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08/11/2018 | FRANCE | N°17/00172

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre a, 08 novembre 2018, 17/00172


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


3e Chambre A





ARRÊT AU FOND


DU 08 NOVEMBRE 2018





N° 2018/316




















N° RG 17/00172 - N° Portalis DBVB-V-B7B-7Z5I











SCI AMBOURG II








C/





David X...


Martine Y... épouse X...


SA AXA FRANCE IARD


SARL EGE MEDITERRANEE


SCP PATRICE Z... OLIVIER Z... LAURENT A...




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Copie exécutoire délivrée


le :


à :





Me B... C...





Me Pierre-Yves D...





Me Joseph E...





Me Q... F...








Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Décembre 2016 enregistré au répertoire général...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2018

N° 2018/316

N° RG 17/00172 - N° Portalis DBVB-V-B7B-7Z5I

SCI AMBOURG II

C/

David X...

Martine Y... épouse X...

SA AXA FRANCE IARD

SARL EGE MEDITERRANEE

SCP PATRICE Z... OLIVIER Z... LAURENT A...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me B... C...

Me Pierre-Yves D...

Me Joseph E...

Me Q... F...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06517.

APPELANTE

SCI AMBOURG II, demeurant [...]

représentée par Me B... C... de la SCP PLANTARD G... C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-Michel G... de la SCP PLANTARD G... C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant pour avocat plaidant Me Gérard H... de la SCP H... R..., avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur David X...

assigné le 22 mars 2017 PVRI à la requête de SCI AMBROUG II, assigné avec conclusions le 17 mai 2017 PVR à la requête de SCP I...-Z..., demeurant [...]

défaillant

Madame Martine Y... épouse X...

assignée le 22 mars 2017 PVRI à la requête de SCI AMBROUG II, assignée avec conclusions le 17 mai 2017 PVR à la requête de SCP I...-Z..., demeurant [...]

défaillante

SA AXA FRANCE IARD, demeurant [...]

représentée par Me Pierre-Yves D... de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant pour avocat plaidant Me Jean Bernard J..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SARL EGE MEDITERRANEE, demeurant [...]

représentée par Me Joseph E... de la SCP E... Q... E... JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Gérard K..., avocat au barreau de TOULON substitué par Me Elisabeth S..., avocat au barreau de TOULON

SCP PATRICE Z... OLIVIER Z... LAURENT A..., demeurant [...]

représentée par Me Q... F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant pour avocat plaidant Me François L..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2018 en audience publique devant la cour composée de:

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Président

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018,

Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Président et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte notarié du 6 juillet 2007 reçu par maître Alain I..., membre de la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z... notaires associés, M. David X... et son épouse, Mme Martine Y... ont vendu à la SCI Ambourg II un bien immobilier constitué d'une villa à usage d'habitation avec terrain attenant, sis [...] au prix de 1.800.000 euros TTC, la maison ayant été construite par M. et Mme X... suivant permis de construire du 15 septembre 2004 modifié le 9 mai 2007. La société Egem est intervenue en qualité de maître d'oeuvre et la SARL M..., assurée auprès de la société Axa en responsabilité décennale, a été chargée du gros-oeuvre et du lot charpente-couverture.

La date d'ouverture du chantier est le 30 mars 2005 et la date d'achèvement des travaux le 14 mai 2007 et un certificat de conformité a été délivré le 22 mai 2007.

Après leur entrée dans les lieux, les gérants de la SCI Ambourg II ont constaté des malfaçons, à savoir un affaissement de la dalle située devant le garage ayant entraîné une rupture de la canalisation d'eau, des fissurations au droit de l'escalier descendant à la porte d'entrée de la villa, puis des infiltrations en toiture.

Par ordonnance de référé du 24 juin 2009, une expertise judiciaire a été ordonnée au contradictoire de M. et Mme X..., de la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z..., de la SARL Egem, de la compagnie Axa, assureur de la SARL M..., puis de maître T... ès qualités de liquidateur judiciaire de cette société. Le rapport d'expertise a été déposé le 5 juillet 2012.

