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16/11/2018 | FRANCE | N°17/18984

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 16 novembre 2018, 17/18984


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2018



N° 2018/1028













Rôle N° RG 17/18984 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBLLT





Alex X...





C/



SAS GRANDE MINOTERIE DE LA MEDITERRANEE

SA NUTRIXO





























Copie exécutoire délivrée

le : 16 novembre 2018

à :

Me Aurélie Y...
>Me Robert Z...









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section I - en date du 19 Septembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 14/03437.







APPELANT



Monsieur Alex X..., demeurant [...]



représenté par Me...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2018

N° 2018/1028

Rôle N° RG 17/18984 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBLLT

Alex X...

C/

SAS GRANDE MINOTERIE DE LA MEDITERRANEE

SA NUTRIXO

Copie exécutoire délivrée

le : 16 novembre 2018

à :

Me Aurélie Y...

Me Robert Z...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section I - en date du 19 Septembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 14/03437.

APPELANT

Monsieur Alex X..., demeurant [...]

représenté par Me Aurélie Y... de la SCP E. SANGUINETTI , J A..., A Y..., avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Jérôme A..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS GRANDE MINOTERIE DE LA MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Robert Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

SA NUTRIXO, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Robert Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Corinne HERMEREL, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Présidente

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2018..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2018.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Présidente et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Alex X... a été embauché le 4 octobre 1999 par la société les Grands Moulins Maurel.

Cette entreprise exerçait son activité dans les domaines de la meunerie et de la semoulerie. Sur son site industriel, situé à Marseille, elle transformait le blé tendre en farine et le blé dur en semoule.

Cédée en 2002 au groupe PANZANI, puis en 2008 au groupe NUTRIXO, la société est devenue la SAS Grande Minoterie de Méditerranée (ci-après dénommée GMM).

En 2012, le groupe VIVESCIA (issu de la fusion de Champagnes Céréales et de Nutricia) a acquis la totalité du capital de NUTRIXO.

Le 14 septembre 2012, la société GMM a initié une procédure de consultation du comité d'entreprise sur un projet de cessation définitive d'activité, accompagné d'un plan social pour l'emploi, en vue d'une cessation définitive d'activité le 30 novembre 2013.

La société employait 61salariés lorsqu'elle a adressé le 30 novembre 2013 aux salariés, sauf aux salariés 'protégés', détenteurs de mandats représentatifs, une lettre de licenciement pour motif économique.

Alex X... détenait un mandat représentatif du personnel, en l'occurrence celui de secrétaire du CHSCT

Une autorisation de licenciement a été demandée aux services de l'inspection du travail, qui l'a refusée dans un premier temps.

A l'issue d'un recours gracieux de l'employeur, l'autorisation de licenciement a été accordée le 28 avril 2014.

Alex X... a été licencié pour motif économique par lettre en date du 15 mai 2014.

Le conseil de prud'hommes de Marseille a été saisi de la contestation de ce licenciement par 41 salariés et notamment, le 28 novembre 2014, par Alex X....

Alex X... a demandé au conseil de prud'hommes

*de surseoir à statuer, l'autorisation de licenciement étant selon lui contestable, la société n'ayant pas exposé sa situation auprès de l'inspection du travail en fonction du groupe auquel elle appartient, et de poser une question préjudicielle au tribunal administratif,

et, subsidiairement,

*de condamner solidairement GMM et NUTRIXO pour agissements fautifs ayant conduit à la cessation d'activité,

*de dire que le licenciement pour motif économique est nul pour insuffisance du plan social pour l'emploi,

*de condamner son employeur GMM à lui verser 60 000 euros d'indemnité au titre de la nullité du licenciement,

* de condamner solidairement son employeur la SAS GMM et la SA NUTRIXO à lui verser 15 000 euros de dommages et intérêts en raison de leurs agissements fautifs,

*de condamner solidairement son employeur la SAS GMM et la SA NUTRIXO à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon jugement de départage en date du 19 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté Alex X... de toutes ses demandes et dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile. Alex X... a été condamné aux dépens de l'instance.

