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11/10/2018 | FRANCE | N°17/21848

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15e chambre a, 11 octobre 2018, 17/21848


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


15e Chambre A





ARRÊT AU FOND


DU 11 OCTOBRE 2018





N° 2018/499




















N° RG 17/21848 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBSWA











Société BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR








C/





Alain X...


Daniel X...


Amélia X... épouse Y...


David X...


Gérard Z...










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Copie exécutoire délivrée


le :


à : Me Maxime A...





Me Layla B...





Me Paul C...




















Décision déférée à la Cour :





Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 11 Mai 2017 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 26 Février 201...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

15e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2018

N° 2018/499

N° RG 17/21848 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBSWA

Société BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR

C/

Alain X...

Daniel X...

Amélia X... épouse Y...

David X...

Gérard Z...

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Maxime A...

Me Layla B...

Me Paul C...

Décision déférée à la Cour :

Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 11 Mai 2017 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 26 Février 2016 par la 15ème Chambre A de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE suite à l'appel du jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 24 Septembre 2015.

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE prise en la personne de son Directeur Général en exercice, venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur, demeurant [...]

représentée par Me Maxime A... de la SCP D..., avocat au barreau de NICE, plaidant

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur Alain X...

né le [...] à NICE (06000), demeurant [...] - [...] [...]

représenté par Me Paul C... de la SCP G..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Daniel X...

né le [...] à NICE (06000), demeurant [...] ([...])

représenté par Me Layla B... de la SCP H..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Alain I..., avocat au barreau de NICE

Madame Amélia X... épouse Y...

née le [...] à NICE (06000), demeurant [...]

représentée par Me Paul C... de la SCP G..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur David X...

né le [...] à NICE (06000), demeurant [...]

non comparant

Monsieur Gérard Z..., demeurant [...] , ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur David X...

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte authentique établi en l'étude de Maître [...] notaire à Nice, en date des 4 et 9 août 1993, la Banque Populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Banque Populaire Méditerranée (ci apèrs BPM) a consenti à la société Arts et Couleurs un prêt de 4'700'000 Fr. Elle bénéficiait pour garantir le remboursement d'une affectation hypothécaire consentie par Messieurs Alain et Daniel X..., cautions solidaires, Madame Maria X..., Madame Amélia Y... et Monsieur David X..., seulement cautions hypothécaires.

À la suite d'impayés, selon commandement délivré le 3 février 2014, publié le 7 mars 2014, la banque populaire Côte d'Azur ci-après désignée BPCA a entrepris une procédure de saisie immobilière pour avoir paiement de sa créance qu'elle estimait à la somme de 2'383'716,99 euros en poursuivant la vente d'un immeuble situé [...] '[...]' cadastré section [...] lieu dit [...].

Le juge de l'exécution du tribunal de Nice par une décision en date du 24 septembre 2015 a jugé que la créance de la banque est prescrite et ordonné la mainlevée du commandement valant saisie immobilière, et en tant que de besoin sa radiation et rejeté toutes les autres demandes des parties.

Les débiteurs avaient fait valoir qu'entre un commandement délivré le 24 septembre 1996 et celui du 3 février 2014, aucune interruption n'avait existé.

La cour d'appel de ce siège dans un arrêt en date du 26 février 2016 a :

-constaté la radiation le 18 janvier 2016 du commandement valant saisie immobilière qui avait été publié le 7 mars 2014,

-dit que cette radiation a mis fin à la procédure de saisie immobilière engagée et à l'instance en appel,

-déclaré la BPCA irrecevable en sa demande tendant à voir infirmer le jugement de première instance en ce qu'il avait déclaré sa créance prescrite, en mettant les dépens à sa charge.

La Cour de Cassation dans un arrêt en date du 11 mai 2017 a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et renvoyé les parties devant cette juridiction autrement composée.

La Cour de Cassation retenait que la radiation du commandement valant saisie immobilière, en conséquence d'un jugement ayant ordonné la mainlevée, ne faisait pas obstacle à l'examen par la cour d'appel des contestations élevées par l'appelant à l'encontre de ce jugement.

La banque a saisi la juridiction de renvoi par déclaration en date du 6 décembre 2017 (RG 17-21 848)

Monsieur Alain X... et Madame Amélia X... ont saisi la cour de renvoi par déclaration du 9 février 2018. (RG 18-2363).

Les deux dossiers ont fait l'objet d'une jonction.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 10 septembre 2018, la société BPM demande à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement d'orientation rendu le 24 septembre 2015,

Statuant à nouveau,

- Rejeter comme étant irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes, des débiteurs saisis,

- juger que la créance de la BPCA n'était pas prescrite à la date d'engagement de la procédure de saisie-immobilière,

- dire que la prescription a seulement commencé à courir le 9 octobre 2012,

- quel que soit son point de départ, cette prescription a systématiquement été interrompue par les faits et actes suivants :

*Demande en justice de la BPCA en Principauté de Monaco ayant abouti au jugement du 9 janvier 2003, et à l'arrêt du 5 avril 2011 avec exequatur prononcée par le jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE le 28 octobre 2016, sur assignation du 30 mars 2016.

* Courrier officiel de l'avocat de la société Arts et Couleurs du 3 mai 2011,

* Conclusions de la BPCA dans la procédure collective ARTS ET COULEURS du 9 novembre 2012,

* Déclaration de créance de la BPCA dans la procédure collective ARTS ET COULEURS du 13 décembre 2012,

* Requête au Juge Commissaire du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG concernant David X... du 1er février 2013

* Dénonciation d'hypothèque provisoire du 8 février 2013,

- Constater que la procédure de saisie-immobilière ne peut plus être poursuivie du fait de la radiation du commandement,

- Dire que cette procédure légitimement engagée, a interrompu la prescription jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir,

- Condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP J... ' , avocats associés aux offres de droit.

- Condamner les intimés au paiement d'une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle considère qu'entre 2003 et 2012, elle n'avait plus de créance car elle était effacée du fait de la compensation, et que celle ci n'est redevenue exigible qu'avec la décision de la cour de révision, le 9 octobre 2012. Une nouvelle prescription a alors couru à partir de cette date, pour 5 ans, compte tenu de la loi nouvelle, et donc, la saisie immobilière engagée en 2014 était recevable. Selon elle, aucune action ne pouvait être engagée du fait d'une créance éteinte depuis le jugement du 9 janvier 2003.

Si ce raisonnement n'est pas suivi, il convient de retenir que durant les demandes en justice défendues à Monaco, il y avait effet interruptif, alors que la procédure a duré environ dix années et s'est achevée avec l'arrêt du 5 avril 2011 prononçant condamnation à son profit pour 1 357 794.58 € outre intérêts à compter du 12 avril 2002. Une nouvelle prescription de 5 ans à couru à compter de la décision, soit jusqu'en avril 2016, mais entretemps, la saisie immobilière avait à nouveau été engagée, en 2014.

Le tribunal de Grande instance de Nice a accordé l'exéquatur de la décision d'avril 2011, par un jugement en date du 28 octobre 2016, aujourd'hui passé en force de chose jugée. Seul un rejet d'exéquatur aurait éventuellement autorisé à suivre les contestations des débiteurs sur la base d'une jurisprudence de la Cour de cassation, et au visa de l'article 2243 du code civil mais tel n'est pas le cas. Ce qui interrompt une prescription c'est l'assignation et non pas le jugement rendu, dont les effets sont conservés en application de l'article 2242 du code civil jusqu'à extinction de l'instance.

La banque ajoute que la reconnaissance de la créance interrompt la prescription en application de l'article 2240 du code civil, ce qu'aurait fait la société Arts et Couleurs, en invoquant une compensation dans un courrier officiel d'avocat, daté du 3 mai 2016, lettre qui n'est pas une pièce de procédure annulée.

A la suite d'un jugement du tribunal de première instance de Monaco en date du 22 novembre 2012, ouvrant la procédure collective de la société Arts et Couleurs, la BPCA a déclaré sa créance le 13 décembre 2012. Selon la convention franco monégasque en date du 13 septembre 1950, régissant les procédures collectives, les jugements d'ouverture rendus dans l'un ou l'autre des pays ont automatiquement autorité de chose jugée à l'égard de l'autre pays, sans qu'il soit besoin d'une procédure d'exequatur.

Par requête en date du 1er février 2013, le juge commissaire de Strasbourg a été saisi pour autoriser la saisie immobilière des biens de monsieur David X... en liquidation judiciaire, ce qui a été autorisé le 12 novembre 2013, requête qui est bien une demande en justice. Une dénonce d'hypothèque provisoire a été faite pour d'autres biens immobiliers à l'encontre des époux N...le 8 février 2013 ce qui vaut également interruption de prescription à leur égard et à l'ensemble des débiteurs solidaires en application des articles 2244 et 2245 du code civil.

Il ne sera pas possible en revanche, d'ordonner la poursuite de la vente forcée et de renvoyer les parties devant le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de Nice pour en déterminer les modalités. La Cour devra seulement dire que la prescription n'était pas acquise lors de l'engagement de la saisie-immobilière par commandement du 3 février 2014, tout en précisant que cette saisie-immobilière finalement recevable et régulière, a interrompu la prescription jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir. Deux nouvelles procédures de saisie immobilière ont été entreprises en septembre et octobre 2017 et pourront être menées à terme lorsque la cour aura infirmé les jugements du 24 septembre 2015.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 7 septembre 2018, Monsieur Alain X... et Madame Amélia X... demandent à la cour de :

Vu l'article 26 II de la loi n°2008-561 du 17 Juin 2008 entrée en vigueur le 19 Juin 2008 ;

Vu l'article 2224 du Code Civil ;

-Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement du Tribunal de Grande

Instance du 24 Septembre 2015 ;

- Dire et juger irrecevable la demande de la banque tendant à voir son action déclarée non prescrite,

- Dire et juger que l'action en recouvrement de la Banque est prescrite ;

- Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'appelante aux entiers dépens, ceux ci étant distraits au profit de la SCP K... qui en a fait l'avance.

En application de la loi du 17 juin 2008, ils soutiennent que la prescription réduite à 5 ans, était acquise à la date du 19 juin 2008. Dans leurs écritures ils indiquent que l'acte de prêt a été signé en août 1993 et semblent calculer la prescription à compter de cette date, tandis qu'un commandement du 24 septembre 1996, devenu caduc, ne peut interrompre la prescription.

A défaut d'exéquatur, les décisions monégasques du 5 avril 2011 et du 9 octobre 2012, n'auraient pas non plus interrompu la prescription. Il doit être ici précisé que devant les juridictions monégasques, les débiteurs avaient obtenu, dans un premier temps 6 000 000 € de dommages et intérêts pour faute de l'établissement bancaire, montant qui se compensait avec leur dette financière. Ce n'est que par une décision du 9 octobre 2012, de la Cour de Révision a permis d'écarter cette condamnation indemnitaire.

Ils opposent également devant la cour l'existence d'un estoppel, puisque dans deux paragraphes distincts de ses écritures, la BPCA affirme tout à la fois avoir et ne pas avoir de créance avant 2012.

Monsieur Daniel X..., par des conclusions du 20 mars 2018, demande à la cour de :

-statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

-condamner BPMéditerranée à lui payer la somme de 3000 €

pour rappel abusif et celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la condamner aux entiers dépens d'appel.

Il expose que la loi du 17 juin 2008 a réduit la prescription applicable à cinq ans avec une entrée en vigueur du nouveau texte au 19 juin 2008 de sorte que le commandement de saisie immobilière aurait dû intervenir avant le 19 juin 2013 ce qui n'a pas été le cas, puisqu'il a été délivré le 3 février 2014.

Me Z..., mandataire liquidateur de la procédure collective concernant monsieur David X..., régulièrement assigné le 28 décembre 2017, à la personne de Madame Magali L..., n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le jour des plaidoiries.

Motivation de la décision

* sur la demande de renvoi :

Monsieur Daniel X... a sollicité un renvoi de la procédure en raison de conclusions récentes de la BPM et de la communication de nombreuses pièces, ce qui serait contraire au respect de ses droits et au principe du contradictoire.

Il sera cependant retenu par la cour d'appel, qu'il s'agit en l'espèce d'une procédure rapide, au visa de l'article 905 du code de procédure civile et que les pièces qui ont été communiquées sont connues des intimés de longue date, de sorte qu'elles ne peuvent à ce titre leur faire grief, se rapportant aux différentes procédures et décisions qui les ont opposés depuis plusieurs années.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de renvoi, dont il est à craindre le caractère dilatoire.

* sur la saisine de la cour d'appel :

Aucune discussion n'existe entre les parties sur la recevabilité de l'appel, étant rappelé aux parties que les donné acte ou constat sollicités n'ont aucune portée juridique.

Il n'y a donc pas à statuer de ces chefs.

* sur la prescription de l'action :

Comme l'énonce l'article 2219 du code civil, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. Depuis la réforme législative du 17 juin 2008, le délai de prescription de droit commun est de cinq ans, et l'article 2224 du code civil dispose en ce sens que les actions personnelles ou mobilières, se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer.

S'agissant en l'espèce d'un contrat de prêt, l'action en paiement ne peut naitre qu'à l'occasion d'impayés, et de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement, qui ouvre alors l'action en paiement à l'établissement prêteur.

Le prêt consenti à la société Arts et Couleurs, selon acte authentique des 4 et 9 août 1993, était

un prêt professionnel de 4 700 000 francs, sur 15 ans, remboursable en 180 mensualités de 53 588.61 francs, au taux nominal de 10 % l'an, et au TEG de 11.191 % l'an. Cela a été rappelé ci dessus, une affectation hypothècaire de premier rang était consentie sur le bien acquis, un immeuble situé [...], propriété de l'indivision X..., constituée de madame Maria O... veuve X..., Amélia X... épouse Y..., David X..., cautions simplement hypothécaires, et messieurs Alain et Daniel X..., cautions solidaires.

Le commandement de payer, dont les termes ne sont pas contestés, indique que les échéances du prêt n'ont pas été remboursées à compter du mois d'avril 1995 (81 695.31 €) et indique un capital restant dû qui correspond à la 31ème mensualité, selon le tableau d'amortissement produit soit 4 300 777.61 francs et donc 655 649.33 € après conversion de l'unité monétaire.

A partir de ces dates, il est établi par le dossier que de manière régulière et suivie, la BPCA puis la BPM ont tenté d'obtenir paiement de la créance par :

- une procédure de saisie immobilière, entreprise le 24 septembre 1996, à l'encontre des consorts X... devant le tribunal de grande instance de Nice, jusqu'à un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence, du 3 mai 2001, prononçant un sursis à statuer, dans l'attente d'une procédure en paiement intentée devant les juridictions monégasques,

- une action en paiement devant le tribunal de première instance de Monaco, le 7 décembre 2000, ayant abouti à un jugement du 9 janvier 2003, un arrêt du 16 décembre 2003, un arrêt de la Cour de Révision du 5 octobre 2004, un arrêt de la cour d'appel de Monaco du 5 avril 2011, un arrêt de la Cour de Révision du 23 mars 2012, un arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 9 octobre 2012,

Au moment de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 modifiant la prescription, le 19 juin 2008, aucune prescription n'était donc acquise, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu, compte tenu de la durée de prescription antérieurement applicable, de 30 ans, beaucoup plus longue.

C'est donc effectivement à partir de cette date du 19 juin 2008 - puisque le régime transitoire, dans le cas où le délai d'action était abrégé, faisait courir un délai de prescription de 5 ans, sans pouvoir, bien entendu, dépasser le délai de prescription antérieur - qu'il faut vérifier l'existence d'actes interruptifs.

Or, ces actes interruptifs sont justifiés, par l'existence à Monaco d'une procédure longuement suivie entre 2008 et la décision du 9 octobre 2012, au cours de laquelle, sans discontinuer, la BPCA puis la BPM a régulièrement affirmé sa créance et poursuivi la condamnation de la société Arts et Couleurs à l'honorer, étant retenu que des conclusions, la demande en justice même devant une juridiction incompétente, une déclaration de créance dans une procédure collective valent actes interruptifs, ce que ne manque pas d'invoquer à juste titre, la BPM puisqu'elle a réalisé ces démarches par :

- des écritures régulières et nombreuses visées dans les décisions de justice monégasques par Me Escaut, avocat de la BPCA entre 2008 et 2012 alors que les délais de procédure ne sauraient préjudicier aux droits de l'une ou l'autre des parties durant le cours de l'instance,

- des conclusions dans la procédure collective ARTS ET COULEURS du 9 novembre 2012, - une déclaration de créance dans la procédure collective ARTS ET COULEURS le 13 décembre 2012, entre les mains de Me M..., mandataire liquidateur,

- une requête au Juge Commissaire du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg concernant David X... du 1er février 2013,

- une dénonce d'inscription d'hypothèque judiciaire, en date du 8février 2013, validée par le juge de l'exécution de Nice, le 1er juillet 2013,

- une assignation à fin d'obtenir reconnaissance de la condamnation monégasque, par exéquatur, délivrée le 30 mars 2016 à Me M..., es qualité,

- deux nouvelles procédures de saisie immobilière entreprises en septembre et octobre 2017 par commandement de payer.

* sur le principe de l'estoppel :

Selon ce principe juridique, dont l'origine est la common law, transposé et admis dans le droit français par la Cour de cassation, une partie ne peut se prévaloir de prétentions contraires au détriment de ses adversaires, que l'on traduit également par l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui.

Cependant, tel n'est pas le cas en l'espèce, la critique émise par les époux X... étant davantage l'existence d'une contradiction sur les faits et non les prétentions, vérifiables par la cour d'appel, et dans le cadre d'une même instance et des mêmes conclusions prises par l'une des parties. Cette contradiction n'est pas sanctionnable au titre de l'estoppel.

Le jugement déféré sera donc infirmé, la prescription de l'action en paiement n'étant pas acquise au profit des débiteurs.

La nature de la décision prononcée rend sans objet la demande en indemnisation présentée par les consorts X....

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BPM les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc de même que les frais irrépétibles, à la charge des consorts X..., intimés dans la présente instance à l'exception toutefois de monsieur David X..., en procédure collective.

Par ces motifs

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

REJETTE la demande de renvoi du dossier,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 11 mai 2017,

INFIRME le jugement prononcé par le juge de l'exécution de Nice le 24 septembre 2015,

Statuant à nouveau,

DIT que l'action de la société Banque Populaire Mediterranée, n'est pas prescrite à ce jour, en raison d'actes interruptifs réguliers jusqu'au prononcé du présent arrêt,

CONDAMNE Monsieur Alain X..., Madame Amelia X... épouse Y..., Monsieur Daniel X..., à payer à la Banque Populaire Mediterranée la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur Alain X..., Madame Amelia X... épouse Y..., Monsieur Daniel X..., aux entiers dépens de procédure avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP D..., en application de l'article 699 du code de procédure civile, pour les frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 15e chambre a
Numéro d'arrêt : 17/21848
Date de la décision : 11/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°17/21848 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-11;17.21848 ?
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