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16/11/2018 | FRANCE | N°16/12262

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 16 novembre 2018, 16/12262


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2018



N°2018/477



Rôle N° RG 16/12262 -

N° Portalis DBVB-V-B7A-635Q







[G] [Y]





C/



SAS SANTERNE SOUS L'ENSEIGNE SANTERNE MARSEILLE





















Copie exécutoire délivrée le :



16 NOVEMBRE 2018





à :



Me Christian FLEURENTDIDIER, avocat au barreau de MARSEILLE




Me Frédéric FRIBURGER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 23 Mai 2016, enregistré au répertoire g...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2018

N°2018/477

Rôle N° RG 16/12262 -

N° Portalis DBVB-V-B7A-635Q

[G] [Y]

C/

SAS SANTERNE SOUS L'ENSEIGNE SANTERNE MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée le :

16 NOVEMBRE 2018

à :

Me Christian FLEURENTDIDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Frédéric FRIBURGER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 23 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/03054.

APPELANT

Monsieur [G] [Y], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christian FLEURENTDIDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Océane HORN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS SANTERNE SOUS L'ENSEIGNE SANTERNE MARSEILLE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédéric FRIBURGER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Livia GARIDOU, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2018

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [G] [Y] a été engagé par la société SANTERNE MARSEILLE, par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 5 novembre 2007, en qualité d'électricien ' chef d'équipe et occupait dans le dernier état des relations contractuelles le poste de technicien de chantier - ETAM- niveau E de la convention collective des travaux publics.

Son contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie non professionnelle à compter du 22 novembre 2012.

Il a été reconnu travailleur handicapé le 24 septembre 2013.

Lors de la visite médicale de reprise, il a été déclaré apte à la reprise à mi-temps thérapeutique avec restrictions par le médecin du travail qui, le 18 avril 2014, l'a déclaré inapte à la reprise de son poste de technicien de chantier, ' serait apte à un poste de chef de chantier ou assistant, bureau d'étude sur chantier, poste administratif, formation ou tout autre poste respectant les restrictions citées'.

Il a été convoqué le 6 mai 2014 à un entretien préalable et a été licencié par courrier du 22 mai suivant pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille qui, par jugement du 23 mai 2016, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société SANTERNE de sa demande reconventionnelle et a condamné le demandeur aux dépens.

Le 24 juin 2016, [G] [Y] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions soutenues oralement, l'appelant demande à la cour de:

-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

-dire que la société SANTERNE n'a pas respecté son obligation de reclassement,

-dire que le licenciement est dépourvu de caractère réel et sérieux,

-condamner la société SANTERNE à lui verser

*50'280 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*4 190 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*419 € au titre des congés payés y afférents,

*75'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de respect de l'obligation de reclassement,

*3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens,

-ordonner l'exécution provisoire.

Aux termes de ses écritures développées à l'audience, la société SANTERNE MARSEILLE, intimée, demande que la cour:

-dise l'appel interjeté mal fondé,

-dise la société SANTERNE MARSEILLE recevable en son appel incident,

-réforme partiellement le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes,

-dise que la société SANTERNE MARSEILLE a parfaitement respecté son obligation de reclassement au titre du licenciement pour inaptitude physique dont le salarié a fait l'objet,

-dise que le licenciement pour inaptitude physique prononcé est parfaitement fondé,

-déboute Monsieur [Y] de l'ensemble de ses demandes,

-condamne Monsieur [Y] à lui verser 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'obligation de reclassement :

Monsieur [Y] considère que son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement préalable à toute mesure de licenciement puisqu'il devait lui proposer des postes disponibles au sein de la société mais également au sein du groupe auquel elle appartient, à savoir le groupe VINCI employant près de 291'000 collaborateurs sur 266'000 chantiers dans le monde. Il rappelle que la recherche de reclassement doit être loyale et exhaustive mais qu'elle n' a pas été personnalisée le concernant puisque l'employeur n'a pas tenté d'aménager ou de transformer un poste en considération de son handicap pour le lui proposer. Il souligne que pourtant, son bilan d'orientation avait révélé ses nombreuses capacités et compétences professionnelles et que de nombreuses offres d'emploi étaient concomitamment publiées sur le site Vinci.

Considérant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il réclame une indemnité qui ne saurait être inférieure à 50 mois de salaire, soit 50'280 €, eu égard à son ancienneté de près de 7 ans.

La société SANTERNE MARSEILLE rappelle que l'obligation de recherche de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, que le constat d'inaptitude renvoyant aux diverses restrictions citées dans la fiche du 1er avril 2014 a servi de base à des recherches de reclassement loyales et exhaustives, faisant appel aux services d'une association régionale du groupe Vinci appelée TRAJEO'H ayant pour objectif d'accompagner les collaborateurs en situation de handicap dans leurs différentes démarches aux fins de favoriser leur maintien dans l'emploi, permettant à Monsieur [Y] d'obtenir un bilan d'orientation communiqué le 13 mai 2014 et lui communiquant régulièrement les coordonnées d'organismes susceptibles de lui être utiles dans ses démarches en vue d'obtenir, conformément à son voeu, un poste d'encadrant au sein d'un établissement de services d'aide par le travail, poste que la concluante n'aurait pu lui proposer.

