COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 04 OCTOBRE 2018
N° 2018/282
Rôle N° 17/09967
Société AGPM VIE
C/
Johann X...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Y... Z...
Me O. A...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 20 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06060.
APPELANTE
Société AGPM VIE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
siège social [...]
représentée et assistée par Me Jean-Michel Z... de la SCP PLANTARD Z... F..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur Johann X...
né le [...] à VALENCE (26000),
demeurant [...]
représenté par Me Olivia A... G... de la SCP SCP FRANCOIS A... E... MENIGOZ, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Laetitia B..., avocate au barreau de NÎMES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2018 en audience publique devant la Cour composée de:
M. Jean-François BANCAL, Président
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)
Mme Sophie LEYDIER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2018,
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Le 9 mars 2004, Monsieur X..., gendarme, a adhéré à un contrat d'assurance groupe souscrit par l'AGPM auprès de la société AGPM Vie, instituant un régime de prévoyance pour les risques décès, invalidité absolue et définitive, incapacité permanente par accident.
Le 21 mai 2010, Monsieur X... a été victime d'un accident vasculaire cérébral sur son lieu de travail.
Le 7 juin 2010, Monsieur X... a déclaré le sinistre à la société AGPM Vie au titre du risque invalidité absolue et définitive ;
celle-ci lui a notifié un refus de garantie le 1er août 2013, au motif que son état de santé ne justifiait pas un classement en invalidité absolue et définitive.
Le 20 avril 2015, Monsieur X... a demandé la prise en charge des conséquences de l'accident, au titre du risque incapacité permanente par accident ;
la société AGPM Vie lui a notifié un refus de garantie au motif que son état de santé n'était pas consécutif à un accident.
Par acte d'huissier en date du 2 novembre 2015, Monsieur X... a fait assigner la société AGPM Vie devant le tribunal de grande instance de Toulon, à l'effet de la voir condamnée à lui payer sur le fondement des articles 1134 et suivants du code civil, la somme de 99 889,20 € au titre du capital incapacité permanente par accident, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015 et une indemnité de procédure.
La société AGPM Vie a conclu au débouté de Monsieur X... de ses demandes et à la condamnation de celui-ci au paiement d'une indemnité de procédure.
Par décision en date du 20 avril 2017, le tribunal de grande instance de Toulon a :
- condamné la société AGPM Vie à payer à Monsieur X... la somme de 99 889,20€, au titre du capital incapacité permanente par accident, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015,
- condamné la société AGPM Vie aux dépens,
ainsi qu'à payer à Monsieur X..., la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société AGPM Vie a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 24 mai 2017.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2017, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société AGPM Vie demande à la cour au visa des articles 1134 et 1315 du code civil dans leur numérotation applicable au jour du sinistre :
- d'infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
- de dire que Monsieur X... n'établit pas la preuve qu'il a été victime d'un accident au sens du risque objet de l'assurance, tel que défini dans les conditions du contrat 'objectif prévoyance' conclu avec la concluante,
- de dire que Monsieur X... n'établit pas la preuve que l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime le 21 mai 2010, est consécutif à une cause extérieure brutale, imprévisible et soudaine,
- de dire que l'hypothèse d'un lien de cause à effet direct entre l'intervention réalisée par Monsieur X... le 21 mai 2010 avec d'autres gendarmes dans le cadre d'une patrouille à la demande de la Gendarmerie de Nice, et l'accident vasculaire cérébral survenu plusieurs heures après, alors que l'intéressé était toujours en service, mais en train de prendre la déposition de la victime des faits, ne peut être retenue en l'absence de certitude à ce sujet et compte-tenu du rapport d'expertise qui écarte cette analyse,
- de dire qu'en conséquence la concluante a refusé à bon droit d'indemniser Monsieur X... des suites de l'accident vasculaire cérébral du 21 mai 2010 et de rejeter toutes les demandes de celui-ci,
- subsidiairement,
' de réformer le jugement déféré en ce qu'il a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 60% sans égard aux modalités de détermination de ce taux prévues au contrat sur la base du droit commun,
' de débouter Monsieur X... de ses demandes, faute d'avoir établi au contradictoire de la concluante, le taux d'incapacité dont il reste atteint consécutivement au sinistre,
- plus subsidiairement,
' de réformer le jugement sur le montant du capital alloué,
' de limiter ce montant à la somme de 97 431,60 € correspondant aux modalités de calcul contractuel par référence au capital au jour du sinistre,
- en tout état de cause,
' de condamner Monsieur X... aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ces derniers,
' de condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' de débouter Monsieur X... de toutes autres demandes.
