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29/11/2018 | FRANCE | N°17/14290

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 29 novembre 2018, 17/14290


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2018



N° 2018/ 473













Rôle N° 17/14290







[A] [R]

[D] [C] épouse [R]

[M] [R]





C/



[H] [N]

ONIAM

SAS BRANCHET FRANCOIS

MUTUELLE TERCIANE

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Yves SOULAS



Me Erick AVE

NARD



SCP JOURDAN



SCP LATIL











Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/12083.



APPELANTS



Monsieur [A] [R]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 13] de nation...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2018

N° 2018/ 473

Rôle N° 17/14290

[A] [R]

[D] [C] épouse [R]

[M] [R]

C/

[H] [N]

ONIAM

SAS BRANCHET FRANCOIS

MUTUELLE TERCIANE

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Yves SOULAS

Me Erick AVENARD

SCP JOURDAN

SCP LATIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/12083.

APPELANTS

Monsieur [A] [R]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 13] de nationalité Française,

demeurant [Adresse 14]

Madame [D] [C] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 15] (83) de nationalité Française,

demeurant [Adresse 14]

Monsieur [M] [R]

né le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 13] (13) de nationalité Française,

demeurant [Adresse 10]

représentés par Me Yves SOULAS de l'ASSOCIATION GASPARRI-LOMBARD-BOUSQUET-SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [H] [N] és-qualités d'ayant droit de [G] [T]

né le [Date naissance 5] 1998 à [Localité 13] (13),

demeurant [Adresse 9]

représenté par Me Erick AVENARD de l'ASSOCIATION AVENARD-FERRATA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

ONIAM,

dont le siège social est : [Adresse 16]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS BRANCHET FRANCOIS représentant de la Sté MEDICAL INSURANCE COMPANY LIMITED,

dont le siège social est : [Adresse 8]

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE

MUTUELLE TERCIANE

dont le siège social est : [Adresse 3]

défaillante

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est [Adresse 6]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2018.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

En 1986, M. [A] [R] a été victime d'une chute responsable d'une rupture du ligament croisé antérieur ayant justifié une ligamentoplastie au moyen d'un ligament artificiel, Dacron, complétée en 1987 par une résection du ménisque médical.

Le 19 avril 2012, à la clinique [11], il a fait l'objet d'une arthroscopie du genou droit pour lavage articulaire et ablation de résidus de Dacron. L'intervention a été motivée par une gêne douloureuse et fonctionnelle et réalisée par le docteur [G] [T], chirurgien orthopédiste.

L'intervention a été marquée par une complication vasculaire qui est apparue après 'lâché du garrot', les pouls pédieux et tibiaux postérieurs n'étant pas perçus. M. [R] a alors été pris en charge par le docteur [I], chirurgien vasculaire à la clinique de [12] pour exploration, sur une forte suspicion de plaie de l'artère poplitée et de la veine poplitée.

Se plaignant des séquelles en relation avec l'atteinte artérielle et veineuse, se manifestant par une impotence du membre inférieur gauche et de douleurs invalidantes au-dessus du genou, M. [R] a assigné le docteur [T] devant le juge des référés pour obtenir la désignation d'un expert. Par ordonnance du 12 novembre 2012, le juge des référés a fait droit à sa demande en désignant le professeur [W] au contradictoire du docteur [T], du docteur [I] mais aussi de l'Oniam et de la mutuelle Terciane.

L'expert a déposé son rapport le 4 octobre 2013.

Le docteur [T] est décédé le [Date décès 7] 2014.

Par actes des 28 août 2015 et du 1er septembre 2015, M. [R], Mme [D] [C], son épouse et [M] [R], son fils, ont fait assigner Mme [V] [P], en sa qualité d'administratrice légale des biens de [H] [N], le fils mineur du docteur [T], le cabinet Branchet, assureur du docteur [T], l'Oniam, la Cpam des Bouches du Rhône et la mutuelle Terciane devant le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par conclusions du 19 juin 2016, la société Médicale Insurance compagnie (MIC) est intervenue volontairement aux débats en qualité d'assureur du docteur [T].

M. [N] est devenu majeur le 25 septembre 2016 et le 31 octobre 2016, il a fait signifier des conclusions de reprise de l'instance.

Ni la Cpam des Bouches du Rhône ni la mutuelle Terciane, n'ont constitué avocat.

Selon jugement du 8 juin 2017, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- déclaré M. [N] hors de cause ;

- déclaré le cabinet Branchet hors de cause ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société MIC ;

- dit que M. [R] a été victime, à la faveur de l'intervention chirurgicale du 19 avril 2002, d'un accident médical non fautif ;

- débouté M. [R], Mme [D] [C] et M. [M] [R] de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la société MIC ;

avant dire droit sur les demandes formulées à l'encontre de l'Oniam :

- ordonné un complément d'expertise en désignant le professeur [W] pour y procéder pour notamment dire si les douleurs neuropathiques du membre inférieur gauche, le déficit des releveurs et valgisants, entrant dans le cadre d'une séquelle d'un syndrome des loges a minima du fait de la durée de l'ischémie en dépit d'une prise en charge vasculaire correcte, sont sur le plan médical équivalentes ou du même ordre que celles qui auraient résulté de l'évolution prévisible de l'état antérieur sans l'intervention ; expliciter la réponse qu'elle soit affirmative ou négative ;

