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13/12/2018 | FRANCE | N°16/17760

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 13 décembre 2018, 16/17760


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 DÉCEMBRE 2018



N° 2018/617













N° RG 16/17760



N° Portalis DBVB-V-B7A-7KRN







Société BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE





C/



[Q] [W]



[Y] [W]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au ba

rreau de MARSEILLE



- Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06650.





AP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 DÉCEMBRE 2018

N° 2018/617

N° RG 16/17760

N° Portalis DBVB-V-B7A-7KRN

Société BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

C/

[Q] [W]

[Y] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06650.

APPELANTE

BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

(anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE), prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphane BERTUZZI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [Q] [W]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assisté de Me Nicolas BRANTHOMME, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [Y] [W]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Nicolas BRANTHOMME, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise PETEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 13 Décembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte sous seing privé du 5 février 2008, la Banque Populaire Provençale et Corse, désormais dénommée Banque Populaire Méditerranée, a consenti à la SARL Sud Azur Immobilier, représentée par sa gérante, Mme [K] [W], un prêt de restructuration d'un montant de 55.000 euros, au taux de 5,8 % l'an, remboursable en 84 mensualités.

En garantie de ce prêt, selon actes respectivement des 6 et 7 décembre 2007, M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] se sont, chacun, portés cautions des engagements de la SARL Sud Azur Immobilier envers la banque dans la limite de 74.304,60 euros et pour une durée de 108 mois.

Par jugement du 24 novembre 2014, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la SARL Sud Azur Immobilier.

La Banque Populaire Provençale et Corse a déclaré sa créance au passif de la procédure collective pour, au titre du prêt d'un montant initial de 55.000 euros, une somme de 73.378,60 euros à titre privilégié.

Selon courriers recommandés respectivement des 28 novembre 2014 et 21 janvier 2015, le créancier a mis en demeure les cautions d'exécuter leurs engagements.

Par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 27 mai 2015, la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Sud Azur Immobilier a été clôturée pour insuffisance d'actif.

Par acte du 26 mai 2015, la Banque Populaire Provençale et Corse a fait assigner en paiement M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 15 septembre 2016, ce tribunal a :

' dit que les échéances du 15 juillet 2009 au 15 novembre 2009 incluses de la créance de la Banque Populaire Provençale et Corse sont prescrites, pour un montant total de 4.000 euros,

' dit que l'acte de cautionnement souscrit par Mme [Y] [W] en date du 7 décembre 2007 est nul,

' dit que l'acte de cautionnement souscrit par M. [Q] [W] en date du 6 décembre 2007 est nul,

en conséquence,

' rejeté la demande de paiement de la Banque Populaire Provençale et Corse,

' rejeté la demande de la Banque Populaire Provençale et Corse au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la Banque Populaire Provençale et Corse à verser à Mme [Y] [W] et à M. [Q] [W] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la Banque Populaire Provençale et Corse aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 3 octobre 2016, la Banque Populaire Provençale et Corse a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 3 septembre 2018, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Banque Populaire Méditerranée demande à la cour de :

' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré sa demande en paiement non prescrite,

' réformer la décision déférée pour le surplus, spécialement en ce qu'elle a annulé les actes de cautionnement litigieux au motif que la mention de la solidarité faisait défaut,

et statuant à nouveau,

' dire que l'absence de mention de la solidarité a pour effet de faire dégénérer les actes de cautionnement litigieux en cautionnements simples,

' constater qu'elle a valablement produit sa créance à la procédure de liquidation judiciaire du débiteur principal, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif et sans vérification du passif,

' constater que les poursuites à l'encontre du débiteur principal ne sont plus possibles depuis la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif,

en conséquence :

' condamner in solidum M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] au paiement de la somme d'un montant de 73.378,60 euros au titre de leurs engagements de cautions, avec intérêts de droit à compter du 28 novembre 2014, date des mises en demeure,

' condamner in solidum M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner in solidum M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 31 août 2018, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] demandent à la cour de :

à titre principal :

' dire que le point de départ de la prescription de l'action en remboursement menée par la BPPC à l'encontre de la débitrice principale du prêt litigieux est le premier incident de paiement non régularisé,

' dire qu'à compter de cet événement. qui constitue le fait qu'a connu ou aurait dû connaître la BPPC pour mener son action en remboursement, elle disposait d'un délai de cinq ans, conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil,

' dire que le premier incident de paiement non régularisé s'est produit en août 2009 et que la BPPC disposait d'un délai allant au mois d'août 2014 pour introduire son action en remboursement à l'encontre de la débitrice principale,

