COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2018
N° 2018/ 554
N° RG 16/17117
N° Portalis DBVB-V-B7A-7ITP
SCI VALERIA
C/
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Jean-louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Michel REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 11 Août 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/6523.
APPELANTE
SCI VALERIA
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Jean-louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sonia OUSSMOU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Michel REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2018
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon acte sous seing privé du 27 février 1991, M. [B] [E] et M. [S] [V] ont respectivement acquis 50 % des parts de la société civile immobilière Valeria, moyennant chacun le prix de 1.594.509,50 francs.
Selon deux actes notariés du 27 février 1991, la SA UFB Locabail, aux droits de laquelle se trouve désormais la SA BNP Paribas Lease Group, a consenti à chacun des acquéreurs un prêt d'un montant de 1.750.000 francs, soit 266.785,78 euros, remboursable en 180 mensualités.
Aux termes de chacun de ces deux actes authentiques, la SCI Valeria, représentée par ses deux associés, s'est portée caution solidaire et hypothécaire des engagements de, respectivement, M. [B] [E] et M. [S] [V] envers le prêteur, à concurrence du montant en principal de 1.750.000 francs, outre intérêts, frais, commissions et autres accessoires dus au titre des crédits consentis.
A la suite d'impayés de M. [S] [V], la SA BNP Paribas Lease Group a, par courrier recommandé du 30 juin 2004, mis en demeure la SCI Valeria d'avoir, en sa qualité de caution solidaire et hypothécaire, à lui régler la somme de 193.241,46 euros.
Cette mise en demeure étant restée infructueuse, l'organisme prêteur a engagé des mesures d'exécution forcée.
Selon jugement du 8 novembre 2007 du tribunal de grande instance de Toulon, la SA BNP Paribas Lease Group a été autorisée à reprendre les poursuites dans le cadre de la saisie immobilière engagée par le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Jardins du Luxembourg.
Par exploit du 11 juin 2014, elle a fait signifier à la SCI Valeria commandement de payer valant saisie immobilière.
Puis, par acte du 21 août 2014, elle l'a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Toulon.
Dans le cadre de cette procédure, la SCI Valeria a sollicité qu'il soit sursis à statuer, dans l'attente de l'issue de l'instance qu'elle a introduite à l'encontre de la SA BNP Paribas Lease Group.
En effet, par acte du 1er décembre 2014, la SCI Valeria a fait assigner, en nullité de l'acte de cautionnement souscrit le 27 février 1991, la SA BNP Paribas Lease Group devant le tribunal de grande instance de Toulon.
Par jugement du 11 août 2016, ce tribunal a :
- condamné la SCI Valeria à payer à la SA BNP Paribas Lease Group 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Valeria aux dépens.
Suivant déclaration du 21 septembre 2016, la SCI Valeria a interjeté appel du jugement .
Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 16 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
- le dire juste et bien fondé,
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- déclarer nul et de nul effet l'acte de cautionnement en date du 27 février 1991 signé par elle au profit de la société UFB Locabail,
- condamner la BNP Paribas Lease Group à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la BNP Paribas Lease Group aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 15 février 2017, auxquelles il y a lieu de se référer en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA BNP Paribas Lease Group demande à la cour de :
in limine litis : sur la fin de non-recevoir :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en nullité du cautionnement en date du 27 février 1991, comme étant prescrite,
subsidiairement : sur le fond :
- constater la validité de l'engagement de caution du 27 février 1991, souscrit par la SCI Valeria au profit de M. [V],
et par conséquent et en tout état de cause :
- débouter la SCI Valeria de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la SCI Valeria à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Michel Reyne.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2018.
MOTIFS
L'appelante sollicite la nullité de l'acte de cautionnement du 27 février 1991.
Elle fait valoir qu'il existe cinq motifs, dont chacun est suffisant, pour que le cautionnement souscrit soit nul et de nul effet :
- alors que la capacité d'une personne morale pour se porter caution est limitée par le principe de spécialité, le cautionnement qu'elle a contracté au profit de l'UFB Locabail ne correspond pas à son objet social,
- alors qu'est nul le cautionnement consenti par une société en garantie du prêt accordé à l'acquéreur de parts sociales de ladite société, elle s'est portée caution des prêts contractés tant par le Docteur [V] que par le Docteur [E] pour l'achat de l'intégralité de ses parts de SCI,
- l'engagement de caution correspondait à la valeur totale de son patrimoine au moment de la souscription de l'acte, ce qui mettait en péril son existence même en cas de défaillance des emprunteurs,
- le cautionnement hypothécaire, même consenti avec l'accord unanime des associés, ne répond pas à l'intérêt social de la société,
- le prêt initial dont elle s'était portée caution a été l'objet de modifications successives qui n'ont jamais été, ni portées à sa connaissance, ni acceptées par elle, de telle sorte que son engagement doit être déclaré nul en application de l'article 2292 du code civil.
La SA BNP Paribas Lease Group soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de cautionnement, s'agissant d'une demande principale et non d'une exception de nullité.
Rappelant que l'acte de cautionnement litigieux a été souscrit par acte authentique du 27 février 1991, elle fait valoir que, soumise à un délai de prescription de cinq ans en vertu des dispositions de l'article 1304 du code civil applicable au moment des faits, l'action engagée par la SCI Valeria est prescrite depuis le 28 février 1996.
La SCI Valeria réplique que les premiers juges ont retenu, à tort, la prescription de l'action ainsi soulevée, qu'en effet, il est incontestable que la SA BNP Paribas Lease Group l'a assignée le 21 août 2014 en paiement d'un commandement de payer du 11 juin 2014, qu'elle a assigné la SA BNP Paribas Lease Group en nullité de l'acte de caution par exploit du 1er décembre 2014, qu'ainsi, elle a intenté une action en nullité pour s'opposer à une action principale en paiement, qu'il y a lieu de rappeler la règle de survie de l'exception de nullité, selon laquelle la prescription d'une action en nullité n'éteint pas le droit d'opposer celle-ci comme exception en défense à une action principale.
Mais, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'action qu'elle a introduite, tendant à voir prononcer la nullité de l'acte authentique aux termes duquel elle s'est portée caution solidaire et hypothécaire des engagements de M. [S] [V] envers le prêteur, ne constitue pas une défense à l'action en recouvrement poursuivie par l'intimée.
La SCI Valeria, qui n'a pas la qualité de défendeur, ne pouvant se prévaloir d'une exception de nullité, il ne peut qu'être constaté que, engagée le 1er décembre 2014, soit plus de vingt-trois ans après la conclusion de l'acte de cautionnement litigieux du 27 février 1991, sa demande est prescrite.
Le jugement est confirmé, sauf à relever l'omission qui l'affecte en ce que l'irrecevabilité retenue ne figure pas dans son dispositif.
Au titre des frais irrépétibles, il est, en cause d'appel, alloué à la SA BNP Paribas Lease Group une somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement;
Constatant l'omission affectant le jugement entrepris, le rectifie en ce sens que doit être ajoutée dans son dispositif la mention :
Déclare la SCI Valeria irrecevable en son action,
Confirme le jugement ainsi rectifié en toutes ses dispositions,
Condamne la SCI Valeria à payer à la SA BNP Paribas Lease Group la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT