7 : 4000€
- préjudice sexuel positionnel : 3000€.
Pour faire droit à la demande du doublement des intérêts au taux légal, le tribunal a relevé que l'expert avait rendu son rapport le 1er mars 2014, que la première proposition d'indemnisation de la Matmut était intervenue le 19 décembre 2014, et qu'elle était donc tardive. Il a ordonné le doublement de ces intérêts au taux légal sur la somme de 540'603,60€, correspondant à la somme allouée par la juridiction.
Par acte du 26 juillet 2017, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Matmut a interjeté appel général de cette décision.
Par ordonnance du 15 septembre 2017, le président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fait droit à la demande de la Matmut d'aménagement de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 121 du code de procédure civile en l'autorisant à consigner la somme de 200'000€ dans l'attente de la décision à venir de la cour d'appel statuant au fond.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions du 11 octobre 2018, la Matmut demande à la cour de :
' liquider le préjudice de Mme [Q] de la façon suivante :
- dépenses de santé actuelles : 142,96€
- assistance par tierce personne temporaire : 2868€
- frais de déplacement : 133,30€
- perte de gains professionnels actuels : 15'843,67€
- perte de gains professionnels futurs : 50.749,68€ avant imputation de la créance des tiers payeurs, soit aucune somme ne revenant à la victime
- incidence professionnelle : 30.000€ avant imputation de la créance des tiers payeurs, soit aucune somme ne revenant à la victime
- assistance par tierce personne permanente : 24'108,48€
- déficit fonctionnel temporaire : 4286€
- souffrances endurées : 12'000€
- déficit fonctionnel permanent : 49.500€ avant imputation de la créance des tiers payeurs, soit aucune somme ne revenant à la victime
- préjudice d'agrément : 2000€
- préjudice sexuel : 3000€
soit au total intérêts inclus, la somme de 63'382,41€, sous déduction de la provision de 141'416,30€, et donc un trop-perçu de 77.033,89€,
' ordonner la restitution à son profit par Mme [Q] des sommes trop-perçues à hauteur de 77'033,89€,
' débouter Mme [Q] de ses demandes plus amples ou contraires et la condamner à lui verser la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle s'oppose à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs telle qu'arbitrée par le premier juge au motif que l'expert judiciaire n'a jamais évoqué une impossibilité pour la victime de reprendre une activité professionnelle mais a simplement indiqué la nécessité d'un siège ergonomique. Mme [Q] est parfaitement apte à la reprise de son activité professionnelle sans aménagement quelconque s'agissant du temps de travail. C'est à tort que le premier juge s'est calqué sur la décision de la Cpam [Localité 1] d'allouer à la victime une pension d'invalidité, pour chiffrer la perte de gains professionnels futurs. La notion d'invalidité telle que la sécurité sociale la conçoit, ne doit pas être confondue avec celle d'inaptitude. D'ailleurs le médecin du travail l'a déclarée apte avec une reprise à temps partiel et un réexamen un an plus tard. En l'espèce l'arrêt total des activités relève purement et simplement d'un choix personnel de la victime qui a sollicité un congé sabbatique.
Devant la cour elle formule à nouveau une proposition sur l'indemnisation des frais de formation sur une période de 24 mois à raison de 2114,57€ soit la somme de 50'749,68€. Sur ce montant il convient d'imputer la créance de la caisse soit la somme de 173'803,87€ et donc aucune somme ne revenant à la victime,
Elle propose la somme de 30'000€ venant indemniser l'incidence professionnelle au titre d'une certaine pénibilité dans l'exercice de son activité professionnelle. De ce montant il convient de déduire le solde de la créance de la Cpam, soit 123'050,19€ de telle sorte qu'aucune somme ne revient à la victime.
L'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent évalué par le premier juge à 49'500€ doit être confirmé, et de cette somme doit être déduit le reliquat de la créance de la Cpam, soit 93'054,19€ de telle sorte que là encore, aucune somme ne revient à la victime.
Elle soutient que si la sanction du doublement du taux légal doit intervenir en raison de son offre d'indemnisation tardive formulée le 19 décembre 2014, en revanche l'assiette de cette condamnation correspond aux sommes offertes à cette date, créances des organismes inclus. L'offre ainsi formulée, n'est pas manifestement insuffisante.