' dire et juger en conséquence qu'au moment de sa déclaration de créance au passif de la débitrice principale, l'action de la BPPC était prescrite,

' réformer les termes du jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 15 septembre 2016 en ce qu'ils n'ont pas retenu l'application des dispositions de l'article 2224 du code civil,

' accueillir l'exception de prescription soulevée par les cautions et débouter consécutivement la BPPC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' dire que les actes de caution solidaires signés par eux ne comportent pas les mentions manuscrites prescrites par les dispositions de l'article L341-3 du code de la consommation,

' prononcer en conséquence la nullité de leurs engagements de caution solidaire,

' confirmer les termes du jugement du tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'ils ont prononcé la nullité de leurs engagements de caution,

à titre subsidiaire :

' dire que les engagements de caution sont des engagements de caution simple qui impliquaient un bénéfice de discussion et la mise en cause préalable, par la BBPC, de la débitrice principale,

' dire et juger consécutivement qu'en l'absence de titre exécutoire à l'encontre du débiteur principal et conformément aux dispositions de l'article L.643-11 du code de commerce, la Banque Populaire Provençale et Corse est privée de son droit de poursuite individuelle, ce qui constitue une exception inhérente à la dette dont peuvent se prévaloir les cautions simples,

' constater que la BPPC s'est dispensée de cette mise en cause préalable rendue obligatoire par les dispositions de l'article 2298 du code civil, alors qu'elle a disposé d'une débitrice principale in bonis entre le mois d'août 2008 et le mois de novembre 2014,

' dire et juger en conséquence que l'action judiciaire menée à l'encontre des cautions simples, sans respect de la mise en cause préalable de la débitrice principale, est irrecevable,

à titre subsidiaire :

' dire que la BPPC n'a pas respecté l'obligation d'information posée par les dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier,

' réduire consécutivement les demandes de la BPPC et exclure le montant des intérêts échus à compter du mois d'août 2008, soit la somme de 24.345,51 euros,

en tout état de cause :

' condamner la BPPC aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Sébastien Badie, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 septembre 2018.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action de la banque :

Rappelant que, aux termes de l'article 2313 du code civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] soulèvent l'irrecevabilité de l'action en paiement de la banque au motif qu'elle est prescrite.

Ils font valoir que la prescription quinquennale de cette action en remboursement a commencé à courir à compter du premier incident de paiement non régularisé de la SARL Sud Azur Immobilier, soit celui du mois d'août 2009, que le délai a donc expiré au mois d'août 2014, que l'acte interruptif de prescription que constituait la déclaration de créance de la Banque Populaire Méditerranée au passif de la procédure collective de la société débitrice est intervenu postérieurement à l'expiration du délai dont elle disposait.

L'appelante réplique que l'action qu'elle a engagée à l'encontre des intimés, en leur qualité de cautions de la SARL Sud Azur Immobilier en liquidation judiciaire, n''est aucunement prescrite.

Elle expose que, conformément aux dispositions combinées des articles 2231, 2240 et 2246 du code civil, le délai de prescription a été interrompu par l'effet de la restructuration de la dette, la SARL Sud Azur Immobilier, qui avait sollicité de régler sa dette par paiements échelonnés, ayant accepté un plan d'apurement le 6 août 2009 et opéré différents règlements en exécution de ce plan jusqu'en janvier 2010, que la prescription quinquennale de l'article L110-4 du code de commerce n'a donc commencé à courir qu'à compter du 15 février 2010, date du premier incident non régularisé, que sa déclaration de créance à la liquidation judiciaire de la débitrice principale a interrompu la prescription à l'égard des cautions.

Sur ce, des pièces produites aux débats, il résulte que :

- les échéances du prêt consenti le 5 février 2008 par la Banque Populaire Méditerranée à la SARL Sud Azur Immobilier, d'un montant de 821,13 euros chacune, ont cessé d'être réglées par cette dernière à compter du 17 décembre 2008,

- à défaut de régularisation, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt selon courriers du 9 mars 2009, le capital restant dû étant à cette date de 47.874,79 euros,

- le 18 juin 2009, l'appelante a, à la suite d'entretiens intervenus entre eux, adressé à l'emprunteur un décompte actualisé de sa créance, ainsi qu'un plan d'apurement à lui retourner, avec en annexe un relevé d'identité bancaire du compte sur lequel les virements mensuels devront être crédités, le premier virement étant prévu pour le 15 juillet 2009, précision faite qu'à défaut de régularité dans les paiements cet accord amiable ne pourrait être maintenu,

