COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 11 OCTOBRE 2018
bm
N° 2018/ 737
N° RG 17/05385 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAHHT
Ariane X... épouse Y...
Sophie Y...
Véronique Y...
Edith Y...
C/
Commune RAMATUELLE.
SCI MARGAUX
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Z...
SCP IMAVOCATS
A...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00144.
APPELANTES
Madame Ariane X... épouse Y..., demeurant [...]
représentée par Me Sébastien B... de la Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Pascal-Yves C..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Madame Sophie Y..., demeurant [...]
représentée par Me Sébastien B... de la Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Pascal-Yves C..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Madame Véronique Y..., demeurant [...]
représentée par Me Sébastien B... de la Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Pascal-Yves C..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Madame Edith Y..., demeurant [...]
représentée par Me Sébastien B... de la Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Pascal-Yves C..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEES
Commune RAMATUELLE Pris en la personne de son Maire en exercice, domicilié [...]
représentée par Me Philippe D... de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Corinne E..., avocat au barreau de TOULON, plaidant
SCI MARGAUX dont le siège social est [...]
représentée par Me Jean Philippe F... de la A..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Hélène GIAMI, Conseiller , faisant fonction de Président de chambre,
Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018
Signé par Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les consorts Y... sont propriétaires de diverses parcelles sur la commune de Ramatuelle, lieu-dit Val de Rian Est et lieu-dit Val de Rian, à la suite de la succession de monsieur M... H... qui avait acquis lui-même la propriété selon acte du 20 décembre 1932.
Par délibération du 10 mars 2011, la commune de Ramatuelle a approuvé le tableau et les plans de voies communales préalablement recensées ; par une seconde délibération du même jour, il a été approuvé le tableau et les plans des chemins ruraux, parmi lesquels figure un chemin dénommé «ancien chemin de Ramatuelle» portant le numéro CR 5.
Estimant que ce chemin constituerait un chemin privé leur appartenant, les consorts Y... ont sollicité une expertise judiciaire le 4 novembre 2013.
Par ordonnance du 27 novembre 2013, monsieur G... a été désigné en qualité d'expert ; il a déposé son rapport le 24 octobre 2014.
Par exploit délivré les 17 et 18 décembre 2014, les consorts Y... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Draguignan, la commune de Ramatuelle et la société civile immobilière Margaux afin notamment d'obtenir l'homologation du rapport d'expertise judiciaire et de voir dire qu'ils sont propriétaires du chemin traversant leur propriété avec toutes conséquences.
Le tribunal, par jugement du 21 février 2017, a notamment :
- débouté les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes
- dit que le chemin rural numéro 5 dénommé ancien chemin de la commune de Ramatuelle est un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune de Ramatuelle
- ordonné l'exécution provisoire
- condamné les consorts Y... à payer à chaque défendeur, la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux, la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné les consorts Y... aux dépens.
Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y... ont régulièrement relevé appel le 20 mars 2017, de ce jugement en vue de sa réformation, à l'encontre de la commune de Ramatuelle et de la SCI Margaux.
Elles demandent à la cour, selon conclusions déposées le 18 juin 2018 par RPVA, de :
- réformer le jugement entrepris
- dire et juger que le le sentier litigieux est la propriété de Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y...
- dire et juger que la commune de Ramatuelle ne rapporte pas la preuve d'acte de possession continue, paisible, publique et non équivoque du sentier litigieux
- dire et juger en conséquence que la commune est sans droit ni titre sur l'assiette du sentier litigieux
- dire et juger en tout état de cause que le sentier litigieux n'est pas un chemin rural au sens des dispositions des articles L 161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime
- dire et juger que la SCI Margaux ne dispose d'aucun droit de passage sur le chemin litigieux
En conséquence
- condamner la commune à modifier le tableau des chemins ruraux qu'elle a adopté par délibération du conseil municipal du 10 mars 2011, en ce que le tableau ne saurait incorporer le chemin litigieux au titre des chemins ruraux de la commune et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir
- condamner la commune à retirer les panneaux qu'elle a installés en bordure du chemin, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir
- condamner la commune à payer à mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y..., chacune, la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts en considération des préjudices consécutifs à la voie de fait dont elles ont été victimes depuis 2012 jusqu'à ce jour
- condamner la SCI Margaux à payer à mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y..., chacune, la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et particulière mauvaise foi
Toutes causes confondues
- déclarer irrecevables les attestations numéros 20, 21, 22 et 23 produites par la commune au visa des articles 200 et suivants du code de procédure civile, les écarter en conséquence des débats
- en tout état de cause, dire et juger qu'elles ne sont pas probantes
- déclarer recevables les attestations produites par mesdames Y...
- débouter la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux de leurs demandes, fins et conclusions
- condamner in solidum la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux à régler à mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y..., une somme de 5000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux aux entiers dépens y compris les frais d'huissier et d'expertise judiciaire.
Formant appel incident, la commune de Ramatuelle sollicite de voir, selon conclusions déposées par RPVA le 13 juin 2018 :
A titre principal
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 21 février 2017 dans l'ensemble de ses dispositions en ce qu'il a jugé que le chemin CR 5 dénommé « ancien chemin de Ramatuelle » est un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune de Ramatuelle
- débouter les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la commune
A titre subsidiaire
- dire et juger que l'assiette du chemin CR 5 dénommé « ancien chemin de Ramatuelle », longeant les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], appartient à la commune de Ramatuelle par usucapion trentenaire sur les parcelles des consorts Y... pour rejoindre le chemin Val de Rian
En toute hypothèse
- déclarer irrecevables les attestations numéros 16, 17 et 20 produites par les consorts Y... au visa des articles 200 et suivants du code de procédure civile et les écarter des débats
- condamner solidairement les consorts Y... à payer à la commune de Ramatuelle la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner solidairement les consorts Y... aux entiers dépens.
Formant appel incident, la SCI Margaux sollicite de voir, selon conclusions déposées par RPVA le 7 août 2017 :
A titre principal
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 21 février 2017 dans l'ensemble de ses dispositions en ce qu'il a jugé que le chemin CR 5 dénommé « ancien chemin de Ramatuelle » est un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune de Ramatuelle
- débouter les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la SCI Margaux
A titre subsidiaire
- dire et juger que l'assiette du chemin CR 5 dénommé « ancien chemin de Ramatuelle », longeant les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], appartient à la commune de Ramatuelle par usucapion trentenaire sur les parcelles des consorts Y... pour rejoindre le chemin Val de Rian
En toute hypothèse
- condamner solidairement les consorts Y... à payer à la SCI Margaux la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner solidairement les consorts Y... aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 juin 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la propriété du chemin
Les consorts Y... et la commune de Ramatuelle revendiquent la propriété du chemin litigieux sur le tracé ABCDE défini en annexe 1 du rapport d'expertise judiciaire de monsieur G... en date du 24 octobre 2014.
En premier lieu, il apparaît qu'aucune des parties ne dispose d'un titre de propriété.
En effet, la commune de Ramatuelle ne dispose d'aucun titre de propriété, ainsi que le souligne d'ailleurs l'expert judiciaire.
Pour ce qui concerne les consorts Y... H..., l'expert note que l'acte de donation-partage du 12 août 2003 et l'attestation de propriété du 18 octobre 1969 ne mentionnent pas l'assiette du chemin parmi les parcelles composant la propriété ; il relève que pour sa part, monsieur H... aux droits duquel se trouvent les dames Y... est devenu propriétaire en 1932 de la partie du chemin situé entre les points A et D, si l'on se réfère aux parcelles désignées dans l'acte du 20 décembre 1932 et à leur représentation sur l'ancien cadastre ; l'expert constate également que madame H... épouse Y... est intervenue dans l'acte de constitution de servitude du 13 juin 1978 comme propriétaire du tronçon du chemin litigieux désigné par les lettres A B sur son plan annexé au rapport ; il en déduit qu'il est peu vraisemblable que le reste du chemin parcourant la propriété Y... et intitulé sur le cadastre « ancien chemin de Ramatuelle » appartienne à la commune, s'interrogeant sur le fait qu'un chemin rural pourrait ne pas être relié à la voie publique.
Contrairement à ce que soutiennent mesdames Y..., le jugement ne saurait être réformé de ce seul chef, ces éléments étant insuffisants pour caractériser un titre de propriété ; ainsi, l'acte de vente de 1932 ne détermine aucunement la propriété de l'assiette dudit chemin mais mentionne son existence sur une partie de l'assiette des terrains des dames Y... ; l'acte notarié du 13 juin 1978 fait en réalité interdiction à deux sociétés d'emprunter un chemin qui passe pour une petite partie sur le chemin litigieux.
En second lieu, la commune de Ramatuelle se prévaut de la présomption de propriété édictée par l'article L 161-3 du code rural et de la pêche maritime et considère que les appelantes ne démontrent pas la preuve contraire; elle tire argument du fait que le chemin litigieux est affecté à l'usage du public, qu'il constitue une voie de passage, que l'entretien des chemins ruraux ne fait pas partie des dépenses obligatoires incombant aux communes et qu'elle a effectué plusieurs actes de surveillance et de police ; elle.
Il convient à cet effet de faire application des articles L161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
L'article L161-1 dispose que: les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune.
Aux termes de l'article L161-2, l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.
Selon l'article L161-3, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé.
En l'occurrence, la commune de Ramatuelle communique des attestations de chasseurs dans lesquelles il est précisé que ceux-ci empruntent le chemin et ce, depuis des temps immémoriaux : pièces 9 (attestation de M I...), 10 (attestation de M J...) et 11 (attestation de M K...).
Le premier et le troisième attestants déclarent n'avoir aucun lien de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec les parties; cependant, il n'est pas contesté que M I... a été employé par la mairie de Ramatuelle comme gardien et agent recenseur; il a manifestement des liens étroits avec la mairie et plus particulièrement avec le Maire selon les extraits de journaux produits; M K... a été au conseil municipal de la commune et adjoint pendant six mandats successifs jusqu'en 2014 ; M J..., pour sa part, mentionne qu'il emprunte plusieurs fois par an en action de chasse le chemin rural numéro 5 en reprenant manifestement des expressions des autres attestations, mal recopiées, puisqu'il mentionne que le chemin rural a pour « tenant» le chemin du Val de Rian et pour «tenant» le chemin des Moulins de Bretagne, tandis que les autres auteurs des attestations parlent de «tenant » et «aboutissant».
Ces attestations revêtent dans ces conditions un caractère peu probant quant à leur contenu, sans qu'il y ait lieu cependant de les écarter des débats, la nature du litige impliquant nécessairement des relations proches entre les auteurs des attestations et les parties au procès.
Elles sont d'autant moins probantes qu'elles se trouvent contredites par les éléments versés aux débats par les appelantes ou par le rapport d'expertise judiciaire.
A cet égard, le chemin litigieux n'apparaît pas comme une voie de passage conçue pour la circulation et la desserte de lieux publics ; en effet, au-delà de la propriété de la SCI Margaux identifié par le point C sur le plan dressé par l'expert judiciaire, le chemin se transforme en un étroit sentier et sa largeur ne permet le passage d'aucun véhicule ; bien plus, il n'y a pas de plateforme ni de talus délimitant l'emprise d'un véritable chemin mais plutôt une trace cheminant dans la végétation (page 11 du rapport).
De plus, il n'est pas établi que le chemin litigieux est utilisé comme voie de passage, au regard notamment des attestations produites par les appelantes; celles communiquées sous les numéros 16, 17 et 20, ne sauraient à cet égard être écartées des débats au motif de leur irrégularité formelle, les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile n'étant pas prescrites à peine de nullité et aucun grief n'étant démontré ; elles ne peuvent davantage être écartées au motif du lien de subordination entre madame L... et madame Y..., madame L... n'ayant pas dissimulé la situation et ayant expressément mentionné dans son attestation être salariée de madame Sophie Y....
Il ressort de l'ensemble des attestations que le chemin est difficile d'accès et sombre et qu'il n'est pas emprunté par des personnes étrangères à la famille Y... ; seuls quelques chasseurs l'empruntent (douilles retrouvées), encore que rarement compte tenu des nombreuses habitations autour, et du fait qu'il ne permet pas d'accéder à des terrains de chasse, sinon pour les battues ; le passage des chasseurs ne peut cependant en lui-même démontrer l'affectation à l'usage du public, mesdames Y... faisant état d'une simple tolérance de leur part à l'égard des chasseurs résultant de la difficulté à clôturer et surveiller leur propriété du fait de son étendue; certains attestants précisent d'ailleurs n'avoir jamais vu personne emprunter ce chemin pour la chasse, sauf depuis l'implantation des panneaux municipaux ; il s'ensuit que le chemin litigieux n'est aucunement affecté à la circulation générale, une seule catégorie très restreinte d'utilisateurs étant alléguée par la commune (les chasseurs), sans qu'il ne soit pour autant une voie de passage destinée au public.
La commune ne justifie pas en outre d'actes de surveillance ou d'un quelconque entretien ; cette absence d'entretien ressort tant de l'expertise judiciaire que des attestations produites aux débats ; si l'entretien n'est effectivement pas une obligation pour la commune, il n'en demeure pas moins que le défaut d'entretien révèle son absence de volonté de maintenir le chemin en l'état et donc d'assurer l'usage du public.
De même, la commune ne justifie pas d'une inscription du chemin sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ; ce qui est confirmé par la direction de l'environnement du département du Var selon courriel du 1er décembre 2017.
Il est vain pour la commune de se prévaloir d'ouvrages publics se trouvant sur le chemin litigieux, alors qu'elle ne rapporte nullement la preuve qu'elle en aurait donné l'autorisation ; de même, l'enlèvement d'un rocher en 2012 et 2014 ou l'intervention en 2014 des consorts Y... pour faire cesser les travaux entrepris par la SCI Margaux ne revêtent aucun caractère probant, s'agissant d'actes postérieurs à la décision de classement et d'approbation du tableau et des plans des voies communales, et pour certains réalisés au cours même de la procédure en référé initiée le 4 novembre 2013.
Au total, le chemin litigieux n'est pas un chemin rural au sens des articles L161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
Le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il dit que le chemin CR 5 est un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune de Ramatuelle.
En troisième lieu, la commune soulève à titre subsidiaire l'existence d'une usucapion trentenaire à son profit.
Elle soutient à cet égard qu'elle s'est comportée comme propriétaire de l'assiette du chemin rural, en procédant à des nombreux actes de police sur l'emprise du chemin ; elle se prévaut du caractère paisible, publique et non équivoque de la possession.
Aux termes de l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
Selon l'article 2272 du même code, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans.
En vertu de l'article 2261, pour pouvoir prescrire il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
En l'espèce, la commune de Ramatuelle ne démontre pas s'être comportée comme propriétaire du chemin litigieux, en ce qu'elle n'a jamais procédé à aucun acte d'entretien et en ce que elle n'a jamais cherché à délimiter et à clôturer le chemin litigieux des parcelles appartenant aux consorts Y... H....
La circonstance invoquée par la commune selon laquelle le chemin est emprunté par des promeneurs et des chasseurs ne permet pas de caractériser la possession exigée par les articles précités.
De plus, c'est seulement à partir de 2011 que la commune a manifesté l'intention de se comporter comme propriétaire, ainsi qu'il ressort des délibérations du conseil municipal de Ramatuelle du 10 mars 2011 ; les actes de police sur l'emprise du chemin dont elle se prévaut pour démontrer qu'elle s'est comportée comme propriétaire de l'assiette du chemin, sont eux-mêmes des actes récents, postérieurs à 2011 (rapport administratif concernant le déplacement d'un rocher en juillet 2012, rapport administratif du 18 mars 2014 concernant l'enlèvement d'un bloc rocheux) ; au demeurant, l'acte de 2014 a été contesté par madame Y... qui a réclamé la restitution du bloc rocheux ; ce qui a été fait par la direction des services techniques de la mairie de Ramatuelle et révèle le caractère non paisible de la possession de la commune.
Au total, le moyen tiré de l'usucapion est inopérant.
En considération de ces éléments, la commune de Ramatuelle est sans droit ni titre sur l'assiette du chemin, objet du litige.
Il convient par conséquent de condamner la commune à modifier le tableau des chemins ruraux qu'elle a adopté par délibération du conseil municipal du 10 mars 2011, ainsi qu'à retirer les panneaux qu'elle installés en bordure du chemin, selon les modalités fixées dans le dispositif ci-après.
Sur la demande de dommages-intérêts
Mesdames Y... sollicitent paiement de la somme de 10.000 euros chacune de dommages-intérêts en réparation des préjudices consécutifs à la voie de fait dont elles ont été victimes depuis 2012.
Sur ce point, la voie de fait est incontestable ; compte tenu de sa durée, il sera alloué à mesdames Y... ensemble la somme de 1500 euros de dommages-intérêts, étant observé que les intéressées n'ont pas été privées de l'usage de leur chemin et que comme elles l'indiquent elles-mêmes, le sentier n'est emprunté que par quelques chasseurs.
La demande en paiement de la somme de 5000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi sera pour sa part rejetée, l'erreur d'appréciation de la commune sur ses droits ne revêtant aucun caractère fautif.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en cause d'appel, la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'huissier et d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer in solidum à mesdames Y... ensemble la somme globale de 3000 euros au titre des frais non taxables que celles-ci ont dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune autre considération d'équité ne justifie l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera réformé également de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 21 février 2017,
Statuant à nouveau,
Dit que le chemin litigieux défini en annexe 1 du rapport d'expertise judiciaire de monsieur G... en date du 24 octobre 2014 selon le tracé ABCDE, est la propriété de mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y...,
Dit que ledit chemin n'est pas un chemin rural au sens des dispositions des articles L 161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime,
Dit que la commune de Ramatuelle ne rapporte pas la preuve de l'usucapion,
Dit que la commune de Ramatuelle est sans droit ni titre sur l'assiette dudit chemin,
Dit que la SCI Margaux ne dispose d'aucun droit de passage sur ledit chemin,
En conséquence,
Condamne la commune de Ramatuelle à modifier le tableau des chemins ruraux qu'elle a adopté par délibération du conseil municipal du 10 mars 2011, en ce que le tableau incorpore ledit chemin au titre des chemins ruraux de la commune et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter des trois mois de la signification du présent arrêt,
Condamne la commune de Ramatuelle à retirer les panneaux qu'elle a installés en bordure du chemin, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter des trois mois de la signification du présent arrêt,
Condamne la commune de Ramatuelle à payer à mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y... ensemble la somme de 1500 euros de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice,
Déboute mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y... de leur demande en paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
Déboute mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y... de leur demande tendant à déclarer irrecevables les attestations numéros 20, 21, 22 et 23 produites par la commune et à les écarter des débats,
Déboute la commune de Ramatuelle de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la SCI Margaux de l'ensemble de ses demandes,
Condamne in solidum la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux à régler à mesdames Ariane H... épouse Y..., Sophie Y..., Véronique Y..., et Edith Y... ensemble, une somme de 3000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la commune de Ramatuelle et la SCI Margaux aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'huissier et d'expertise judiciaire.
Le greffier Le conseiller faisant fonction de Président