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08/11/2018 | FRANCE | N°17/03033

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 08 novembre 2018, 17/03033


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2018



N°2018/431













Rôle N° 17/03033







Pascal X...





C/



Frédéric Y...

GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

CPAM DE L'ARDECHE





































Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Edgard Z...
r>

Me Agnès L...





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03343.





APPELANT



Monsieur Pascal X...

né le [...] à VALENCE,

demeurant [...] SUR EYRIEUX

comparant en personne, assisté de Me Edgard Z..., avocat au...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2018

N°2018/431

Rôle N° 17/03033

Pascal X...

C/

Frédéric Y...

GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

CPAM DE L'ARDECHE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Edgard Z...

Me Agnès L...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03343.

APPELANT

Monsieur Pascal X...

né le [...] à VALENCE,

demeurant [...] SUR EYRIEUX

comparant en personne, assisté de Me Edgard Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Christophe M..., avocat au barreau de la DROME

INTIMES

Monsieur Frédéric Y...

né le [...] à MONT DE MARSAN (40000),

demeurant Avenue des Mimosas - A... Marie Jean - 06220 B... K...

représenté par Me Agnès L... de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Valérie C... de la SCP C... - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE

GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE,

dont le siège social est [...]

représentée par Me Agnès L... de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Valérie C... de la SCP C... - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE

CPAM DE L'ARDECHE

dont le siège social est [...]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, et Madame Anne VELLA, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne VELLA, Conseiller a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018.

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 22 juillet 1986, Pascal X..., alors âgé de 14 ans, a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était sur son vélo. Il a été heurté par le véhicule conduit par M. Frédéric Y..., assuré par la société Groupama centre Atlantique.

Selon jugement du 3 avril 1987, le tribunal correctionnel a déclaré M. Y... responsable de l'accident et une expertise a été ordonnée pour évaluer les conséquences médico-légales.

Le préjudice de M. X... a été fixé aux termes d'un jugement sur intérêts civils du 23 novembre 1990, rendu par le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan. La cour d'appel de Pau dans un arrêt du 12 mars 1991 a modifié l'évaluation du préjudice.

Invoquant une aggravation de son état, M. X... a demandé l'instauration d'une nouvelle expertise qui a été ordonnée par jugement du 5 octobre 2004, et confiée au docteur D.... L'expert a déposé son rapport le 10 novembre 2004, et sur ces conclusions un jugement a été rendu le 4 octobre 2005 fixant une indemnisation complémentaire. Aux termes d'un arrêt du 14 septembre 2006 la cour d'appel de Pau a réformé cette décision en admettant le principe de l'indemnisation, mais en diminuant son montant.

Sur la base d'un certificat médical du 26 mai 2011, M. X... a assigné M. Y... et la société Groupama centre Atlantique pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire au titre d'une nouvelle aggravation de son état. Par ordonnance du 9 mai 2011, le juge des référés a désigné le docteur Gérard E... pour déterminer l'existence de cette aggravation et évaluer les conséquences médico-légales. L'expert a déposé son rapport définitif le 16 avril 2013, suivi d'une note rectificative du 5 juin 2013.

Par actes des 20 mai, 26 mai et 10 juin 2014, M. X... a fait assigner M. Y... et la société Groupama centre Atlantique devant le tribunal de grande instance de Grasse, pour les voir condamner à l'indemniser de ses préjudices corporels sur aggravation de son état à la suite de l'accident survenu le 22 juillet 1986 et ce, en présence de la Cpam de Privas.

Aux termes d'une ordonnance du 22 mai 2015 le juge de la mise en état, statuant sur l'incident a condamné in solidum M. Y... et la société Groupama centre Atlantique à payer à M. X... la somme provisionnelle de 19'000€ à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif en l'état de l'aggravation constatée par le docteur E....