Le 19 octobre 2017, Alex X... a interjeté appel partiel de ce jugement.

Son appel porte sur les dispositions du jugement qui ont rejeté sa demande de sursis à statuer, les demandes relatives aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts pour agissements fautifs ayant directement mené aux procédures de licenciement ainsi que l'indemnité relative à l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les ultimes conclusions notifiées le 28 Juin 2018 par Alex X...,

Vu les ultimes conclusions notifiées le 7 septembre 2018 par la SAS GMM et par la SA NUTRIXO,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 septembre 2018, avant l'audience.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Alex X... ne forme pas de demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.Il demande cependant à la cour de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il soutient, d'une part, que la cessation d'activité invoquée comme motif de licenciement n'est ni totale ni définitive et, d'autre part, que l'employeur a agi avec une légèreté blâmable.

Il argue de ce que la société GMM existe au sein du groupe NUTRIXO et que la cessation d'activité est le fruit d'une volonté délibérée du groupe d'asphyxier sa filiale.

Selon lui, le groupe NUTRIXO avait besoin de racheter le site industriel de la société GMM pour ensuite en cesser l'activité à des fins de stratégie commerciale.

Il considère que la situation économique de la société GMM se serait dégradée à partir du moment où elle a été rachetée par le groupe NUTRIXO et que ce dernier a prospéré tandis que GMM périclitait. Il liste les éléments qui auraient concouru à cette dégradation, visant notamment la nature des investissements, les mauvais choix de gestion, des spéculations hasardeuses, une absence de management, la conclusion d'un contrat aux conséquences néfastes avec PANZANI, l'abandon du site, le rejet d'une offre de reprise en 2014.

Enfin, Alex X... soutient que le licenciement serait sans cause réelle et sérieuse du fait du non respect par l'employeur de son obligation de reclassement, en particulier de reclassement externe au sein du groupe.

Il invoque également les dispositions de l'article 69 de la convention collective de la meunerie ainsi que les dispositions relatives à l'information de la commission paritaire nationale de l'emploi (créée par l'avenant du 4 septembre 2004), en cas de licenciement économique, pour en déduire que les diligences destinées à favoriser un reclassement externe au sein de la branche n'ont pas été accomplies et que cela priverait le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Tout en contestant, pour les motifs décrits ci-dessus, la cause réelle et sérieuse du licenciement,

Alex X... demande à titre principal d'infirmer le jugement déféré et de prononcer un sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative statue sur la légalité de l'autorisation de licencier donnée par l'inspection du travail.

Alex X... admet que la question de la légitimité et de la régularité du licenciement d'un salarié protégé relève de l'administration du travail voire de la juridiction administrative. Il soutient cependant que le bien fondé de la décision de l'inspecteur du travail était sérieusement contestable et que la fraude, révélée postérieurement à sa décision, pouvait être de nature à remettre en question l'appréciation initiale de l'inspecteur du travail.

Il soutient ainsi que l'inspecteur s'est centré sur la société GMM et non sur le groupe élargi à VIVESCIA SICLAE et que les éléments connus de la situation du groupe depuis 2008 et même depuis 2013, élements dissimulés à l'inspecteur, sont de nature à remettre en question la légalité de l'autorisation donnée en son temps.

Alex X... demande en conséquence à la cour de:

*juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*transmettre la question de la légalité de l'autorisation administrative de licenciement au tribunal administratif,

*surseoir à statuer sur les demandes relatives à la légitimité des licenciements, jusqu'à la décision à intervenir sur la question préjudicielle,

En tout état de cause, il demande à la cour:

*d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a été débouté de sa demande de condamnation des sociétés GMM et NUTRIXO à lui verser des dommages et intérêts en raison des agissements fautifs,

*de condamner solidairement la société NUTRIXO et la société GMM à lui payer les sommes de

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de leurs agissements fautifs,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite de la cour que soit ordonnée la fixation des intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation de ceux-ci.

