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14/11/2018 | FRANCE | N°17/18442

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 14 novembre 2018, 17/18442


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2018



N°2018/948









Rôle N° RG 17/18442 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJ54



Société RAZEL-BEC





C/



[K] [I]

Société LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTES PROVENCE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Nat

halie DUPUY-LOUP, avocat au barreau de PARIS



Me Didier MIELLE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE



Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

















Décision déférée à la Cour :



Jugemen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2018

N°2018/948

Rôle N° RG 17/18442 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJ54

Société RAZEL-BEC

C/

[K] [I]

Société LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTES PROVENCE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Nathalie DUPUY-LOUP, avocat au barreau de PARIS

Me Didier MIELLE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE en date du 28 Août 2017,enregistré au répertoire général sous le n° 21500112.

APPELANTE

Société RAZEL-BEC, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie DUPUY-LOUP, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Xavier TERCQ, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [K] [I], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Didier MIELLE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Société LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTES PROVENCE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2018

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société RAZEL BEC a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence du 28 août 2017 qui a reconnu sa faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle de son salarié M.[I], a ordonné la majoration de la rente, a ordonné une expertise médicale et l'a condamnée à payer à la victime une provision de 4500 euros.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 3 octobre 2018, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de dire qu'aucune preuve n'était rapportée qu'elle aurait commis une faute inexcusable et de condamner M.[I] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, M.[I] a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelante de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie a déclaré ne pas avoir d'observations à présenter quant à la faute inexcusable de l'employeur, et, si elle était reconnue, de condamner l'employeur à lui rembourser les sommes dont elle aurait à faire l'avance, outre la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

M.[I] a été embauché par la société PICO (actuellement RAZEL BEC) en 1981 en qualité de manoeuvre et sa carrière a évolué puisqu'il est devenu conducteur de travaux, chef de secteur travaux industriels et responsable des sites pétrochimiques (génie civil, terrassement, VRD).

Son travail consistait à organiser les travaux de terrassement et assurer la maintenance, et il effectuait de nombreux déplacements dans les sites ARKEMA, SANOFI et CADARACHE.

Le 7 octobre 2011, une leucémie myéloïde chronique a été diagnostiquée.

Le 11 octobre 2011, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste mais « sous condition de ne pas travailler en usine chimique ».

Le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste le 26 octobre 2012 et il a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude en mars 2013 ; la Cour d'appel a déclaré ce licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La caisse a reconnu le caractère professionnel de la maladie du tableau n°4, le 13 mars 2012 ; son état a été déclaré consolidé au 26 octobre 2012 (en rémission sous traitement), avec un taux d'IPP de 72%.

Le tribunal du contentieux de l'incapacité a été saisi par l'employeur et l'audience a été fixée au 23 octobre 2018.

La maladie a été diagnostiquée début octobre 2011, alors que M.[I] était devenu chef de secteur-travaux industriels.

Les développements concernant les circonstances dans lesquelles il a exercé son activité professionnelle après cette date sont indifférents dans le cadre d'une action en recherche d'une faute inexcusable et ne pourraient concerner qu'une action prud'homale éventuelle sur le fondement de l'article L4624-1 du code du travail. Par un arrêt du 22 décembre 2017, la Cour a considéré que la proposition de reclassement faite par l'employeur dans un poste de télétravail, le 12 décembre 2012 était irrégulière car les délégués du personnel n'avaient pas été consultés avant mais après : le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse pour ce seul motif et une indemnité de 70000 euros lui a été allouée sur le fondement de l'article L1226-15 du code du travail.

Le tableau n°4 concerne les pathologies du sang provoquées par l'exposition au benzène ou aux produits en contenant.

La pathologie de M.[I] s'inscrit dans le §4 de ce tableau.

La Cour rappelle que la faute inexcusable de l'employeur ne se présume pas, et que, dans le cadre de l'application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque le salarié, victime d'une maladie professionnelle (ou d'un accident du travail ) entend mettre en cause la faute inexcusable de l'employeur, il doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute comme ayant provoqué cette maladie (ou cet accident).

Entendu par l'enquêteur de la caisse primaire sur ses fonctions, il confirmait « génie civil, terrassement, VRD (') en permanence sur les chantiers dans les usines pétro-chimie ; depuis un an, passage ponctuel dans les usines ».

Et concernant ce qu'il estimait être la cause de sa maladie, il déclarait : « pendant le terrassement on trouver des poches de produit- benzène solvant » et à la question « par quels travaux produits ou outils serait-elle survenue , » il répondait : « polution des sols ».

Ces déclarations permettent de constater que le salarié n'a donc jamais manipulé de benzène ni de produits en contenant et qu'il a été exposé à des émanations de benzène à l'occasion de travaux de terrassement détruisant des poches de terrains pollués par du benzène.

Cette exposition ne pouvait être que fortuite puisque l'intimé n'apporte pas la preuve que son employeur aurait été obligé de faire réaliser des études sur la composition des sols avant de commencer les travaux.

Les sept témoignages communiqués par l'intimé émanent d'anciens collègues de travail qui énumèrent de la même manière, toute une liste de produits chimiques et du benzène, sans autre précision (pièces 7 à 12).

Quant aux deux autres témoins (pièces 26 et 27), ils disent avoir travaillé avec M.[I] sur divers chantiers, sans autre précision.

La Cour ne peut en tenir compte dans la mesure où ces attestations ne sont pas circonstanciées et n'ont donc aucune valeur probatoire concernant le présent litige.

La victime n'a pas apporté la preuve que son employeur savait que les travaux de terrassement qu'il lui avait confiés, pendant près de trente ans, soit comme man'uvre soit comme conducteur de travaux soit comme chef de secteur, allait l'exposer régulièrement ou seulement occasionnellement à des émanations de benzène en raison de la pollution des sols sur lesquels devaient s'opérer les travaux de « génie civil, terrassement ou VRD ».

L'appelante apporte au contraire la preuve qu'elle avait toujours imposé et mis à la disposition de ses salariés, dont M.[I], les moyens de protections incluant des masques de fuite, des masques anti-poussière, et des masques à ventilation assistée avec cartouche AX/P3 pour lesquels il est précisé que « le port de ces masques sera obligatoire pour toute opération sur une zone où il a été mis en évidence lors des opérations de terrassement des émanations significatives de produits chimiques pouvant occasionner une gêne aux opérateurs se trouvant dans la zone concernée ».

De plus, il a communiqué les documents d'évaluation des risques antérieurs à octobre 2011, à savoir le « document unique », (pièce 7), les plans de prévention pour les travaux sur le site de [Localité 1] (pièces 8 et 9) : ces documents prouvent que l'employeur de M.[I] était sensibilisé à la sécurité de ses salariés sur les chantiers où ils étaient envoyés.

Enfin, l'appelante a rapporté la preuve que M.[I] faisait l'objet d'un suivi médical annuel, qu'il a toujours été déclaré apte à ses fonctions et que le médecin du travail n'a jamais remis en cause les conditions matérielles dans lesquelles il effectuait son travail, étant précisé que sa maladie a été découverte fortuitement à l'occasion d'une analyse de sang dans le cadre de sa surveillance médicale de la médecine du travail (pièce 24 de l'appelante), preuve de l'efficacité de ce suivi qui était mis en place par l'employeur.

En conséquence, la Cour constate que M.[I] n'a pas rapporté la preuve qui lui incombe que son employeur l'aurait exposé, en toute connaissance de cause à un danger pour sa santé et n'aurait pris aucune mesure pour l'en protéger.

La Cour infirme le jugement dont appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence du 28 août 2018,

Et statuant à nouveau :

Déboute M.[I] de son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et de toutes ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 17/18442
Date de la décision : 14/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°17/18442 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-14;17.18442 ?
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