Dans ses conclusions du 17 septembre 2018, Mme [Q] demande à la cour de :
' la recevoir en son appel incident ;
' confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle doit être indemnisée de l'ensemble de ses préjudices ;
' confirmer le jugement sur les postes suivants :
- dépenses de santé actuelles : 142,96€
- frais de déplacement : 133,30€
- assistance par tierce personne temporaire : 2868€
- déficit fonctionnel permanent 22 % : 49'500€
- préjudice esthétique 2/7 : 4000€
- préjudice d'agrément : 10'000€
- article 700 du code de procédure civile : 1300€, outre les entiers dépens de première instance,
' le réformer pour le surplus et statuant à nouveau, condamner la Matmut à lui verser les sommes suivantes :
- perte de gains professionnels actuels : 20'701,32€
- perte de gains professionnels futurs : 501'597,76€
- incidence professionnelle : 116'376€
- assistance par tierce personne permanente : 43'123,84€
- déficit fonctionnel temporaire : 5291,65€
- souffrances endurées 4/7 : 20'000€
- préjudice sexuel : 10'000€
' condamner la Matmut au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil.
Sur la perte de gains professionnels actuels, elle fait valoir qu'elle a été en arrêt de travail du 5 novembre 2012 au 1er janvier 2014 et qu'elle a perçu au cours de cette période des indemnités journalières de 13'817,22€. Cet arrêt est médicalement justifié. Elle demande à la cour de tenir compte de ses salaires mensuels moyens y compris le 13e mois. Ces salaires étant calculés en net, il convient de déduire des indemnités journalières calculées en brut, le montant de la CSG et de la CRDS soit le préjudice financier suivant : (2458,19€ x 422/30) - 13.877,22€ = 20'701,32€.
Elle sollicite l'application de la table publiée à la Gazette du Palais en 2017.
Elle fait valoir que la sécurité sociale a apprécié la gravité des séquelles en estimant que sa capacité de travail était obérée des deux tiers. Même si la décision de la sécurité sociale peut tenir compte d'un état antérieur de la victime, il est de jurisprudence constante que lorsque l'accident n'a pas eu seulement pour effet d'aggraver une incapacité antérieure mais a transformé radicalement la nature de l'invalidité préexistante, il s'ensuit que la victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice. Toutefois, l'expert de la Matmut a bien noté dans son rapport qu'il n'y a aucun état antérieur. Elle expose qu'elle était chargée de communication et de marketing alors que ce métier nécessite une présence importante et très active ainsi qu'une disponibilité toute la journée. Elle ne peut donc plus exercer ce métier, ni tout autre métier nécessitant une station debout ou assise prolongée. Il est exact qu'à la suite de son arrêt de travail, elle a souhaité prendre un congé sabbatique pendant un an. Il n'est pas discutable que les conditions de sa reprise étaient celles d'un emploi à temps partiel. Mal conseillé elle a accepté une rupture conventionnelle le 15 octobre 2014 plutôt qu'un licenciement pour inaptitude. A ce jour, elle a peu de chance de retrouver un emploi compte tenu de son invalidité. Elle est toujours inscrite à pôle emploi. Elle chiffre le montant de son revenu annuel minimum à la somme de 29'498,22€ dont elle sollicite la revalorisation. Sa perte est égale à 248'433,12€ jusqu'au 31 octobre 2018. Pour la période future, elle demande la capitalisation de cette perte soit la somme de 570'290,30€ et donc au total celle de 718'723,42€, sur laquelle doit être déduit le montant de la pension d'invalidité à hauteur de 217'125,66€ et donc 501'597,76€ lui revenant.
Elle demande à la cour une incidence professionnelle au titre de la perte prévisible sur ses droits à la retraite. Elle expose qu'elle aurait pu percevoir environ 1250 € par mois, alors que la perte de pension de retraite peut être fixée à 500€ soit une somme de 6000€ par an dont elle demande la capitalisation viagère pour une femme de 67 ans et donc la somme de 107'376€.
Elle sollicite l'indemnisation de l'assistance par tierce personne permanente sur la base d'un coût horaire de 20€ et celle du déficit fonctionnel temporaire sur une base mensuelle de 1000€.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de dire que le montant qui lui sera allouée produira intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er août 2014 jusqu'au jour de l'arrêt définitif, sur l'ensemble des dommages intérêts avant imputation de la créance des organismes sociaux et avec capitalisation des intérêts.
La Cpam [Localité 1], assignée par la Matmut, par acte d'huissier du 23 octobre 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 13 novembre 2017 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 244'675,94€, correspondant à:
- des prestations en nature : 29'843,21€
- des indemnités journalières versées du 9 novembre 2012 au 30 avril 2013, puis du 1er juin 2013 au 3 novembre 2013 : 13'877,22€
- le capital représentatif de la pension d'invalidité au 1er janvier 2014 : 200.955,51€.