Par jugement du 2 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- débouté la SCI Ambourg II de l'intégralité de ses demandes ;

- rejeté toute prétention plus ample ou contraire ;

- condamné la SCI Ambourg II aux entiers dépens, en jugeant qu'il n'existait pas de réception de l'ouvrage et que faute de réception, les demandes en garantie décennale ne pouvaient prospérer. Il a retenu l'existence d'une faute délictuelle du notaire mais a jugé qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les préjudices matériels et immatériels invoqués et la faute retenue.

Par déclaration du 4 janvier 2017, la SCI Ambourg II a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 1er février 2018, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour :

- vu les articles 1792 et suivants du code civil,

- vu l'article 1382 du code civil,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 2 décembre 2016 et statuant à nouveau,

- de condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa, assureur de la SARL M... et la société Egem à verser à la SCI Ambourg II au titre des travaux de reprise des malfaçons la somme de 216.715 euros avec intérêts de droit à compter du 1er septembre 2007,

- de condamner la société Egem à verser à la SCI Ambourg II la somme de 26 911euros (désordre 10) avec intérêts de droit à compter du 1er septembre 2007,

- de condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa, assureur de la SARL M... et la société Egem à verser à la SCI Ambourg II la somme de 182 783 euros au titre du préjudice de jouissance,

- à défaut de condamner de la compagnie Axa au titre du préjudice de jouissance, de condamner la société Egem à verser seule la somme de 182 783 euros à la SCI Ambourg II,

- de condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa et la société Egem en tous les dépens de première instance et d'appel dont les frais d'expertise, les frais de maître U... huissier de justice,

- de condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa, assureur de la SARL M... et la société Egem à verser à la SCI Ambourg II la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z... à verser à la SCI Ambourg II la somme de 167 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- très subsidiairement, si par exceptionnel les PV de réception étaient déclarés non contradictoires :

- vu l'article 1382 du code civil,

- de la condamner à verser à la SCI Ambourg II la somme de 420 000 euros, à titre de dommages et intérêts,

- de la condamner en tous les dépens dont les frais d'expertise, les frais de maître U..., huissier de justice,

- de la condamner à verser la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'il existe une réception, que les désordres sont de nature décennale et qu'ils n'étaient pas apparents au jour de la réception, que l'assureur de la SARL M... responsable des désordres et la sarl Egem doivent donc l'indemniser sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

En outre elle agit contre le notaire sur le fondement délictuel en lui reprochant d'avoir porté dans l'acte une mention erronée quant à l'existence d'une assurance dommages-ouvrage. Elle lui réclame le paiement de dommages et intérêts au titre de sa perte de chance de pouvoir réaliser rapidement les travaux de reprise avec le pré-financement de l'assureur dommages-ouvrage.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 7 juin 2017, et auxquelles il y a lieu de se référer, la SARL Ege Méditerranée demande à la cour :

- vu les articles 1792 et suivants du code civil,

- vu les articles L242 et 1242 du code des assurances,

- vu l'article L 243-2 du code des assurances,

- vu l'article 1382 du code civil,

- vu l'article 1792-6 du code civil,

- au principal,

- de confirmer le jugement dont appel,

- subsidiairement,

- de dire et juger qu'Egem ne peut être concernée pour les travaux relatifs au mur de soutènement eu égard au périmètre de sa mission,

- de dire et juger que seuls les travaux réalisés en 2011 et estimés aux seules reprises des désordres de nature décennale sont susceptibles de donner lieu à indemnisation sous déduction de la somme de 110 237,45 euros non réglée à M. M...,

- de rejeter le surplus des demandes et notamment celles relatives aux dommages immatériels,

- de rejeter les prétentions d'Axa France et de la SCP Z... en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre d'Egem,

- de condamner Axa assureur de la SARL M... construction à relever et garantir la société Egem des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre et ce à hauteur de 95%,

- de condamner la SCP I...-Z... à relever et garantir la société Egem Méditerranée des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au titre des dommages matériels et immatériels qui auraient pu être évités si une assurance dommages-ouvrage avait été souscrite ainsi qu'au titre des travaux de reprise au cas où une condamnation devait être prononcée à l'encontre d'Egem uniquement,

- de condamner tout succombant payer à la société Egem la somme de 5000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile.