Par jugement du 13 décembre 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a:

- déclaré la décision commune et opposable à la Cpam de Privas, devenue la Cpam de l'Ardèche ;

- constaté que la Cpam de l'Ardèche ne fait état d'aucune créance au titre de l'aggravation de l'état de santé de M. X... ;

- débouté M. X... de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels, du préjudice d'établissement et des frais afférents aux cures thermales ;

- fixé le préjudice de M. X... au titre du déficit fonctionnel permanent à la somme de 19'000€ ;

- constaté que la somme de 19'000€ a été réglée par les défendeurs le 20 juillet 2015 ;

- dit, en conséquence que M. X... a été rempli de ses droits par l'allocation de la somme provisionnelle de 19'000€ allouée par le juge de la mise en état aux termes de l'ordonnance du 22 mai 2015 ;

- condamné in solidum M. Y... et la société Groupama centre Atlantique à payer à M. X... la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande plus ample contraire ;

- condamné M. Y... et la société Groupama centre Atlantique aux entiers dépens, avec distraction.

Des conclusions du docteur E... et de son sapiteur psychiatre, le docteur F..., le tribunal a retenu que s'il n'existe pas d'aggravation de l'état physique de M. X..., en revanche il existe bien une aggravation résultant d'une décompensation psychologique dépressive et phobique, apparue selon le sapiteur en 2008, et en lien direct avec les faits accidentels du 22 juillet 1986. Après avoir constaté que le droit à indemnisation intégrale du préjudice subi au titre de l'aggravation n'est pas contesté dans son principe, la juridiction a évalué les différents chefs de dommage de la victime directe de la façon suivante :

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- déficit fonctionnel permanent 5 % : 19'000€

- préjudice d'établissement : rejet à défaut d'avoir était retenu dans son principe par le médecin expert et son sapiteur,

- frais de cures thermales : rejet, l'expert judiciaire ne retenant aucune dépense de santé future ou de frais postérieurs à la consolidation.

Le tribunal a rappelé que dans son premier arrêt du 12 mars 1991, la cour d'appel avait indemnisé une perte de chance tirée de la nécessité de procéder à une réorientation scolaire ; que dans son deuxième arrêt du 14 septembre 2006 la cour d'appel a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice professionnel en retenant que les avis médicaux ne permettaient pas de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre «les échecs professionnels» et l'aggravation de l'état physique de M. X.... Puis il a relevé qu'il ne résultait ni des conclusions du docteur E..., ni de celles du docteur F... que l'aggravation de l'état de M. X... sur le plan psychologique a eu pour conséquence un échec professionnel.

Pour évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent, le tribunal a suivi l'expert judiciaire qui retient que la décompensation sur le plan psychologique, évalué par le sapiteur psychiatre à un taux de 10 %, à imputer sur les 55 % de validité restante de M. X... était, selon la formule de Balthazard utilisée en cas d'infirmités multiples, un supplément IPP de 5 % de telle sorte que le déficit fonctionnel permanent passe d'un taux de 45 % à un taux de 50% et donc que le taux complémentaire de ce poste est de 5%.

Par acte du 15 février 2017, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. X... a interjeté appel général de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 2 août 2018, M. X... demande à la cour de :

' juger que le rapport d'expertise du docteur E... comporte des insuffisances justifiant l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ;

' ordonner en conséquence une nouvelle mesure d'expertise avec mission de dire si son état de santé s'est aggravé et d'indiquer si cette aggravation est en relation de cause à effet avec l'accident initial, et préciser par ailleurs l'ensemble des postes de préjudice en aggravation au visa de la nomenclature Dintilhac, et notamment le déficit fonctionnel permanent, l'incidence professionnelle, les pertes de gains professionnels futurs, le préjudice d'établissement, les dépenses de santés actuelles et futures ainsi que les frais divers ;

à titre subsidiaire

' réformer le jugement qui a retenu une aggravation de son état après application de la règle de Balthazard à un taux de 5% et qui l'a débouté de ses demandes au titre du déficit fonctionnel permanent en aggravation, des pertes de gains professionnels futurs, du préjudice d'établissement et des frais de cure thermale ;

' juger que cette aggravation doit justifier une majoration du taux de déficit fonctionnel permanent de 10 % et dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu à appliquer la règle de Balthazard;

