COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 15 NOVEMBRE 2018
N° 2018/614
N° RG 18/05819 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCHCA
Société LANDSBANKI LUXEMBOURG SA
C/
SCI COTE SUD
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Agnès F...
Me Gilles X...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00048.
APPELANTE
Société LANDSBANKI LUXEMBOURG SA Société anonyme de droit luxembourgeois au capital de 54.000.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B 78-804, en Liquidation Judiciaire selon jugement prononcé par le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg le 12 Décembre 2008, agissant poursuites et diligences de son liquidateur, Madame Yvette Y..., Avocat, nommée à cette fonction par le jugement précité, domicilié [...]
représentée par Me Agnès F... de la SCP ERMENEUX- ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX- EN- PROVENCE, assistée par Me Marie-Christine Z..., avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
SCI COTE SUD Prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]
représentée par Me Gilles X..., avocat au barreau D'AIX-EN- PROVENCE, assisté par Me Estelle A..., avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2018,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 7 janvier 2008 la société anonyme de droit luxembourgeois LANDSBANKI LUXEMBOURG a consenti à la société TESSARA LLC, société off shore immatriculée en république des Seychelles, dont Monsieur Louis B... est le bénéficiaire économique, un prêt de 1.950.000 euros, permettant à l'emprunteur propriétaire d'un bien immobilier et souhaitant disposer de liquidités, de débloquer la valeur de l'immeuble sans avoir à le vendre, afin de disposer d'une partie des fonds pour la réalisation de son projet et de placer le reste dans des produits financiers, ce prêt étant garanti par l'hypothèque consentie suivant acte reçu le 10 mars 2008 par Maître C... notaire associé à Nice, par la SCI COTE SUD, ayant pour associés la société TESSARA LLC et Madame Céline D... épouse B..., sur le bien lui appartenant sis [...] dénommée « [...] ».
Un contrat de gage portant sur les fonds détenus par la société TESSARA LLC auprès de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG a été également conclu le 7 janvier 2008.
Parallèlement à la souscription du prêt par la société TESSARA, Monsieur Lionel B... a procédé à l'ouverture de compte bancaire dans les livres de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG.
Cette banque a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 12 décembre 2008 par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui a désigné Madame Yvette Y... en qualité de liquidateur.
Par lettre du 27 février 2015, Mme Y..., ès qualités, s'est prévalue de la déchéance du terme encourue en application de l'article de l'article 9.3 du contrat de prêt qui stipule que, pour le cas où la valeur des biens donnés en garantie par les emprunteurs deviendrait inférieure à 90 % du montant du prêt, la banque pourrait réclamer le remboursement immédiat du prêt.
Ce courrier étant demeuré vain, la banque par acte du 3 novembre 2016 publié le 29 décembre 2016, a fait délivrer à la SCI COTE SUD un commandement de payer la somme de 1.795.544,82 euros arrêtée au 31 mars 2016, emportant saisie des droits et biens situés sur la commune de [...], dénommée [...], [...] , en vertu de l'acte notarié du 10 mars 2008, et l'a assignée à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice qui par jugement du 15 mars 2018 a rejeté les exceptions d'incompétence et de sursis à statuer soulevées par la SCI COTE SUD, ainsi que la demande de nullité du titre exécutoire pour défaut de représentation des parties, et pour absence de cause de l'acte d'affectation hypothécaire mais a débouté la banque de ses demandes en retenant que le titre exécutoire ne constatait pas une créance exigible, en rappelant que l'article 1188 ancien du code civil, applicable à l'espèce, dispose que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsque par son fait il a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat a son créancier. '' et qu'en l'espèce, le montage financier conçu par la société LANDSBANKI LUXEMBOURG repose sur la détention de 75 % des sommes prêtées par l'établissement financier en vue « d'être utilisées par l'emprunteur pour effectuer des investissements dans la police et bien aussi d'autres investissements. ''(2.2), et qu'il n'est pas justifié que la réduction du rendement des fonds empruntés, à hauteur de 1 482 500 euros, donnés en gage au préteur, soit le fait de la S.C.I COTE SUD, alors même qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que la société LANDSBANKI LUXEMBOURG a mis en oeuvre les moyens nécessaires pour concrétiser la demande d'investissement présentée par courriel du 25 septembre 2008 et que d'autre part le créancier ne pouvait ignorer que la diminution de la sûreté était inhérente à la nature du gage, comme dépendant des marchés financiers. Le magistrat a donc considéré, au visa de l'article 1187 ancien du code civil, que le terme est stipulé en faveur du débiteur et que la société LANDSBANKI LUXEMBOURG ne peut se prévaloir en conséquence de l'exigibilité de la créance faute de déchéance du terme.