Elle indique avoir également échangé avec le médecin du travail, mais avoir échoué dans ses tentatives de reclassement interne ( aucun des 14 postes pourvus en 2014 ne correspondant au profil du salarié) et de reclassement externe en recherchant non seulement auprès de sociétés du groupe permettant la permutabilité du tout ou partie du personnel c'est-à-dire ayant des activités au moins complexes complémentaires mais encore au sein de l'ensemble des sociétés du groupe faisant partie du périmètre de reclassement, et ce dès le 29 avril 2014. Elle conteste l'existence d'offres d'emploi telles qu'invoquées par le salarié, ces dernières n'étant pas datées et afférentes à l'évidence à une période postérieure à la recherche de reclassement puisque concomitantes à l'instance devant le conseil de prud'hommes. Elle estime avoir agi de manière loyale et sérieuse mais avoir échoué en l'état des préconisations médicales particulièrement circonscrites de l'espèce.

En ce qui concerne l'indemnisation sollicitée, la société SANTERNE MARSEILLE constate qu'aucun préjudice particulier n'est démontré et qu'aucun élément de nature à justifier les sommes réclamées n'est produit.

En vertu de l'article L 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

La recherche de reclassement doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la réalité de ses recherches de reclassement et de son impossibilité à reclasser le salarié.

Pour justifier de ses efforts sérieux et loyaux en vue du reclassement de [G] [Y], la société SANTERNE MARSEILLE produit le courrier de l'association TRAJEO'H adressé au sujet de Monsieur [Y] le 20 mai 2014, le bilan d'orientation réalisé, des courriels transmettant les coordonnées d'associations travaillant dans le domaine des ESAT, lui proposant des lettres de motivation ou mettant à jour son curriculum vitae, le courrier du docteur [I], médecin du travail, en date du 21 avril 2014, listant diverses restrictions médicales concernant [G] [Y], la réponse de la société SANTERNE MARSEILLE le 6 mai 2014 rappelant que compte tenu des restrictions médicales, les possibilités étaient malheureusement réduites, une copie du registre du personnel du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015, le curriculum vitae de deux recrues, diverses offres d'emploi, les courriels adressés le 22 avril 2014 à quelques 83 destinataires auxquels étaient joints une fiche synoptique ainsi que le détail des préconisations médicales pour le salarié, diverses réponses négatives notamment.

Si les efforts de la société intimée en vue de faciliter le recrutement de son salarié dans un domaine d'activité étranger au sien étaient louables, s'ils avaient été fructueux, ils ne peuvent se substituer aux efforts sérieux qu'implique une obligation de moyens tendant à la recherche de reclassement.

La société SANTERNE MARSEILLE a adressé de nombreux courriels, informant précisément sur la situation du salarié; cependant, il n'est pas justifié des réponses négatives apportées à chacun des courriels de recherche de reclassement, ni surtout d' une quelconque étude réalisée relativement à des mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail compatibles avec les préconisations médicales de l'espèce, lesquelles étaient certes nombreuses (pas 'd'efforts physiques intenses et prolongés, ni mouvements répétitifs et en force avec la main droite, ni mouvements prolongés ou en force les 2 bras en l'air, ni monter et descendre à répétition escabeaux échelles, le port de charges est à limiter à 20 kg de façon non répétitive, les trajets domicile-travail sont à limiter à 60 km de son domicile ([Localité 1] ) dans la mesure du possible') mais laissaient place à une aptitude résiduelle adaptée toutefois à de nombreux postes (' chef de chantier ou assistant, bureau d'études sur chantier, poste administratif, formation ou tout autre poste respectant les restrictions citées'), liste contenant des catégories entières de postes de travail -notamment dans le secteur administratif - , compatibles pour beaucoup avec les capacités intellectuelles, la formation et les compétences professionnelles que l'appelant a montrées dans son bilan d'orientation.

Par conséquent, le licenciement de l'espèce doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Tenant compte de l'âge du salarié (34 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (six ans et demi), de son salaire moyen mensuel brut (soit 2 095 €), des justificatifs de sa situation professionnelle et financière après la rupture, il y a lieu de lui allouer 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient également de condamner la société SANTERNE MARSEILLE à lui verser, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la somme de 4190 € correspondant à deux mois de salaire au titre du préavis comme prévu par la convention collective des employés techniciens et agents de maîtrise des travaux publics, ainsi que les congés payés y afférents.

En revanche, un même préjudice ne pouvant donner lieu à double réparation, il convient de rejeter la demande d'indemnisation à hauteur de 75'000 € présentée au titre du préjudice subi par l'absence de respect de l'obligation de reclassement, préjudice d'ores et déjà pris en considération dans l'indemnisation au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cette demande doit donc être rejetée.

Sur l'exécution provisoire :

La demande d'exécution provisoire, inopérante en cause d'appel, doit être rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel par le salarié et de condamner la société SANTERNE MARSEILLE à lui verser la somme de 2000 € à ce titre.

L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens, de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions rejetant la demande de réparation du non respect de l'obligation de reclassement et la demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de [G] [Y] par la société SANTERNE MARSEILLE dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SANTERNE MARSEILLE à payer à Monsieur [G] [Y] les sommes de :

- 4 190 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 419 € au titre des congés payés y afférents,

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société SANTERNE MARSEILLE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/12262
Date de la décision : 16/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°16/12262 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-16;16.12262 ?
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