Par ses dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2017, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur X... a formé appel incident et demande à la cour au visa des articles 1134 et 1315 du code civil (ancienne numérotation) :
- de réformer partiellement la décision déférée sur le quantum des sommes allouées,
- de condamner la société AGPM Vie à payer au concluant la somme de 97 431,60 € au titre du capital incapacité permanente par accident,
- de dire que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande formulée le 20 avril 2015,
- de condamner la société AGPM Vie aux dépens, ainsi qu'à payer au concluant la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure est en date du 19 juin 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte des conditions générales du contrat auquel Monsieur X... a adhéré, qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un accident au sens contractuel du terme, pour que la garantie incapacité permanente par accident soit mobilisable, l'accident étant défini comme toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure subie par lui.
Dans le cadre de l'instruction de sa demande antérieure de prise en charge au titre de la garantie invalidité absolue et définitive, Monsieur X... avait été examiné à la demande de la société AGPM Vie, par le docteur C... ;
dans le rapport adressé par celui-ci le 5 avril 2013, il est indiqué que Monsieur X... présente des séquelles d'un accident vasculaire cérébral avec hémiplégie spastique gauche importante prédominant au membre supérieur et hémianopsie latérale gauche sur l'oeil gauche et cécité quasi complète de l'oeil droit, que son état peut être considéré comme consolidé au 28 mars 2013, qu'il est dans l'impossibilité totale de poursuivre sa profession, demeure hypothétiquement apte à une activité distincte en tenant compte de son handicap, s'agissant d'un sujet droitier dont les capacités d'écritures sont à peu près préservées.
Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise neurologique établi par le professeur D... le 19 mai 2014 sur désignation du tribunal de grande instance de Nîmes dans le cadre de la demande de pension militaire faite par Monsieur X... :
que celui-ci avait été opéré en mars 2009 avec mise en place d'une bioprothèse aortique et mitrale sur notion d'une fuite aortique connue, d'une dilatation du ventricule gauche et d'un souffle au coeur connu de manière ancienne, et avait fait l'objet d'un contrôle sur ce point en avril 2010 qui s'était avéré normal ;
qu'il a présenté lors de son travail, sans aucun dysfonctionnement valvulaire ni cardiologique, sans facteur de risque vasculaire, dans des circonstances émotionnelles majeures, un accident vasculaire cérébral ischémique sévère le 21 mai 2010 à 23h 40, ayant entraîné une hémiplégie gauche massive associée à des troubles sensitifs de l'hémicorps gauche, une cécité droite et une HLH gauche, que l'état actuel est caractérisé par une hémiplégie bracciofaciale gauche, une hypoesthésie de l'hémicorps gauche, une quasi-cécité droite et une HLH gauche, une épilepsie partielle pharmaco résistante, un syndrome dépressif ;
que l'expert n'a pas retrouvé dans l'entier dossier médical de Monsieur X..., de notion de passage en fibrillation auriculaire ;
qu'il est retrouvé une cause dans la moitié des accidents vasculaires cérébraux ;
qu'il convient ici de retenir comme cause probable de l'accident vasculaire cérébral ischémique de Monsieur X... une origine embolique du fait de l'âge, sans que l'on puisse en apporter la preuve, un passage en arythmie cardiaque en situation de stress pouvant être évoqué mais non démontré ;
que le taux de déficit fonctionnel permanent consécutif à l'accident vasculaire cérébral est de 60%.