- le 6 août 2009, Mme [K] [W], gérante de la SARL Sud Azur Immobilier, a, tout en présentant ses excuses pour le retard à lui répondre, renvoyé au prêteur le plan d'apurement, prévoyant des remboursements mensuels de 800 euros, revêtu de sa signature précédée de la mention « bon pour accord amiable », auquel était joint « en règlement un chèque d'un montant de 1.600 euros correspondant aux échéances de juillet et août 2009 », sollicitant aux termes de son courrier un relevé d'identité bancaire « pour mettre en place les futurs prélèvements »,

- s'agissant de ce dossier référencé 0019389, cinq virements de 800 euros chacun ont été effectués par la société débitrice entre le 17 septembre 2009 et le 19 mars 2010, selon relevé des encaissements établi par la banque,

- la liquidation judiciaire de la SARL Sud Azur Immobilier ayant été prononcée par jugement du 24 novembre 2014, la Banque Populaire Méditerranée a, par courrier recommandé du 28 novembre 2014, déclaré sa créance pour, au titre du prêt selon décompte à cette date, la somme de 73.378,60 euros, déduction faite des encaissements réalisés pour un montant de 5.800 euros.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que le délai de prescription de l'action en paiement de l'appelante a été interrompu une première fois, en application des dispositions de l'article 2240 du code civil, par la reconnaissance de son droit par la SARL Sud Azur Immobilier du fait de la signature par cette dernière du plan d'apurement qui lui a été consenti, puis, conformément à l'article 2241, par la déclaration de créance, qui constitue une demande en justice.

S'agissant de l'interruption due à la signature de l'accord de règlement qui n'est pas contestée par les intimés, il ne peut qu'être constaté qu'à la date du 6 août 2009, la prescription n'était pas acquise.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal qui a considéré que ledit plan amiable n'avait reçu aucune exécution, il ressort des documents sus-évoqués que sept des échéances telles qu'alors fixées ont été honorées, deux par le chèque de 1.600 euros adressé le 6 août 2009 par Mme [K] [W], et cinq par virements ultérieurs de 800 euros, couvrant les échéances du 15 juillet 2009 au 15 janvier 2010, de telle sorte que le premier incident de paiement non régularisé correspond à la mensualité du 15 février 2010, date à compter de laquelle a donc commencé à courir un nouveau délai de prescription.

Ainsi, à la date du 28 novembre 2014, la prescription quinquennale de l'action en remboursement du prêteur n'était pas acquise, et, la déclaration de sa créance à la procédure collective de la débitrice principale ayant, par application des dispositions de l'article 2246 du code civil, interrompu le délai de prescription à l'égard des cautions, l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] est rejetée.

Sur la nullité du cautionnement :

Les intimés exposent que les deux actes par eux souscrits, portant sur des cautionnements solidaires, ne comportent pas les mentions manuscrites imposées par les dispositions de l'article L341-3 du code de la consommation, et sont consécutivement atteints de nullité, conformément à la sanction légalement prévue.

En réponse à l'argumentation de la Banque Populaire Méditerranée qui, indiquant qu'il s'agit d'une erreur, ne conteste pas que la mention prescrite par le texte précité ne figure pas dans les actes de cautionnement litigieux, mais fait valoir qu'une telle omission n'est pas de nature à rendre nuls les actes de cautionnement, M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] soutiennent qu'ils sont fondés à solliciter la nullité de leurs engagements, dont il résulte que la commune intention des parties était de souscrire à un engagement de cautionnement solidaire, et non à un acte de cautionnement simple.

Mais, si le créancier avait pour intention d'obtenir pour garantie un cautionnement solidaire, l'absence de mention manuscrite conforme aux dispositions de l'ancien article L341-3 du code de la consommation, qui ne peut que conduire à l'impossibilité pour lui de se prévaloir du caractère solidaire de l'engagement, ne remet pas en cause la validité de l'acte lui-même, lequel, dès lors qu'il comporte la mention manuscrite dans le respect des termes de l'article L341-2 du même code, constitue un cautionnement simple, garantie dont le bénéficiaire demeure fondé à se prévaloir.

Les cautions, qui ne peuvent prétendre revendiquer l'intention de s'engager au-delà de l'obligation qui leur est opposée, sont déboutées de leur demande de nullité des actes des 6 et 7 décembre 2007.

En conséquence, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la privation du droit de poursuite individuelle :

Invoquant les dispositions de l'article L.643-11 du code de commerce, M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] font valoir qu'en l'absence de titre exécutoire à l'encontre de la SARL Sud Azur Immobilier et en présence d'engagements de cautions simples, l'appelante est privée de son droit de poursuite individuelle, privation qui constitue une exception inhérente à la dette bénéficiant aux cautions simples.

Cependant, si, par application des dispositions de l'article 2298 du code civil, la caution est fondée à se prévaloir du bénéfice de discussion, la poursuite préalable du débiteur principal par le créancier n'implique pas nécessairement l'obtention d'un titre exécutoire.

En l'espèce, il apparaît que la Banque Populaire Méditerranée a régulièrement déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la SARL Sud Azur Immobilier, que lui a été délivré par le liquidateur judiciaire de cette dernière un certificat de non recouvrabilité de sa créance, la procédure ayant été clôturée pour insuffisance d'actif selon jugement du tribunal de commerce de Marseille du 27 mai 2015.

Et, si, aux termes du texte invoqué, la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer au créancier l'exercice individuel de son action contre le débiteur, laquelle clôture entraîne d'ailleurs, s'agissant d'une personne morale, sa dissolution, cette paralysie du droit de poursuite de l'appelante n'a pas pour effet d'éteindre la dette.

Dès lors, la caution ne peut, en dépit du caractère accessoire de son engagement, se prévaloir à l'égard du créancier de la règle de pérennisation de l'arrêt des poursuites individuelles à l'encontre du débiteur principal.

En conséquence, la SARL Sud Azur Immobilier ayant été vainement préalablement discutée dans ses biens, la Banque Populaire Méditerranée est depuis recevable à solliciter des intimés l'exécution de leurs obligations de cautions.

Sur l'attitude fautive de la banque :

M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] font ensuite valoir que, en s'abstenant de mener une action à l'encontre de la débitrice principale avant sa liquidation intervenue de nombreuses années après les premiers incidents de paiement, soit durant une longue période au cours de laquelle la SARL Sud Azur Immobilier était in bonis, l'appelante les a, du fait de sa passivité, directement privés du bénéfice de discussion, et qu'en l'état du caractère léonin de la condition relative à l'exercice préalable de ce bénéfice, aucune action à leur encontre ne saurait être considérée comme recevable.

Mais, une telle argumentation ne peut être retenue, et les intimés ne sauraient prétendre être déchargés de leur engagement au motif que la Banque Populaire Méditerranée a tardé à exercer des poursuites à l'encontre de sa débitrice, et ainsi retardé la mise en 'uvre de leur cautionnement.

Sur le défaut d'information annuelle de la caution :

Se prévalant des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier, M. [Q] [W] et Mme [Y] [W], qui exposent que la banque est dans l'impossibilité de rapporter la preuve qu'elle a respecté l'obligation d'information annuelle due aux cautions, sollicitent que soient retranchés des demandes de l'appelante les intérêts échus depuis l'année 2008, soit une somme de 24.345,51 euros telle qu'elle figure sur sa déclaration de créance au passif de la SARL Sud Azur Immobilier.

Etant constaté qu'elle ne justifie, ni même ne prétend, avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution que lui imposent les dispositions d'ordre public du texte précité, la Banque Populaire Méditerranée est, dans ses rapports avec les intimés, déchue des intérêts échus depuis le 31 mars 2009, date avant laquelle ladite information devait intervenir pour la première fois, les paiements effectués par la débitrice principale étant réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Au vu des pièces produites aux débats, et, notamment, contrat de prêt, tableau d'amortissement, décompte tel qu'il figure sur sa déclaration au passif de la procédure collective de la SARL Sud Azur Immobilier, la créance de l'appelante, dans ses rapports avec les cautions après application de la sanction prévue par l'article L 313-22 du code monétaire et financier, s'élève à la somme de 49.056,67 euros.

M. [Q] [W] et Mme [Y] [W], cautions simples n'ayant pas sollicité le bénéfice de division, sont donc, chacun, tenus au paiement de ladite somme, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2015, envers la Banque Populaire Méditerranée, laquelle ne saurait toutefois percevoir une somme totale supérieure à ce montant.

Sur les frais irrépétibles :

En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les demandes de ce chef sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [Q] [W] et Mme [Y] [W], en leur qualité de cautions simples de la SARL Sud Azur Immobilier, à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 49.056,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2015,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [Q] [W] et Mme [Y] [W] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/17760
Date de la décision : 13/12/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°16/17760 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-13;16.17760 ?
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