' juger que la décompensation mise en évidence par le sapiteur et postérieure à la dernière décision rendue par la cour d'appel de Pau, n'a pu de ce fait donner lieu à une indemnisation notamment au titre du préjudice professionnel ;

' en conséquence condamner in solidum M. Y... et la société Groupama centre Atlantique à lui payer les sommes suivantes :

- perte de gains professionnels futurs : 584'737,15€

- déficit fonctionnel permanent au titre de l'aggravation : 38'000€

- préjudice d'établissement : 20'000€

- frais de cures thermales restées à sa charge : 17'006,85€

' constater qu'il ne conteste pas avoir reçu une indemnité provisionnelle de 19'000€ allouée par le juge de la mise en état ;

' condamner in solidum M. Y... et la société Groupama centre Atlantique à lui verser une indemnité de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel distraits au profit de son conseil ;

' déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la Cpam de Privas, devenue la Cpam de l'Ardèche.

Il fait grief au docteur E... :

- d'avoir retenu un taux de déficit fonctionnel permanent complémentaire de 10 % en accord avec l'avis du sapiteur, sans pour autant ne faire aucun constat quant à l'incidence de cette aggravation sur sa situation professionnelle,

- de retenir qu'en 2008, soit donc postérieurement à la dernière décision rendue, il a subi une décompensation majeure liée à son état séquellaire qualifié de bien fragile sans envisager d'incidence professionnelle,

- de ne pas avoir retenu la nécessité de dépenses de santé futures alors même qu'il a noté la nécessité de la poursuite régulière d'une rééducation.

C'est donc à tort que le tribunal a considéré que les échecs professionnels et personnels seraient à l'origine de la décompensation qu'il a présentée alors que son handicap majeur s'est aggravé par la démultiplication des souffrances médicalement documentées rendant totalement aléatoire toute nouvelle tentative d'insertion professionnelle. En l'état des différents éléments et de sa situation professionnelle, l'expert puis le tribunal aurait dû estimer que son état avait nécessairement eu une incidence directe sur ses capacités professionnelles. En conséquence il convient d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise.

Il fait grief au premier juge d'avoir fait sienne l'argumentation de l'expert judiciaire qui a appliqué la formule de Balthazard qui n'a qu'un caractère indicatif et qui n'a pas lieu d'être appliquée en droit commun.

Il demande l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs en arguant de l'aggravation notable de son état psychique, alors qu'il justifie de multiples démarches qu'il a entreprises pour trouver un emploi, mais aussi de ses échecs. L'incidence de l'aggravation sur sa vie quotidienne engendre une aggravation du comportement professionnel. Il demande donc une indemnisation sur la base du Smic mensuel brut applicable au 1er janvier 2014, date de la saisine du tribunal et l'application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2018.

Son déficit fonctionnel permanent complémentaire est de 10 %.

C'est son handicap, notamment psychique qui a rendu impossible le maintien du lien conjugal qu'il avait pu tisser, ce qui justifie l'indemnisation d'un préjudice d'établissement.

Dans leurs conclusions du 31 août 2008, M. Y... et la société Groupama centre Atlantique demandent à la cour de :

' juger que le rapport E... n'est nullement lacunaire ;

' juger que la demande de M. X... s'apparente à une contre expertise irrecevable et en conséquence le débouter de cette demande ;

Sur les demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs :

' juger que depuis la date de l'accident, en 1986,M. X... n'a jamais pu exercer un emploi stable à moyen ou long terme ;

' juger que la situation n'est donc pas nouvelle et que le trouble de l'humeur confirmé par le sapiteur de l'expert, n'a donc pas d'incidence objective sur la carrière professionnelle de M. X... ;

' constater en outre qu'il ne justifie nullement de recherches d'emploi actuelles et de refus en lien avec ses handicaps ;

' le débouter purement et simplement de sa demande exorbitante à hauteur de 584'737,15€ au titre d'une prétendue perte du gains professionnels futurs ;

' confirmer le jugement sur ce poste ;

sur la demande au titre du déficit fonctionnel permanent :