- débouté M. [R] de sa demande de provision ;

- débouté M. [N], la société MIC, le cabinet Branchet de leur demande indemnitaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réservé les dépens et le surplus des demandes formulées au titre des frais exposés ;

- dit que le dossier sera appelé devant le juge de la mise en état sur avis par le service du contrôle des expertises du dépôt du rapport.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :

- les termes du document de consentement éclairé démontraient que M. [R] a été bien informé de l'existence de risques graves y compris vitaux, liés à l'intervention et surtout, qu'il reconnaît avoir pu poser toutes les questions utiles au chirurgien afin d'obtenir des informations complémentaires sur la nature de ces risques. En conséquence il n'a retenu aucun manquement du docteur [T] à son devoir d'information et les requérants ont été déboutés de ce chef,

- le docteur [T] n'a commis aucune faute technique dans le geste chirurgical qu'il a accompli,

- M. [R] a été victime d'un accident médical non fautif qui n'engage pas la responsabilité du médecin.

Il a rappelé les conditions cumulatives de la prise en charge de cet accident médical par la solidarité nationale. Estimant qu'il ne disposait pas des éléments suffisants pour statuer sur l'anormalité du dommage impliquant de comparer les séquelles décrites par l'expert avec celles dont aurait souffert M. [R] en l'absence d'intervention et d'accident vasculaire, et qu'il n'était pas en mesure de dire si les seuils de gravité prévus par la loi pour engager la prise en charge de la solidarité nationale étaient atteints, le tribunal a ordonné une expertise complémentaire qu'il a confiée au professeur [W].

Par déclaration du 24 juillet 2017, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées M. [R], Mme [D] [C] et M. [M] [R] ont relevé appel général de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon leurs conclusions du 8 octobre 2017, M. [R] Mme [D] [C] et M. [M] [R] demandent à la cour de:

' confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de M. [N] et du cabinet Branchet et déclaré recevable l'intervention volontaire de la société MIC;

' le réformer sur le surplus ;

' juger que la réalisation de l'arthroscopie par le docteur [T] le 19 avril 2012 est fautive ;

' le déclarer entièrement responsable des conséquences dommageables de l'atteinte artérielle, veineuse et nerveuse ;

' condamner la société MIC à payer à M. [R] une somme de 30'000€ au titre du préjudice d'impréparation résultant de l'absence d'information sur le risque de lésion artérielle veineuse ;

' condamner la société MIC à payer à M. [R] une indemnité provisionnelle de 30'000€ à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis ;

' la condamner à lui payer la somme de 242,80€ en remboursement des frais de déplacement à expertise exposée par M° [Z] ;

' pour le surplus des préjudices subis par M. [R], désigner tel médecin expert en orthopédie qu'il plaira à la cour avec mission de déterminer les conséquences médico-légales dont il demeure atteint avec possibilité de s'adjoindre tout sapiteur de son choix en matière vasculaire ;

' condamner la société MIC à payer à Mme [D] [C] et M. [M] [R] et à chacun une somme de 20'000€ en réparation du préjudice moral subi ;

' condamner la société MIC au paiement de la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de leur conseil ;

à titre subsidiaire

' juger que M. [R] a été victime d'un accident médical non fautif ;

' juger que les conséquences dommageables de l'aléa thérapeutique devront être prises en charge par l'Oniam au titre de la solidarité nationale ;

' condamner l'Oniam à payer à M. [R] une indemnité provisionnelle de 30'000€ ;

' désigner tel médecin expert qui ne saurait être le professeur [W] avec mission de déterminer les conséquences médico-légales dont M. [R] demeure atteint dans les suites de l'atteinte artérielle et veineuse.

M. [R] expose que le 20 janvier 1988, il a fait l'objet d'une arthroscopie, réalisée par le docteur [Y], cette intervention qui s'est déroulée sans difficulté, n'ayant occasionné aucune lésion. En raison de douleurs ressenties lors de l'accroupissement, son médecin traitant l'a orienté vers le docteur [T] pour recueillir son avis sur le mode de prise en charge. Le 3 avril 2012, le docteur [T] a noté dans son bilan que M. [R] ne souhaitait pas l'ablation des agrafes et du Dacron en totalité, et qu'il était convenu d'un simple lavage articulaire sous arthroscopie avec ablation du Dacron résiduel intra-articulaire.

Le 11 avril 2012, M. [R] a reçu une reconnaissance d'information qui lui a été remise par le secrétariat du docteur [T] et l'intervention a été réalisée le 19 avril 2012. Le compte rendu mentionne en fin d'intervention un lâché de garrot et la non-perception des pouls pédieux et tibiaux postérieurs, suivi d'un appel immédiat d'un spécialiste vasculaire. Ce compte rendu ne mentionne cependant aucune difficulté rencontrée ni un quelconque processus pathologique. Le dossier médical précise après retour du bloc une forte suspicion de lésion de l'artère poplitée gauche. Le médecin vasculaire le docteur [I] a noté une section complète de l'artère poplitée et une longue section longitudinale de la veine poplitée. Il souligne que le docteur [T] qui lui a rendu visite à deux reprises a déclaré en présence de témoins avoir fait une erreur, qu'il s'était passé quelque chose et qu'il ne fuirait pas sa responsabilité. M. [R] conserve une impotence du membre inférieur gauche et des douleurs invalidantes en dessous du genou.

Il critique le rapport d'expertise tant dans son déroulé, que dans ses conclusions. Le docteur [T] qui était interrogé par le médecin traitant n'a jamais adressé de réponse sur le traitement à mettre en place et donc l'information qu'il a donnée à M. [R] n'a pas pu être reprise ni expliquée par le docteur [K], médecin traitant.

Le document de consentement éclairé n'est pas un document spécifique à l'orthopédie, et celui relatif à toute chirurgie n'est qu'un document général. Au cours de l'expertise, l'expert a demandé au docteur [T] s'il avait informé le patient d'un risque de lésion artérielle veineuse ou encore que les traumatismes vasculaires poplités peuvent avoir un pronostic vital grave mettant parfois en jeu la vie du patient ou le devenir du membre. Le docteur [T] a répondu par la négative. Or l'expert n'a pas tenu compte de cette réponse. Son conseil a donc adressé un dire circonstancié à l'expert, qui dans sa réponse ne va ni reproduire ni aborder la question qu'il avait posée au docteur [T]. L'expert a donc privilégié un écrit sur un aveu du chirurgien qui était fait en présence de tous les participants aux opérations.

M. [R] soutient que l'intervention per opératoire est fautive et le résultat de la section complète de l'artère poplitée est une longue section longitudinale de la veine poplitée, constatée par le docteur [I].

À aucun moment l'expert n'a répondu à une des questions essentielles posées à savoir si M. [R] présentait une prédisposition rendant inévitable l'atteinte de l'artère poplitée. Or et jusqu'à preuve du contraire la capsule a été franchie par le docteur [T] puisqu'en effet pour léser l'artère poplitée et la veine il faut franchir cette capsule. Il ne résulte pas plus de l'expertise que les résidus de Dacron auraient été en contact avec l'artère poplitée et la veine. De l'aveu même de l'expert, le docteur [T] est allé trop loin, ce qu'il a lui-même reconnu.

Le jugement est critiquable puisqu'une information complète aurait consisté à l'informer d'un risque de lésion artérielle, et s'il devait se réaliser, qui entraînerait obligatoirement des risques séquellaires, dont les plus importants étaient l'amputation et le décès. Son conseil a rappelé à l'expert que si le patient avait été informé d'un tel risque d'amputation il se serait abstenu de subir un geste chirurgical. Il n'a jamais été informé d'un tel risque de complications et des conséquences d'une telle atteinte. Il demande donc à la cour de réformer le jugement et de dire qu'il n'a pas été pleinement informé, tant des risques encourus en raison du nettoyage articulaire sous arthroscopie, que de la qualité de la prise en charge vasculaire qui faisait défaut dans l'établissement de santé. Il a donc subi un préjudice d'impréparation fondé sur le nécessaire respect de la dignité de la personne et de son intégrité. Ce principe est totalement indépendant de la perte de chance.

Sur les manquements du docteur [T], c'est à tort que le tribunal a considéré que l'atteinte se serait produite dans une zone pathologique alors que cette zone est celle dans laquelle le docteur [Y] était intervenu en 1988, sans pour autant causer la moindre lésion. Une I.R.M. a été réalisée pour permettre de voir l'artère poplitée en arrière du genou, cependant si cela n'était pas suffisant il convenait alors de réaliser une artériographie par l'injection d'un produit de contraste qui aurait permis de visualiser le réseau artériel et notamment l'artère poplitée ce que le docteur [T] avait les moyens de faire. Il pouvait également avoir recours à une arthroscopie qui lui aurait permis à l'aide de l'introduction d'un système optique de voir directement l'intérieur de l'articulation sur un écran. Il est contradictoire de constater que le compte rendu opératoire du docteur [T] ne fait état d'aucune difficulté particulière alors que l'expert évoque une zone tissulaire pathologique, sacciforme hétérogène ou encore de formation anormale. De plus l'expert n'a jamais écrit que M. [R] présentait une malformation rendant l'atteinte inévitable. En conséquence la complication connue de l'intervention réalisée par le docteur [T], à savoir la lésion de l'artère poplitée de la veine, est en relation directe et certaine avec l'intervention chirurgicale. En l'absence d'anomalie relevée, rendant inévitable l'atteinte, le docteur [T] a commis une faute caractérisée par une maladresse fautive de nature à engager sa responsabilité.

Il demande à la cour d'ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer les conséquences médicales dont il demeure atteint dans les suites de la lésion de l'artère poplitée de la veine ou à défaut de désigner un médecin expert en orthopédie pouvant s'adjoindre l'avis d'un sapiteur en chirurgie vasculaire afin de déterminer si le docteur [T] a fourni une information complète et appropriée, si lui-même à donner un consentement éclairé, de dire si l'acte chirurgical a été fait dans les règles de l'art, si le trajet de l'artère poplitée a été visualisé avant l'intervention, dire s'il y a eu un retard de diagnostic de prise en charge et en décrire les conséquences, de rechercher l'attitude du bonus médical et de manière générale de qualifier tous les éléments de préjudice.

À titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'il a été victime d'un accident médical non fautif il conviendra de condamner l'Oniam à l'indemniser des conséquences dommageables de l'atteinte artérielle et veineuse et de désigner un expert afin de déterminer les conséquences médico-légales dont il demeure atteint. Il sollicite dans cette hypothèse le versement d'une indemnité provisionnelle de 30'000€.

Par conclusions du 5 décembre 2017, M. [N] demande à la cour, de :

' confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré, en sa qualité d'héritier du docteur [T], hors de cause ;

' rejeter toutes éventuelles demandent fins et conclusions des consorts [R] dirigée contre lui en sa qualité d'héritier du docteur [T] ;

à titre subsidiaire

' condamner la société MIC à le relever garantir de toute condamnation prononcée contre lui en principal, intérêts, frais et dépens ;

en tout état de cause

' condamner in solidum les consorts [R] à lui payer en sa qualité d'héritier du docteur [T] la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de son conseil.

Il rappelle que devant le premier juge, la société MIC a conclu qu'elle ne soulevait aucune exclusion de garantie du contrat souscrit par le docteur [T] et qu'en conséquence ses ayants droits n'avaient pas à être inquiétés. Il estime que les consorts [R] n'ont aucun motif légitime de l'appeler en cause d'appel, c'est pourquoi il demande à la cour de rejeter toute demande formulée à son encontre, et à titre subsidiaire il sollicite la condamnation de l'assureur à le relever et garantir indemne de toute condamnation qui serait prononcée contre lui.

Par conclusions du 19 décembre 2017, la SAS Branchet François et la société Médicale Insurance compagne limited demandent à la cour,

à titre principal de :

' confirmer le jugement ;

' condamner les appelants solidairement à payer à la société MIC la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel ;

à titre subsidiaire dans l'hypothèse ou la cour retiendrait un manquement à l'obligation d'information du docteur [T]

' juger que la somme destinée à réparer le préjudice moral d'impréparation de M. [R] ne saurait être supérieure à 3000€ ;

' débouter Mme [R] et son fils de toutes demandes ;

à titre infiniment subsidiaire, si le tribunal venait ordonner une mission de contre-expertise :

' désigner tel expert qu'il plaira la cour, qualifié en chirurgie orthopédique, hors du département des Bouches-du-Rhône et selon mission définie au dispositif de leurs conclusions ;

' dire que la consignation sera la charge de M. [R].

Elles demandent la confirmation du jugement qui a mis hors de cause le cabinet Branchet et rappellent qu'aucune exclusion de garantie n'étant soulevée, les ayants droits du docteur [T] n'ont pas à être inquiétés.

Elles évoquent les conditions du déroulement de la réunion d'expertise dont le climat s'est tendu à mesure que l'expert s'orientait vers une absence de responsabilité du docteur [T], et que dans cette hypothèse, la mission ne comprenait à l'évaluation des préjudices.

Le jugement qui a dit que le devoir d'information avait été respecté doit être confirmé. Pour statuer ainsi le tribunal a pris en considération les données de l'expertise à savoir :

- dans ce type de chirurgie le risque vasculaire ne dépasse pas un cas sur 200'000,

- M. [R] a signé un document de consentement éclairé faisant mention de risques graves y compris vitaux, et reconnaissant qu'il a pu poser toutes les questions qu'il jugeait utiles,

- M. [R] a signé un document de consentement à la chirurgie.

M. [R] a clairement exprimé qu'il ne voulait pas faire enlever le Dacron mobile qui devait être à l'origine des douleurs et de l'épanchement et il n'ignorait aucun des risques non négligeables qui lui avaient été exposés. Il a fait son choix en conséquence, ce choix étant simple, entre un lavage arthroscopique et un lavage arthroscopique avec ablation du matériel mobile.

Sur le geste opératoire, le tribunal a considéré que le praticien avait travaillé sur un genou fléchi, ce qui a entraîné nécessairement de se fier aux conditions anatomiques normales. Il est resté dans la zone pathologique sans que l'artère et la veine ne soient théoriquement trop proches. C'est donc en étant en zone pathologique que l'effraction vasculaire s'est produite car la zone poplitée n'était plus protégée par la capsule en raison de conditions anatomiques particulières. Cette analyse devra être confirmée. En effet l'accident vasculaire est un accident rare mais référencé dans la chirurgie arthroscopique du genou. En l'espèce le docteur [T] a pris toutes les précautions nécessaires alors que le patient présentait quelques dispositions anatomiques qui rendaient ces atteintes inévitables.

M. [R] laisse entendre que le docteur [T] était face à un choix en per opératoire. Or ce n'est pas le cas, il a enlevé les résidus de Dacron dans le genou sans être en mesure de constater la promiscuité entre ceux-ci et l'artère poplitée, laquelle n'était pas prévisible au vu des documents pré opératoires. L'expert a souligné que les corps étrangers étaient au contact de l'artère, alors que ces deux éléments auraient dû être séparés par la capsule. Le chirurgien a rempli son obligation de soins au décours de laquelle est survenu à l'accident médical non fautif qu'il n'était pas en mesure de prévoir ou de maîtriser.

L'expert a par ailleurs estimé qu'il n'y avait pas eu de lésions nerveuses lors de l'intervention mais que le déficit constaté postérieurement était dû à l'ischémie relative.

Elles constatent que M. [R] persiste dans sa demande de contre expertise alors qu'il ne suffit pas de faire état de son insatisfaction quant aux conclusions, mais elle ne peut se justifier que par des éléments contraires aux conclusions de l'expert résultant des éléments de nature médicale et sérieux.

Elles soulignent que M. [R] critique devant la cour la prise en charge vasculaire du docteur [I] qu'il considère désormais tardive. Or ce médecin n'a pas été attrait à la procédure et la prise en charge n'a jamais été critiquée devant l'expert qui a au contraire souligné le sérieux et la diligence de ce praticien.

Si la cour devait retenir un manquement à l'obligation d'information sur le risque de lésion vasculaire, il conviendra de déterminer le préjudice consécutif à ce défaut d'information. A défaut de rejet, la somme sollicitée doit être ramenée à de plus justes proportions et ne saurait excéder celle de 3000€.

Les demandes indemnitaires de Mme [R] et de son fils seront rejetées.

À titre subsidiaire et sur la demande de contre-expertise, si la cour devait l'ordonner, il ne peut y avoir de question relative à la prise en charge du docteur [I] qui n'est pas partie à l'instance.

Par conclusions du 27 septembre 2018, l'Oniam demande à la cour,

à titre principal de :

' réformer en tous ces éléments le jugement entrepris ;

' constater que le dommage présenté par M. [R] n'est pas anormal au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;

' constater que les critères de gravité de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas atteints ;

' constater que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

' en conséquence le mettre hors de cause ;

à titre subsidiaire si la cour devait considérer que sa mise hors de cause est prématurée

' sur la mesure d'expertise complémentaire, lui donner acte qu'il s'en remet à la sagesse de la cour quant à la confirmation du jugement entrepris sur la mesure d'expertise complémentaire ordonnée, et confirmer le jugement qui a confié cette mesure au professeur [W] ;

' sur la demande de provision, in limine litis, constater l'incompétence du juge du fond pour statuer sur la demande de provision sollicitée par les consorts [R] ;

dans l'hypothèse ou la cour viendrait à retenir une faute du docteur [T] à l'origine du dommage de M. [R]

' prononcer purement et simplement sa mise hors de cause ;

en toute hypothèse

' constater que le dommage présenté par M. [R] n'est pas anormal au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;

' constater qu'en l'état, les critères de gravité de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas atteints ;

' constater que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

' confirmer le jugement qui a rejeté la demande d'indemnisation provisionnelle formulée par M. [R] et dirigée contre l'Oniam ;

' condamner tout succombant à lui verser la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil ;

sur la demande de contre expertise

' lui donner acte qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la mesure d'expertise sollicitée, et désigner tel expert spécialisé en chirurgie orthopédique en complétant la mission dans les termes définis positifs de ses conclusions

' dire que les frais d'expertise seront mis à la charge des demandeurs ;

' réserver les dépens.

Il demande la réforme du jugement l'ayant maintenu en la cause.

Il conteste le caractère anormal du dommage présenté par M. [R]. En effet en l'espèce il ressort très clairement de la lecture du rapport d'expertise du professeur [W] que la complication survenue au préjudice de M. [R] ne peut être qualifiée d'accident médical non fautif au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, cette condition d'anormalité du dommage faisant défaut. Les séquelles de l'intervention ne sont pas notablement plus graves que celles de l'évolution sans traitement de sa pathologie. Pour apprécier le critère de l'anormalité, il convient de comparer l'état actuel du patient avec celui qui aurait été le sien en l'absence d'intervention. Le tribunal a relevé que l'état actuel de M. [R] est constitué par des séquelles de l'accident ischémique majeur. En revanche le premier juge s'est mépris sur les conséquences probables de l'évolution spontanée de son état de santé. En l'espèce en l'absence d'intervention litigieuse, l'état de M. [R] se serait nécessairement aggravé et aurait justifié la pose d'une prothèse du genou. Il appartient donc au juge de comparer les séquelles de l'accident ischémique majeur avec l'évolution de l'incapacité présentée par M. [R] avant la pose de la prothèse genou.

Or en l'espèce, avant l'intervention, les symptômes présentés par M. [R] étaient importants à savoir des douleurs et une instabilité. Le professeur [W] a clairement souligné le risque évolutif du genou en l'absence de geste opératoire. Son état se serait aggravé et aurait conduit à une pose de prothèse. À ce jour il présente des douleurs neuropathiques du membre inférieur gauche consistant en des douleurs et une légère boiterie. Ces séquelles ne constituent pas une conséquence notablement plus grave que celles de l'évolution spontanée à laquelle il était exposé en l'absence d'intervention.

De plus au regard de la particularité anatomique qu'il présentait le risque de survenue d'une plaie était élevé. L'expert a jugé inévitable et nécessaire la lésion réalisée par le praticien puisque pour retirer les corps étrangers il a procédé à une lésion de la veine de l'artère qui a abouti à une ischémie. Le patient était donc particulièrement exposé à la lésion. Ce constat exclut radicalement la notion d'anormalité.

En second lieu les seuils de gravité ne sont pas atteints. En effet, il n'a vocation à intervenir que si le taux de déficit fonctionnel permanent est supérieur à 24 % ou encore s'il existe un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire total ou partiel supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de douze mois. À titre exceptionnel il a vocation à intervenir lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à l'exercice d'une activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenance du dommage ou encore lorsque le dommage occasionne des troubles particulièrement graves y compris d'ordre économique dans ces conditions d'existence. Or en l'espèce, l'expert n'a pas procédé à l'évaluation des préjudices de M. [R] dont il est dit qu'il conserve actuellement des séquelles importantes. Sur le plan professionnel il a dit que le patient avait été en arrêt de travail pendant trois mois et qu'il avait repris son activité professionnelle le 19 juillet 2012. Le taux de déficit fonctionnel permanent n'a pas été fixé. En tout état de cause la paralysie totale du nerf sciatique poplité externe engendre un déficit fonctionnel permanent de 20 % donc inférieur au seuil de 24 % exigé par les textes.

À titre subsidiaire il s'en remet à la sagesse de la cour sur l'opportunité d'ordonner une mesure d'expertise complémentaire qui sera confiée au professeur [W] qui connaît particulièrement bien le dossier.

La demande provisionnelle est irrecevable au regard de l'article 771 du code de procédure civile qui prévoit la compétence exclusive du juge de la mise en état.

Sur la responsabilité du docteur [T], la solidarité nationale ne peut être condamnée en présence d'une faute médicale.

Il ne s'oppose pas à la demande de contre-expertise sollicitée par les consorts [R] et demande que la mission soit complétée dans les termes, tels que repris dans le dispositif de ses conclusions.

La Cpam des Bouches du Rhône, assignée par M. [R], Mme [D] [C] et M. [M] [R], par acte d'huissier du 20 octobre 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat. Elle n'a pas fait connaître le montant de ses débours.

La mutuelle Terciane, assignée par M. [R], Mme [D] [C] et M. [M] [R] par acte d'huissier du 25 octobre 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat. Elle n'a pas fait connaître le montant de ses débours.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise hors de cause du cabinet Branchet

Les parties s'accordent sur la confirmation du jugement ayant mis hors de cause le cabinet Branchet, courtier d'assurance du docteur [T].

Sur la mise hors de cause de M. [N]

Aucune demande de condamnation des consorts [R] n'est formulée à l'encontre de M. [N]. Les parties s'accordent sur la confirmation du jugement ayant mis hors de cause M. [N] fils de feu le docteur [T] en l'absence de toute contestation de garantie de la société MIC, assureur responsabilité du défunt.

Sur le défaut d'information

En vertu des articles L.1111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution pesant sur le praticien, même si elle peut être faite par tous moyens.

En pièce 5 du dossier des consorts [R], figure la reconnaissance d'information et de consentement éclairé orthopédique, signée le 11 septembre 2011, par M. [R], avec la mention suivante écrite de sa main Lu et Approuvé et compris. Dans ce document (partie soulignée et en gras dans le texte original), il est expressément indiqué qu'il a été informé par le docteur [T] dans le détail, des risques graves, y compris vitaux, et en particulier infectieux, inhérents à toute intervention chirurgicale, et des risques graves, y compris vitaux, particuliers à l'intervention que je dois subir. Dans ce texte il est également indiqué que le patient a été informé de l'existence d'un certain pourcentage de complications graves, de séquelles et de risques, y compris vitaux, tenant non seulement à l'affection dont je suis atteint et aux associations morbides dont je suis porteur, mais également à des réactions individuelles imprévisibles et à un éventuel aléa thérapeutique. M. [R] a par ailleurs reconnu avoir pu poser au docteur [T] toutes les questions concernant cette intervention et il est dit j'ai pris note, outre les risques précédemment cités, qu'il existe une imprévisibilité de durée, des aspects anatomiques loco-régionaux particuliers, des spécificités de cicatrisation, ainsi que des risques exceptionnels, voire même inconnus.

De façon plus générale, M. [R] a reconnu avoir été informé des bénéfices de l'intervention, des risques d'échec ou de résultat décevant, des alternatives thérapeutiques, l'ensemble dans des termes clairs pour lui permettre d'arrêter son choix.

