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22/11/2018 | FRANCE | N°16/16725

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 22 novembre 2018, 16/16725


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2018



N° 2018/589













Rôle N° RG 16/16725 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7HO2







[M] [P]





C/



[B] [Y]

[E] [B] épouse [Y]

SARL DOMAINE DU HAMEAU DES BAUX





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me MAGNAN

Me VOLFIN





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 26 Août 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01800.





APPELANT



Monsieur [M] [P]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2018

N° 2018/589

Rôle N° RG 16/16725 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7HO2

[M] [P]

C/

[B] [Y]

[E] [B] épouse [Y]

SARL DOMAINE DU HAMEAU DES BAUX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me MAGNAN

Me VOLFIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 26 Août 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01800.

APPELANT

Monsieur [M] [P]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Damien FAUPIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMES

Monsieur [B] [Y]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Jean Pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON

Madame [E] [B] épouse [Y]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Jean Pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON

SARL DOMAINE DU HAMEAU DES BAUX SARL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Jean Pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme PETEL, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [B] [Y] et Mme [E] [B], son épouse, étaient propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 2], cadastré section AA n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

La SARL Domaine du Hameau des Baux, ayant pour associés les époux [Y]-[B] et pour gérant M. [B] [Y], était propriétaire d'un immeuble, dans lequel était exploité un hôtel, situé à [Adresse 2], cadastré section AA n° [Cadastre 3].

Par exploit du 29 mars 2011, la SA Crédit Foncier de France a fait signifier aux époux [Y] et à la SARL Domaine du Hameau des Baux un commandement de payer valant saisie, aux fins de vente des dits immeubles, pour recouvrement, au titre de cinq prêts demeurés impayés, d'une créance totale de 3.825.308,54 euros.

Les époux [Y] ont par ailleurs fait l'objet de poursuites de la part du Crédit Agricole de Savoie aux fins de recouvrement d'une somme de 682.000 euros en exécution d'un prêt contracté pour l'acquisition de leur résidence principale.

M. [B] [Y] a, le 25 novembre 2011, signé avec la SARL Acta Entreprises, cabinet de conseil spécialisé, un contrat de mission en vue d'une étude de faisabilité et de recherche de solutions concernant différents projets, notamment son divorce en cours, la procédure de saisie immobilière diligentée par le Crédit Foncier de France, la modification de la gérance de la SARL Domaine du Hameau des Baux, la vente de la résidence principale des époux [Y] et des immeubles appartenant à la SARL Domaine du Hameau des Baux.

Le 25 avril 2012, ladite SARL, M. [B] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] ont signé avec M. [M] [P] un « protocole d'accord en vue de la cession de parts sociales et d'un bien immobilier » prévoyant 5 étapes :

' une 1ère étape aux termes de laquelle M. [M] [P], ou toute société se substituant à lui, s'engage à acquérir des époux [Y]-[B] l'intégralité des parts de la société Domaine du Hameau des Baux pour un montant total de un euro forfaitaire pour 100% du capital, cette valorisation étant justifiée par l'endettement très important de la société au jour du rachat, en l'occurrence 6.320.000 euros,

' une 2ème étape dans laquelle M. [P], ou la société qui lui est substituée, apportera à la société Domaine du Hameau des Baux, en compte courant, la somme de 8.500.000 euros, cette somme étant destinée à apurer l'ensemble du passif exigible de la société, augmentée du solde passif des fournisseurs courants non réglés à la date de reprise officielle,

' une 3ème étape prévoyant le remboursement par la société Domaine du Hameau des Baux de l'intégralité de ses dettes,

' une 4ème étape dans laquelle la société Domaine du Hameau des Baux s'engage à acquérir auprès de M. et Mme [Y], lesquels s'engagent eux-mêmes de manière synallagmatique et irrévocable à vendre, leur domicile conjugal moyennant le prix de 2.180.000 euros,

' une 5ème étape selon laquelle M. [M] [P], ou la société substituée, s'engage à rétrocéder immédiatement après la vente du domicile conjugal à la société DHB, à M. [Y], 10 % du capital de la société Domaine du Hameau des Baux, M. [Y] s'engageant, lui, à les lui racheter, à la valeur d'actif à la date de la cession, cette opération permettant à M. [P], ou à la société qui lui est substituée, de s'assurer de la présence de M. [Y] dans le cadre du suivi des opérations de restauration immobilière intervenir.

Ce protocole stipule que les cessions devront être réalisées avant le 15 septembre 2012, faute de quoi l'accord sera caduc.