L'organisme CRAMIF, assignée par la Matmut, par acte d'huissier du 23 octobre 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 8 novembre 2017 elle a fait connaître le montant de ses débours pour 217'125,66€, correspondant :
- aux arrérages d'une pension d'invalidité versée du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2017 : 46'410,51€,
- au capital représentatif de la pension à échoir au 1er novembre 2017 : 170'715,15€.
La mutuelle UNEO Montrouge, assignée par la Matmut, par acte d'huissier du 23 octobre 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 9 janvier 2018 elle a fait savoir à la cour, que Mme [Q] n'a été adhérente qu'à partir du 1er février 2014 de telle sorte qu'aucune prestation en relation avec l'accident du 5 décembre 2012 n'est réclamée à la partie adverse.
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel porte sur l'évaluation du préjudice corporel, et sur le doublement des intérêts au taux légal.
L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 28 novembre 2017, taux d'intérêt 0,5%, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, et dont Mme [Q] demande l'application.
Sur le préjudice corporel
L'expert, le docteur [E] [I], indique que Mme [Q] a présenté une fracture comminutive de L3, ayant nécessité deux interventions chirurgicales et qu'elle conserve comme séquelles un syndrome rachidien très net sans déficit moteur
Il conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 5 novembre 2012 au 7 décembre 2012 (32j)
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75% du 8 décembre 2012 au 29 janvier 2013
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% du 30 janvier 2013 au 15 février 2013
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25% du 16 février 2013 au 1er janvier 2014
- une consolidation au 1er janvier 2014
- des souffrances endurées de 4/7
- un déficit fonctionnel permanent de 22%
- un préjudice esthétique permanent de 2/7
- un préjudice d'agrément sur les activités sportives antérieures sauf la natation qui a été reprise, ainsi que du pilate,
- un préjudice sexuel : douleurs positionnelles
- un besoin d'assistance de tierce personne de 3 heures par semaine jusqu'à la consolidation, et 1h par semaine à titre viager
- activité professionnelle : elle a été mise en catégorie n° 2 mais pourrait reprendre une activité sédentaire avec un siège ergonomique.
Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1970, de son activité de chargée de communication et de marketing, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles 29.986,17€
Ce poste correspond aux
- frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie, massages pris en charge par la Cpam soit la somme de 29'843,21€
- frais restés à la charge de la victime soit la somme de 142,96€, somme fixée par le premier juge e qui n'est contestée par aucune des deux parties
- Frais divers133,30€
Ils sont représentés par les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales. Les parties s'accordent sur le montant de 133,30€ alloué par le premier juge.
- Perte de gains professionnels actuels30.689,66€
Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.
Au vu de ses bulletins de salaire versés aux débats, Mme [Q] a perçu un salaire net imposable de 22.185,38€ du 1er janvier au 31 octobre 2012, soit un montant mensuel moyen net imposable de 2.218,53€. Ces montants incluent la CSG déductible, la CSG non déductible et la CRDS et ils doivent servir de base pour évaluer la perte de gains professionnels actuels. Pour respecter le parallélisme des montants, seront déduites les indemnités journalières versées par le tiers payeur, CSG et CRDS, incluses. En conséquence le calcul auquel Mme [Q] demande à la cour de procéder est inopérant.
Sa perte de gains s'établit pour les arrêts d'activité professionnelle retenus par l'expert du 5 novembre 2012 au 1er janvier 2014, soit sur 13 mois et 25 jours à la somme de 30.689,66€ (2.218,53€ x 13 m + 2.218,53€/30j x 25j) 28.840,89€ + 1848,77€
Des indemnités journalières ont été versées du 9 novembre 2012 au 30 avril 2013, puis du 1er juin 2013 au 3 novembre 2013 par la Cpam pour un montant de 13.877,22€ qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 16.812,44€.
- Assistance de tierce personne temporaire2868€
Les parties s'accordent sur la somme de 2868€ allouée par le premier juge.
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Perte de gains professionnels futurs150.749,68€
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
Au titre de la perte de gains professionnels futurs, la Matmut a offert d'indemniser Mme [Q] des frais de formation qu'elle a engagés en vue de la mise en marche d'une nouvelle activité soit sur une période de 24 mois, la somme de 50.749,68€. Il convient de retenir cette offre et d'allouer cette somme à Mme [Q].