Est versé aux débats le dossier de pré-admission de M. [R] à la clinique [11] dans lequel on trouve le 'consentement éclairé mutuel en chirurgie' signé le 10 avril 2012 par M. [R], dans lequel il reconnaît avoir reçu des informations loyales, claires et appropriées, s'agissant de la maladie dont il souffrait, des explorations complémentaires nécessaires en vue de l'intervention, des modalités de l'acte chirurgical, des précautions préalables, du rapport bénéfices/risques opératoires et du risque infectieux. Suivent plusieurs paragraphes dont celui dans lequel il est stipulé de la même façon, je suis conscient qu'il existe un risque exceptionnel d'une lésion d'un organe du voisinage (nerveux, osseux, digestif, urinaire, ou vasculaire) voire même des risques inconnus. Je reconnais avoir été informé que toute intervention chirurgicale comporte un pourcentage de complications et de risques y compris vitaux, tenant non seulement à la maladie dont je suis affecté mais également à des variations individuelles, pas toujours prévisibles.

De la lecture de ces documents, le premier ayant été soumis à la signature de M. [R] dans le cadre spécifique de l'intervention orthopédique pratiquée par le docteur [T], et le second dans le cadre de l'intervention chirurgicale pratiquée à la clinique [11], il ressort que M. [R] a été informé conformément aux dispositions légales précitées de l'ensemble des éléments qui lui étaient nécessaires pour consentir de manière éclairée à l'intervention pratiquée par le docteur [T] et notamment, dans le cas qui nous occupe, sur les risques vitaux, sur l'imprévisibilité des aspects anatomiques loco-régionaux particuliers ainsi que sur le risque exceptionnel d'une lésion d'un organe du voisinage, nerveux ou vasculaire. Dès lors il ne peut être reproché au docteur [T] et à son assureur la MIC, de ne pas avoir informé M. [R] sur le risque de l'intervention ayant conduit, comme le docteur [I] l'a noté, à une section complète de l'artère poplitée et une longue section longitudinale de la veine poplitée. Le jugement qui a considéré que le docteur [T] n'avait pas failli à son obligation d'information, alors que M. [R] a reconnu avoir pu poser au chirurgien toutes les questions utiles et qu'il a pu discuter de l'étendue de cette intervention en demandant à ce qu'elle soit limitée à un lavage sans ablation de matériel, doit être confirmé.

En l'absence de défaut d'information imputable au docteur [T], le préjudice d'impréparation relevant de l'application des articles 16,16-3 alinéa 2 et 1240 du code civil n'est pas plus établi.

Sur la faute du docteur [T]

En vertu de l'article L 1142-1 I du code de la santé publique le professionnel de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part.

Le professeur [W] a été destinataire de l'IRM du 26 mars 2012, objectivant, avant l'intervention un épanchemement de grande importance au niveau du genou gauche, et en arrière du ligament croisé postérieur une zone anormale prenant partiellement le contraste, hétérogène, circonscrite, débordant largement en arrière de l'échancrure, venant au contact de l'artère poplitée et l'expert a dit que ceci devait être interprété comme une réaction aux débris de Dacron. Il a également analysé une radiographie mettant en évidence une arthrose fémorale interne sur 'les schuss'. M. [R], alors âgé de 50 ans se plaignait d'un genou instable, et l'expert a estimé qu'il était candidat à un geste chirurgical pour diminuer les douleurs et que son jeune âge excluait la pose d'une prothèse totale du genou. Il a expliqué que pour pouvoir envisager ultérieurement un geste conservateur sur ce genou, il convenait dans un premier temps d'explanter les corps étrangers, ce geste permettant de supprimer l'épanchement et de diminuer les douleurs. Il a dit que c'est à juste titre que le docteur [T] a proposé un geste chirurgical arthroscopique pour explanter les débris de Dacron, ainsi que le ligament restant et dans le même temps, de procéder à un lavage articulaire. Le médecin et M. [R] se sont entendus sur le maintien en place des agrafes et des ligaments intra-osseux. L'expert a considéré que l'indication était nécessaire et même indispensable et donc conforme aux règles de l'art et des bonnes pratiques. Les consorts [R] ne contestent pas ce point.

Avant de procéder à l'intervention, une IRM a été réalisée pour analyser l'artère poplitée, qui sur les résultats est bien vue en arrière du genou, nous dit l'expert qui a rappelé qu'il existait un épanchement avec un genou sous tension. Il est surtout constaté en arrière de l'échancrure une zone sacciforme, hétérogène, prenant en partie le contraste, correspondant probablement à une zone de synovite imprégnée de corps étrangers de Dacron. Cette formation anormale est au contact même de l'artère poplitée, et il a ajouté : il est difficile de préciser s'il y a une adhérence entre les deux structures. Normalement la capsule articulaire fait barrage à l'artère. Dans le cas présent on en sait plus vraiment où est la capsule. On ne sait plus vraiment où est la limite du genou, d'autant qu'il s'agit habituellement d'une zone de faiblesse anatomique où la capsule peut être inexistante, laissant passer les kystes poplités.

Il n'est ni discuté ni contestable qu'à l'occasion de l'intervention du 19 avril 2012, M. [R] a subi un dommage, l'expert judiciaire ayant relevé qu'il a présenté une complication vasculaire consistant en une plaie de l'artère et de la veine poplitées par les instruments introduits dans le genou, ces plaies ayant entraîné un tableau d'ischémie aigue.