Elle prétend qu'elle n'a pas reçu de mission concernant le mur de soutènement.

Elle réclame que les sommes non payées par M. et Mme X... viennent en déduction des sommes qui seront allouées à la SCI Ambourg II.

Elle demande que la SARL M... et la SCP Z... soient condamnées à la relever et garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle.

Elle conteste le montant des sommes réclamées par la SCI Ambourg II.

Elle s'oppose à la demande relative aux préjudices immatériels qu'elle impute à l'absence d'assurance dommages-ouvrage.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 12 mai 2017, et auxquelles il convient de se référer, la compagnie Axa France iard demande à la cour :

- vu l'article 1792 du code civil,

- à titre principal,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,

- de dire et juger que les travaux de la société M... n'ont jamais été contradictoirement réceptionnés et qu'ils n'ont jamais été soldés,

- en conséquence,

- de prononcer la mise hors de cause de la compagnie Axa France iard, assureur décennal de la société M...,

- subsidiairement,

- de dire et juger que les désordres n° l et 2 étaient apparents lors de l'acquisition de la SCI Ambourg II,

- en conséquence,

- de débouter la SCI Ambourg II de ses demandes au titre des travaux de reprise des désordres n° 1 et 2,

- plus subsidiairement encore,

- de constater qu'il a été retenu sur le solde des travaux dus à la société M... la somme de 110.237,32 euros,

- de dire et juger que la SCI Ambourg II, subrogée dans les droits des époux X..., ne pourra être indemnisée an titre des désordres n° l et 2 que sous déduction de la somme de 110 237,32 euros,

- de débouter la SCI Ambourg II de ses réclamations au titre du désordre n° 11 (9568 euros TTC + 10 % de maîtrise d'oeuvre) faute de caractère décennal dudit désordre,

- de débouter la Société Ege Méditerranée de sa demande à l'encontre de la compagnie Axa France iard au titre du désordre n° 10 dont la responsabilité lui incombe en totalité,

- de débouter la la SCI Ambourg II de ses réclamations au titre des désordres n°7 et 8,

- dans les recours entre constructeurs,

- de dire et juger que la société Ege Méditerranée est responsable à hauteur de 60 % de l'ensemble des demandes qui seraient retenues,

- en conséquence,

- de condamner la société Ege Méditerranée à relever et garantir la compagnie Axa France iard à hauteur de 60 % de l'ensemble des sommes qui seront mises à sa charge en principal, frais et intérêts,

- de déclarer irrecevables et infondées les demandes de la SCI Ambourg II à l'encontre de la compagnie Axa France iard au titre de ses préjudices immatériels,

- de condamner la SCP I...-Z... à relever et garantir la compagnie Axa France iard des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

- de débouter la SCI Ambourg II de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner toute partie succombante à payer à la compagnie Axa France iard la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient qu'il n'y a jamais eu réception, et qu'en tant qu'assureur responsabilité décennale, sa garantie ne peut être mise en jeu.

A défaut elle prétend que certains désordres étaient apparents ou qu'ils ne sont pas de nature décennale.

Plus subsidiairement elle demande la compensation avec les sommes non payées par les époux X....

Elle demande d'opérer un partage de responsabilité entre le maître d'oeuvre (60 %) et la SARL M... (40 %).