Au jour de l'accident Mme [Q] occupait un emploi de chargée de communication et de marketing dans la société RPA Process, qui l'avait embauchée le 5 avril 2011. Alors qu'elle devait reprendre son activité le 1er janvier 2014, elle a pris un congé sabbatique pour convenance personnelle jusqu'au 15 octobre 2014, date à laquelle elle a signé une rupture conventionnelle de son contrat de travail, pour des motifs qui ne sont pas exposés. Ce faisant, la perte de cet emploi ne peut être considérée comme imputable de manière directe et certaine à son état de santé, d'autant que l'expert, qui a pris en compte l'invalidité retenue par la médecine du travail puis par la sécurité sociale, a estimé qu'elle était apte à reprendre une activité sédentaire si un fauteuil ergonomique était mis à sa disposition. Il n'y a donc pas d'impossibilité à la reprise d'une activité professionnelle dans des conditions d'aménagement tout à fait réalisables.
Toutefois qu'elle ait été victime d'un accident ou en parfaite santé, Mme [Q] disposait de sa liberté de continuer ou pas une relation professionnelle tout comme cette faculté appartient aussi à l'employeur. Il n'en demeure pas moins que son état de santé, s'il n'interdit pas toute reprise d'une nouvelle activité obère en partie sa valorisation sur le marché du travail. Il est peu probable que Mme [Q] qui présente d'importantes séquelles liées à un syndrome rachidien très net sans déficit moteur retrouve un emploi au niveau du salaire qu'elle percevait en octobre 2012, sur un poste nécessitant à l'évidence du dynamisme physique. Elle a donc perdu une chance professionnelle, en relation directe et certaine avec les séquelles qu'elle présente, dont l'évaluation relève non de l'incidence professionnelle, si bien que sa demande doit être analysée non pas au titre de la perte de gains professionnels futurs mais au titre de ce poste spécifique de la nomenclature qui intégrera l'incidence sur les droits à la retraite. Ces données conduisent la cour à évaluer à la somme de 100.000€ le montant qui doit lui être alloué.
L'assiette de ce poste s'établit donc à 150.749,68€.
Sur cette indemnité s'impute la pension d'invalidité réglée par la Cpam, dont le montant retenu correspond à celui qui est détaillé le plus près dans le temps, par la Cramif, soit la somme de 46'410,51€ versées au titre des arrérages du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2017, et celle de 170'715,15€, au titre du capital représentatif de la pension à échoir au 1er novembre 2017, et au total la somme de 217.125,66€ qu'elle a vocation à réparer.
Ce tiers payeur sera désintéressé à hauteur de l'assiette du poste, soit 150.749,68€ et aucune somme ne revient à Mme [Q].
- Assistance par tierce personne permanente32.372,93€
La nécessité de la présence auprès de Mme [Q] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût. L'expert précise, en effet, qu'elle a besoin d'une aide à titre viager d'une heure par semaine.
Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 16€, soit un montant identique à celui qui a été retenu pour le calcul de l'aide humaine temporaire, rien ne justifiant de fixer une somme supérieure pour la période écoulée depuis la consolidation jusqu'au présent arrêt, et alors que pour le futur, le montant annuel alloué fait l'objet d'une capitalisation adossée sur un taux d'intérêt fixé au regard des données démographiques et économiques actuelles.
L 'indemnité de tierce personne s'établit à :
- pour la période écoulée du 1er janvier 2014 au 13 décembre 2018, date du présent arrêt, soit sur une période de 259 semaines, arrondie à l'unité supérieure, la somme de 4.144€ (259 x 1h x 16€),
- pour la période future, en fonction d'une somme annuelle de 832€ (52 semaines x 1h x 16€) et d'un euro de rente viagère de 33,929 issu de la Gazette du palais 2018, pour une femme âgée de 48 ans à la liquidation la somme de 28.228,93€ (832€ x 33,929),
et au total la somme de 32.372,93€ (4.144€ + 28.228,93€).
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire 4.286€
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d'environ 800€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :
- déficit fonctionnel temporaire total de 33 jours : 880€
- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75% de 53 jours : 1.060€
- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % de 16 jours : 213€
- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % de 320 jours : 2.133€
- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de % de jours ou mois
et au total la somme de 4.286€.
- Souffrances endurées16.000€
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des deux interventions chirurgicales, du port d'un corset rigide puis d'une ceinture lombaire et des séances de kinésithérapie ; évalué à 4/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 16.000€.
permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent49.500€
Les parties s'accordent sur la somme de 49.500€ allouée par le premier juge.
Sur ce poste vient s'imputer le solde de 66.375,98€ de la créance de la Cramif, et à hauteur de l'assiette de ce poste soit 49.500€, si bien qu'aucune somme ne revient à la victime.