Dans leurs dernières écritures, la SAS GMM et la SA NUTRIXO font observer, sur le sursis à statuer demandé, que les salariés protégés n'avaient pas exercé de recours contentieux contre l'autorisation administrative en temps utile et que l'inspecteur du travail, qui disposait de tous les éléments utiles à sa prise de décision, a parfaitement tenu compte de la situation de GMM au sein du groupe NUTRIXO et au sein du groupe VIVESCIA SICLAE et qu'aucune fraude ne peut être alléguée de ce chef.

Elles considèrent qu'il n'existe aucune contestation sérieuse de la légalité de la décision administrative et que seule une telle contestation pourrait sous tendre le prononcé d'un sursis à statuer.

Elle rappellent que les reclassements ont fait l'objet d'une analyse méticuleuse de l'inspection du travail, notamment pour tous les salariés protégés et que, parmi les propositions de postes offertes, certaines existaient au sein de VIVESCIA.

Sur les agissements fautifs qui leurs seraient imputés, les sociétés GMM et NUTRIXO soutiennent que la cessation d'activité a été totale et définitive en raison de l'occupation du site par les salariés pendant plus de deux ans alors que la société n'avait plus d'activité depuis le 30 novembre 2013. Elles réfutent tout comportement fautif ou légèreté blâmable de leur part et font valoir qu'en dépit des moyens mis en oeuvre pour développer l'activité de la société GMM, le contexte économique défavorable a fait péricliter cette entreprise.

Enfin, elles revendiquent avoir rempli leur obligation de reclassement des salariés, en interne comme en externe, au sein du groupe élargi.

Elles demandent à la cour de:

*déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer

* constater l'absence de toute faute de l'employeur ou de la société NUTRIXO

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions

* condamner Alex X... à leur verser à chacune la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision querellée et aux conclusions des parties .

MOTIFS

La lettre de licenciement de Alex X..., en date du 15 Mai 2014 est rédigée en ces termes:

'La société GMM qui a accumulé 15'871'000 € de pertes au 31 décembre 2012 se voit contrainte de cesser son activité. En effet, la situation économique et financière de la société ne cesse de se détériorer depuis 2007, malgré les mesures déployées par la direction, et cette cessation d'activité ne peut plus être évitée. Cette dégradation de la situation de la société résulte de différents facteurs.

La situation du marché du blé dur devient de plus en plus défavorable en raison notamment de la surcapacité européenne, de la baisse de la demande en France, de la concurrence accrue des producteurs étrangers et d'une forte concurrence avec l'export au détriment des fabricants français. Le blé dur français et sa transformation sont en effet plus chers que dans les autres pays, ce qui rend plus difficile, pour ne pas dire impossible, l'acquisition de parts de marché en volumes et en marges.

Le marché de la transformation du blé dur se caractérise, par ailleurs, par un renforcement des semouleries intégrées, tendance là encore défavorable aux semouleries non intégrées avec une diminution de 30 % en six ans des volumes consommés par les industriels indépendants.

Le groupe connaît également d'importantes difficultés concernant son activité blé tendre (farines) au sein du pôle meunerie en raison notamment de la décroissance du volume des exportations liées au manque de compétitivité de la production du groupe et de la construction de moulins (blé tendre) dans les pays historiquement importateurs (entraînant corrélativement une baisse des commandes).

La Grande Minoterie de la Méditerranée a fortement subi ce contexte économique difficile.

En effet, localement, malgré les moyens alloués et l'autonomie dont elle disposait, la Grande Minoterie de la Méditerranée n'a pas pu identifier des marchés potentiels, permettant en prix et en volume de couvrir ses frais de structures.

Cet échec dans la conquête de parts de marché résulte principalement du positionnement concurrentiel de GMM qui s'avère très défavorable en raison notamment des nombreuses difficultés qu'elle rencontre avec son outil de production (le site reste trop vétuste malgré les investissements réalisés) et de l'augmentation du coût des matières premières. La société subit également des coûts élevés d'approvisionnement et de logistique, en raison de l'emplacement du site.

Le positionnement très défavorable de GMM a également impacté les relations commerciales avec ses clients historiques, la société ne parvenant pas à adapter son offre du fait de son absence de compétitivité.