Cette banque a interjeté appel de cette décision par déclaration du 3 avril 2018.
Par ordonnance du 11 avril 2018 elle a été autorisée à assigner à jour fixe et l'assignation délivrée à cette fin le 16 avril 2018 a été transmise au greffe le 24 avril 2018.
Par ordonnance de référé du 28 juin 2018 le premier président de cette cour a ordonné le sursis à exécution du jugement déféré.
Par dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2018 la société appelante demande à la cour:
- à titre préliminaire : d'ordonner le rejet des conclusions et pièces, de la société COTE SUD notifiées le 9 octobre 2018 à 18 heures,
- à titre subsidiaire si la cour ne rejetait pas les conclusions de COTE SUD ;
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :
- débouté COTE SUD de son exception d'incompétence au profit des tribunaux luxembourgeois et de sa demande de sursis à statuer compte tenu du titre exécutoire, du caractére exigible de la créance, subsidiairement en raison du fait que ni le débiteur principal, ni la société COTE SUD n'ont saisi les juridictions luxembourgeoises,
- débouté la société COTE SUD de ses exceptions de nullité de la saisie immobilière, de l'acte authentique contenant hypothèque conventionnelle, pour prétendus défaut de pouvoirs des parties, de l'intégralité de ses demandes,
- sur la demande reconventionnelle de la SCI COTE SUD :
- à titre principal : se déclarer incompétent pour défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur la demande reconventionnelle formée parla SCI COTE SUD, en conséquence l`en débouter.
- à titre subsidiaire :
- dire et juger que la société COTE SUD, en tant que constituant d'une sûreté immobilière, ou sur le fondement de l`article 1240 du Code civil (anciennement 1382), irrecevable, en tous les cas mal fondée à exciper d'exceptions appartenant au débiteur, la société TESSARA.
- dire et juger la demande de la société COTE SUD prescrite en tant que fondée sur une faute de la Banque dans un non respect d'obligation d'instructions.
- à titre plus subsidiaire:
- dire et juger que la société COTE SUD ne rapporte la preuve ni du dol ni d'une faute de la Banque LANDSBANKI, ni de son préjudice, ni du lien de causalité.
- en conséquence, la débouter de sa demande.
- dans tous les cas :
- débouter la société COTE SUD de sa demande de condamnation de la Banque à des dommages et intérêts du fait de la liquidation judiciaire de la Banque faute de déclaration de créance ci son passif.
- débouter la société COTE SUD de sa demande de compensation : les conditions de la compensation ne sont pas réunies en application du droit luxembourgeois seul applicable et la Banque ne réclame pas paiement d'une créance mais entend exécuter la sûreté réelle qu'elle possède .
- sur l'appel de la banque :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a:
- constaté le défaut d'exigibilité de la créance .
- ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière
- ordonné la radiation du commandement publié le 29 décembre 2016.
-condamné la banque à payer a la SCI COTE SUD la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens y compris les frais de radiation .
- et statuant à nouveau :
- fixer la créance de la Banque a la somme de l.795.544,82 euros en principal et intérêts selon décompte provisoirement arrêté au31 mars 2016.
- ordonner que la saisie soit poursuivie sous la forme d'une vente forcée du bien saisi selon les modalités et conditions figurant au cahier des conditions de la vente déposé au Greffe et renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution de Nice pour qu'il soit statué sur la date de la vente:
- condamner la SCI COTE SUD à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de
l'article 700 du code de procédure civile
- ordonner I'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
La SCI COTE SUD a notifié ses écritures le 9 octobre 2018 tendant à :
- la déclarer recevable et fondée en son appel incident,
- in limine litis
Vu l'article 21.2 du contrat de prêt
Vu l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire,
Vu l'arrêt de la CJCE 4 juillet 1985 AS AUTOTEIL SERVICE GHBH/MAHE affaire 220-84
- constater que les juridictions de l'ordre juridique Français ne sont pas compétentes pour se prononcer sur les contestations liées à la décharge des obligations du prêt, les contestations relatives au caractère certain exigible de la créance, l'interprétation des dispositions d'un contrat de prêt soumis expressément à la compétence de la loi Luxembourgeoise,
- constater que seule la juridiction Luxembourgeoise a compétence pour statuer sur la décharge des obligations du prêt, les contestations relatives au caractère certain exigible de la créance, de la régularité et de l'exécution du contrat de prêt luxembourgeois.
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par COTE SUD au profit des juridictions du Grand-Duché de Luxembourg.
- prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive des juridictions luxembourgeoises à intervenir sur le sort du contrat de prêt et de la créance revendiquée.
- à défaut,
Vu les articles L.311-2 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 1188 du Code civil
- dire et juger que le laxisme de la banque LANDSBANKI qui n'a jamais donné suite aux demandes d'investissement de la société TESSARA ne lui permet pas de se prévaloir de la diminution du taux de couverture et donc de la déchéance du terme de l'emprunt stipulé dans le seul intérêt du débiteur.
- déclarer la société COTE SUD recevable à opposer à la société LANDSBANKI le terme de l'obligation principale qui ne peut sortir à effet avant 20 Mars 2028.
- dire et juger que l'acte notarié du 10 Mars 2008 est dans l'impossibilité de pouvoir constater une créance exigible faute de déchéance du terme.
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté le défaut d'exigibilité de la créance de la LANDSBANKI Luxembourg, ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière et la radiation du commandement de payer délivré le 3 novembre 2016.
1- Concomitamment la nullité de la procédure,
- concernant l'acte contenant affectation hypothécaire
Vu l'article 112 du CPC
Vu l'acte contenant affectation hypothécaire du 10 mars 2008,
Vu le mandat confié à M. B...,
- constater que M. E... délégataire de pouvoir des représentants légaux de la société TESSARA donne mandat à M. B... de donner tous pouvoirs au représentant de la société COTE SUD à l'effet d'appliquer les décisions de l'assemblée générale décidant de l'affectation hypothécaire de la villa Le Cèdre Bleu en garantie du prêt souscrit par la société TESSARA auprès de LANDSBANKI Luxembourg.
- constater qu'aux termes du procès-verbal d'Assemblée Générale du 7 mars 2008 de la société COTE SUD donne lesdits pouvoirs à Mme Sylvia B....
- constater que le représentant de la société COTE SUD est Mme Céline D....
- constater qu'il n'est pas justifié des pouvoirs des représentants de la banque.
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a estimé les parties valablement représentées à l'acte notarié du 10 Mars 2008 et l'a déclaré régulier.
- constater que l'acte d'affectation hypothécaire du 10 mars 2008 est nul faute d'avoir été signé par un représentant régulièrement autorisé par Assemblée Générale des associés de la société COTE SUD.
- prononcer la nullité de l'acte contenant affectation hypothécaire du 10 mars 2008 et la nullité de tous les actes subséquents en ce compris les actes censés avoir été délivrés dans le cadre de la saisie immobilière.
- dire n'y avoir lieu n'y avoir lieu à poursuivre la vente.
2. Sur les demandes indemnitaires
Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire
Vu l'article 1382 ancien du Code Civil,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la SCI COTE SUD en ses demandes indemnitaires reconventionnelles,
- dire et juger que la banque LANDSBANKI Luxembourg a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SCI COTE SUD.
- dire et juger que le préjudice qui en est résulté est équivalent au montant des sommes revendiquées au titre du prêt consenti à l'égard de l'emprunteur.
- constater que COTE SUD est recevable et bien fondée à solliciter la condamnation de la banque LANDSBANKI Luxembourg prise en la personne de son liquidateur ou ses liquidateurs à l'indemniser des conséquences préjudiciables du prêt fautif et de son comportement fautif à hauteur du montant de la créance revendiquée au titre de ce contrat de prêt.
- constater que la créance indemnitaire de la SCI COTE SUD ne saurait être inférieure au montant de la créance revendiquée par le liquidateur judiciaire de la banque soit la somme de
1.795.544,82 euros laquelle doit se compenser avec la créance revendiquée par la banque afin
d'éviter la poursuite de la procédure de saisie immobilière et la vente forcée du bien.
- déclarer la SCI COTE SUD recevable et bien fondée à revendiquer une créance
indemnitaire équivalente à la créance contractuelle revendiquée par la LANDSBANKI Luxembourg prise en la personne de son liquidateur ou ses liquidateurs et d'en ordonner le paiement par compensation.
- condamner la banque LANDSBANKI Luxembourg prise en la personne de son
liquidateur ou ses liquidateurs au paiement d'une somme de 10.000 euros au visa de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP KLEIN.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
EXPOSE DU LITIGE
Sur la procédure :
L'appelante ayant pu répondre aux premières écritures tardivement notifiées par l'intimée la veille de l'audience, et par lesquelles la société COTE SUD reprend ses moyens et demandes de première instance, il n'y a pas lieu d'écarter ces conclusions et pièces.
Sur l'exception d'incompétence du juge français au profit des juridictions du Grand Duché de Luxembourg :
Pour conclure à la réformation de la décision de ce chef la société COTE SUD soutient que le contrat de prêt étant soumis au droit luxembourgeois et à la compétence des juridictions luxembourgeoises ,seules ces dernières peuvent confirmer l'exigibilité ou non de la créance revendiquée, la validité et la régularité du contrat de prêt et les conditions fautives de sa mise en oeuvre qui permettront à l'emprunteur qui s'estime déchargé de toutes obligations du prêt sur le fondement contractuel et au garant hypothécaire sur le fondement délictuel, de faire valoir une exception de compensation et une demande indemnitaire.
Toutefois l'article 21.4 de l'acte authentique d'affectation hypothécaire du 10 mars 2008 stipule que la loi française est applicable en ce qui concerne la procédure de réalisation éventuelle de la garantie hypothécaire qui pourrait être la résultante d'une mise en oeuvre de cette garantie en cas de défaillance du débiteur. Ainsi la procédure de saisie immobilière engagée en vertu de l'acte notarié du 10 mars 2008 sur l'immeuble appartenant à la société COTE SUD et situé sur la commune de [...] en France, est soumise selon le choix des parties, et conformément au principe de la territorialité des mesures d'exécution qui se conjugue avec la compétence des juridictions de l'Etat du lieu de situation des immeubles, à la loi française.
Et en vertu de l'article l'alinéa 3 de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire le juge de l'exécution connaît de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
La cour relève en outre qu'aucune action n'a été engagée par la débitrice principale ou le garant hypothécaire devant la juridiction luxembourgeoise.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société COTE SUD.
Sur la demande de sursis à statuer :
Le rejet de la demande de sursis à statuer dans l'attente des décisions définitives des juridictions luxembourgeoises mérite confirmation, en l'absence de saisine de ces juridictions.
Sur la nullité de l'acte notarié du 10 mars 2008 :
Au soutien de son appel incident, l'intimée reprend en vain le moyen tiré du défaut de représentation des parties à l'acte, écarté par le premier juge par des motifs que la cour adopte, au vu du procès verbal d'assemblée générale des associés en date du 7 mars 2008 annexé à l'acte authentique et du procès verbal de la 32ème réunion du conseil d'administration de la banque en date du 29 septembre 2006 comportant les procurations délivrées par le conseil d'administration, engageant la banque.
Etant encore rappelé ainsi que justement opposé par l'appelante que les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d'une partie à un acte notarié, ne relèvent pas des défauts de forme que l'article 1318 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sanctionne par la perte du caractère authentique et, partant, exécutoire de cet acte et que ces irrégularités, qu'elles tiennent en une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, sont sanctionnées par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée qui seule peut la demander, en sorte que l'intimée n'est pas recevable à soulever la nullité de l'acte authentique du 10 mars 2008 en raison de l'irrégularité alléguée de représentation de la banque.
Sur l'exigibilité de la créance de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG:
La société LANDSBANKI LUXEMBOURG fait grief à raison, au premier juge d'avoir fondé sa décision sur les dispositions du code civil français alors qu'en vertu de l'article 21.1 du contrat de prêt conclu avec la société TESSARA la validité des clauses contractuelles tenant aux garanties, au maintien d`un ratio de garantie et à la sanction de la déchéance du terme, sont régies par la loi luxembourgeoise.
L'article 9.2 de ce contrat prévoit qu'à la date du contrat de prêt la valeur des biens donnés en garantie n'est pas inférieure à 100 % du montant du prêt et aux termes de l'article 9.3 si le ratio de couverture de gagerie passait à 90 % du montant du prêt la banque aurait la possibilité à son choix de:
a) réclamer le remboursement immédiat du prêt.
b) exiger de l'emprunteur qu'il rétablisse un ratio de couverture de gagerie de plus de 100 %.
c) liquider la garantie et en utiliser le produit pour rembourser le prêt, y compris les intérêts accumulés et les frais correspondants, après avoir adressé à l'emprunteur une injonction de payer sous trois jours ouvrés par lettre recommandée.
La banque s'est prévalue de la déchéance du terme conformément aux dispositions de l'article 9.3 précité, par lettre du 27 février 2015 adressée à l'emprunteur pour lui notifier que son taux de couverture était tombé à 80.06 % et lui enjoindre de rembourser l'intégralité des sommes dues, en annexant à son courrier un état du compte montrant qu' à cette date le montant des avoirs donnés en garantie s'élevaient à un total de 1.164.992.82euros cependant que le montant dû au titre du prêt se chiffrait à la somme de 2.813.832.22euros. Il était précisé qu'à défaut de remboursement dans le délai de 10 jours la banque serait fondée à exercer les droits qu'elle détenait sur les biens donnés en garantie.
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir sous entendu sa responsabilité dans la baisse du ratio ayant entraîné le prononcé de la déchéance du terme, dans le fait de n'avoir pas donné suite à un « ordre d'investissement » présenté le 25 septembre 2008, qui selon elle n'en était pas un, et alors que la société TESSARA n'a pas respecté ses obligations contractuelles de maintenir un taux de garantie de plus de 90% et de régler intérêts trimestriels du prêt de sorte que la banque, comme l'y autorise l'article 6.2 des conditions générales de convention d'ouverture de compte, les a compensés avec les avoirs du client qu'elle détenait ce qui a ainsi conduit à la diminution de la valeur desdits avoirs gagés pour les porter au 27 février 2015 à 1.164.992.82 euros faisant chuter de ce fait le « Sécurity Coverage Ratio » en deça des 90%.
Le mail adressé le 25 septembre 2008 par Monsieur B..., bénéficiaire économique de la société TESSARA, est libellé en ces termes : « Je vous demande de bien vouloir trouver ci-joint le produit que j'élabore actuellement avec les ingénieurs de chez Lyxor et sur lequel je souhaiterais investir tout ou partie des dépôts en vos livres ( 1.400.000 euros). Le cas échéant. j'organiserais une mise en relation directe avec les patrons du Private Banking Europe Desk Relations interbancaires et ingenierie produit. Merci de me revenir rapidement (...) ».
Les termes de ce mail évoquant un produit « en cours d'élaboration » et l'organisation « le cas échéant » d'une réunion avec les dirigeants de ce placement ne constitue pas un ordre d'investissement, en sorte qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir donné suite à ce projet qui n'a été suivi d'aucune confirmation , étant relevé que l'emprunteur n'a présenté aucune contestation qui lui était ouverte en application des dispositions contractuelles dans le délai de 30 jours de l'envoi des avis et relevés de comptes, sur l'attitude de la banque à la suite de ce courriel du 25 septembre 2008.
Par ailleurs la procédure de calcul du taux de couverture prévue au contrat de prêt, qui varie en fonction d'éléments sur lesquels la banque n'a pas d'influence tel que le paiement par l'emprunteur de l'intégralité des sommes dues et la diminution ou l'augmentation de la valeur des garanties, a été approuvée par la signature du contrat de prêt , la société TESSARA étant en outre informée aux termes de la clause dénommée « Risque et responsabilité en matière d'investissement » du « fort caractère spéculatif » des placements envisagés supposant une« prise de risque considérable de l'emprunteur », et de ce que « si les pertes de l'emprunteur dépassent le montant des biens nantis par lui, le prêteur reste entièrement fondé à recouvrer l'intégralité de la somme restant due par l'emprunteur »,
Il résulte des éléments qui précèdent que c'est valablement que la clause de déchéance du terme a été appliquée par la banque qui dispose en conséquence d'une créance liquide et exigible constatée par le titre exécutoire du 10 mars 2008.
Le jugement sera donc reformé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de la société COTE SUD en paiement de dommages et intérêts:
Reprochant à la banque notamment d'avoir induit en erreur le client sur sa solidité économique, de lui avoir fait croire que les remboursements du prêt seraient autofinancés et couverts par les revenus des placements financiers souscrits et de ne pas avoir donné suite aux instructions de placement données en août 2008 par Monsieur E..., manquements à l'origine des poursuites dont elle fait l'objet, la société COTE SUD demande condamnation de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG au paiement de dommages et intérêts d'un montant équivalent à la créance revendiquée et venant se compenser avec elle.
Cependant ainsi qu'exactement rappelé par le premier juge, le juge de l'exécution ne peut délivrer de titre exécutoire hors les cas prévus par la loi, et le moyen tiré de ce que la seule condition de recevabilité d'une demande reconventionnelle est de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant, qui serait caractérisé en l'espèce, est inopérant.
Le jugement qui a déclaré cette demande reconventionnelle irrécévable sera donc confirmé de ce chef.
Sur le montant de la créance de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG :
Vu les dispositions de l'article R322-18 du code des procédures civiles d'exécution;
Il convient au vu des énonciations du contrat de prêt, de l'acte d'affectation hypothécaire et du commandement de payer aux fins de saisie et du dernier décompte, et en l'absence de contestation du montant de la créance commandée de le retenir à hauteur de la somme de 1.795.544,82 euros en principal et intérêts, comptes arrêtés au 31 mars 2016.
Sur la vente des biens saisis :
En l'absence de toute demande de vente amiable, la vente forcée des biens saisis sera ordonnée et la procédure renvoyée devant le juge de l'exécution pour fixation des modalités de la vente et de la date de l'adjudication.
Sur les frais irrépétibles et dépens :
Par réformation la société COTE SUD sera déboutée de sa demande de frais irrépétibles et il sera allouée à la société LANDSBANKI LUXEMBOURG la somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- rejeté l'exception de procédure soulvée par la SCI COTE SUD,
- s'est déclaré compétent,
- déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de la société COTE SUD,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,
Déboute la société COTE SUD de ses demandes de mainlevée de la procédure de saisie immobilière et de radiation du commandement de payer valant saisie délivré le 3 novembre 2016,
Mentionne la créance de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG pour un montant de 1.795.544,82 euros en principal et intérêts, comptes arrêtés au 31 mars 2016,
Ordonne la vente forcée des droits et biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 3 novembre 2016 à la société COTE SUD,
Renvoie l'affaire devant le juge de l'exécution le tribunal de grande instance de Nice aux fins de fixation des modalités de la vente forcée et de la date d'adjudication,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société COTE SUD à payer à la société LANDSBANKI LUXEMBOURG la somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,