Le même jour, à l'insu de Mme [E] [B], un second protocole a été signé entre, d'une part, la SARL Domaine du Hameau des Baux et M. [B] [Y], et, d'autre part, M. [P], avec stipulation d'un « dédit » de 2 millions d'euros, outre la prise en charge intégrale des honoraires des conseils et du cabinet Acta Entreprise, avec la précision que, dans l'hypothèse d'une contradiction qui viendrait à apparaître entre une stipulation de ce protocole et les dispositions du protocole n° 1, le protocole n° 2 primerait sur ce dernier dans les rapports entre la SARL Domaine du Hameau des Baux et M. [B] [Y] d'une part, et M. [P] d'autre part.

Ce second protocole prévoyait lui aussi plusieurs étapes :

' 1ère étape : entre le 25 avril et le 30 mai 2012, soumission du protocole n° 1 à Mme [B] pour signature, puis présentation aux banques créancières dudit protocole n° 1, avec dès sa signature par l'épouse mandat exclusif donné à M. [P], ou toute société qui se substituera à lui, pour la commercialisation des immeubles appartenant à la SARL ainsi que de la villa des époux,

' 2ème étape : entre le 30 mai et le 15 octobre 2012, réunion de l'assemblée générale extraordinaire de la société Domaine du Hameau des Baux pour modifications des statuts et suppression de la mention de la cogérance, et réunion de l'assemblée générale ordinaire pour approbation de la cession des parts des époux [Y]-[B] à M. [M] [P] ou toute personne morale substituée au prix de un euro, inventaire du passif exigible, démission de M. [Y] de la gérance, nomination de M. [P] aux fonctions de gérant, approbation de l'apport par ce dernier de la somme de 8.500.000 euros en compte courant rémunéré,

' 3ème étape : entre le 15 octobre et le 15 décembre 2012, mobilisation des fonds par M. [P], ou toute société à lui substituée, pour apurement intégral du passif de la société tant à l'égard des tiers qu'envers M. [Y] au titre de son compte courant, passation en l'étude du notaire Me [F] de l'acte de vente de la villa des époux [Y]-[B] à DHB, avec renonciation par Mme [B] au remboursement de son compte courant d'associée au sein de DHB...,

' 4ème étape optionnelle : faculté donnée à M. [Y] de racheter à M. [P] 90 % des parts de la SARL DHB pour le montant des apports en compte courant réalisés, majoré d'un dédit de 1.500.000 euros, outre tous frais déjà engagés en vue de la commercialisation des villas, ce dans la limite d'un plafond de 200.000 euros,

' 5ème étape : à partir du 15 mars 2013 au plus tard, en vue de l'ouverture du chantier de construction en vente en l'état futur d'achèvement de 20 villas sur la SHON du Domaine du Hameau des Baux, constitution d'une société de construction et promotion immobilière, filiale de DHB, avec pour gérant M. [M] [P] ; dès l'obtention d'un permis de construire de 20 villas au profit de DHB ou de toute filiale de celle-ci et l'ouverture du chantier, suspension de l'activité hôtelière de DHB pour la durée du chantier ; affectation du produit des premières ventes en priorité au remboursement des apports effectués en compte courant par M. [P] ou toute société à lui substituée ; puis, dans le délai de 36 mois à compter de la signature du protocole et/ou dans les 2 mois suivant la livraison de la dernière des 20 villas,

soit : retour de l'intégralité des parts de la SARL Domaine du Hameau des Baux à M. [Y] pour un montant forfaitaire de 1 euro, M. [P] se voyant attribuer la somme totale de 5.500.000 euros sur les bénéfices réalisés au titre de la commercialisation des villas,

soit : rachat par la SARL des parts de M. [P] en vue de leur annulation : remboursement des comptes courants de M. [P] par DHB pour 8.500.000 euros, rachat de ses parts pour 5.500.000 euros, soit le bénéfice escompté, réduction du capital de DHB à hauteur de 90 % de ses parts, M. [Y], titulaire restant des parts, se retrouvant seul associé de sa société,

l'hypothèse en définitive choisie par les parties devant faire l'objet d'un avenant.

Exposant que M. [M] [P] avait, en ne justifiant pas de la mise à disposition des fonds, rompu unilatéralement les accords conclus entre les parties et engagé sa responsabilité contractuelle, la SARL Domaine du Hameau des Baux, M. [B] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] l'ont, par acte du 1er octobre 2013, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tarascon.

