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04/10/2018 | FRANCE | N°17/15456

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 04 octobre 2018, 17/15456


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


11e Chambre A





ARRÊT AU FOND


DU 04 OCTOBRE 2018





N° 2018/ 386




















Rôle N° RG 17/15456 -


N° Portalis DBVB-V-B7B-


BBB4O











SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG








C/





Pierre X...


Danièle X...























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Copie exécutoire délivrée


le :


à :





Me Sonia Z...





Me Pierre-yves Y...














Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal d'Instance de FREJUS en date du 18 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-13-0008.








APPELANTE





SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG Venant aux droits de la S...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 04 OCTOBRE 2018

N° 2018/ 386

Rôle N° RG 17/15456 -

N° Portalis DBVB-V-B7B-

BBB4O

SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG

C/

Pierre X...

Danièle X...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sonia Z...

Me Pierre-yves Y...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de FREJUS en date du 18 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-13-0008.

APPELANTE

SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG Venant aux droits de la S.A COFIDIS, dont le siège social est situé [...] D'ASQ, demeurant [...]

représentée par Me Sonia Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur Pierre X...

né le [...] à IBOS (65), demeurant [...] [...]
[...]

représenté par Me Pierre-yves Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Danièle X...

née le [...] à LIVRY GARGAN, demeurant [...] [...]
[...]

représentée par Me Pierre-yves Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2018 en audience publique devant la cour composée de:

Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2018,

Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte d'huissier en date du 29 novembre 2013, la société Cofidis a fait assigner M. Pierre X... et à Mme Danielle X... en paiement des soldes de deux prêts consentis les 20 avril 2010 et 17 octobre 2011, dont à la suite d'impayés, elle a prononcé la déchéance du terme.

Par acte sous seing privé en date du 27 août 2014, la société Cofidis a cédé à la société Intrum DEBT Finance AG, la créance qu'elle détenait à l'égard des consorts X... au titre de ces deux prêts.

Par jugement en date du 18 juillet 2017, le tribunal d'instance de Fréjus a déclaré la société Intrum DEBT Finance AG irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir, motifs pris de l'absence de preuve de la cession de créance au regard des bordereaux de cession produits relativement au prêt de 21 500 euros et de l'existence d'une contradiction de sommes au titre de l'autre prêt, ainsi que de l'absence de signification de la cession de créance au débiteur en application de l'article 1690 du Code civil.

La SA Intrum DEBT Finance AG a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 16 mai 2018, la SA Intrum DEBT Finance AG, concluant à l'infirmation du jugement, a demandé à la cour de dire et juger son action recevable, et de condamner solidairement Monsieur Pierre X... et Mme Danielle X... à lui payer les sommes de :

- au titre du prêt de 21 500 euros, 15 796,37 euros avec intérêts au taux de 8,46 % à compter du 28 août 2013,

- au titre du prêt de 4 000 euros, la somme de 4 154,73 euros avec intérêts au taux de 9,96 % à compter du 28 août 2013.

L'appelante a de plus conclu à la prescription de la demande de nullité du contrat de prêt souscrit le 20 avril 2010 et au débouté des intimés de leurs demandes et, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande en nullité, demandé à la cour de dire et juger que les parties devront être mises dans l'état dans lequel elles se trouvaient préalablement à la conclusion des contrats de prêt et d'ordonner la restitution par les intimés des capitaux prêtés, déduction faite des sommes versées par les emprunteurs.

La SA Intrum DEBT Finance AG a conclu enfin à la condamnation solidaire de Monsieur et Mme X... au paiement de la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.

L'appelante expose que la notification prévue à l'article 1690 du Code civil, peut parfaitement intervenir en cours de procédure dans le cadre de conclusions et qu'en outre, le défaut d'accomplissement de ces formalités ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer du débiteur cédé l'exécution de son obligation quand cette exécution n'est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance, soit à ce débiteur cédé soit à une autre personne étrangère à la cession.

Elle ajoute que le tribunal a manifestement confondu le nombre des créances cédées, 4147, avec le montant des créances cédées concernant Monsieur X..., le numéro des créances cédées figurant sur la lise annexée à l'acte de cession correspondant aux numéros de contrat figurant sur l'offre et sur l'historique de compte.

La SA Intrum DEBT Finance AG oppose en outre la prescription au moyen de défense tiré de la nullité du contrat de prêt signé en avril 2010, pour n'avoir pas été soulevée dans un délai de cinq ans et, concernant le devoir de conseil et de mise en garde, produit une fiche de solvabilité certifiée exacte par les emprunteurs reprenant les revenus et charges de ceux-ci.

Par conclusions déposées et notifiées le 30 mai 2018, Monsieur et Mme X... ont conclu, à titre principal, à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et en conséquence, au rejet des demandes de la SA Intrum DEBT Finance AG et subsidiairement, si la cour devait déclarer l'appelante recevable en ses demandes, demandé à la cour de prononcer la nullité des contrats de prêt souscrit par eux, de constater le défaut de conseil et de mise en garde du prêteur et condamner la Intrum DEBT Finance AG à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté, d'ordonner la compensation entre les éventuelles créances réciproques.

Les intimés ont conclu, en tout état de cause, à la condamnation de la SA Intrum DEBT Finance AG au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Sur l'absence d'intérêt à agir de la SA Intrum DEBT Finance AG, les intimés ont repris la motivation du premier juge.

Ils font valoir, qu'à la date de la signature du prêt souscrit par Monsieur X..., celui-ci était atteint de troubles altérant son discernement, considérant, concernant le point de départ du délai de prescription, que c'est à la date de la cessation du trouble que le délai de prescription quinquennal commence à courir.

Monsieur et Mme X... se prévalent enfin d'un manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde en ce que :

- la preuve n'est pas rapportée de la vérification des capacités financières de l'emprunteur, la fiche de solvabilité produite ne mentionnant aucune charge ;

- le prêteur doit vérifier l'état de santé mentale de l'emprunteur.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. La signification du transport faite au débiteur, en application de l'article 1690 du Code civil applicable à l'espèce, est considérée comme valablement effectuée par la notification, en cours d'instance, de conclusions, ayant pour effet de lui rendre opposable la cession.

La SA Instrum Justitia DEBT Finance AG produit d'un extrait de la liste des créances cédées annexé au bordereau de créances qui comporte le numéro de chacun des contrats de prêt dont s'agit, justifiant ainsi du caractère effectif de la cession de créance concernant ces prêts.

La SA Intrum DEBT Finance AG est par conséquent recevable en ses demandes, le jugement étant infirmé en ce qu'il a statué en sens contraire pour défaut de qualité à agir de la société.

2. La société Cofidis a consenti deux prêts à Monsieur et Mme X... les 20 avril 2010 et 17 octobre 2011.

L'article 414-1 du Code civil dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit et que c'est à celui qui agit en nullité pour insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

L'article suivant précise que, de son vivant, l'action n'appartient qu'à l'intéressé.

Il ressort des documents médicaux produits par les intimés que Monsieur X... est atteint, depuis 2001 d'une détérioration intellectuelle progressive de type démentiel, définitive et irréversible.

Ces éléments établissent que Monsieur X... était atteint d'un trouble mental au moment de la signature des deux prêts, et celui-ci ne bénéficiant d'aucune mesure de protection, s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir en nullité, de sorte que le délai de prescription de cinq ans invoqué par la SA Intrum DEBT Finance AG s'est trouvé suspendu, le moyen tiré de la nullité des deux contrats étant à bon droit soulevé.

Ces contrats ayant été en partie exécutés, les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant cette exécution et en conséquence de la nullité prononcée, procéder aux restitutions des sommes prêtées, déduction faite des paiements opérés.

Il reste dû, concernant le prêt d'un montant de 21 500 euros, une somme de 9 182,53 euros et concernant le prêt d'un montant de 4 000 euros, celle de 3 359,67 euros, sommes au paiement desquelles Monsieur X... doit être condamné, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013, date de l'assignation.

Par contre, la nullité ayant pour objet de protéger la seule personne atteinte de trouble mental, il s'agit d'une nullité relative, qui n'affecte pas les rapports de la SA Intrum DEBT Finance AG avec Mme X....

3. Si la cession de créance a pour effet d'emporter de plein droit transfert de tous les accessoires de ladite créance, et notamment des actions en justice qui lui sont attachés, ce principe exclut que la responsabilité du cessionnaire soit engagée du fait, comme en l'espèce, d'une faute alléguée de la banque, recherchée sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, Mme X... étant déboutée de sa demande au titre du manquement invoqué de Cofidis à son devoir de conseil et de mise en garde.

4. Aux termes de l'article L.311-24 du Code de la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

Au regard du décompte produit, ainsi que du tableau d'amortissement, la SA Intrum DEBT Finance AG est en droit de réclamer les sommes suivantes :

1. Prêt de 21 500 euros :

- 3 085,11 euros au titre des échéances impayées,

- 11 588,69 euros au titre du capital restant dû,

soit un total de 14 673,80 euros,

2. Prêt de 4 000 euros :

- 594,37 euros au titre des échéances impayées,

- 3 267,64 euros au titre du capital restant dû,

soit un total de 3 862,01 euros ,

soit un total global de 18 535,81 euros au paiement duquel Mme X... doit être condamnée avec intérêts au taux contractuel de 8,46 % sur la somme de 14 673,80 euros et de 9,96 % sur celle de 3 862,01 euros, à compter du 29 novembre 2013, date de l'assignation à défaut de production d'une mise en demeure antérieure.

L'article ci-dessus visé prévoit également que le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du Code civil, sera fixée selon un barême déterminé par décret.

Ce montant est établi par l'article D.311-6 du Code de la consommation à 8% du capital restant dû.

Il est fait droit à la demande pour les sommes de 927,09 euros et 261,41 euros.

Ces indemnités produiront intérêts au taux légal et non au taux contractuel comme sollicité par la SA Intrum DEBT Finance AG, ce à compter du présent arrêt.

L'équité commande de ne pas faire droit à la demande de la SA Intrum DEBT Finance AG fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Infirme le jugement en date du 18 juillet 2017 prononcé par le tribunal d'instance de Fréjus et statuant à nouveau :

Déclare la SA Intrum DEBT Finance AG recevable en ses demandes ;

Prononce la nullité des contrats de prêts souscrits les 20 avril 2010 et 17 octobre 2011à l'égard de Monsieur X... seul ;

Condamne Monsieur X... à payer à la SA Intrum DEBT Finance AG les sommes de :

- 9 182,53 euros au titre du prêt d'un montant de 21 500 euros,

-3 359,67 euros au titre du prêt d'un montant de 4 000 euros,

avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013;

Condamne Mme X... à payer à la SA Intrum DEBT Finance AG les sommes de :

- 18 535,81 euros avec intérêts au taux contractuel de 8,46 % sur la somme de 14 673,80 euros et de 9,96 % sur celle de 3 862,01 euros, ce à compter du 29 novembre 2013;

- 1 188,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu de faire application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur et Mme X... aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 17/15456
Date de la décision : 04/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°17/15456 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-04;17.15456 ?
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