' juger que le premier juge l'a fixé à 5 % d'aggravation, l'expert judiciaire n'ayant retenu aucune aggravation corporelle, mais seulement une éventuelle décompensation qu'il a évaluée à 5 %, le déficit fonctionnel permanent passant de 45 % à 50 % ;

' juger que l'indemnisation supplémentaire à laquelle M. X... peut prétendre au titre de ce poste d'indemnisation ne peut excéder 3800€ du point soit donc la somme de 19'000€;

' débouter M. X... de toute demande sur ce poste, la somme de 19'000€ allouée par le juge de la mise en état aux termes de sa décision du 22 mai 2015 ayant été réglée ;

' confirmer le jugement et débouter M. X... de sa demande excédentaire à hauteur de 38'000€, cette demande étant abusive et infondée ;

au titre du préjudice d'établissement :

' juger qu'il n'existe aucune aggravation indemnisable au titre de ce poste ;

' confirmer le jugement de ce chef et rejeter les prétentions de la victime à hauteur de 20'000€ ;

au titre des frais de transport et de logement dans le cadre des cures thermales annuelles

' juger qu'il n'existe pas de lien entre la cure thermale prescrite et l'aggravation retenue sur le plan psychologique ;

' rejeter cette demande et confirmer le jugement ;

sur l'article 700 du code de procédure civile

' débouter M. X... de sa demande ;

' le condamner à lui régler une indemnité de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et tous les dépens générés par la procédure d'appel.

La demande de nouvelle expertise est en réalité une demande de contre-expertise totalement injustifiée qui a pour but de revenir sur les expertises judiciaires antérieures mais aussi sur les décisions de justice pourtant passées en force de chose jugée et obtenir encore une fois des indemnisations supplémentaires.

Ils rappellent que M. X... a obtenu à ce jour la somme totale de 250'188,51€ au titre du même accident et qu'il a donc été totalement dédommagé des conséquences préjudiciables. C'est pourquoi ils concluent à la confirmation du jugement.

L'expert a retenu qu'il n'y avait aucune aggravation du préjudice corporel. Le sapiteur qui a constaté que M. X... présente des troubles de l'humeur à la suite des échecs professionnels et personnels ne retient pas qu'il s'agit d'une aggravation puisqu'il n'y a eu aucun constat dans le passé de problème psychiatrique, et il n'y a donc jamais eu de détermination d'un taux de déficit fonctionnel permanent pour ce type de séquelles. Les séquelles psychologiques initiales qui se sont seulement légèrement dégradées ne peuvent justifier un déficit fonctionnel permanent de 10 %. La règle de Balthazard qui est utilisée en cas d'infirmités multiples doit être appliquée.

Il n'existe aucun lien direct et certain entre les échecs professionnels et l'aggravation de l'état, précision faite que depuis la date de l'accident 1986 il n'a jamais exercé un emploi stable, à moyen ou long terme. La situation n'est donc pas nouvelle et le trouble de l'humeur n'a aucune incidence objective sur la carrière professionnelle.

L'absence d'aggravation du préjudice corporel rend irrecevable toute demande d'indemnisation au titre des cures thermales ou des séances de kinésithérapie.

La Cpam de L'Ardèche, assignée par M. X..., par acte d'huissier du 3 mai 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 16 mai 2017 elle a indiqué qu'elle n'avait pas de créance à faire valoir.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expertise

La demande de nouvelle expertise sollicitée par M. X... doit être rejetée. En effet le contenu des décisions judiciaires intervenues pour liquider le préjudice initial et la première aggravation, ainsi que les éléments contenus dans les diverses pièces du dossier fournissent à la cour des éléments suffisants pour évaluer l'opportunité d'indemniser, l'incidence professionnelle qui serait en lien avec la nouvelle aggravation apparue depuis 2008. Le besoin en dépenses de santé futures peut également être apprécié par la cour, en fonction des éléments produits aux débats par la victime mais aussi de l'histoire de la pathologie de la victime relatée dans le document d'expertise.