Par jugement du 26 août 2016, ce tribunal a :

' constaté la caducité du protocole d'accord n° 1,

' prononcé la résiliation du protocole d'accord n° 2 en date du 25 avril 2012 aux torts exclusifs de M. [M] [P],

' condamné M. [M] [P] au paiement de la somme de 2.000.000 euros à la SARL Domaine du Hameau des Baux, M. [B] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2013,

' rejeté le surplus des demandes,

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

' condamné M. [M] [P] au paiement de la somme de 5.000 euros à la SARL Domaine du Hameau des Baux, M. [B] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné M. [M] [P] aux dépens.

Suivant déclaration du 12 septembre 2016, M. [M] [P] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 23 mars 2017, auxquelles il convient de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelant demande à la cour de :

' dire son appel recevable en la forme et justifié au fond,

' réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

' débouter Mme [B] de ses demandes en application du protocole n°2 en tout état de cause,

' dire que la clause de l'espèce s'analyse en une clause pénale et non en une clause de dédit,

' dire la rupture des relations commerciales imputable à M. [Y], Mme [B] et la société DHB,

' les débouter de leurs demandes, et conclusions,

' condamner solidairement M. [Y] et la société DHB au paiement de la somme de 2.000.000 euros sur le fondement de la clause pénale,

à titre subsidiaire,

' réduire particulièrement le montant de la clause pénale si toutefois il devait être retenu fautif de la rupture des relations commerciales,

en tout état de cause,

' condamner solidairement M. [Y], Mme [B] et la société DHB au paiement de la somme de 1.800.000 euros en indemnisation du préjudice subi,

' les condamner solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

' les condamner solidairement aux entiers dépens, comme au visa des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 23 mai 2017, auxquelles il y a lieu de se référer par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL Domaine du Hameau des Baux, M. [B] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] demandent à la cour de :

' confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tarascon le 26 ao0t 2016,

' constater que les 2 protocoles d'accord ont été signés par les parties,

' constater la caducité du protocole d'accord n° 1,

' constater la résiliation unilatérale du protocole n° 2 par M. [M] [P] à ses torts exclusifs,

' condamner M. [M] [P] à payer à M. [B] [Y] et à la SARL Domaine du Hameau des Baux la somme de 2.000.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, hormis les honoraires qui pourraient être dus par les intimés à Me [N] et au Cabinet Acta Entreprise, pour mémoire,

à titre infiniment subsidiaire,

' constater que la clause pénale litigieuse n'est pas manifestement excessive,

' en conséquence, condamner M. [M] [P] à payer à M. [B] [Y], Mme [E] [B] et la SARL Domaine du Hameau des Baux, la somme de 2.000.000 euros au titre de la clause pénale,

' rejeter toutes les demandes de M. [P],

' condamner M. [M] [P] à payer les sommes de 10.000 euros à la société Domaine du Hameau des Baux et 10.000 euros aux époux [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jean-Pierre Volfin, avocat associé de la SELARL Volfin Associés-Arles.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2018.

MOTIFS

Au soutien de son appel, M. [M] [P] expose que l'opération immobilière envisagée, et donc son intervention, de même que le projet dans son ensemble, étaient soumis à une condition préalable indispensable, à savoir la réunion des parcelles appartenant à la SARL Domaine du Hameau des Baux et celles appartenant aux époux [Y] permettant le développement de la SHON indispensable à la réalisation du projet de promotion immobilière, nécessaire à la rentabilité de l'opération.

Il fait valoir qu'il ressort des différents documents produits que le compromis, à tout le moins, et la cession de ce « mas » était donc la condition sans laquelle son engagement n'avait pas lieu d'être, que cependant aucun compromis n'a été signé à ce titre, que, plus encore, le gérant de la société Acta, mandataire de M. [B] [Y], atteste de ce que ce dernier lui a opposé un refus de principe à la signature du compromis de vente du mas à la SARL Domaine du Hameau des Baux, ce pour des raisons qui ne tiennent nullement à l'absence de preuve des fonds par lui détenus, mais surtout au litige opposant les époux [Y]-[B], que ces derniers n'ont ainsi jamais donné suite à ce projet de compromis, pourtant établi par le notaire.

L'appelant précise que c'est la raison pour laquelle il a considéré que M. [Y] avait rompu ses engagements.

Il ajoute qu'il aurait été démentiel de verser 8.500.000 euros en comptabilité de la SARL Domaine du Hameau des Baux, dont il n'était ni actionnaire, ni gérant, et pour laquelle aucun acte n'avait été rédigé, sans aucune garantie de la faisabilité du projet, alors même que M. [Y] lui avait été présenté comme en situation financière particulièrement délicate.

Il explique que le reproche qui lui est fait de n'avoir pas versé les fonds avant le 15 septembre 2012 est irrationnel au regard du planning envisagé, qu'il résulte en effet du protocole n°2, lequel prime sur le n°1 en cas de contradiction, que la mobilisation des fonds ne devait pas intervenir avant le 15 octobre 2012, que surtout, ce faisant, l'étape préalable des assemblées générales a été oubliée.

Indiquant enfin qu'il a en tout état de cause justifié de sa surface financière, et que les relations contractuelles se sont poursuivies jusqu'en décembre 2012, mois au cours duquel les intimés ont cessé tout contact avec lui, et ce de manière unilatérale, alors que les parties se trouvaient toujours dans le délai du protocole n°2, M. [M] [P] soutient qu'aucune inexécution contractuelle ne saurait lui être imputable, dès lors qu'il n'est pas à l'origine de :

- l'absence d'engagement de vente du bien immobilier personnel à la SARL,

- l'absence de réalisation des opérations sociétales, étape n°2 du protocole n°2,

- la rupture des discussions au mois de décembre,

- l'inexécution par les époux [Y] et la SARL Domaine du Hameau des Baux de leurs engagements contractuels.

Les intimés font quant à eux valoir que tout le litige réside dans la nécessité d'une concomitance entre l'apport des fonds par M. [M] [P] et la vente du mas des époux [Y] qui seul permettait d'obtenir la SHON nécessaire à l'opération immobilière projetée, qu'il est bien évident que la SARL Domaine du Hameau des Baux, qui, aux termes des protocoles, devait racheter la propriété des époux [Y] après cession des parts de ces derniers à l'appelant, ne pouvait le faire que si son passif, lequel s'élevait à la somme de 6.320.000 euros au minimum, était apuré, que, de même, le mas, qui faisait l'objet d'une procédure de saisie immobilière, ne pouvait être vendu amiablement que si les créanciers inscrits étaient assurés d'être payés, que, cependant, à aucun moment au cours de l'exécution des protocoles litigieux, M. [M] [P] n'a été en mesure de justifier de la disponibilité des fonds qu'il devait apporter, ni même de produire la moindre garantie financière.

Sur ce, il n'est pas contesté que le « protocole d'accord en vue de la cession de parts sociales et d'un bien immobilier » conclu le 25 avril 2012 entre M. [B] [Y], Mme [E] [B] épouse [Y], et la SARL Domaine du Hameau des Baux, d'une part, et M. [M] [P], d'autre part, est atteint de caducité, à défaut de réalisation des cessions envisagées avant le 15 septembre 2012.

Et il ne peut qu'être constaté que ne figurait à ce protocole, dit n°1, aucune clause de nature à venir sanctionner une quelconque défaillance des parties.

Seul est donc en litige, au regard des écritures des parties qui revendiquent respectivement l'application de la clause prévoyant le règlement par celle manquant à ses obligations d'une somme de 2.000.000 euros, le protocole n°2 conclu entre M. [B] [Y] et la SARL Domaine du Hameau des Baux dont il était le gérant, d'une part, et M. [M] [P], d'autre part, destiné, aux termes mêmes de l'acte, à être, tant en ce qui concerne son existence que ses modalités financières, dissimulé à Mme [E] [B].

Cette dernière ne peut donc se prévaloir de ce document qui ne peut davantage lui être opposé.

Et, si ce second protocole précisait que, dans l'hypothèse d'une contradiction qui viendrait à apparaître entre l'une de ses stipulations et les dispositions du protocole n° 1, le protocole n° 2 primerait sur ce dernier dans les rapports entre la SARL Domaine du Hameau des Baux et M. [B] [Y] d'une part, et M. [M] [P] d'autre part, il reste que son exécution restait dépendante de la réalisation du premier, dès lors que comme en conviennent les différentes parties toute l'opération immobilière projetée se fondait sur la réunion des parcelles appartenant respectivement aux époux [Y]-[B] et à la SARL Domaine du Hameau des Baux.

Ce second protocole prévoyait plusieurs étapes, chacune chronologiquement encadrée, dont la première, se situant entre le 25 avril et le 30 mai 2012, prévoyait la soumission du protocole n° 1 à Mme [E] [B] pour signature, puis la présentation aux banques créancières dudit protocole n° 1, avec, dès la signature par l'épouse, mandat exclusif donné à M. [M] [P] pour la commercialisation des immeubles appartenant à la SARL et de la villa des époux.

Cette première étape, qui concernait l'accord de Mme [E] [B] sur le seul contrat dont les autres parties souhaitaient qu'elle ait connaissance, était le préalable nécessaire et indispensable aux étapes ultérieures du protocole n° 2, dont la deuxième, laquelle devait intervenir entre le 30 mai et le 15 octobre 2012, avait pour objet la réunion de l'assemblée générale extraordinaire de la société Domaine du Hameau des Baux pour modifications des statuts et suppression de la mention de la cogérance, et la réunion de l'assemblée générale ordinaire pour approbation de la cession des parts des époux [Y] à M. [P] moyennant un euro, inventaire du passif exigible, démission de M. [Y] de la gérance, nomination de M. [P] aux fonctions de gérant, approbation de l'apport par ce dernier de la somme de 8.500.000 euros en compte courant « rémunéré à hauteur d'un taux identique aux conditions obtenues par M. [P] ou toute société substituée, dans le cadre du prêt qu'il (ou elle) sera amené à souscrire, assurances comprises, dans la limite d'un taux maximum de 6%, assurances comprises ».

Mais, si cette étape n'a jamais été réalisée, que les assemblées générales n'aient jamais été tenues ainsi que le fait valoir M. [M] [P], ou que ce dernier n'ait pas justifié des fonds, qu'il devait ensuite mobiliser dans le cadre de la troisième étape à intervenir prévue pour se dérouler entre le 15 octobre et le 15 décembre 2012, comme le soutiennent les intimés, il apparaît qu'elle était, à compter du 15 septembre 2012, dépourvue de fondement dès lors que la première des conventions était devenue caduque, les cessions auxquelles Mme [E] [B] était nécessairement partie n'étant pas intervenues.

En conséquence de la caducité du protocole n° 1, le protocole n° 2 était, à compter du 16 septembre 2012, désormais sans objet.

Et, ni l'une ni l'autre des parties, qui en préalable de leur accord exposaient que « les parties soussignées ont convenu de poursuivre leur partenariat sur les bases suivantes, qui seront exécutées dès la réalisation des 5 premières étapes stipulées au protocole initial (ci-après « protocole n°1 ») signé en date des 25 avril 2012 et de sa date de signature par Madame [Y]-[B]. », ne sont fondées à se prévaloir de la clause selon laquelle « tout manquement, même partiel, à la stricte exécution des présentes entraînera leur résiliation immédiate en toutes leurs dispositions, la partie défaillante étant tenue d'un dédit de 2.000.000 € envers l'autre, outre la prise en charge intégrale des honoraires de la SELARL [N]-[C] et d'Acta Entreprises, sans préjudice de toute demande utile de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle des deux parties victime du non-respect par l'autre de tout ou partie des dispositions du présent protocole d'accord. »

Ainsi, M. [B] [Y] et la SARL Domaine du Hameau des Baux, d'une part, M. [M] [P], d'autre part, doivent être respectivement déboutés de leur demande tendant à l'application de ladite clause et au paiement d'une somme de 2.000.000 euros.

Etant par ailleurs observé que la signature d'un compromis de vente ne figure pas parmi les obligations stipulées dans le protocole n°1, et rappelé, comme précédemment indiqué et relevé par le Crédit Foncier, créancier poursuivant sur les biens litigieux, dans un courrier du 15 octobre 2012 adressé à M. [M] [P], que ledit protocole ne prévoyait aucune clause pénale, ni aucun dédit, ce dernier n'est pas davantage fondé en sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la SARL Domaine du Hameau des Baux, de M. [B] [Y] et de Mme [E] [B], lesquels époux [Y]-[B], demeurant « libres des engagements qu'ils prennent, n'ont pas souhaité proroger l'accord conclu avec vous, sans assurance du règlement financier de cet accord », ainsi que l'indiquait, en sa « qualité de créancier de la structure cible de la cession envisagée », la banque dans son courrier précité que l'appelant verse lui-même aux débats.

Le jugement étant infirmé, les intimés sont condamnés au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL Domaine du Hameau des Baux, M. [B] [Y] et Mme [E] [B] de l'ensemble de leurs demandes,

Déboute M. [M] [P] de ses demandes reconventionnelles,

Condamne les intimés à payer à M. [M] [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/16725
Date de la décision : 22/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°16/16725 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-22;16.16725 ?
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