Elle s'oppose à la demande relative aux préjudices immatériels en rappelant que le contrat d'assurance a été résilié avant la réclamation et qu'elle ne doit pas sa garantie pour des préjudices immatériels relevant de la garantie non obligatoire.

Elle demande à être relevée et garantie par la SCP Z....

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 11 mai 2017, et auxquelles il y a lieu de se référer, la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z... demande à la cour :

- de mettre purement et simplement hors de cause les notaires,

- subsidiairement, de débouter la SCI Ambourg II de toutes ses prétentions à l'égard de la concluante pour réparation de l'ensemble des préjudices relevant des dispositions de l'article 1791 et suivants du code civil qui, en l'espèce, trouvent garant solvable,

- de dire et juger en conséquence que la perte de chance d'être indemnisée est ici nulle,

- de débouter la SCI Ambourg Il,

- de débouter la SARL Ege Méditerranée de ses demandes aux fins de relevé et garantie au titre du préjudice de jouissance qu'elle doit assumer, et elle seule,

- de la condamner au paiement de la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens,

- subsidiairement, de condamner M. et Mme X... à relever et garantir la concluante de toutes condamnations,

- de les condamner aux entiers dépens.

Elle conteste l'existence d'un lien de causalité entre sa faute et le prétendu préjudice de la SCI Ambourg résultant de l'absence de travaux de réfection en urgence en raison de l'absence de préfinancement de tels travaux par un assureur dommages-ouvrage.

Elle fait valoir qu'il n'y a aucun lien entre sa faute et les désordres dont l'architecte et l'entreprise doivent répondre et qu'elle ne doit pas garantie aux responsables des désordres.

Elle demande à être relevée et garantie des condamnations qui seraient prononcées contre elle par M. et Mme X....

M. et Mme X... à qui la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiés le 22 mars 2017 conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2018.

MOTIFS :

La réception contradictoire ne nécessite pas la signature formelle du procès-verbal de réception dès lors que la participation aux opérations de réception de celui qui n'a pas signé le procès-verbal est établie. Or si le procès-verbal de réception du 22 décembre 2006 ne comporte pas de signature du gérant de la SARL M..., il apparaît que la liste des réserves comporte au contraire en plus de la signature du maître d'ouvrage et de celle du maître d'oeuvre, une troisième signature sous le nom de Habib. Les deux autres signatures étant identifiées, la troisième correspond nécessairement à celle d'un représentant de la SARL M.... En outre, sur la liste des réserves, est inscrite en bas de page la mention "RDV pour lever les réserves intérieures le 27 décembre à 14 heures, ce qui implique à l'évidence la présence aux opérations de réception de la SARL M... à qui la levée des réserves incombait.

La société Axa prétend que les maîtres d'ouvrage auraient affirmé leur volonté de ne pas recevoir l'ouvrage en ne soldant pas le prix des travaux. Le fait qu'ils aient vendu l'immeuble traduit bien au contraire leur volonté non équivoque de le recevoir.

Une réception contradictoire est donc intervenue le 22 décembre 2006.

L'expert judiciaire a constaté les désordres suivants :

*désordre 1 : un affaissement de la dalle de l'aire de stationnement,

*désordre 2 : un devers du mur de soutènement,

*désordre 3 : un affaissement de l'escalier extérieur,

*désordre 4 : des infiltrations d'eau par la toiture,

*désordre 7 : un affaissement du sol au niveau de l'escalier d'accès à la piscine,

*désordre 8 : un vide au niveau de l'empierrement à l'angle de la terrasse couverte,

*désordre 10 : des moisissures noirâtres à l'intérieur de la maison,

*désordre 11 : des fissures multiples affectant le mur sud-ouest du local annexe de la piscine,

Les autres désordres n'ont pas été constatés par l'expert.

L'expert explique que les désordres 1 et 2 sont liés et procèdent des mêmes causes qui sont :

- un sous-dimensionnement des fondations,

- une semelle avec un débord arrière inexistant ou insuffisant,

- l'absence ou la mauvaise mise en oeuvre d'un système de drainage,

- des barbacanes insuffisantes.