- Préjudice esthétique4.000€
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique
Évalué à 2 /7 au titre de deux cicatrices, sur le flan gauche de 15cm, et dans le dos de 14,5cm, il doit être indemnisé à hauteur de 4.000€, justement fixé par le premier juge
- Préjudice d'agrément10.000€
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
Mme [Q] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives auxquelles elle s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir la zumba, le ski et le fitness, mais elle a pu reprendre l'activité de natation et elle suit des cours de pilate, suivant attestations concordantes versées aux débats, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 10.000€, allouée par le premier juge.
- Préjudice sexuel 3.000€
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel. L'expert a indiqué que les séquelles que Mme [Q] présente lui occasionne des douleurs positionnelles, ce qui justifie l'allocation d'une somme de 3.000€, justement arbitrée par le premier juge.
Le préjudice corporel global subi par Mme [Q] s'établit ainsi à la somme de 333.585,74€ soit, après imputation des débours de la Cpam (243.970,11€), une somme de 89.615,63€ lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 22 juin 2017 sur la somme de 29.615,63€, une fois la provision de 60.000€ déduite.
Sur la demande de restitution
Le jugement est infirmé sur les sommes revenant à la victime sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande en remboursement présentée par la Matmut. En effet, le présent arrêt infirmatif, de ce chef, emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution, les sommes ainsi restituées portant intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, dudit l'arrêt.
Sur le double taux
En vertu de l'article L 211-9 du code des Assurances, l'assureur est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, laquelle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
L'expert a établi son rapport le 1er mars 2014. La date de transmission aux parties et notamment à l'assureur ne ressort pas de ce document. Par application de l'article R.211-44 du code des assurances qui prévoit que dans un délai de vingt jours à compter de l'examen médical, le médecin adresse un exemplaire de son rapport à l'assureur, à la victime et, le cas échéant, au médecin qui a assisté celle-ci, il y a lieu de considérer que ce rapport a été communiqué à l'assureur au plus tard le 21 mars 2014. En conséquence la Matmut disposait d'un délai expirant le 22 août 2014 pour faire parvenir une offre d'indemnisation comprenant tous les postes retenus par l'expert dans ses conclusions.
Il n'est pas discuté que la Matmut a transmis sa première offre le 19 décembre 2014, soit environ quatre mois après le délai qui lui était imparti. L'offre est donc tardive.
Pour fixer l'assiette sur laquelle court le doublement des intérêts au taux légal et la période pendant laquelle il court, il convient de vérifier que cette première offre était à la fois complète et qu'elle n'était pas manifestement insuffisante au regard des sommes allouées.
La lecture de la pièce n° 1 de la Matmut, qui est la proposition d'indemnisation du 19 décembre 2014, démontre qu'aucune offre n'a été formulée au titre du préjudice sexuel alors que l'expert a retenu une gêne positionnelle. En conséquence cette offre qui n'est pas complète ne peut interrompre le cours du doublement des intérêts au taux légal. Ce n'est que par conclusions notifiées le 27 avril 2017, devant le premier juge, qui sont les seules qui apparaissent au dossier
de procédure du tribunal de grande instance, que la Matmut a formulé une proposition d'indemnisation complète, intégrant le préjudice sexuel.
Cette proposition d'indemnisation ne se révèle pas manifestement insuffisante. Si la proposition faite au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément présentent des montants un peu faibles au regard des sommes alloués par la cour, on ne peut pas considérer que les propositions alors faites par le tiers responsable ont été manifestement insuffisantes dans leur globalité. En conséquence, la Matmut est condamnée à verser à Mme [Q], le doublement des intérêts au taux légal sur la somme alors offerte et avant imputation des recours des tiers payeurs, de 195.868,75€ et jusqu'au 27 avril 2017, date de signification de conclusions contenant une proposition suffisante.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
La Matmut qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne justifie pas d'allouer à Mme [Q] une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement,
hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant, et sur le montant de l'assiette sur laquelle court le doublement des intérêts au taux légal et sur la période au cours de laquelle ce doublement des intérêts court,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- Fixe le préjudice corporel global de Mme [Q] à la somme de 333.585,74€ ;
- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 89.615,63€ ;
- Condamne la Matmut à payer à Mme [Q] la somme de 89.615,63€ avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 22 juin 2017 sur la somme de 29.615,63€, une fois la provision de 60.000€ déduite ;
- Condamne la Matmut à payer à Mme [Q] le double des intérêts au taux légal sur la somme de 195.868,75€ jusqu'au 27 avril 2017 ;
- Rappelle que le présent arrêt infirmatif sur les sommes revenant à la victime, emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré ;
- Déboute la Matmut et Mme [Q] de leurs demandes au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;
- Condamne la Matmut aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT