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19/10/2018 | FRANCE | N°16/10574

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 19 octobre 2018, 16/10574


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 19 OCTOBRE 2018



N° 2018/





Rôle N° RG 16/10574 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6XWP





SARL SAMTEC





C/



Stéphane X...





























Copie exécutoire délivrée

le :



19 OCTOBRE 2018



à :



Me Hélène Y..., avocat au barreau de MARSEILLE





M

e Delphine Z..., avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section I - en date du 13 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/132.







APPELANTE



SARL SAMTEC, demeura...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 OCTOBRE 2018

N° 2018/

Rôle N° RG 16/10574 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6XWP

SARL SAMTEC

C/

Stéphane X...

Copie exécutoire délivrée

le :

19 OCTOBRE 2018

à :

Me Hélène Y..., avocat au barreau de MARSEILLE

Me Delphine Z..., avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section I - en date du 13 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/132.

APPELANTE

SARL SAMTEC, demeurant [...]

représentée par Me Hélène Y..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur Stéphane X..., demeurant [...]

représenté par Me Delphine Z..., avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Laëtitia A..., avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2018 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2018..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2018.

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Stéphane X... a été engagé par la SARL SAMTEC suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 31 août 2012 en qualité d'ouvrier Applicateur de Résine.

Antérieurement, par jugement du 11 mai 2012, le tribunal de commerce d'ARRAS avait ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société SAMTEC qui avait donné lieu à un plan de continuation.

Par lettre du 3 mars 2014, Monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable pour le 18 mars 2014 et mis à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 21 mars 2014.

Contestant le bien-fondé du licenciement et sollicitant un rappel de salaire et d'indemnités de repas, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de DIGNE LES BAINS qui par jugement du 13 mai 2016 a :

- dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SARL SAMTEC à lui payer les sommes de

* 484 € net à titre de rappel d'indemnités de repas,

* 553,22 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 675,43 € à titre d'indemnité de préavis,

* 167,54 € au titre des congés payés afférents,

* 1 288,60 € à titre de rappel de salaire du mois de mars 2014,

* 128,86 € au titre des congés payés afférents,

* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL SAMTEC de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

La SARL SAMTEC qui a reçu notification du jugement le 20 mai 2016 en a régulièrement interjeté appel par lettre expédiée le 3 juin 2016.

Suivant écritures soutenues et déposées à l'audience elle demande à la cour de déclarer son appel recevable, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes, de dire que le licenciement de Monsieur X... est fondé sur une faute grave, de débouter Monsieur X... de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Suivant écritures soutenues et déposées à l'audience Monsieur X... demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

- statuant à nouveau, condamner la SARL SAMTEC à lui payer les sommes de

* 484 € net à titre de rappel d'indemnités de repas,

* 588,60 € net à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 962 € à titre d'indemnité de préavis,

* 196 € au titre des congés payés afférents,

* 11 772 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 288,60 € à titre de rappel de salaire du 1er au 21 mars 2014,

* 128,86 € au titre des congés payés afférents,

* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Après avoir été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un licenciement, Monsieur X... s'est vu, par courrier du 21 mars 2014, notifier son licenciement pour faute grave en ces termes :

'Monsieur,

Nous vous avons reçu le mardi 18 mars 2014 pour un entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Malgré les explications que vous nous avez fournies qui ne nous ont pas convaincu, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants: abandon de poste.

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement compte tenu que ce jour là était prévue une intervention délicate pour notre client ERDF qui avait mobilisé du matériel humain et matériel important afin de sécuriser le chantier et que vous étiez parfaitement au courant et ce depuis plus d'une semaine.

En cette période de crise nous ne pouvons pas nous permettre de perdre notre crédibilité, ni notre principal client ERDF.

Nous vous remettons tous les documents nécessaires, votre certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte etc...'.

Alors que Monsieur X... fait état dans ses écritures d'un licenciement 'pour cause réelle et sérieuse', la SARL SAMTEC vise expressément dans la lettre de licenciement et dans ses écritures un licenciement prononcé pour faute grave qui par ailleurs n'a pas donné lieu au paiement de l'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis.

Les faits visés dans la lettre de licenciement se rapportent au comportement du salarié consécutif au courrier du 3 mars 2014 qu'il a adressé à son employeur et dans lequel il indique 'qu'à compter de ce jour et suite au non-paiement de mon salaire de janvier 2014 et bientôt celui de février j'exerce mon droit de grève conformément à la loi'.

La SARL SAMTEC fait valoir qu'il s'agit d'un abandon de poste caractérisé par le refus de venir travailler, qui ne peut être requalifié en 'grève' et qui ne peut être justifié par une exception d'inexécution puisque les salaires dûs avaient été versés au salarié, ce dernier ne présentant d'ailleurs pas de demande en paiement d'un rappel de salaire.

Ainsi, elle soutient que les deux versements de 800 € de janvier 2014 comblent le salaire de décembre 2013, le versement de 1 756,48 € de février 2014 comble le salaire de janvier 2014 ainsi que le restant dû du salaire de décembre 2013 et le versement de 1 706,79 € de mars 2014 règle le salaire de février 2014. Elle indique que 'la prime de Martinique' d'un montant de 1 037 € a été payée en deux fois, en janvier et février 2014, et que le versement de 1 600 € du mois de janvier correspond bien au paiement des salaires et non de la prime.

La SARL SAMTEC précise que Monsieur X... avait déjà précédemment abandonné son poste de travail 'pour grève' alors qu'il se trouvait en déplacement en Martinique au mois de janvier 2014 et considère que la répétition de ce comportement fautif caractérise d'autant plus la faute grave.

Monsieur X... conteste avoir abandonné son poste et fait valoir qu'il ne s'est pas présenté à son poste de travail pour les raisons précises - retard et défaut de paiement du salaire - exposées dans le courrier explicatif qu'il a adressé à son employeur. Il invoque l'exception d'inexécution de son contrat de travail qualifiée maladroitement de 'grève' dans la lettre du 3 mars 2014.

Monsieur X... soutient par ailleurs que si l'employeur avait envisagé une procédure disciplinaire, la sanction ne pouvait pas être un licenciement pour faute grave dès lors que le paiement des salaires n'a été régularisé que la veille de l'entretien préalable et qu'il s'était engagé à reprendre le travail.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur.

Il ressort des bulletins de salaire des mois de décembre 2013, janvier 2014 et février 2014, des relevés de comptes bancaires et du tableau récapitulatif établi par l'employeur dans ses écritures que:

- la 'prime Martinique' a été réglée en deux fois et figure dans les bulletins de salaire du mois de janvier 2014 (à raison de 518,80 € bruts) et du mois de février 2014 (à raison de 518,80 € bruts),

- le salaire du mois de décembre 2013 (soit 1756,48 € nets) a été partiellement payé et avec retard en janvier 2014 par deux versements de 800 €, les 23 janvier 2014 et 28 janvier 2014, le solde a été réglé le 3 février 2014,

- le 3 mars 2014, soit la date de la lettre que Monsieur X... a adressée à son employeur, le salaire de février 2014 n'avait pas été réglé, celui-ci l'ayant été le 17 mars 2014, soit la veille de l'entretien préalable.

Il est donc bien justifié des retards répétés dans le paiement des salaires, qui même s'ils interviennent dans un contexte de difficultés de trésorerie de l'employeur, caractérisent un manquement de celui-ci à ses propres obligations contractuelles et justifient l'exception d'inexécution soulevée par le salarié, nonobstant le terme de 'grève' qu'il a employé de façon inappropriée.

Dans ces conditions, les faits visés à l'appui du licenciement ne peuvent être qualifiés d'abandon de poste dès lors qu'ils constituent une riposte du salarié aux propres manquements de l'employeur et que, les salaires ayant été réglés en totalité le 17 mars 2014, le salarié s'était engagé à reprendre le travail.

La faute grave n'est donc pas caractérisée par l'employeur. En l'état des propres manquements de l'employeur, le comportement du salarié ne peut davantage constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera confirmé.

En application des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (31 ans ), de son ancienneté (18 mois), de sa qualification, de sa rémunération (1 962 € ), des circonstances de la rupture et de la période de chômage qui s'en est suivie et qui est justifiée jusqu'au mois d'août 2014 par la production des relevés de situation Pôle Emploi et d'un contrat de travail signé le 1er septembre 2014, il sera accordé à Monsieur X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 8 000 €. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Il lui sera également accordé une indemnité légale de licenciement d'un montant de 588,60 €, une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 962 €, les congés payés afférents d'un montant de 196 €. Le jugement sera infirmé sur le montant des sommes allouées.

Par confirmation du jugement déféré, l'employeur sera condamné à payer un rappel de salaire du 1er au 21 mars 2014 (correspondant à la mise à pied) d'un montant de 1 288,60 €, les congés payés afférents d'un montant de 128,86 € conformes à ses droits.

Sur la demande au titre d'un rappel d'indemnités repas

Monsieur X... sollicite un rappel d'indemnités de repas au titre des grands déplacements dues entre septembre 2012 et janvier 2014, soit la somme de 484 € retenue par le conseil de prud'hommes, sur la base d'un décompte récapitulatif et d'une note de service diffusée par l'employeur le 5 août 2013 qui précisait le montant de rémunération des dits frais.

La SARL SAMTEC, qui demande l'infirmation du jugement sur ce point, soutient avoir réglé au salarié la totalité des frais dûs et fait valoir que celui-ci réclame en fait le paiement d' indemnités pour des journées non-travaillées pendant lesquelles il était en repos, en congés payés ou en congé paternité.

Il appartient au salarié qui réclame le paiement d'indemnités de repas d'apporter la preuve qu'il était sur un chantier et qu'il ne pouvait regagner sa résidence pour déjeuner.

Or, en l'espèce, Monsieur X..., qui produit un décompte qu'il a élaboré sur la base des jours ouvrables du mois, ne rapporte pas cette preuve d'autant que la SARL SAMTEC produit également un décompte récapitulant, pour les mois concernés, les jours travaillés donnant lieu au paiement de l'indemnité et les jours pendant lesquels le salarié a été en arrêt maladie, en congés payés, en jour de récupération ou en stage.

Dans ces conditions, la demande sera rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SARL SAMTEC à payer à Monsieur X... la somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de la SARL SAMTEC, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les montants de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents,

Statuant à nouveau;

Condamne la SARL SAMTEC à payer à Monsieur Stéphane X... les sommes de :

- 588,60 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 962 € à titre d'indemnité de préavis,

- 196 € au titre des congés payés afférents,

- 8 000 € titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Monsieur Stéphane X... de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnités de repas,

Y ajoutant,

Condamne la SARL SAMTEC à payer à Monsieur Stéphane X... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL SAMTEC aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/10574
Date de la décision : 19/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°16/10574 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-19;16.10574 ?
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