Malgré les efforts commerciaux mis en 'uvre par la direction de GMM, la situation de la société n'a cessé de se fragiliser, les volumes et la marge ne cessant de diminuer.

Les pertes de la société à hauteur de 8'345'000 € au 31 décembre 2011 ont pratiquement doublé en un an pour atteindre 15'871'000 € au 31 décembre 2012. Les pertes sont depuis l'exercice 2010 supérieures à la moitié du capital social.

Malgré les mesures qui ont été prises par la direction de GMM (investissements matériels, organisationnels et en matière de qualité) la société n'a pu redresser sa situation.

Aucune des hypothèses envisagées et envisageables, et même les plus optimistes, ne permettraient à la société un retour à l'équilibre financier.

Après avoir recherché un repreneur via un cabinet spécialisé dans le cadre de la préparation du projet, recherche n'a pu aboutir, la société est contrainte de cesser son activité.

Ce projet de réorganisation entraîne la suppression de l'ensemble des postes de l'entreprise, dont le vôtre de chef d'équipe.

C'est dans ces conditions que nous avons été amenés à rechercher activement les éventuelles solutions de reclassement interne pouvant vous être proposées.

À cet égard, nous vous avons adressé par courrier du 14 juin 2013,14 offres de reclassements internes. Nous vous avons demandé de nous indiquer si vous étiez intéressés par ces offres de reclassements dans un délai de réflexion de 15 jours.

Les fiches de ces postes étaient annexées à ce courrier.

Vous n'avez pas donné suite à ces propositions.

Nous avons poursuivi nos recherches et nous vous avons adressé de nouvelles offres notamment par plusieurs courriers entre juin 2013 et avril 2014.

Vous avez ainsi été destinataires de 59 offres de reclassements internes, portant sur des postes de :agent logistique approvisionnement/expédition, conducteur de moulins, conducteur de process moulins, conducteur moulin polyvalent, conducteur production, conducteur de machines, conducteur de machines zones dorage, conducteur de machines zones emballage, conducteur de ligne expert, conducteurs de ligne conditionnement, conducteur de ligne, conducteurs de lignes de fabrication, emballeur mise en carton pizza, emballeur précuits, magasinier, magasinier polyvalent, nettoyeur, ouvriers de production, opérateur de production, opérateur logistique, préparateurs de commandes, opérateur polyvalent, opérateur de fabrication polyvalent, opérateur de nettoyage, préparateur crème, ouvrier de production façonnage, préparateur matières premières, pétrisseur, palettiseur, remplaçant pauses, responsable logistique, responsable plate-forme, responsable d'équipe de production, responsable d'équipe, superviseur entrepôt logistique, technicien supérieur plate-forme de démonstration industrielle.

Vous n'avez pas donné suite à ces propositions.

Malheureusement, aucun autre poste n'étant susceptible de vous être proposé au titre du reclassement interne au sein du groupe, nous avons été contraints de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail de procéder à votre licenciement pour motif économique, après vous avoir reçu en entretien préalable et avoir consulté le comité d'entreprise.

L'inspecteur ayant autorisé votre licenciement en date du 28 avril 2014, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement. »

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l'article 49 alinéa 2 du code de procédure civile, 'lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre 1 du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle'.

Lorsque la question de la légalité de la décision administrative présente un caractère sérieux et que l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend, il appartient au juge judiciaire d'inviter les parties à la faire trancher par la juridiction administrative en lui posant une question préjudicielle.

En l'espèce, l'inspecteur a validé le motif économique du licenciement, la cessation d'activité en constituant sa cause autonome et il a considéré que les propositions de reclassement répondaient aux obligations incombant à l'employeur en la matière.

Il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la justesse de ce point de vue.

Le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier les salariés protégés et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement y compris en ce qui concerne la réalité de la cessation d'activité et le respect de l'obligation de reclassement.

Selon le salarié, la décison d'autorisation de licenciement serait sérieusement contestable au motif que l'inspecteur du travail n'était pas éclairé sur la situation de GMM au sein du groupe NUTRIXO, lui même intégré au groupe VIVESCIA et qu'il n'a donc pas pris en compte cette dimension élargie.