Il s'agit de malfaçons.

L'expert ajoute que l'affaissement de la dalle de béton devant le garage a écrasé une conduite d'eau alimentant la villa.

Le désordre 3 a également pour origine des malfaçons consistant en un mauvais compactage de la couche de fondation située sous l'escalier ainsi qu'en une mauvaise exécution de la couche de forme, les arrivées d'eaux pluviales non canalisées provenant des fonds supérieurs ayant aggravé et précipité l'apparition de ces dommages.

Les infiltrations en toiture (désordre 4) proviennent de malfaçons dans l'exécution des solins, des faîtières et des arêtiers.

Les désordres 7 et 8 sont dus à un tassement des remblais au droit des longrines de fondations qui reposent sur des poteaux. L'expert explique que, suite aux pluies, les terres non retenues ont glissé sous les longrines et qu'il s'agit d'une erreur d'adaptation du projet au terrain.

Le désordre 10 a pour cause une absence d'étanchéité du mur de soubassement derrière lequel se situent des pièces habitables, l'étanchéité n'ayant pas été prévue lors de la conception.

Le désordre 11 s'explique par le fait que le local annexe de la piscine est structurellement solidaire de la maison principale, un joint de dilatation pourtant prévu sur les plans de l'ingénieur structure, n'ayant pas été réalisé par l'entreprise.

Les réserves notées dans le procès-verbal précité n'ont aucun lien avec ces désordres.

Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Les désordres 1, 2 et 3 sous forme d'affaissement de la dalle et de devers du mur de soutènement compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination.

Les infiltrations d'eau en toiture et les moisissures rendent également la maison impropre à sa destination.

L'expert conclut que les fissures multiples affectant le mur sud-ouest du local annexe de la piscine vont compromettre à terme la solidité de l'ouvrage.

Par contre les désordres 7 et 8 ne sont pas de nature décennale en ce qu'ils n'affectent pas la solidité de l'immeuble et ne le rendent pas impropre non plus à sa destination. Les demandes de SCI Ambourg II sur le fondement de l'article 1792 du code civil ne peuvent prospérer en ce qui concerne ces deux désordres.

Il importe peu que les désordres 1, 2 et 3 aient été visibles au jour de la vente intervenue entre M. et Mme X... et la SCI Ambourg II, leur caractère apparent ou non devant être apprécié au jour de la réception puisque les acheteurs exercent les droits de leurs vendeurs. Or aucune pièce ne prouve que les désordres étaient visibles au jour de la réception, s'agissant de désordres évolutifs. Les désordres 4, 7, 8, 10 et 11 n'ont été constatés qu'après la vente de l'immeuble et n'étaient donc pas apparents au jour de la réception.

Tous ces travaux font partie du marché de travaux de la SARL M... construction qui a réalisé le gros-oeuvre de la maison et du pool-house, la charpente et la couverture de la maison et du pool-house, les drains périphériques ainsi que les fondations et élévations de 248m² de murs de soutènement en agglos à bancher.

Hormis le désordre 10 qui consiste en une erreur de conception imputable au maître d'oeuvre, l'ensemble des désordres a pour cause des malfaçons dans la réalisation des travaux par la SARL M....

La société Egem conteste son implication dans les désordres 1 et 2 au motif qu'elle n'aurait été investie d'aucune mission concernant le mur de soutènement. Cependant l'expert, suite à l'étude du plan de masse, a constaté qu'en raison d'une différence de hauteur de 4,40 m entre la dalle du garage et le terrain naturel à l'angle nord-est du garage, un mur de soutènement était nécessaire pour finaliser le projet. La conception de ce mur de soutènement incombait par conséquent au maître d'oeuvre qui ne peut raisonnablement soutenir que ce mur était étranger à sa mission.

Le reste des désordres rentrent dans la sphère d'intervention de l'architecte qui était investi d'une mission de suivi et de contrôle des travaux.

La SARL M... et la société Ege Méditerranée doivent donc être déclarés responsables, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, des désordres 1, 2, 3, 4, 7, 8 et 11 et la société Egem du désordre 10.

L'expert chiffre les travaux de reprise à la somme de 197 014,53 euros pour la réparation des désordres 1, 3, 4, 10 et 11. Il convient d'y ajouter les frais de maîtrise d'oeuvre qui s'imposent compte tenu de l'importance et de la complexité des travaux à réaliser. Il y a donc lieu de condamner in solidum la société Ege Méditerranée et la société Axa à payer à la SCI Ambourg II la somme de 216 715 euros et la société Ege Méditerranée à payer à cette SCI la somme de 26 911 euros au titre du désordre 10, avec indexation de ces sommes en fonction de la variation de l'indice BT01 entre le 5 juillet 2012, date du dépôt du rapport d'expertise, et le présent jugement et intérêts de droit à compter de ce jour.

La rupture de canalisation par le fait de l'affaissement de la dalle située devant le garage a généré une facture d'eau de 3582,84 euros dont la SCI Ambourg II réclame à juste titre le remboursement.

En outre la SCI Ambourg II sollicite l'indemnisation d'un préjudice locatif en faisant valoir que cette maison est destinée à la location durant la saison estivale. Si elle produit un avis de l'agence immobilière Maya concernant l'estimation de la valeur locative du bien, elle ne démontre pas avoir mis en location saisonnière cette maison depuis que les travaux de reprise ont été réalisés en 2011. Il n'en reste pas moins que la SCI Ambourg II a subi un préjudice de jouissance de 2007 à 2011 en raison des infiltrations en toiture et des moisissures, les autres désordres n'ayant pas entraîné une gène dans l'usage du bien. Il y a lieu, eu égard aux pièces produites et au rapport d'expertise, de fixer ce préjudice à la somme de 25 000 euros.

Enfin la SCI Ambourg II demande l'indemnisation de son préjudice de jouissance durant les travaux pour la période du 16 mai 2011 au 12 mai 2012. L'expert n'a pas évalué la durée des travaux mais une durée d'un an apparaît excessive. En outre la SCI Ambourg II réclame une indemnité correspondant à 100 % de la valeur locative du bien sans rapporter la preuve que la maison ne pouvait être habitée durant les travaux. Compte tenu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, ce préjudice de jouissance sera fixé à la somme de 6000 euros.

La société Axa conteste devoir sa garantie au titre des dommages immatériels en raison de la résiliation de la police d'assurance le 1er janvier 2010 en soutenant que le contrat aurait été conclu avec l'entreprise sur une base réclamation, et que par conséquent l'assureur ne devrait sa garantie que pour les travaux de reprise des dommages résultant directement des désordres imputables à l'entreprise, mais non pour les préjudices immatériels, objet de garanties facultatives, dès lors que la réclamation faite par la SCI Ambourg II, par assignation du 13 mai 2013, serait postérieure à la résiliation du contrat.

Il n'est produit que l'attestation d'assurance de la sarl M... construction selon laquelle cette entreprise est couverte «'pour les dommages survenus à compter du 1er février 2003, et avant la date d'effet de résiliation ou dénonciation du contrat'», et «'pour les dommages immatériels résultant directement d'un dommage entraînant le versement d'une indemnité au titre des paragraphes 1.1,1.2, 2.2, 2.3 et 2.4'».

La société Axa, qui garantit ainsi les préjudices immatériels consécutifs aux désordres couverts par la responsabilité décennale de son assuré, et la société Egem seront condamnées in solidum à payer à la SCI Ambourg II la somme de 34 582,84 euros en réparation de son préjudice immatériel.

La SCI Ambourg II agit également en responsabilité pour faute délictuelle contre le notaire qui a indiqué dans l'acte, de manière erronée, qu'il existait une assurance dommages-ouvrage. Elle invoque un préjudice distinct de la réparation des désordres et des préjudices immatériels consécutifs, consistant dans la perte d'une chance de voir les travaux de reprise effectués aux frais avancés de l'assureur dans un bref délai, en soulignant qu'elle a dû financer ces travaux et engager une procédure en référé. Le notaire ne conteste pas sa responsabilité. Il n'en reste pas moins qu'il n'est nullement établi qu'un préfinancement des travaux à bref délai par un assureur dommages-ouvrage aurait été effectué, le caractère décennal des désordres étant contesté dès l'origine du litige et le litige nécessitant le recours à une expertise. La demande de dommages et intérêts pour perte de chance dirigée par la SCI contre la SCP I...-Z... sera donc rejetée, la preuve d'un lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice invoqué par la SCI Ambourg II n'étant pas rapportée.

Les demandes reconventionnelles en paiement des travaux impayés formées contre la SCI Ambourg II qui n'est pas le maître d'ouvrage et n'a signé aucun engagement contractuel envers la société Egem ni la SARL M... seront rejetées.

La société Ege Méditerranée et la société Axa, assureur de la SARL M... chargée du gros-oeuvre, demandent à être relevées et garanties par la SCP I...-Z.... Elles ne peuvent cependant rechercher la responsabilité délictuelle du notaire alors que leurs condamnations résultent de leurs propres manquements à leurs obligations et elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes formées contre la SCP I... -Z....

La société Ege Méditerranée et la société Axa sollicitent qu'il soit opéré un partage de responsabilité dans les rapports entre l'architecte et l'entrepreneur. Compte tenu de l'implication de chacune de ces parties dans les désordres consistant en des manquements de l'entreprise dans l'exécution des travaux, en une erreur de conception et un défaut de suivi par le maître d'oeuvre, il y a lieu de fixer à 20 % la part de responsabilité du maître d'oeuvre et à 80 % celle de l'entreprise M... dans la survenance des désordres.

Il serait inéquitable de laisser à la SCI Ambourg II la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés. Aucune considération d'équité ne commande par contre qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z....

Les frais de constats d'un huissier de justice non désigné à cet effet par décision de justice n'étant pas inclus dans les dépens, la demande formée par la SCI Ambourg II visant à intégrer dans les dépens les frais des constats dressés par maître U... sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI Ambourg de ses demandes formées contre la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z... ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE in solidum la compagnie Axa France iard et la SARL Ege Méditerranée à payer à la SCI Ambourg la somme de 216 715 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 34.582,84 euros en réparation de son préjudice immatériel ;

CONDAMNE la SARL Ege Méditerranée à payer à la SCI Ambourg II la somme de 26 911 euros au titre du désordre 10 ;

DIT que ces sommes seront revalorisées en fonction de la variation de l'indice BT01 entre le 5 juillet 2012, date du dépôt du rapport d'expertise, et le présent jugement et qu'elles porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

DIT que dans leurs rapports entre elles, la SARL M... et la SARL Ege Méditerranée sont responsables à hauteur de 80 % des dommages pour la première et de 20 % pour la seconde ;

REJETTE les appels en garantie formés par la SARL Ege Méditerranée et la société Axa France iard contre la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z... ;

DECLARE sans objet l'appel en garantie formé par la SCP Alain I..., Patrice Z... et Olivier Z... ;

CONDAMNE in solidum la compagnie Axa France iard et la SARL Ege Méditerranée à payer à la SCI Ambourg la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette les autres demandes formées à ce titre ;

CONDAMNE in solidum la compagnie Axa France iard et la SARL Ege Méditerranée à payer à la SCI Ambourg aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise;

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés contre eux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre a
Numéro d'arrêt : 17/00172
Date de la décision : 08/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°17/00172 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;17.00172 ?
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