Sur la nouvelle aggravation

Le principe de l'aggravation n'est pas contesté par les tiers responsables. Elle résulte de la décompensation psychologique médicalement décrite par le docteur F..., sapiteur du docteur E..., et en lien direct et certain avec l'accident initial du 22 juillet 1986, puisqu'il dit que M. X... a présenté une décompensation de la situation antérieure déjà fragile et que son examen a permis de retrouver une filiation entre le fait accidentel, les séquelles et les formations psychiatriques, qui maintenant comportent un trouble de l'humeur, des ruminations et des manifestations anxieuses et phobiques pouvant être très aiguës qui entravent largement sa vie quotidienne.

Sur l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent

Après avoir validé le taux de 10% de déficit fonctionnel permanent lié à l'aggravation constatée par le sapiteur psychiatre, le docteur E... a appliqué la règle de Balthazard, règle fixée en matière d'invalidité préexistante, également appelée « règle des capacités restantes ». Toutefois ce barème s'applique habituellement en matière d'accident du travail et de maladies professionnelles et notamment à un fonctionnaire lorsqu'il s'est déjà vu reconnaître un taux d'invalidité consécutif à un accident du travail, le taux d'invalidité résultant d'un nouvel accident est calculé sur la validité restante. S'agissant des fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers, cette règle se fonde sur une disposition légale. En revanche, en droit commun, rien ne permet d'en faire application. C'est donc un taux de 10% qu'il convient de retenir et qui vient s'ajouter aux 40% indemnisés au titre du préjudice initial, puis aux 5% fixés sur la première aggravation, soit au total un taux de déficit fonctionnel permanent actuel de 55%.

Sur le préjudice corporel sur la nouvelle aggravation

L'expert, le docteur E... conclut à :

- une aggravation apparue dans le courant de l'année 2008,

- une consolidation au 31 décembre 2010, correspondant à l'arrêt de prise du traitement par antidépresseur.

- un déficit fonctionnel permanent de 5%, réévalué par la cour à 10%.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [...], de son statut d'adulte handicapé au moment de l'aggravation, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures9.002,24€

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

M. X... demande l'indemnisation des frais de séjour, de déplacement et de logement, restés à sa charge à l'occasion des cures thermales qu'il a faites et qu'il fera. Les tiers responsables concluent au rejet de cette demande, dont le lien avec l'aggravation n'est pas établi.

Il s'avère que devant l'expert judiciaire, M. X... n'a pas évoqué ce besoin au titre des dépenses de santé qu'elles soient passées ou futures. Pour évaluer sa pertinence, il produit aux débats un certificat médical du :

- docteur Luc G..., du 25 février 2016, indiquant qu'à la 'suite de son accident 22.06.1986", M. X... 'fait des cures thermales depuis deux ans. Il souffre de spondylarthrose au niveau des cervicales et de son membre supérieur droit.'

- docteur Mercedes H... du 5 juin 2016, attestant qu'il a suivi une cure à Chaudes Aigues du 20 juin 2016 au 9 juillet 2016 'à cause des lésions dues à l'accident de circulation de 1986 qui a laissé des problèmes articulaires'

- docteur Luc G... du 10 septembre 2016, certifiant 'qu'une fois par an, M. X... a besoin d'une cure thermale pour sa santé et pense renouveler sa cure tous les ans jusqu'à nouvel ordre.'

Ces certificats médicaux ainsi que l'avis du docteur I..., sous pièce 36 du dossier de M. X..., démontrent que ces cures à orientation rhumatologique sont en lien avec l'accident de 1986, et que leur nécessité n'est pas sérieusement contestable compte tenu de son taux de déficit fonctionnel permanent global de 55%.

M. X... n'a jamais formulé de demande au titre de ce poste de préjudice et celle-ci est recevable puisqu'elle tend à l'indemnisation intégrale du préjudice qu'il a subi.