Il appartient aux juges, constatant une atteinte à un organe ou un tissu que l'intervention n'impliquait pas, de rechercher si sa survenue est liée soit à une anomalie rendant l'atteinte inévitable, soit la réalisation d'un risque inhérent à l'intervention caractérisant un aléa thérapeutique et, en l'absence d'une telle preuve, de retenir une faute du praticien. Les juges se déterminent au vu des éléments de fait et de preuve et des conclusions des experts dont ils apprécient souverainement la valeur et la portée.

Sur le geste chirurgical en lui-même, l'expert a expliqué que le docteur [T] a enlevé au 'shaver' l'ensemble des corps étrangers situés en arrière du genou qui présentait un épanchement majeur en raison de leur présence. Il a écrit on ne sait jamais réellement en per opératoire où l'on se trouve. Il existe toujours de l'os visible dans l'échancrure du fémur puisque nous sommes genou fléchi... la vision de l'os est en fait faussement rassurante et l'artère n'est jamais visualisable. Elle n'est plus protégée dans les conditions anatomiques précisées par l'analyse de l'IRM pré-opératoire en expliquant que dans cette zone la capsule peut être inexistante ou de toute façon très mince. L'expert a expliqué que la zone était donc à risque, en ajoutant que le praticien, tant qu'il n'a pas enlevé les tissus pathologiques, continue et c'est en se trouvant encore en zone tissulaire pathologique que l'effraction vasculaire s'est faite. L'expert relate qu'il n'y a pas eu d'évacuation de sang, mais que le docteur [T] en contrôlant au réveil le pouls pédieux, comme il a dit, au cours de l'expertise, le faire de manière systématique dans ce type d'opération, qu'il s'est rendu compte de son absence.

L'expert, suivi en cela par M. [R] et l'Oniam, a écrit que certes le docteur [T] a procédé à une manoeuvre instrumentale ayant entraîné les lésions, ce qui n'est pas normal. Toutefois il a affirmé qu'aucun geste ne permettait de contrôler l'artère et que si le résultat de la manoeuvre n'avait pas été 'normal', en revanche, les lésions n'étaient ni maîtrisables ni contrôlables par le praticien, les corps étrangers qu'il était chargé d'enlever pour redonner au genou un avenir fonctionnel, étant au contact de l'artère et de la veine poplitées.

Comme le premier juge l'a justement retenu, les propos qualifiés d'aveu du docteur [T] qui a reconnu qu'il était 'allé trop loin', s'ils procèdent d'une réalité en l'état de l'atteinte d'un organe voisin, ne suffisent pas pour établir une faute engageant sa responsabilité et tout au plus s'agit-il d'une explication factuelle d'ailleurs reconnue par tous, mais pas de conditions juridiques permettant de lui imputer un comportement fautif.

L'expert judiciaire a largement documenté et explicité son rapport d'expertise, en répondant aux dires qui lui ont été adressés, en y apportant des réponses tout aussi argumentées. Une mesure de contre expertise, sollicitée à titre subsidiaire par les consorts [R] ne s'impose donc pas.

Ces données conduisent la cour à confirmer le jugement, en considérant que la survenue du dommage est liée à une anomalie rendant l'atteinte inévitable et qu'il s'agit donc d'un aléa thérapeutique.

Sur la prise en charge par l'Oniam

En application des articles L.1142-1 et 1142-1-1 du code de la santé publique lorsque la responsabilité d'un professionnel, n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par l'article D.1142-1 du même code à 24%.

La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions légales précitées doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

En l'espèce, l'Oniam soutient que la condition d'anormalité fait défaut, alors que l'expert judiciaire ne s'est pas expressément expliqué sur l'anormalité du dommage. Les éléments dont dispose la cour ne sont pas suffisants et la décision du premier juge d'instaurer une mesure d'expertise est nécessaire. En effet, il importe de comparer les séquelles de l'accident ischémique majeur que M. [R] conserve avec l'évolution de sa pathologie, s'il n'avait pas eu recours à l'intervention pratiquée par le docteur [T]. La désignation du professeur [W] qui a déjà une connaissance précise du dossier médical de M. [R] est confirmée.

Sur la faute du docteur [I]

Si les consorts [R] évoquent dans le corps de leurs conclusions le caractère fautif de la prise en charge du docteur [I], chirurgien vasculaire, ils ne formulent à son égard, dans le dispositif de celles-ci aucune demande de condamnation dirigée contre lui. Qui plus est, le docteur [I] n'est pas partie au procès. De telle sorte la cour n'est pas saisie de la question de la recherche de la responsabilité de ce praticien.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Les consorts [R] qui succombent partiellement dans leurs prétentions supporteront la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne justifie pas de leur allouer une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à M. [N], à la MIC et au cabinet Branchet, ou encore à l'Oniam une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

et y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à ordonner une nouvelle expertise ;

- Déboute M. [R] Mme [D] [C] et M. [M] [R], M. [N], la SAS Branchet François et la société Médicale Insurance compagne limited et l'Oniam de leurs demandes au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne in solidum M. [R] Mme [D] [C] et M. [M] [R] aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 17/14290
Date de la décision : 29/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/14290 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-29;17.14290 ?
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