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18/10/2018 | FRANCE | N°18/04254

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 18 octobre 2018, 18/04254


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


11e Chambre A





ARRÊT AU FOND


DU 18 OCTOBRE 2018





N° 2018/ 434




















Rôle N° RG 18/04254 -


N° Portalis DBVB-V-B7C-


BCCSM











X... Y...


Salvatore Y...


SARL MARJO








C/





Z... Y...


Francesco Y...


Carméla Y... épouse A...


L... Y... épouse B...



Angèle Y... épouse C...


Calogera Y...


M... Y... épouse D...
































Copie exécutoire délivrée


le :


à :


SCP E... K...





Me Mireille F...

















Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Février 2018 enregis...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 18 OCTOBRE 2018

N° 2018/ 434

Rôle N° RG 18/04254 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-

BCCSM

X... Y...

Salvatore Y...

SARL MARJO

C/

Z... Y...

Francesco Y...

Carméla Y... épouse A...

L... Y... épouse B...

Angèle Y... épouse C...

Calogera Y...

M... Y... épouse D...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP E... K...

Me Mireille F...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Février 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/07218.

APPELANTS

Madame X... Y...

née le [...] à GARDANNE (13120), demeurant [...]

représentée par Me K... G... de la SCP E... K..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Antoine H..., avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur Salvatore Y...

né le [...] à GARDANNE (13120), demeurant [...]

représenté par Me K... G... de la SCP E... K..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Antoine H..., avocat au barreau de MARSEILLE

SARL MARJO exerçant sous l'enseigne ' LES TRES GALLES', prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me K... G... de la SCP E... K..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Antoine H..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur Z... Y...

né le [...] à DELIA (Italie), demeurant [...]

représenté par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Francesco Y...

né le [...] à DELIA (Italie), demeurant [...]

représenté par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Carméla Y... épouse A...

née le [...] à GARDANNE (13120), demeurant [...]

représentée par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame L... Y... épouse B...

née le [...] à GARDANNE (13120), demeurant [...]

représentée par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Angèle Y... épouse C...

née le [...] à GARDANNE (13120), demeurant [...]

représentée par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Calogera Y...

née le [...] à DELIA (Italie), demeurant [...]

représentée par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame M... Y... épouse D...

née le [...] à GARDANNE (13120), demeurant [...]

représentée par Me Mireille F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2018 en audience publique devant la cour composée de:

Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2018,

Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur Giuseppe Y..., décédé [...] , a laissé, pour recueillir sa succession :

- ses sept enfants (Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... ) issus de sa première union avec Madame X... (décédée en 1955)

- sa seconde épouse, Madame Diéga I... avec laquelle il s'était marié le 26 septembre 1956 en Italie, sans contrat préalable

- les deux enfants (Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... ) issus de cette dernière union

Par acte reçu le 14 février 2000, Madame Diega I... , bénéficiaire d'une donation entre époux, a opté pour un quart en toute propriété et trois quarts en usufruit.

La succession comportait des immeubles, dont l'un situé à Bouc-Bel-Air, dans lequel était exploité un fonds de commerce '[...]' ( restaurant) qui a fait l'objet d'une location gérance consentie par Madame Diega I... à la SARL MARJO, par acte sous seing privé du 30 avril 2007. Cette société avait été créée par Madame I... et ses enfants.

Par acte sous seing privé du premier janvier 2010, enregistré le 21 juillet 2010, Madame Diega I... a consenti à la société MARJO un bail commercial.

Madame Diega I... est décédée le [...].

Par jugement définitif du 12 juin 2012, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... tendant à voir dire que le contrat de location gérance avait pris fin le 07 mai 2011. Le jugement notait les demandeurs n'avaient pas qualité pour agir, n'étant pas majoritaires dans la succession.

Par jugement du 11 avril 2013, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ordonné la vente aux enchères publiques de l'immeuble situé à Bouc-Bel-Air dans lequel était exploité le fonds de commerce.

Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... ont assigné la SARL MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour voir ordonner la nullité du bail commercial conclu le premier janvier 2010.

Par jugement du 15 février 2018, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

- rejeté l'exception de prescription de l'action en nullité du bail commercial

- annulé le bail commercial signé le premier janvier 2010, enregistré le 21 juillet 2010, entre Madame Diéga I... veuve Y... et la SARL MARJO, portant sur un bien immobilier situé [...] [...] composé d'une salle de restaurant avec cuisine, réserve, toilettes d'une superficie de 225 m², d'un parking réservé à la clientèle d'une superficie d'environ 1850 m² ainsi que d'un appartement de fonction d'environ 80 m²

- ordonné l'expulsion de la SARL MARJO et de tous occupants de son chef de ce local dans un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision, et, passé ce délai sous astreinte de 75 euros par jour de retard avec l'assistance de la force publique si besoin est

- condamné la SARL MARJO à payer une provision de 822 euros HT à valoir sur l'indemnité mensuelle d'occupation qui sera fixée après expertise, provision devant être consignée 'chaque mois' sur un compte ouvert à la CARSA du barreau d'Aix-en-Provence avant le 10 du mois et ceci, à compter de la signification de la décision,

- ordonné, avant dire-droit sur l'indemnité d'occupation due à compter du 21 juillet 2010 par la SARL MARJO à la succession de Madame Diéga I... veuve Y... , une expertise et désigné pour y procéder Madame Dominique J...

- précisé la mission de l'expert et le délai à l'issue duquel il devra déposer son rapport

- fixé à la somme de 3500 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et mis à la charge des demandeurs le montant de cette consignation,

- condamné Monsieur Salvatore Y..., Madame X... Y... et la SARL MARJO à payer à Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire de la décision

- réservé les autres demandes des parties

- renvoyé l'affaire à la mise en état du 11 octobre 2018

- réservé les dépens.

Monsieur Salvatore Y..., Madame X... Y... et la SARL MARJO ont formé appel de cette décision les 07 et 12 mars 2018, appel portant sur tous les chefs du jugement.

Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... ont constitué avocat.

Par dernières conclusions du 03 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Monsieur Salvatore Y... , Madame X... Y... et la SARL MARJO demandent à la cour :

* in limine litis :

- de constater la prescription de l'action en nullité engagée par les intimés à l'encontre du contrat de location gérance publié au BODACC le 08 mai 2007 et en conséquence, de rejeter l'action en nullité formée par ces derniers

*sur le fond :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail commercial signé le premier janvier 2010

- d'annuler le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'expulsion de la société MARJO et de tous occupants de son chef dans un délai de deux mois de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 75 euros par jour de retard avec l'assistance de la force publique si besoin était,

- d'infirmer le jugement entrepris :

*en ce qu'il a ordonné la consignation d'une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation à la charge de la SARL MARJO à hauteur de 822 euros HT par mois,

*en ce qu'il a ordonné une expertise

*en ce qu'il les a condamnés à verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*en ce qu'il n'a pas statué sur leur demande visant à obtenir la condamnation des parties adverses au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

*en ce qu'il a renvoyé l'affaire à la mise en état fixée le 11 octobre 2018

*en ce qu'il a réservé les dépens.

- de dire et juger qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité du bail commercial signé le premier janvier 2010,

- de déclarer irrecevables au visa des articles 564 et 566 du code de procédure civile les demandes formulées la première fois en appel par les intimés concernant la nullité du contrat de location gérance et son absence de renouvellement par tacite reconduction

- de déclarer nulle l'expulsion de la société MARJO et de tous occupants de son chef dans le délai de deux mois de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 75 euros par jour de retard avec l'assistance de la force publique si besoin était

- de dire et juger n'y avoir lieu au versement d'une consignation mensuelle à la charge de la SARL MARJO au titre de l'indemnité d'occupation en l'état du contrat de location gérance en cours

- de dire et juger n'y avoir lieu à expertise pour évaluer les indemnités d'occupation de la SARL MARJO en l'état du contrat de location gérance en cours

- de dire et juger que les défendeurs à la procédure de première instance garderont à leur charge les frais irrépétibles engagés par eux

- de condamner les intimés au versement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- de dire et juger n'y avoir lieu au renvoi de l'affaire devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence

- de condamner les intimés aux entiers dépens de première instance

- de condamner les intimés aux entiers dépens d'appel.

In limine litis, ils estiment que l'action en nullité du contrat de location gérance formée par les intimés est prescrite. Ils font valoir que ces derniers ont été informés de l'existence de ce contrat dès sa publication au BODACC le 08 mai 2007 et que par le jeu de la prescription quinquennale et de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription, les intimés ne pouvaient engager une telle action que jusqu'au 18 juin 2013.

Ils soutiennent que Madame I..., lors de la signature du bail commercial, était en droit de procéder seule à la signature du bail commercial.

Ils soutiennent que si la cour devait estimer que Madame I... n'avait pas le pouvoir de signer seule cet acte, ce n'est pas la nullité de l'action qui devrait être prononcée, mais son l'inopposabilité aux co-indivisaires.

Ils reprochent en outre aux premiers juges d'avoir statué ultra petita et, à tout le moins, en violation du principe du contradictoire, en ayant prononcé l'expulsion de la SARL MARJO et de tous occupants de son chef, cette demande n'ayant jamais été formulée par les autres parties. Par ailleurs, ils font valoir que la société MARJO ne peut être occupante sans droit ni titre puisque que l'occupation des lieux par cette dernière résulte initialement de la location-gérance.

Ils soutiennent que les demandes des intimés, tendant à voir prononcer la nullité du contrat de location gérance et à faire juger que ce contrat n'a pas été tacitement reconduit sont des demandes nouvelles en appel.

Estimant que la société MARJO continue à jouir d'un contrat de location gérance, ils font valoir qu'elle ne pouvait donc être condamnée à consigner une provision d'indemnité d'occupation. Pour les mêmes raisons, ils estiment qu'il n'y a pas lieu à désigner un expert pour fixer les indemnités d'occupation.

Par dernières conclusions du 04 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... demandent à la cour :

- de rejeter les conclusions du 03 septembre 2018 pour violation du principe du contradictoire :

* subsidiairement, sur les conclusions des appelants signifiées le 03 septembre 2018:

- déclarer ces écritures irrecevables à défaut de modélisation en application des articles 910-4, 954 et 961 du code de procédure civile,

** si la cour devait déclarer recevables les conclusions adverses du 03 septembre 2018:

- d'admettre leurs propres conclusions,

- de confirmer l'ensemble des dispositions de la décision entreprise,

- de dire et juger qu'en application de l'article 566 du code de procédure civile, la demande d'expulsion est le complément naturel de la demande de nullité du bail commercial litigieux,

- de déclarer irrecevables les nouvelles prétentions des appelants, notamment en ce qui concerne la validité du contrat de location gérance,

* à défaut, évoquant l'intégralité du litige :

- de constater que l'exception de prescription de l'action en nullité du contrat de location gérance n'a pas été soulevée in limine litis par les appelants

- de rejeter l'exception de prescription de l'action en nullité

- de déclarer nul et de nul effet le contrat de location gérance en application des dispositions des articles 815-3 et 595 du code civil et L 144-3 du code du commerce

* en toute hypothèse :

- de dire et juger que le contrat de location gérance n'a pu se renouveler tacitement à compter du 08 mai 2010

- de condamner in solidum la SARL MARJO, Madame X... Y... et Monsieur Salvatore Y... à leur verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral

- de condamner in solidum la SARL MARJO, Madame X... Y... et Monsieur Salvatore Y... à leur verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux de première instance et ceux d'appel, distraits au profit de Maître Mireille F....

Ils demandent que les conclusions adverses soient écartées en raison de leur caractère tardif qui a entraîné une violation du principe du contradictoire.

Ils ajoutent que l'exception de prescription de l'action en nullité du contrat de location gérance, évoquée dans les dernières conclusions du 03 septembre 2018 par les appelants, n'a pas été soulevée in limine litis.

Ils exposent que Madame I... , s'estimant à tort seule propriétaire du fonds de commerce, a donné ce dernier en location-gérance à la SARL MARJO quelle avait constituée avec ses enfants.

Ils font valoir que c'est dans le cadre des opérations de la vente sur licitation du bien situé à Bouc-Bel-Air qu'ils ont découvert en 2015 l'existence de la conclusion du bail commercial daté du premier janvier 2010, consenti à la SARL MARJO par Madame Diega I..., bail enregistré le 21 juillet 2010, jour du décès de cette dernière, bail dont le loyer était dérisoire et dont ils estiment qu'il avait pour seul objet de les évincer de la gestion du fonds de commerce et de porter atteinte à leurs droits.

Ils rappellent que les successions de Monsieur Y... et Madame I... ne sont toujours pas réglées.

Ils affirment que Madame I... ne pouvait seule procéder à la conclusion du bail commercial litigieux, en raison de la violation, tant des règles relatives à l'indivision que celles relatives aux relations entre l'usufruitier et les nus-propriétaires. Ils sollicitent en conséquence la nullité du bail, soulignant qu'il s'agit de la seule sanction possible et non l'inopposabilité du bail.

Ils estiment que l'expulsion de cette société n'est que la conséquence et le complément naturel de l'annulation du bail commercial et qu'elle était implicitement comprise dans leurs demandes devant les premiers juges. En tout état de cause, ils estiment que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour peut prononcer une telle mesure.

Ils contestent également l'argument selon lequel l'expulsion de la société MARJO ne pourrait être ordonnée puisque son occupation découlerait du contrat de location gérance. Ils soulignent qu'à aucun moment, devant les premiers juges, n'a mis en avant le fait que la location gérance serait toujours en cours. Ils estiment d'ailleurs que cette location-gérance a été conclue en fraude de leurs droits, raison pour laquelle il sollicite la nullité de ce contrat. Ils précisent que si devait être reconnue l'existence de ce contrat, il n'est pas démontré qu'il serait valable.

En toute hypothèse, ils estiment que la conclusion du bail commercial par Madame I... a marqué sa volonté de mettre un terme au contrat de location gérance conclu auparavant, si bien qu'il ne peut y avoir eu de tacite reconduction. Dès lors, ils exposent que si la cour ne retenait pas la nullité de cet acte, elle devrait dire que le contrat de location-gérance ne s'est plus renouvelé tacitement à compter du 08 mai 2010.

Ils relatent enfin que la société MARJO, Madame X... Y... et Monsieur Salvatore Y... jouissent seuls et sans bourse délier des biens indivis situés à Bouc-Bel-Air et tirent profit de l'immeuble, par la perception de divers loyers et de l'exploitation du commerce.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 septembre 2018.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des conclusions des appelants signifiées le 03 septembre 2018 et celles des intimés signifiées le 04 septembre 2018

En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Les conclusions des appelants signifiées le 03 septembre 2018, pour une audience au fond du 05 septembre 2018, sont certes tardives mais ne contreviennent pas au principe du contradictoire puisqu'elles ont uniquement ajouté aux précédentes conclusions une demande relative à la prescription de la demande de nullité de l'acte de location gérance soulevée par les intimés, qui ont été en mesure de répondre sur ce point.

Par ailleurs, si l'article 954 du code de procédure civile prévoit que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec indication pour chaque prétention des pièces indiquées et de leur numérotation, l'absence de cette modélisation n'est pas sanctionnée.

Dès lors, il convient de déclarer recevables les conclusions des appelants signifiées le 03 septembre 2018 ainsi que celle des intimés du 04 septembre 2018.

Sur la recevabilité de la demande des appelants tendant à voir dire que l'action en nullité du contrat de location gérance est prescrite.

Les intimés soutiennent que cette demande, n'ayant pas été faite in limine litis, ne pourra être examinée par la cour.

La demande des appelants s'analyse en une fin de non-recevoir. Dès lors, en application de l'article 123 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause.

Sur la capacité de Madame I... à conclure seule un bail commercial

Le fonds de commerce en cause est exploité dans un immeuble dont Madame I... était à la fois indivisaire et usufruitière.

En vertu de l'article 815-3 du code civil, les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, peuvent, à cette majorité, conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Le consentement des tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

Ainsi, la conclusion d'un bail commercial nécessite le consentement de tous les indivisaires.

En application de l'article 595 alinéa 3 du même code, l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un immeuble à usage commercial.

Dès lors, Madame I... ne pouvait conclure seule le bail commercial au profit de la société MARJO, tant en sa qualité d'indivisaire qu'en celle d'usufruitière.

La sanction de la méconnaissance par l'usufruitier de l'absence de concours des nus-propriétaires à l'acte est la nullité du bail.

Dès lors, c'est à bon droit que le jugement déféré a prononcé la nullité du bail commercial. Il sera confirmé sur ce point.

Sur l'expulsion de la SARL MARJO et de tous occupants de son chef

Contrairement à ce qu'affirment les appelants, le jugement déféré n'a pas statué ultra petita en prononçant l'expulsion de la SARL MARJO. Il n'existe pas plus de violation du contradictoire.

En effet, la nullité du bail commercial entraîne la qualité d'occupant sans droit ni titre de la société MARJO, qui n'était légitime à occuper ce local que parce qu'elle bénéficiait de ce bail commercial.

L'invocation par les appelants de l'existence d'une location gérance, qui rendrait impossible l'expulsion de la SARL MARJO en dépit de la nullité du bail commercial ne peut aboutir. En effet, dans le cadre de cette location-gérance, le loueur procurait au locataire-gérant la jouissance d'un fonds de commerce de restaurant qui comportait nécessairement un droit au bail. La nullité du bail commercial rend donc inopérante la location gérance, si bien que la cour n'a pas à examiner la validité de celle-ci. Il n'y aura donc pas lieu de s'interroger sur le fait de savoir si les demandes formulées à ce titre sont nouvelles ou pas.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré lorsqu'il prononce l'expulsion de la SARL MARJO et qu'il fixe le délai aux termes duquel la société MARJO devra avoir quitté les lieux sous astreinte.

Sur la provision à valoir sur l'indemnité d'occupation et sur l'expertise

C'est par des motifs pertinents que les premiers juges, qui ont ordonné l'expulsion de la société MARJO, occupante sans droit ni titre du local où elle exerçait son fonds de commerce, ont ordonné une expertise, afin d'évaluer les indemnités d'occupation qui seront due par cette société et l'ont condamnée au versement d'une indemnité d'occupation à hauteur de 822 euros HT par mois.

Sur le renvoi devant le juge de la mise en état

Les appelants sollicitent l'infirmation de cette décision. Ils ne peuvent faire appel du renvoi devant le juge de la mise en état, qui, n'est que la conséquence logique de la poursuite de l'affaire, celle-ci devant à nouveau être examinée après le dépôt du rapport d'expertise.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par les intimés

Les intimés seront déboutés de cette demande puisqu'ils ne démontrant ni la faute qu'auraient commise la société MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... , ni le préjudice moral qu'ils aurait subi

Sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance

La société MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... ayant perdu leur procès en première instance, il convient de confirmer le jugement déféré qui les a condamnés à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges ont, dans leur motivation, et sous le paragraphe consacré à l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... de leur demande sur ce fondement. Le dispositif du jugement n'a pas repris cette mention. En application de l'article 462 du code de procédure civile, il convient de réparer cette omission matérielle.

Sur l'exécution provisoire

C'est également à bon droit qu'a été ordonnée l'exécution provisoire.

Sur les dépens de première instance

Alors qu'une expertise a été ordonnée et que l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le juge de la mise en état, c'est de façon pertinente que les premiers juges ont réservé les dépens.

En conséquence, les appelants seront déboutés de leur demande tendant à voir condamner les [défendeurs] (en réalité les demandeurs en première instance) aux entiers dépens.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à réparer l'omission matérielle évoquée précédemment..

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens devant la cour d'appel

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés. Il convient donc de condamner in solidum la SARL MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... à verser aux intimés la somme de 3800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ces derniers seront déboutés de leur demande sur ce même fondement.

Sous le bénéfice de la même solidarité, ils seront condamnés aux entiers dépens exposés à l'occasion de la procédure devant la cour d'appel, qui pourront être distraits au profit de Maître Mireille F....

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe

DECLARE RECEVABLES les conclusions des appelants signifiées le 03 septembre 2018 et celles des intimés signifiées le 04 septembre 2018,

DECLARE RECEVABLE la demande des appelants tendant à voir dire que l'action en nullité du contrat de location gérance est prescrite, s'agissant d'une fin de non-recevoir,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à réparer l'omission matérielle suivante :

DEBOUTE La SARL MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

Y AJOUTANT :

DEBOUTE Messieurs Z..., franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carmélia, L..., Angèle et M... Y... de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral,

CONDAMNE in solidum la SARL MARJO, Madame X... Y... et Monsieur Salvatore Y... à verser à Messieurs Z..., Franscesco Y... et Mesdames Calogera, Carméla, L..., Angèle et M... Y... la somme de 3800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SARL société MARJO, Monsieur Salvatore Y... et Madame X... Y... de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SARL MARJO, Madame X... Y... et Monsieur Salvatore Y... aux entiers dépens exposés à l'occasion de la procédure devant la cour d'appel, qui pourront être distraits au profit de Maître Mireille F....

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 18/04254
Date de la décision : 18/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°18/04254 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-18;18.04254 ?
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