Pour la période passée, M. X... justifie avoir effectué une première cure du 7 avril au 26 avril 2014 et une seconde cure du 6 juin 2017 au 26 juin 2017. Au total il justifie des sommes qui sont restées à sa charge pour 41,85€ (21,59€ et 20,26€) au titre de ces deux cures thermales. Il convient également d'admettre les frais de déplacement de Saint Michel de Chabrillanoux vers Chaudes Aigues, soit 224,10 kms sur deux allers/retours, soit quatre parcours et donc 896,40kms et pour un véhicule de 6CV, selon le barème fiscal, la somme de 509,15€ (896,40 x 0,568), soit au total la somme de 551€, les frais de séjour n'étant pour leur part pas justifiés.

Pour la période future, en fonction d'une dépense annuelle justifiée de 275,50€ (551€/2 séjours) et selon un euro de rente viagère de 30,676 issu de la Gazette du Palais 2018, pour un homme âgé de 46 ans à la liquidation ce poste est évalué à la somme de 8.451,24€ (275,50€ x 30,676),

soit au total celle de 9.002,24€.

- Perte de gains professionnels futursRejet

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

La lecture du dossier médical et des décisions de justice devenues définitives met en évidence que M. X... a subi à la suite de l'accident initial une grave atteinte du plexus brachial droit ayant occasionné un déficit fonctionnel permanent important évalué à 40% affectant son membre supérieur droit, ce qui a justifié une réorientation scolaire et l'indemnisation d'une perte de chance. Dans son arrêt du 12 mars 1991, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Pau a retenu que l'expert faisait 'état de la nécessité d'un changement d'orientation scolaire, pouvant être considéré comme une perte de chance.' En conséquence elle a fixé à la somme de '600.000 francs l'indemnisation de l'IPP'. Saisie de l'indemnisation de la première aggravation, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau, statuant le 14 septembre 2006, sur intérêts civils, a retenu une incontestable aggravation de l'état de M. X..., dont à la lecture des conclusions médico-légales, la main gauche était alors nettement moins mobile. Toutefois elle s'est attachée à ce qu'elle avait précédemment jugé en mars 1991, pour dire qu'elle ne pouvait revenir sur ce qui avait déjà été jugé selon décision définitive, et que 'rien ne démontre que l'aggravation retenue a eu des conséquences professionnelles' décrites par M. X....

A ce jour, M. X... soutient qu'il justifie de ses multiples démarches de recherche d'emploi depuis 2008 et des échecs systématiquement en lien avec son handicap. Il affirme être dans l'incapacité de pouvoir retrouver une activité professionnelle stable et rémunératrice. La décompensation psychologique s'ajoute à son important préjudice physique et estime que 'l'incidence directe et certaine sur la vie quotidienne' retenue par le sapiteur F... a nécessairement une incidence sur son comportement professionnel. C'est pourquoi il demande une indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, basée sur le Smic brut soit 1.445,38€ au 1er janvier 2014, et en fonction d'un euro de rente issu de la GP 2018.

Au moment de la consolidation de la seconde aggravation, M. X... était âgé de 38 ans.

Devant l'expert judiciaire, M. X... a évoqué son parcours scolaire et professionnel dont les étapes sont retranscrites dans le rapport et qui sont confortées par le document produit sous la pièce 17 de son dossier. Il est entré sur le marché du travail après avoir obtenu un baccalauréat 'vente et représentation'. Il a trouvé un premier emploi en tant que commercial qu'il a dû abandonner en raison des premières douleurs ressenties au bras lors de la conduite. Il a bénéficié d'un contrat 'emploi solidarité' de trois mois en dispensant du soutien scolaire, mais son contrat n'a pas été reconduit. En 1995, il a été employé à Londres dans un magasin de bricolage, mais le port intensif de charges lourdes l'a conduit à la démission et à un retour en France. Il a recherché un emploi mais aucune offre n'était adaptée à son handicap, puis il a effectué un stage d'assistant marketing dans la grande distribution, stage qui s'est soldé par un échec en raison de la nécessité du port de charges lourdes et de sa mauvaise présentation issue de ses handicaps physiques au bras et à la main. De 1998 à 2000, il n'a perçu que le Rmi, l'Allocation adulte handicapé lui ayant été refusée en 2001. En 2002, il a travaillé quinze jours dans une coopérative. En 2003, il n'a pas eu d'activité. En 2004, une formation FPA en 'assistance de tourisme local' lui a permis d'être rémunéré pendant huit mois. De nouveau en 2005 et 2006, il a perçu le RMI. En 2006, il a eu une activité de bénévole au festival de jazz à Vienne, ce qui lui a permis en 2007 d'être rémunéré pendant un mois et demi en contrat à durée déterminé par le même festival. En 2008 et 2009, il n'a pas occupé d'emploi et à compter de 2010, son IPP a été reconnue à 80%, ce qui lui a permis de percevoir une allocation adulte handicapé.

M. X... verse aux débats cinq courriers d'employeurs, dont deux envoyés à la même société qui l'avait employé pendant deux jours en 2012, à qui il s'est adressé entre 2013 et 2017 pour trouver un emploi (pièces 7, 13, 14, 15, 21) et qui ont tous recueilli une réponse négative. Rien dans le libellé de ses courriers de refus ne permet d'affirmer qu'ils ont été motivés par l'aggravation de son état psychiatrique.

Au-delà de la période antérieure et depuis le début des années 1990, marquée par de très courtes périodes de travail ou de formation professionnelle, pour laquelle l'incidence professionnelle a été indemnisée au titre d'une perte de chance, la relation de ce parcours démontre qu'avant l'aggravation de 2008, M. X... n'a eu que des activités très sporadiques, entrecoupées de très longues périodes d'inactivité totale, qu'il n'en a pas eu depuis l'aggravation jusqu'à la consolidation, ni après celle-ci en octobre 2010. Le cursus professionnel décrit par le docteur Yvon J... pour être aller d'échecs en échecs, dans des notes techniques de mai 2011, décembre 2013 et janvier 2014, remonte bien avant l'aggravation de 2008.

En conséquence, l'aggravation de son état depuis 2008, n'a pas augmenté ce poste de préjudice professionnel initialement indemnisé par la cour d'appel de Pau en 1991. Elle n'a eu aucune incidence sur son activité professionnelle qui était déjà quasi inexistante, et M. X... est débouté de sa demande d'indemnisation de ce chef.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent38.000€

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il est caractérisé par trouble de l'humeur, des ruminations et des manifestations anxieuses et phobiques pouvant être très aigues qui entravent largement sa vie quotidienne, ce qui conduit à un taux de 10%, venant s'ajouter aux 45% préexistant, justifiant une indemnité de 38.000€, conformément à la demande de la victime, pour un homme âgé de 38 ans à la consolidation.

- Préjudice d'établissement Rejet

Le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. Le préjudice d'[...] de séparation ou de dissolution d'une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

En l'occurrence, M. X... a été marié, sans qu'il en précise la date, à une époque où il présentait déjà un handicap important, ce qui ne l'a donc pas empêché de réaliser un projet de vie familiale. Il a déclaré à l'expert judiciaire qu'il était séparé de son épouse qui ne supportait plus ses handicaps, ce qui reste au stade de l'affirmation et non de la preuve établie, d'autres facteurs ayant pu interférer dans cette séparation. En tout état de cause, il ne démontre pas que l'aggravation puisse obérer un nouveau projet familial.

Le préjudice corporel global sur l'aggravation, subi par M. X..., à compter de 2008, s'établit ainsi à la somme de 47.002,24€ qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

M. Y... et la société Groupama centre Atlantique qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne commande pas de leur allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

L'équité justifie d'allouer à M. X... une indemnité de 1800€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis sur le taux du déficit fonctionnel permanent, sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de M. X... à la somme de 47.002,24€ ;

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 47.002,24€ ;

- Condamne in solidum M. Y... et la société Groupama centre Atlantique à payer à M. X... les sommes de :

* 47.002,24€, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

* 1.800,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

- Déboute M. Y... et la société Groupama centre Atlantique de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne in solidum M. Y... et la société Groupama centre Atlantique aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03033
Date de la décision : 08/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/03033 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;17.03033 ?
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