Toutefois, ce rapport comporte en annexe, les différents documents médicaux lui ayant été soumis, dont un certificat médical établi le 24 avril 2013 par le professeur Brunon, neurochirurgien, retenant que même s'il existe des facteurs de risque cardiaque, l'accident vasculaire cérébral de Monsieur X... est survenu pendant les heures de service, a été précédé d'efforts physiques importants et de stress, dont on connaît leurs rôles favorisant dans la survenue des accidents vasculaires cérébraux.
Il résulte enfin d'une attestation établie le 20 juillet 2011 par le maréchal des logis chef Saby, que le 21 juin 2010, en patrouille à partir de 20h 50 avec le gendarme X..., qui lui avait paru fatigué et peu en forme, ils ont interpellé un individu agressif et alcoolisé ayant commis des violences physiques sur son père âgé, que cet individu a émis une résistance à les suivre, qu'ils ont dû le menotter, que lors de son transport à l'unité, le gendarme X... a dû le maintenir fermement pour ne pas qu'il s'échappe, faire face à des excès de violences et à des propos peu agréables, qu'une fois dans leurs locaux et l'individu placé en cellule, le gendarme X... était livide et exténué, que quelques minutes après avoir commencé l'audition de la victime, il a fait un accident vasculaire cérébral.
Au vu du rapport établi par les services de gendarmerie le 16 juin 2010, le placement en chambre de sûreté a eu lieu à 22h 50 et c'est peu avant 23h 40 que le gendarme X... a manifesté les signes d'un accident vasculaire cérébral.
Il s'ensuit qu'au regard des circonstances de l'interpellation, du peu de temps s'étant écoulé entre celle-ci et l'atteinte corporelle dont Monsieur X... a été victime, de l'absence de preuve d'une arythmie cardiaque, de l'absence de prise en compte par les médecins susvisés de la fatigue antérieure en tant qu'élément susceptible de venir corroborer une cause interne, la dite atteinte corporelle doit être imputée à l'action soudaine d'une cause extérieure à savoir les difficultés de l'interpellation.
La décision déférée doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a retenu que la société AGPM Vie doit sa garantie à Monsieur X....
Si la société AGPM Vie fait valoir à juste titre que le taux d'incapacité permanente doit, en application des conditions générales du contrat, être déterminé par référence au barême indicatif des déficits fonctionnels séquellaires de droit commun, elle ne peut utilement contester le taux proposé par le professeur D... au motif qu'elle n'a pas été attraite à l'expertise, dès lors que les éléments médicaux ayant servi de base à la détermination de ce taux sont identiques à ceux retenus par l'expert qu'elle avait désigné antérieurement, que les dits éléments lui permettaient de proposer un taux de déficit permanent et qu'elle ne démontre pas que celui-ci serait autre que 60%, au regard du barême de droit commun.
La décision déférée sera dès lors également confirmée en ce qu'elle a retenu le taux de 60%.
En revanche, Monsieur X... ne conteste pas que le capital garanti devant servir de base pour le calcul de l'indemnité lui revenant, soit celui en vigueur lors de l'accident et non celui figurant sur l'avenant établi le 1er mars 2015, comme sollicité par lui en première instance et retenu par le tribunal, de sorte que la décision déférée sera infirmée concernant le montant de l'indemnité allouée, qui doit être fixé à la somme de 97 431,60 €, outre les intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 20 avril 2015.
La société AGPM Vie succombant en l'essentiel de ses prétentions, supportera les dépens de la présente instance et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 2000 € à Monsieur X....
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme la décision du tribunal de grande instance de Toulon en date du 20 avril 2017,
excepté en ce qui concerne le montant de l'indemnité revenant à Monsieur Johann X....
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la société AGPM Vie à payer à Monsieur Johann X... la somme de 97 431,60 €, au titre du capital incapacité permanente par accident, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015.
Condamne la société AGPM Vie aux dépens de la présente instance,
ainsi qu'à payer à Monsieur Johann X... la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société AGPM Vie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT