COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 11 OCTOBRE 2018
N° 2018/292
N° RG 16/20399 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7R37
Maurice X...
C/
Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES IARD
Société MUTUELLE CONFÉDÉRALE DES DÉBITANTS DE TABAC
SA I... FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Olivier Y...
Me Jean-michel Z...
Me Olivier A...
Me Romain B...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 24 Octobre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02276.
APPELANT
Monsieur Maurice X...
né le [...] à HYERES (83400), de nationalité Française, demeurant [...]
représenté et plaidant par Me Olivier Y..., avocat au barreau de TOULON
INTIMEES
Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES IARD, demeurant [...]
représentée et plaidant par Me Jean-Michel Z..., avocat au barreau de TOULON substitué par Me C... cécile LANGLET, avocat au barreau de TOULON
Société MUTUELLE CONFÉDÉRALE DES DÉBITANTS DE TABAC, demeurant [...]
représentée et plaidant par Me Olivier A..., avocat au barreau de TOULON, et Me Nicolas D..., avocat au barreau de PARIS
SA I... FRANCE , demeurant [...] 09
représentée par Me Romain B...de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Dominique E..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Guillaume F..., avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Béatrice MARS, Conseiller rapporteur a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Président
Mme Béatrice MARS, Conseiller rapporteur
Mme Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Président et GREFFIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. Maurice X..., propriétaire d'une villa située à Pierrefeu du Var, a déclaré le 11 mai 2001 un sinistre à la Mutuelle Confédérale d'assurances des Débitants de Tabac de France (MUDETAF), son assureur habitation au moment des faits, en raison de l'apparition de fissures sur le bâtiment et au titre d'une catastrophe naturelle selon arrêté du 27 décembre 2000.
La MUDETAF a mandaté le cabinet GAB Robins, devenu ultérieurement I..., pour examiner les désordres.
La société ERG, bureau d'études géotechniques, mandatée par GAB Robins a conclu, le 27 novembre 2001, que les dommages étaient imputables à une assise mécaniquement hétérogène alliée à une rigidité précaire de l'ossature de la villa.
Le 10 décembre 2001, la MUDETAF a résilié son contrat d'assurance avec M. Maurice X... avec prise d'effet au 10 janvier 2002.
Le 1er novembre 2003, M. Maurice X... a assuré son habitation auprès du GAN.
En août 2009, il a déclaré un sinistre au GAN au titre des fissures apparues sur son habitation qu'il attribuait aux conséquences de périodes de sécheresse et de réhydratation de janvier 2008 à mars 2008 considérées comme catastrophe naturelle selon arrêté du 20 juillet 2009.
Le cabinet I..., mandaté par le GAN, a rendu un rapport le 25 janvier 2010 concluant que les fissures étaient dues aux caractéristiques géotechniques médiocres du sol.
Un second expert désigné par le GAN et M. Maurice X..., en raison de désaccords sur les précédentes conclusions expertales, a rendu son rapport le 12 novembre 2013 retenant que les désordres de la villa étaient liés à la catastrophe naturelle.
Par acte du 18 avril 2014, M. Maurice X... a assigné le GAN, la MUDETAF et la société I..., devant le Tribunal de Grande Instance de Toulon aux fins de les voir condamnés à lui payer la somme de 420 530,55 euros au titre des travaux de remise en état, et
51 900 euros au titre du préjudice de jouissance.
Par jugement du 24 octobre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Toulon a':
- Dit irrecevable l'action de M. Maurice K...à l'encontre de la MUDETAF en raison de la prescription biennale intervenue en mars 2004,
- Dit que la MUDETAF n'a commis aucune faute dans l'exécution de son contrat avec Maurice X...,
- Débouté Maurice X... de son action en responsabilité contractuelle contre la MUDETAF,
- Dit que Maurice X... est défaillant dans l'établissement de la preuve des désordres relevant
exclusivement de la période d'assurance GAN,
- Débouté Maurice X... de ses demandes à l'encontre de la société I...,
- Condamné Maurice X... au paiement de la somme de 1500 euros au profit de la MUDETAF, 1500 euros au profit du GAN, 1500 euros au profit de la société I... au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Ordonné l'exécution provisoire.
Maurice X... a relevé appel de cette décision le 15 novembre 2016.