Or, il résulte du plan de sauvegarde de l'emploi, auquel se réfère expressément l'autorisation de licenciement, ainsi que de l'analyse faite par l'inspecteur après enquête, que ce dernier a bien pris la mesure, non seulement de la dimension du groupe NUTRIXO mais encore de celui de VIVESCIA, au travers notamment des postes de reclassement qui ont pu être proposés au sein du groupe NUTRIXO comme dans certaines filiales de VIVESCIA (Nestal, Compas,Vivescia Services ,Malteurop).

Il ressort ainsi des documents produits aux débats que 53 propositions d'emploi au sein de VIVESCIA ont été proposées aux salariés, dont certaines à titre individuel à Alex X..., à savoir: 1 poste au sein de Nesteal, 1 poste au sein de Solliance, un poste au sein de Malteurop, 1 poste au sein de ARD, 2 postes au sein de Chamtor.

Il ne peut dès lors être efficacement soutenu que l'inspecteur n'aurait pas pris en compte la dimension élargie du groupe.

Enfin, l'affirmation selon laquelle des informations auraient été dissimulées à l'inspecteur n'est pas étayée.

Le salarié ne soumet à la cour aucun élément objectif susceptible de fonder l'allégation de contestation sérieuse de la légalité de la décision administrative.

La décision du premier juge de débouter le salarié de sa demande de sursis à statuer sera en conséquence confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre des agissements fautifs de GMM et NUTRIXO

Selon le salarié, l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable ou d'un comportement fautif qui auraient donné lieu à des difficultés telles qu'elles auraient conduit au licenciement, via la fermeture de l'entreprise.

L'employeur aurait, selon le salarié, décidé d'une cessation d'activité pour satisfaire les exigences du groupe NUTRIXO, lequel aurait poursuivi une stratégie commerciale visant à étouffer la société GMM. Il soutient que, relevant du même secteur d'activité, il est anormal que GMM ait périclité tandis que NUTRIXO prospérait.

A l'appui de cette assertion, Alex X..., qui supporte la charge de la preuve de la faute, liste un certain nombre d'éléments qui auraient concouru à la cessation d'activité et qui seraient imputables à la société GMM, poussée en cela par une volonté délibérée de la société mère NUTRIXO.

Ainsi, il critique notamment l'appréciation faite par l'employeur du contexte économique du marché du blé, la nature et l'ampleur des investissements réalisés dans le moulin, les choix de gestion, des spéculations qualifiées d'hasardeuses sur le blé, une absence de management, les conditions néfastes du contrat d'approvisionnement de PANZANI, la décision de l'autorité de la concurrence qui aurait sanctionné pécuniairement NUTRIXO, les avances de trésorerie faites par NUTRIXO envers GMM, l'abandon du site, l'offre de reprise de la société par les Moulins Réunis du Midi en 2014.

C'est après une analyse pertinente et exhaustive, à laquelle la cour se réfère expressément, de chacun des éléments invoqués par le salarié et des pièces soumises au débat que le premier juge a considéré, par des motifs que la cour adopte, que le salarié n'établit pas que la société GMM aurait commis une faute ou aurait eu un comportement d'une légèreté blâmable ou que la société NUTRIXO aurait commis des agissements fautifs qui auraient conduit aux licenciements.

En outre, aucune relation de cause à effet n'étant mise en évidence par ailleurs, le seul constat de la disparité existant entre la situation économique de la société GMM et la prospérité du groupe NUTRIXO et du groupe VIVESCIA n'est pas de nature à mettre en cause le comportement fautif de l'employeur ou de la société mère qui aurait conduit à la cessation d'activité.

Dans ces circonstances, aucune demande d'indemnisation du préjudice né de ces prétendues fautes ne saurait prospérer et c'est à bon droit et pour de justes motifs que le premier juge a débouté Alex X... de ses demandes de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS Grande Minoterie de la Méditerranée et de la SA NUTRIXO.

Alex X..., qui succombe en son recours, sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud'homale et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées en cause d'appel

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne Alex X... à supporter les dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 17/18984
Date de la décision : 16/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-16;17.18984 ?
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