Vu les conclusions de Maurice X..., appelant, notifiées le 8 août 2018, aux termes desquelles il est demandé à la Cour de':
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement du 24 octobre 2016,
- Condamner in solidum la SA GAN Assurances, la MUDETAF et la société I... France à payer à Maurice X... les sommes suivantes :
* 420 530,55 euros au titre des travaux de remise en état,
* 56 100 euros à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice de jouissance,
- Dire et juger que la dite condamnation portera intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2014, jour de la demande,
- Condamner in solidum la SA GAN Assurances, la MUDETAF et la société I... France à payer la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Débouter la SA GAN Assurances, la MUDETAF et la société I... France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Vu les conclusions de la Mutuelle Confédérale d'assurances des Débitants de Tabac de France, intimée, notifiées le 27 février 2017, aux termes desquelles il est demandé à la Cour de':
- Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a omis de statuer sur la prescription de l'action de Maurice X... sur le fondement du prétendu manquement contractuel de la MUDETAF,
- Dire et juger irrecevable car prescrite l'action de Maurice X... sur le fondement du prétendu manquement contractuel de la MUDETAF,
- Débouter Maurice X... de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
- Condamner Maurice X... à verser à la MUDETAF la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions de la société GAN Assurances Iard, intimée, signifiées le 24 janvier 2017, aux termes desquelles il est demandé à la Cour de':
A titre principal':
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et débouter Maurice X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du GAN Assurances,
A titre infiniment subsidiaire, et dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement quant à la garantie du GAN'Assurances :
- Dire et juger que la garantie du GAN Assurances est limitée au sinistre déclaré en août 2009,
- Dire et juger que l'indemnisation du GAN Assurances se limite au paiement des travaux soit 20 000 euros, correspondant à sa période de mise en oeuvre de sa garantie,
- Dire et juger que toute indemnisation relative au préjudice de jouissance, qui serait mise à la charge du GAN Assurances, sera limitée à sa période de garantie, soit uniquement à compter d'août 2009,
- Condamner Maurice X... à payer au GAN Assurances la somme de 5000 euros au titre de1'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions de la SA I... FRANCE, intimée, notifiées le 31 mars 2017, aux termes desquelles il est demandé à la Cour de':
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions relatives à la concluante et en tant que de besoin débouter Maurice X... de toutes ses demandes en ce qu'elles sont formées contre la SA I... FRANCE ,
- Le condamner à payer à la concluante la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La procédure a été clôturée le 5 septembre 2018.
MOTIFS DE LA DECISION':
- Sur les demandes à l'encontre de la MUDETAF':
Maurice X..., auquel est opposée la prescription biennale quant à son action à l'encontre de la MUDETAF, fait valoir que l'assureur a renoncé à se prévaloir de cette prescription.
A la suite de la déclaration de sinistre adressée par Maurice X..., le 26 juin 2001, le cabinet GAB Robins, mandaté par la MUDETAF, a transmis son rapport et le 27 novembre 2001, les conclusions de la société ERG qu'il avait lui même mandaté.
Le 7 décembre 2001, la MUDETAF a notifié à Maurice X... un refus de garantie 'catastrophe naturelle''et lui a transmis le 3 janvier 2002 les deux expertises amiables diligentées.
Contestant leurs conclusions, Maurice X... a mandaté la société Ingerov.
Suite à son intervention, s'en est suivi un échange avec la MUDETAF, le cabinet GAB Robins et la société ERG.
Le simple fait pour l'assureur, postérieurement à son refus de garantie et suite aux contestations de son assuré, de solliciter notamment des investigations complémentaires aux fins de confirmer la cause des désordres en l'état des conclusions de la société Ingerov, est insuffisant à établir la volonté manifeste de l'assureur de renoncer à se prévaloir de la prescription biennale, alors, qu'il lui incombe de justifier auprès de son assuré de son refus de garantie.
Toutefois, lors d'une action en responsabilité contractuelle engagée à l'encontre d'un assureur, le point de départ de la prescription n'est pas la date de survenance ou de connaissance du sinistre mais celle de la connaissance du manquement à l'obligation contractuelle.
Il apparaît, comme le soutient Maurice X... que ce n'est que lors du dépôt du rapport de M. L..., le 12 novembre 2013, qui a retenu comme cause des fissures affectant son habitation, les événements climatiques ayant conduit aux arrêtés de catastrophe naturelle des 27 décembre 2000 et 20 juillet 2009, que l'action contre la MUDETAF, à laquelle il est reproché un manquement à ses obligations contractuelle du fait de son refus de garantie, a pu être engagée. L'assignation étant intervenue le 18 avril 2014, son action n'est donc pas prescrite.
Maurice X... reproche à la MUDETAF d'avoir eu un 'comportement déloyal et dilatoire lui faisant croire qu'il bénéficiait de sa garantie'' et un manquement 'à son obligation de loyauté' sans expliciter les fautes reprochées.
Il convient de rappeler que dès le 7 décembre 2001, la MUDETAF a notifié à son assuré un refus de garantie sur la base des conclusions des deux experts qu'elle a mandaté.
Maurice X... a eu connaissance des rapports du cabinet GAB Robins et de la société ERG, selon courrier de la MUDETAF en date du 3 janvier 2002. Contestant leurs conclusions il a mandaté la société Ingerov dès le courant du mois de mars 2002.
Cette société a conclu'le 19 mars 2002 : cet ouvrage (') est assisé sur des sols médiocres qui peuvent tasser avec la baisse de la nappe phréatique ou avec un changement de teneur en eau (') la sécheresse peut être incriminée dans ce sinistre, les sols médiocres étant eux aussi l'objet de tassements lors de l'altération de leurs teneurs en eaux.
A l'issue, la MUDETAF n'a pas modifié sa position de refus.
En l'état de ces éléments, aucune faute ne peut être reprochée à la MUDETAF tant dans la gestion matérielle du sinistre que quant à son refus de garantie fondé sur les conclusions de professionnels qu'elle reprend in extenso dans le courrier adressé le 7 décembre 2001 à Maurice X....
Pour ces motifs, la décision du premier Juge qui a débouté Maurice X... de ses demandes formulées à l'encontre de la MUDETAF sera confirmée.
- Sur les demandes à l'encontre du GAN':
Maurice X... a souscrit une assurance auprès du GAN avec prise d'effet au 1er novembre 2003.
Courant août 2009, il a déclaré un sinistre au GAN au titre de fissures apparues sur son habitation qui seraient en relation avec les intempéries ayant conduit à l'arrêté de catastrophe naturelle du 20 juillet 2009.
L'expertise en date du 12 novembre 2013 mentionne': les désordres qui affectent la villa de M. X... sont liés à catastrophe naturelle (') la première déclaration de sinistre concernait la période de sécheresse du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998 (arrêté catastrophe naturelle du 27 décembre 2000) et l'autre, la période du 1er juillet 2008 au 30 septembre 2008 (arrêté du 20 juillet 2009). Dans la mesure où la villa n'a pas fait l'objet de travaux de reprise d'oeuvre, les mouvements différentiels par frottement entre les parties d'ouvrage enterrées et la terre argileuse ne pouvait que perdurer et aggraver les désordres dans le temps.
Ainsi, si l'expert conclut que les désordres affectant la villa de Maurice X... sont liés à catastrophe naturelle, en ce qui concerne la déclaration d'août 2009, seule intéressant le GAN, il précise qu'ils résultent également d'une aggravation de l'état antérieur, suite au défaut de mise en oeuvre de travaux de reprise.
Dès lors, faute pour Maurice X... d'établir que les dommages matériels affectant le bien assuré auprès du GAN à compter du 1er novembre 2003, ont pour cause déterminante les événements ayant conduit à l'arrêté de catastrophe naturelle du 20 juillet 2009, il n'y a pas lieu de recevoir les demandes formulées à l'encontre de cet assureur.
- Sur les demandes à l'encontre de la SA I... FRANCE :
Maurice X... soutient que la société I... a commis une faute quasi délictuelle en n'ayant pas identifié les vraies causes des désordres, fait les recherches appropriées à la cause et avec les outils qui étaient déjà à sa disposition à cette période, et en ayant par deux fois eu recours à la société ERG qui ne disposait pas des outils adaptés à l'expertise sollicitée.
Au préalable, le simple fait pour la société GAB Robins, devenue I...' d'avoir rendu des conclusions différentes de celles du rapport L... ne peut suffire à retenir l'existence d'une faute quasi délictuelle, chacun des deux experts ayant motivé son rapport.
La société GAB Robins, devenue I..., a établi son rapport sur la base des constatations et conclusions de la société ERG, non mise en cause dans la présente procédure, qui a seule effectué une étude géotechnique du terrain d'assise de la villa de Maurice X... (1ère mission 29 octobre 2001) ainsi que des sondages de reconnaissance complémentaires par carottages avec prélèvements d'échantillons et essais en laboratoire (2ème mission du 21 janvier 2003) lui ayant permis de conclure que les désordres affectant la villa de Maurice X...étaient dus aux caractéristiques géotechniques médiocres du sol et à une construction de qualité moyenne.
Il ne peut donc être reproché à la société GAB Robins devenue I... d'avoir retenu les conclusions du professionnel mandaté par elle ou de ne pas être intervenue dans la méthode employée.
Au surplus, l'expert L... précise, quant à son mode opératoire : nous disposons d'un radar Géophysique qui est un outil de très haute technologie nous permettant d'effectuer des investigations entre 0 et 50 mètres de profondeur en obtenant une imagerie véritable échographie du sous-sol ausculté ( ' ) les traitements de ces ondes électromagnétiques sont effectués au moyen de deux éléments principaux': l'antenne radar et l'unité centrale laquelle est reliée à un ordinateur portable.
Aucun élément ne permet d'établir avec certitude que la technologie utilisée en 2013 par l'expert L... était disponible en 2001, lors de l'intervention de la société ERG, le courrier de Georadar Services du 8 décembre 2016 qui mentionne': même s'il s'agit d'une des plus récentes méthodes d'investigations géophysiques elle est utilisée en France depuis une trentaine d'années étant insuffisante à éclairer la Cour sur ce point.
Il n'y a donc pas lieu de recevoir les demandes de Maurice X... formulées à l'encontre de la SA I... FRANCE .
PAR CES MOTIFS':
La Cour par décision contradictoire en dernier ressort':
- Confirme le jugement en date du 24 octobre 2016,
Y ajoutant,
- Déboute Maurice X... de ses demandes formulées au titre de la responsabilité contractuelle de la MUDETAF,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamne Maurice X... aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE